Petit retour sur les primaires de la semaine dernière et de cette semaine, enfin sur les éléments principaux :
1) au Wyoming en effet, Cheney s'est pris une très grosse tôle. On notera qu'elle n'emporte que 2 comtés, comme par hasard, les 2 seuls comtés de l'état ayant voté Biden en 2020 :). Il a du y avoir quelques électeurs démocrates qui ont fait l'effort d'aller voter pour elle, mais bien peu d'électeurs républicains, dans un état aussi rouge que le Wyoming ça a scellé son sort.
Par contre, en Alaska on notera qu'il en est tout autrement pour Murkowski, autre apostat en trumpie (qui a elle aussi voté en faveur de la condamnation de Trump). Et là pour le coup, les comparaisons sont très parlantes. Les résultats ne sont pas encore définitifs (il manque environ 12 ou 13 000 voix à dépouiller).
Sur l'élection spéciale pour le poste de représentant à la Chambre, la démocrate Peltola vire en tête assez nettement (68 000 voix pour l'heure, 39%), devant Palin (55 000 voix et 31.4%) et Begich (49 500 voix et 28.2%), le reste allant à des candidats en write-in. Les derniers bulletins tendent à augmenter l'écart entre Peltola et Palin. On a donc pour le moment 68 000 voix pour le candidat démocrate, et 104 500 pour les candidats républicains (en gros, un rapport de 60/40, assez raccord avec l'Alaska, là où on Wyoming on est plutôt sur du 70/30). Une fois que le dépouillement initial sera terminé, le candidat éliminé (Begich, un républicain plus centriste que Palin) verra ses suffrages reportés entre les 2 candidats de tête pour leurs seconds choix. Pour l'emporter, le démocrate devrait voir entre 35% et 40% des électeurs de Begich le choisir comme second choix. C'est beaucoup, mais je n'exclue pas totalement l'hypothèse. Je pense que Palin va l'emporter, mais avec une marge pas si énorme que ça ?
Par contre, sur la sénatoriale, on a des résultats très différents. Déjà , il faut noter l'effondrement assez dantesque du principal candidat démocrate qui arriver 3e, et réunit péniblement 11 500 voix, soit 6.5% (soit à peine 17% des voix de la candidate démocrate sur la partielle !). Et les 2 candidates républicaines polarisent énormément l'élection, puisqu'elles recueillent à elles deux 85% des voix. Murkowski vire en tête (79 000 voix et 44.5%) suivie de Tshibaka (69 500 voix et 39.3%). Le 4e candidat est un républicain qui récupère moins de 4 000 voix et 2.2%. Là aussi il manque encore quelques milliers de voix à dépouiller, et les 4 seront départagés par votes de préférence lors de la générale en novembre. Là aussi les derniers dépouillements ont plutôt tendance à accroître l'écart entre Murkowski et Tshibaka. Cette dernière récupère environ les 2/3 des voix républicaines de la partielle. Murkowski en récupère sans doute entre 25 et 30% (le reste allant sur les autres petits candidats républicains ou quelques libertariens). Elle récupère par contre au moins 75% des voix démocrates, auxquelles s'ajoutent aussi quelques électeurs indépendants.
Tout cela confirme ce que j'évoquais avant les primaires : l'Alaska est moins rouge que le Wyoming, et le profil politique de Murkowski fait qu'elle attire à elle des électorats différents (démocrates, républicains et indépendants). Je continue à parier sur une réélection de Murkowski en novembre (mais sans doute pas avec une marge énorme non plus).
2) sur les élections de cette semaine (New-York, Oklahoma et Floride) pas de grosses surprises. En Floride, les démocrates ont bien choisi Val Demings pour affronter le sénateur sortant Marco Rubio, et l'ancien gouverneur Crist (de 2007 à 2011, républicain à l'époque, il est devenu démocrate lorsqu'il s'est rallié au soutien de l'obamacare en 2008) pour affrontera le gouverneur républicain sortant DeSantis. Dans cet état, les sortants républicains restent favoris, mais je pense que sur la sénatoriale Demings en donnera pour son argent à Rubio.
Au niveau des districts des représentants à la Chambre, le district que quitte Demings (le district 10) a vu les primaires démocrates désigner Frost comme candidat. Si il est élu en novembre (ce qui est fort probable, le district penchant tout de même côté démocrates), cet Afro-Cubain deviendrait le plus jeune élu du Congrès, puisqu'il a 25 ans (soit l'âge minimum requis pour être élu représentant à la Chambre).
A New-York, gros jeu de chaises musicales avec le redécoupage électoral, qui a vu 2 sortants démocrates rester sur le carreau face à 2 autres sortants démocrates.
Mais sur les primaires de cette semaine, ce qui a surtout retenu l'attention ce sont les résultats de 2 élections partielles pour 2 districts à la Chambre, penchant tous 2 républicains : les districts 19 de New-York (PVI à R+4, le sortant démocrate Delgado ayant démissionné pour pouvoir devenir lieutenant-gouverneur de l'état) et 23 de New-York (PVI à R+15, le sortant républicain ayant démissionné sur fond d'accusations sexuelles). Le district 19 a surtout retenu l'attention puisque les 2 partis ont investi beaucoup (les démocrates pour conserver le siège, les républicains pour le faire basculer). Les démocrates ont conservé le 19 (52/48), et les républicains ont conservé le 23, mais avec un résultat étonnamment serré pour un district aussi rouge (53/47).
Et il faut bien avouer que depuis que la SCOTUS a renversé l'avis sur le droit à l'avortement, les démocrates obtiennent sur les partielles à la Chambre des résultats étonnamment bons pour le parti du Président en exercice. Sur les partielles ayant eu lieu avant l'avis de la SCOTUS, les candidats républicains avaient obtenu des résultats à R+2 par rapport aux différents PVI des districts concernés (ce qui déjà , en soit, n'est pas si fameux que ça pour le parti d'opposition à celui du Président en place selon les standards politiques américains habituels). Depuis l'avis, les partielles ont vu les démocrates obtenir des résultats à D+9 (qui plus est dans des districts très républicains), ce qui est là tout à fait inhabituel pour ce genre de partielles.
https://fivethirtyeight.com/features/ye ... democrats/https://www.nytimes.com/2022/08/24/upsh ... lysis.htmlEt les résultats dans ces différentes partielles tendraient à accréditer les derniers sondages qui indiquent qu'au niveau national les démocrates seraient repassés devant dans les intentions de votes à la Chambre (de l'ordre de 3 à 5 points ?).
Alors j'en suis pas du tout à pronostiquer que les démocrates vont aussi conserver la Chambre. Déjà parce que leur majorité actuelle est beaucoup trop étroite, ensuite parce que le climat de l'été ne sera pas forcément celui de l'automne, et surtout parce qu'il y a un gerrymandering massif et beaucoup de sortants démocrates qui ne se représentent pas.
Mais, à la Chambre aussi j'ai de plus en plus de mal à voir un scénario de tsunami rouge se produire.
Quant au Sénat, il y a désormais plusieurs campagnes de candidats républicains qui tournent plus ou moins au fiasco. L'exemple le plus frappant est celle du candidat républicain Oz en Pennsylvanie. Ce dernier enchaîne les boulettes (une vidéo assez suréaliste où il tente de faire croire qu'il achète ses courses dans un supermarché de Pennsylvanie, en employant des mots très guindés, en employant le nom d'un magasin du New-Jersey à la place de l'enseigne de Pennsylvanie, son véritable état d'origine) et les polémiques (il a déclaré posséder 2 maisons alors qu'il en possède 10, dont une en Floride où il a investi des millions en rénovation pour obtenir une grosse déduction fiscale, légale mais qui passe mal auprès de certains électeurs de Pennsylvanie), le tout accréditant encore un peu plus le message du candidat démocrate Fetterman : Oz est un candidat parachuté multi millionnaire qui ne connait pas la Pennsylvanie. Pendant que Fetterman fait lui le tour des comtés de l'état (y compris les très rouges de l'intérieur) en se vendant comme un homme du peuple. La campange de Oz me fait de plus en plus penser à celle de Romney en 2012 : un gars très riche qui essaye maladroitement de le cacher face à un candidat qui fait plus "authentique".
Là aussi, je ne crois pas que Fetterman puisse avoir une avance de 10 ou 12 points le jour J (comme certains sondages l'indiquent actuellement), mais je le vois de plus en plus comme très favori. Et en Arizona et en Géorgie aussi, les candidats démocrates m'ont l'air nettement plus pro et efficaces que leurs challengers républicains.
J'en viens désormais à penser que le siège sénatorial démocrate le plus en danger est peut-être en réalité le Nevada ? Et que les démocrates ont des chances réelles de jouer la bascule en Pennsylvanie et au Wisconsin (voir en Caroline du Nord et en Ohio, dans ce dernier état je pense que ce sera très serré, car là aussi le candidat républicain Vance fait une campagne consternante).
Bref, quand on met tout ça bout à bout : le poids de la question de l'avortement dans la campagne, le bilan législatif plus étoffé de la majorité démocrate que prévu (Biden vient aussi d'annuler une partie des dettes étudiants pour les étudiants les plus pauvres), des candidats républicains pas forcément au niveau partout (là aussi, tout ça me rappelle un peu 2010, où des candidats Tea Party avaient réussi à faire perdre l'imperdable au GOP dans certaines courses sénatoriales lors des premières midterms d'Obama), et un GOP qui a de plus en plus de mal à ne pas cacher son extrémisme sur certaines questions, j'arrive tout à fait à imaginer un scénario peut-être pas si catastrophique que ça pour les démocrates en novembre ?
Sous réserve que le climat actuel perdure jusque novembre bien sur. Mais en attendant, j'ai tout de même l'impression que le GOP est en train d'échouer dans sa volonté de faire de ces midterms un référendum sur Biden avec pour seul thème l'inflation, là où les démocrates m'ont l'air de parvenir à vendre (au moins partiellement) que le scrutin pourrait aussi être un référendum sur l'avortement et certaines dérives du GOP...