A un peu plus d'un an du scrutin des midterms, je pense qu'il n'est pas trop tôt pour ouvrir un sujet spécifique sur cette séquence électorale. Traditionnellement, le parti du président en place se prend toujours une tôle sur ces élections, au moins à la Chambre des représentants. Petit tour d'horizon préliminaire non exhaustif :
1) au niveau de la Chambre justement, les démocrates ont peu de marge d'erreur, leur majorité étant très courte (avec les vacances, ils ont actuellement 8 sièges de plus que les républicains, 4 voix de plus que la majorité absolue).
On lève déjà des sommes colossales au sein des deux partis pour cet échelon là .
https://www.rollcall.com/2021/07/16/hou ... -midterms/https://us.cnn.com/2021/07/14/politics/ ... index.htmlPour le moment c'est très difficile de se projeter sur cet échelon tant que les redécoupages des circonscriptions électorales ne sont pas effectués. Il n'est même pas certain que tous les états arrivent à redécouper dans les temps, il est possible que dans certains états on garde le même découpage. Si les démocrates parvenaient à conserver la majorité dans cette assemblée là ce serait un exploit.
2) au Sénat, c'est plus simple à analyser et à conjecturer : les frontières des états ne changent pas et niveau primaires et candidats potentiels c'est nettement plus avancé.
Et là , malgré l'étroitesse de la majorité démocrate dans la haute assemblée (50/50), il faut avouer que sur le papier les démocrates ont nettement plus de chances de conserver leur majorité, voire de l'élargir ? Déjà , sur les 34 sièges à renouveler, les démocrates en détiennent seulement 14 contre 20 pour les républicains. Autre point positif pour les démocrates : tous leurs sortants se représentent, là où côté républicains on a déjà 5 sièges ouverts officiellement (Missouri, Alabama, Ohio, Caroline du Nord et Pennsylvanie) et 2 sortants qui réservent leur décision de se représenter ou non (Wisconsin et Iowa). Les sièges démocrates safe (on peut éventuellement avoir des surprises sur certaines primaires, mais pas sur la générale ?) : Washington, Oregon, Californie, Hawaï, Vermont, Illinois, New-York, Connecticut et Maryland. Personnellement j'ajoute le Colorado dans cette liste, mais ça peut se discuter ?
Les sièges républicains safe : Idaho, Utah, les deux Dakota, Kansas, Oklahoma, Louisiane, Arkansas, Kentucky, Indiana, Alabama (même avec un siège ouvert le siège est safe), Caroline du Sud et Iowa (là aussi ça peut se discuter ?).
Abordons les états à suivre.
Côté démocrates :ArizonaLe sortant démocrate Kelly (élu en 2020) termine le mandat de feu McCain et doit donc remettre son mandat en jeu à la fin normal du terme. Il se représente et ne sera pas contesté en interne. Côté républicain, le gouverneur sortant Ducey (qui ne peut se représenter pour cause de limite de mandat et qui aurait été sans doute le meilleur candidat possible pour les républicains) a annoncé qu'il n'irait pas : il n'est pas en odeur de sainteté dans les cercles trumpistes (l'apostat a reconnu la victoire de Biden et nie qu'il ait pu y avoir des fraudes électorales dans son état), et il n'a donc pas souhaité se lancer dans la galère des primaires avec une cible sur la tête. Il reste tout un tas de candidats républicains potentiels, trop sans doute, pas de candidat évident donc. A l'instant T, je verrais quand même Kelly plutôt favori ? A voir qui sortira des primaires du GOP...
GéorgiePour le sortant démocrate Warnock (premier sénateur Noir de Géorgie) c'est la même chose que pour l'Arizona : élu en 2020 il termine le terme normal du mandat en cours et se représente sans contestation en interne. Côté républicain, Trump courtise depuis des mois Herschel Walker, une ancienne star de football US (et Afro-Américain également), ce dernier soufflant le chaud et le froid en mode "peut-être bien que oui, peut-être bien que non". Tant que Walker ne s'est pas prononcé sur une éventuelle candidature cela gèle le processus côté républicains. Sur le papier, Walker aurait des avantages à faire valoir (très connu et populaire, il peut concurrencer Warnock sur le vote Noir) mais aussi quelques défauts (néophyte en politique, et les électeurs QAnonistes, nombreux en Géorgie, pourraient être perturbés par la couleur du candidat républicain).
Là aussi, on verra bien qui sortira des primaires républicaines, mais ce sera plus serré pour Warnock en Géorgie que pour Kelly en Arizona. Je le pense très légèrement favori, mais le siège sera très disputé (et il est d'ailleurs possible qu'il y ait run-off comme en 2020-2021). Mais j'avoue que dans cet état là , c'est aussi l'élection pour le poste de gouverneur qui me fait voir Warnock favori : la future candidate démocrate Stacey Abrams est à mon avis favorite pour la bascule. Je pense que la combinaison Warnock sénatoriale / Abrams gouvernorat part avec un peu d'avance dans un état où les trumpistes ont mis le GOP local à feu et à sang ?
Nevada La sortante Cortez-Masto se représente sans contestation interne. L'état est très disputé, mais la sénatrice sortante est très bien implantée et populaire. Côté républicains, le candidat de rêve serait Adam Laxalt, ancien attorney general de l'état et petit-fils d'un ancien gouverneur. Ce dernier réserve aussi sa décision. Si il se lance le siège serait disputé, moins dans le cas contraire. Cortez-Masto reste tout de même favorite (surtout si Laxalt n'y va pas).
New HampshireLa sortante démocrate Maggie Hassan est un poids lourd local (ancienne gouverneure de l'état, elle a battu la sénatrice sortante républicaine en 2016 avec à peine 1 000 voix d'avance, dans un contexte où Trump faisait un bon score dans l'état sur la présidentielle, on peut parler d'exploit), très bien implantée et populaire. Normalement elle ne devrait rien avoir à craindre, mais tout dépendra de la décision d'un seul homme : l'actuel gouverneur républicain de l'état, Chris Sununu. Lui aussi est un poids lourd local (très populaire et très implanté), et il dit réfléchir entre 3 options : se représenter en tant que gouverneur (au New Hampshire le mandat de gouverneur dure 2 ans et n'est pas limité dans le temps), tenter le siège de sénateur ou se retirer de la vie politique. Si il se lance dans la sénatoriale le siège pourrait être extrêmement disputé et représenterait peut-être la meilleure chance de gain pour le GOP ? Si Sununu n'y va pas en revanche, Hassan n'aurait rien à craindre.
Côté républicainsAlaskaClairement le siège qu'il va être le plus difficile d'appréhender et pour lequel je suis incapable de faire le moindre pronostic. En cause les nouvelles règles électorales de l'état et la personnalité de la sortante républicaine. Cette dernière, Lisa Murkowski, est clairement la cible numéro 1 à abattre pour Trump sur ces élections : il ne lui pardonne pas ses positions passées contre ses actions et ses propos, et il veut la battre. Pour se faire, il a donc apporté son soutien à la candidature de la républicaine Kelly Tshibaka. Si on avait affaire à une primaire classique, Murkowski pourrait peut-être (sans doute ?) perdre la nomination républicaine (cela lui est déjà arrivé par le passé, ça ne l'a pas empêchée d'être réélue en write-in...), mais l'Alaska a adopté un système assez spécial et unique. Tous les candidats participent à une primaire géante, et sont qualifiés pour le run-off lors de la générale les 4 candidats arrivés en tête, indépendamment de leur affiliation partisane.
Et pour le run-off, les électeurs doivent classer les 4 candidats par ordre de préférence avec un système de vote à l'irlandaise. Autant dire que pour faire des pronostics sur ce qui pourrait sortir d'un tel système, c'est coton.
Murkowski et Tshibaka sont assurées d'être parmi les 4 qualifiés. Avec probablement un candidat démocrate et un candidat indépendant ? La stratégie de Murkowski est d'espérer au moins la seconde place derrière Tshibaka, pour pouvoir récolter les suffrages des candidats démocrate et indépendant lors des reports des voix de second et troisième tour. Mais je dirais que Murkowski n'est pas non plus totalement à l'abri de finir troisième si un candidat démocrate ou indépendant devait émerger ?
Si je devais faire un pari, je dirais que le GOP a de très fortes chances de conserver le siège, la question étant de savoir si ce sera avec une candidate trumpiste ou avec une candidate plus centriste ? Mais je dirais que sur ce siège là des surprises sont tout à fait possibles vu le système électoral particulier.
PennsylvanieIncontestablement la meilleure chance de bascule pour les démocrates : le siège est ouvert, et l'état, bien que très disputé a tout de même un très léger tropisme démocrate (l'actuel gouverneur et l'autre sénateur sont tous deux des démocrates). D'autant que côté démocrates ils se sont peut-être dégotés un candidat très atypique et compétitif : l'actuel lieutenant-gouverneur John Fetterman (un colosse tatoué et motard, très populaire auprès des cols bleus, au positionnement politique très protéiforme, à la fois conservateur et libéral selon les sujets). Connor Lamb, représentant démocrate du 18e district (plus centriste que Fetterman) hésite à contester la nomination à Fetterman. Si il se lance les primaires démocrates pourraient être disputées et tourner au vilain ? Côté républicains, un signe qui ne trompe pas, cela ne semble pas trop se bousculer pour savoir qui sera le candidat.
FlorideEn théorie, le sortant républicain, Marco Rubio, devrait être assez serein : il est sortant et populaire auprès des Américano-Cubains, et la Floride a un léger tropisme républicain. Mais les démocrates semblent tout de même s'être trouvés une excellente candidate en la personne de Val Demings (représentante de Floride, Afro-Américaine avec un CV étoffé dans les forces de l'ordre), qui a plus ou moins fait le vide du côté des primaires démocrates depuis son annonce de candidature. De plus, Rubio est parfois assez mauvais en campagne. Mais là c'est un peu comme pour la Géorgie : le gouverneur républicain sortant Ron DeSantis se représente et il est favori (et lui joue carrément son avenir présidentiel sur sa réélection). Du coup ça devrait tout de même grandement aider Rubio à être réélu.
Missouri Celui là j'ai hésité à le mettre là , il pourrait être dans la catégorie safe pour le GOP. Mais ça dépendra de qui sortira vainqueur des primaires républicaines : l'ancien gouverneur républicain Eric Greitens (contraint à la démission sur fond de scandale impliquant le chantage de sa maîtresse via des photos volées) tente un come-back. Si ce devait être lui le candidat sur la générale, avec un siège ouvert et un bon candidat démocrate je pense que le siège pourrait être en jeu. Si le candidat des républicains est n'importe qui d'autre alors le siège sera safe.
OhioLà aussi, le siège pourrait ne pas être dans cette catégorie là , mais c'est à surveiller : le siège est ouvert, et l'autre sénateur de l'état est démocrate. D'autant que côté républicains, les primaires ressemblent déjà à une foire d'empoigne entre plusieurs poids lourds. Là où côté démocrates on a pour l'heure qu'un seul candidat déclaré : Tim Ryan, un représentant assez centriste de l'état. Si les primaires républicaines tournaient au vilain et en fonction de l'identité du candidat républicain, Ryan pourrait avoir une petite chance, mais les républicains restent favoris pour conserver le siège.
Caroline du NordL'état est très disputé mais a un léger tropisme républicain. Là aussi les primaires républicaines s'annoncent tendues : l'ancien gouverneur McCrory tente aussi un come-back, mais Trump soutient officiellement la candidature du représentant Ted Budd, lequel n'est pas très connu. Côté démocrates aussi on a plusieurs candidats sur les rangs : l'ancienne chef de la cour suprême de l'état, Cheri Beasley (elle est Afro-Américaine) semble la plus connue, mais elle affronte la concurrence de plusieurs élus démocrates locaux. Bref, ici il est difficile de se prononcer avant les résultats des primaires, mais le siège a un gros potentiel pour être disputé (avec un léger avantage pour les républicains ?).
WisconsinLe sortant républicain Ron Johnson avait jadis annoncé qu'il ne ferait que deux mandats, il devrait donc normalement ne pas se représenter. Mais depuis que le terme de son second mandat approche, il semble moins certain quant à sa promesse passée :). Dans cet état, je ne saurais dire si la non candidature du sortant serait un plus ou pas. Il est très clivant, très trumpite, et mobilisera autant les pro que les anti. Et le Wisconsin reste sans doute l'état le plus disputé de l'Union. Là aussi, gros potentiel d'enjeu. Si le siège est ouvert il faudra voir qui seront les candidats. Côté démocrates, la décision de Johnson gèle pour le moment les candidatures.
Si j'ai le temps je ferai un point sur les élections pour les postes de gouverneurs plus tard.