Tirnam a écrit:L'une des grandes spécificités du système électoral américain, particulièrement mis en lumière cette année, c'est le vote anticipé par correspondance. A 50 jours de l'élection, elle a en fait déjà commencé. 10 000 bulletins de votes ont été déposé en Caroline du Nord. Une goutte d'eau par évidemment par rapport à la masse de vote attendue dans l'Etat et au niveau national (rien qu'en Caroline du Nord 650 000 demandes de votes par correspondance ont déjà été reçues, 16 fois plus qu'en 2016. A priori, bonne nouvelle, pour l'instant aucun dysfonctionnement majeur n'a été constaté.
Dans le Wisconsin la Cour Suprême de l'Etat, a majorité conservatrice, a pris la décision de suspendre le vote par correspondance le temps qu'elle décide de la présence ou non de la candidate verte sur le bulletin de vote, alors que des centaines de milliers de bulletins de vote ont été été envoyés aux électeurs. Difficile de ne pas voir derrière cette décision une volonté de parasiter le vote, cette majorité conservatrice a déjà été au coeur de décisions très polémiques au sujet des élections.
https://www.washingtonpost.com/opinions ... -optimism/Enfin pour bien comprendre pourquoi le résultat risque de se faire attendre, ce tweet résume par une carte les dates auxquelles les bulletins de votes doivent parvenir.
https://twitter.com/JZTessler/status/13 ... 6505349120Bon la plupart des Swing States doivent avoir reçu les votes le jour de l'élection, néanmoins des Etats clés comme le Texas, la Caroline du Nord et le Nevada vont compter les bulletins vote qui arrivent après le 3 novembre, autrement dit dans ces Etats on risque de ne pas forcément avoir de vainqueur le soir du vote.
Il est en effet acquis que le nombre de votes par correspondance va cette année exploser tous les records. Il est fort possible que plus de 50% des votes émis en novembre le soient par correspondance, mais cela devrait varier fortement selon les états.
Mais presque tous les états font d'ores et déjà part de chiffres assez exceptionnels de demandes de bulletins par correspondance (que ce soit des swing states ou des états assurés pour un camp). Pour les états qui classent les électeurs par affiliation politique, on ne peut que constater que les électeurs démocrates sont beaucoup plus nombreux que les républicains à faire de telles demandes, mais concernant les républicains les chiffres sont loin d'être anecdotiques.
https://www.politico.com/news/2020/09/1 ... ead-412106En Pennsylvanie et en Caroline du Nord, le ratio est de 3 demandes démocrates pour 1 demande républicaine. En Floride, 2.1 millions d'électeurs démocrates en ont fait la demande, contre 1.4 millions d'électeurs républicains. Plus intéressant, la Pennsylvanie précise même le nombre de demandes faites par des électeurs n'ayant pas voté en 2016 mais ayant fait une demande cette année : 175 000 électeurs démocrates inscrits en 2016 et abstentionnistes alors ont réclamé cette année un bulletin par correspondance, pour seulement 80 000 électeurs républicains inscrits en 2016 et abstentionnistes alors qui ont fait une demande pour cette année. Le seul état à enjeu où les demandes d'électeurs républicains sont supérieures à celles d'électeurs démocrates est la Géorgie (55 000 demandes plus par des électeurs républicains que par des électeurs démocrates).
Je suis désormais de plus en plus convaincu que plusieurs états seront dans l'incapacité de donner le nom du vainqueur lors de la soirée, en raison de cet afflux massif de votes par correspondance, mais pas seulement. On en parle nettement moins, mais le vote à l'urne risque de connaître lui aussi de grosses perturbations, faute de volontaires pour tenir les bureaux de votes, absence qui pourrait obliger les états à concentrer plusieurs bureaux au même endroit, allongeant de manière très forte les files d'attente. Plusieurs gouverneurs n'excluent plus de faire appel à la garde nationale pour tenir des bureaux.
Précisons que si la plupart des états comptent d'abord les bulletins émis à l'urne puis ceux par correspondance (donnant donc un écart plus favorable aux républicains en début de dépouillement, avant que les démocrates ne remontent vers la fin, c'est évidemment le cas des états qui autorisent l'envoi de vote jusqu'au jour de l'élection), ce n'est pas le cas de tous. En l’occurrence, un swing state majeur fait l'inverse : la Floride. Cet état n'autorisant la réception maximale des bulletins par correspondance que la veille du scrutin, ils commencent à dépouiller les votes par correspondance avant les votes à l'urne (si je ne dis pas de bêtise, il me semble bien que l'état commence même le dépouillement des votes par correspondance dans la journée, bien avant la fermeture des bureaux de vote). En Floride, c'est donc l'inverse : les démocrates sont très nettement en tête dans les premiers résultats dépouillés, avant que les républicains ne réduisent l'écart avec le vote à l'urne.
En théorie, pour qu'un candidat soit déclaré vainqueur dans un état serré, la tradition veut que l'écart entre les deux soit supérieur au nombre de bulletins restant à dépouiller. Cette année, il est fort possible que beaucoup de swing states ne mettent quelques jours à en arriver à cette réalité. Quant aux
exit polls, cette année il risque d'être encore plus incertains que d'habitude. A moins que les sondeurs ne sondent massivement en amont les électeurs ayant voté par correspondance pour leur demander pour qui ils auront déjà voté ? Mais, cette année je pense qu' à part dans les états où les marges seront grandes entre les deux candidats, le suspens devra aller jusqu'à plusieurs jours après le scrutin ?
Sauf évidemment en cas de landslide pour l'un ou l'autre...
manudu83 a écrit:j'ai vu passé sur CNN que le comité démocrate considère le Texas comme battleground state, c'est que ça ne doit pas trop tourner rond pour Trump.
Pour l'heure il semble bien que la campagne Biden ne croit que très modérément à ses chances au Texas et en Ohio, et ce malgré des sondages toujours très bons dans les deux (ce qui en soit commence à devenir une surprise : à la mi septembre, Trump devrait normalement avoir une avance plus grande que ça dans ces 2 états, or il n'a que quelques point d'avance au Texas, et est donné derrière de peu en Ohio, il faudra voir si c'est toujours le cas en octobre ?). La campagne Biden semble tout de même nettement plus s'intéresser aux états des Grands Lacs, à la Pennsyvanie, à la Floride et à la Caroline du Nord ainsi qu'à l'Arizona. Concernant le Texas, les efforts démocrates semblent surtout viser des districts tangents à la Chambre ainsi que des sièges dans la chambre basse locale. Si je pense que le candidat républicain dispose toujours d'un avantage structurel au Texas, celui-ci se réduit comme peau de chagrin. Et il est fort probable que l'écart entre Trump et Biden dans cet état soit très faible par rapport aux élections précédentes (je pense que Trump n'y aura pas plus de 5 ou 6 points d'avance sur Biden, voire un peu moins en cas de très forte participation).
Eco92 a écrit:Dans Le Monde j'apprends qu'un sondage publié par le Miami Herald montre que, pour l’instant, Joe Biden dispose d'une avance deux fois inférieure à Hillary Clinton en 2016 auprès de l'électorat latino, il y serait à égalité avec Donald Trump. C'est un des électorat clefs, notamment en Floride (même si je sais que les latino-cubain de Floride sont peut-être un peu différents des latino "des terres"). Biden n'est as retourné en Floride depuis les primaire et y fera un déplacement dans deux jours.
L'article (une sorte de flash quotidien sur l'élection) parle aussi du très fort impact des feux géants qui ont lieu en ce moment dans des bastions démocrates, auprès desquels Trump à tarder à aller, qui pourrait remettre au centre la question du dérèglement climatique.
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/13/presidentielle-americaine-j-51-le-rechauffement-climatique-s-insinue-dans-la-campagne_6051987_3210.html
On ne rappellera jamais assez que, concernant la Floride, il est plus réaliste de parler de communautés latinos au pluriel...
Des retours que j'ai par mes amis vivant dans cet état (aussi bien démocrates que républicains), il semble bien que les deux campagnes jouent ici des stratégies très originales selon les standards passés de l'état.
Traditionnellement, en Floride, les 3 comtés du sud-est de la Floride (correspondant à la métropole de Miami) donnent des chiffres très large aux démocrates, et les comtés du nord-ouest de l'état (qui ressemblent plus aux comtés d'états sudistes voisins tels que le Mississipi ou l'Alabama, aussi bien en terme de sociologie que de paysages) donnent aux républicains des chiffres de maréchaux. Et ce sont traditionnellement les comtés allant de la côte ouest de l'état à ceux du centre (pour schématiser les zones entre Tampa et Orlando) qui font l'élection.
Or, cette année il semble bien que les deux campagnes s'éloignent des stratégies habituelles (laisser les zones de force à son adversaire, et tout miser sur les comtés tangents et la participation différentielle des électorats partisans). La campagne républicaine essaye de réduire les écarts dans la métropole de Miami en ciblant l'électorat américano-cubain (le but n'étant pas de pointer en tête sur l'ensemble de la métropole mais d'y réduire l'avance démocrate), là où la campagne Biden vise plus les seniors (tous les sondages dans cet indiquent que les 65 ans et plus qui avaient largement préféré Trump à Clinton il y a 4 ans seraient nettement plus partagés cette année, en grande partie à cause de la gestion, qu'ils jugent négativement, du Covid par l'administration républicaine, aussi bien au niveau national que local). Par contre les deux campagnes visent toujours les zones de banlieues de Tampa et d'Orlando (qui restent tout de même comtés faiseurs de rois en Floride).
Pour se faire, la campagne Trump axe tout sur sa politique anti normalisation avec Cuba (pour se démarquer du legs d'Obama aussi), et tente de dépeindre Biden en révolutionnaire castriste de l'ombre. La campagne Biden elle cible l'électorat senior sur la thématique du Covid et de la couverture santé. Les deux courtisent l'électorat de banlieue mais sur des axes différents : loi et ordre pour Trump, message réformiste auprès des diplômés pour Biden. On verra les résultats en novembre, mais je continue à penser que comme d'habitude ce sera très serré pour cet état, dans un sens ou dans l'autre.
Précisons enfin, que concernant les anciens condamnés, les républicains ont eu partiellement gain de cause pour le moment : les comtés ont le droit de maintenir l'obligation de payer les amendes avant de récupérer le droit de vote. Bilan : les comtés gérés par des démocrates vont supprimer les amendes, ceux gérés par les républicains vont les maintenir. Moins d'anciens condamnés que prévus pourront voter, mais ceux qui le feront pencheront nettement plus démocrates. LeBron James vient de lancer une collecte de fonds pour aider les anciens condamnés à payer leurs amendes afin de pouvoir récupérer leur droit de vote.
Enfin, Bloomberg vient d'annoncer qu'il donne 100 millions de dollars aux démocrates de Floride pour financer leur campagnes.
https://www.miamiherald.com/news/politi ... 64660.htmlhttps://www.tampabay.com/florida-politi ... t-to-vote/https://www.washingtonpost.com/gdpr-con ... story.htmlConcernant la campagne, Trump a repris les meetings (toujours pas de masque ni de distanciation, et l'affluence reste franchement moyenne, on dépasse rarement les 5 000 participants, en tout cas on n'est plus dans les chiffres de la campagne de 2016). Biden continue ses déplacements thématiques.
Les stratégies restent les mêmes : Trump dit que son bilan est formidable sur tous les points et tente de vendre Biden comme l'Antéchrist (c'est un communiste caché, mais une nouveauté tout de même : Trump dit désormais que Biden aurait comme plan secret de détruire l'obamacare :) ). Biden vend des réformes d'inspirations libérales et tente de vendre Trump comme détruisant l'âme de l'Amérique.
L'actualité est assez saturée par les retombées de la sortie du livre de Woodward (si j'ai le temps ce week-end je ferai peut-être un résumé des différentes "révélations" du livre et des enregistrements donnés par Woodward ?) et les incendies dans l'Ouest (pour les démocrates c'est la faute au réchauffement climatique, pour les républicains c'est la faute aux démocrates) et l'arrivée d'un ouragan dans le Sud.
Niveau sondage, ça bouge très peu : au niveau national on reste dans les mêmes eaux (entre 6 et 8 points d'avance pour Biden). Sur les swing states, certains semblent plus serrés que d'autres. Étrangement, Biden semble creuser l'écart en Arizona (pour ce dernier ça ne m'étonne qu'à moitié en réalité) et au Wisconsin (là ce serait plus étrange je trouve). La Floride et la Caroline du Nord décrochent sans conteste la palme des états les plus serrés. Au Michigan et en Pennsylvanie, Biden est toujours devant sans pour autant larguer Trump non plus.
Mais il y a quand même un élément inquiétant pour Trump : aussi bien dans les intentions de vote nationales que dans plusieurs swing states, Biden flirte dangereusement avec la barre des 50%, un peu moins ou un peu plus selon les enquêtes et les états (barre que Clinton n'atteignait pas ou très rarement).
Le premier débat aura lieu dans 2 semaines, le 29 septembre dans l'Ohio.