Marcy a écrit:Je ne suis pas un spécialiste de la politique américaines, mais la situation de Donald Trump me fait plus penser à celle de Jimmy Carter, lui aussi président sortant en 1980 (49 grands électeurs contre... 489 à Ronald Reagan) qu'à celle du même Donald Trump en 2016.
Cela dépend sur quel élément vous voulez faire vos comparaisons je dirais... Vous voulez parler de popularité, d'intentions de votes ou de l'anticipation du résultat électoral à venir ?
Au niveau de la courbe de popularité, Trump reste un cas presque unique parmi les présidents américains. De tous les présidents post seconde guerre mondiale, il est le seul à avoir été majoritairement impopulaire pendant la totalité de son premier mandat. Il n'a jamais connu de période où son ton d'approbation aura dépassé son taux de désapprobation, que ce soit pendant la campagne de 2016 ou la totalité de son mandat depuis sa prise de fonction. Si on essayait de faire une moyenne de la popularité de tous les présidents depuis 1945 sur l'ensemble de leur premier mandat, il est certain que Trump serait le dernier du classement.
Mais, par contre, il est aussi sans doute le président qui aura connu le moins de variation dans son solde d'image, pas de grand écart entre ses périodes de pic de popularité et ses bas-fonds d'impopularité. Depuis qu'il est en fonction, le solde d'image de Trump (l'écart entre les bonnes et les mauvaises opinions) aura toujours oscillé entre -5 et -15. Aucun de ses prédécesseurs les plus immédiats (depuis les années 1980) n'aura connu sur son premier mandat une ligne aussi stable dans son image. Pour trouver des présidents avec des courbes relativement linéaires il faut remonter à des présidents ultra populaires sur l'ensemble de leur premier mandat (Eisenhower, Nixon, Kennedy...), et encore, même eux ont connu des pics et des creux plus marqués.
Tout cela matérialise deux choses : Trump marche sur l'eau auprès de sa base (qui le soutient contre vents et marées avec une passion égale, que le contexte soit positif ou négatif), mais il clive énormément tous les électeurs qui ne font pas parti de cette base.
Et donc, pour rester dans les comparaisons avec les autres présidents, je dirais qu'à l'instant T de la campagne, la situation de Trump se situe à mi chemin entre Bush père et Carter d'un côté (2 présidents sortants battus) et Bush fils et Obama de l'autre (2 présidents sortants réélus). En terme d'impopularité, il se situe entre ces deux situations. Ce qui est certain c'est qu'il n'est absolument pas dans la situation d'un Nixon, d'un Reagan ou d'un Clinton (qui faisaient tous trois offices de grands favoris à l'obtention d'un second mandat).
Trump a fait le pari qu'il pouvait être réélu en misant tout sur sa base et en ignorant de nombreux électorats tangents. Il fait aussi le pari que, malgré son statut de président, il pourra faire de cette élection un référendum contre Biden plutôt que pour ou contre le sortant. Réponse en novembre ?
Par contre, si on parle de résultat possible de l'élection à venir par rapport aux élections précédentes, le paysage politique américain est aujourd'hui beaucoup trop clivant et partisan pour imaginer pouvoir revoir des
landslides au niveau du collège électoral proches de ceux que l'on pouvait observer il y a encore 30 ou 40 ans. Je ne vois pas trop par quel miracle un candidat (qu'il soit démocrate ou républicain) pourrait espérer dépasser les 400 grands électeurs. Même si Biden devait être le jour du vote dans la fourchette haute de son avance moyenne dans le vote populaire (entre 8 et 10 points d'avance sur Trump, soit un écart très proche de celui qu'avait Reagan sur Carter en 1980), jamais il n'arriverait à s'approcher des 500 grands électeurs (489 pour Reagan en 1980). A l'heure actuelle, je dirais qu'un candidat démocrate lambda peut très difficilement tomber sous les 200 grands électeurs, et qu'un candidat républicain lambda peut très difficilement tomber sous les 150 grands électeurs.
Par contre, en terme d'écart dans le vote populaire, en nombre de voix, il est tout à fait possible que Trump accuse, pour un président sortant, un retard plus marqué que beaucoup de ses prédécesseurs défaits. En 1992, Bush père avait 5.8 millions de voix de retard sur Clinton. En 1980, Carter avait 8.5 millions de voix de retard sur Reagan. En 1976, Ford (que j'ai toujours beaucoup de scrupules à inclure dans la liste des présidents sortants vu les modalités pour le moins hors normes de son accession à la fonction) avait 1.7 millions de voix de retard sur Carter. Cette année cela dépendra grandement du taux général de participation (très complexe à évaluer cette année, avec le vote par correspondance et l'impact de la Covid sur le vote à l'urne ?) et de l'écart final entre les deux candidats. Je vois mal comment Trump pourrait être en tête du vote populaire.
Et reste toujours l'inconnue majeure : jusqu'où la distorsion du suffrage indirect et du
winner takes all peut-elle aller ? Jusqu'où le collège électoral peut-il battre le suffrage populaire ? Car oui, même avec plusieurs millions se voix de retard, Trump peut quand même être réélu. En 2016, avec un peu moins de 3 millions de voix de retard sur Clinton il a quand même gagné. Peut-il rééditer l'exploit avec 4 millions de voix de retard ? 6 millions ? 7 millions ? 8 millions ?
Personnellement, je continue à penser que si Trump veut avoir une chance, il faut que d'ici au 03 novembre, il réduise sensiblement l'écart avec Biden dans les intentions de votes nationales. Réduire au maximum l'écart sous la barre des 5 points me semble un impératif. Et même avec "seulement" 3 ou 4 points de retard sur Biden, Trump ne serait pas pour autant certain d'empocher les 270 grands électeurs.
Eco92 a écrit:Quel que soit le futur électoral de Trump je doute beaucoup qu'il ait la même image que Carter après son/ses mandats... Certes ont est parfois largement réhabilité une fois battu mais moi qui suis né bien après le mandat Carter j'ai surtout l'image d'une sorte de "super diplomate de la paix" et il me semble à ce titre assez populaire. J'imagine mal Trump dans ce rôle !
Alors ça, c'est coton comme analyse à faire :). Je rejoins jojomarg sur le fait que c'est très compliqué...
En 1980, le bilan général de Carter était plombé auprès de ses contemporains par deux éléments majeurs : la crise économique relative aux chocs pétroliers et la crise des otages en Iran. C'est clairement là dessus qu'il perd.
Avec le temps, son mandat a été mis en perspective et un peu réhabilité (au moins en partie) : objectivement, il avait assez peu de responsabilités dans les deux points noirs en question. Avec le recul, son action pour la paix au Moyen Orient a été saluée. Son image d'homme honnête et d'une administration d'une grande probité trancha pas mal avec ses prédécesseurs (Nixon, pas besoin d'expliquer pourquoi :), et Ford, qui fut, avec beaucoup d'excès, dépeint comme l'héritier de Nixon, en grande partie à cause de la grâce présidentielle...) et son successeur (niveau barbouzeries en tout genre, les années Reagan c'était pas mal :) ). Image qu'il cultiva pendant plusieurs décennies après la fin de son mandat.
Quant à Trump, je suis jamais fan de faire des bilans historiques à chaud :). Encore plus quand on ne sait même pas encore si il fera un ou deux mandats :).
En terme de politique étrangère, je dirais que, là comme ça, ça a l'air très pauvre ? Le rapprochement avec la Corée du Nord a tout du pétard mouillé (objectivement les USA n'y ont rien gagné, la Corée du Nord n'y a rien concédé). Au niveau du Moyen-Orient, il aura été un président républicain très classique : pro-Israël et anti-Iran, très proche de l'Arabie Saoudite. La nouveauté c'est un penchant très pro-russe, mais plus de façade que sur le fond (là aussi j'ai du mal à voir des conséquences importantes) ? Pas de big bang de l'OTAN. Il a annulé le seul legs intéressant des années Obama en faisant marche arrière sur le début d'ouverture avec Cuba. On peut lui être reconnaissant de ne pas avoir ouvert une nouvelle guerre à l'étranger (ce qui lui fait un point commun avec Obama :) ), contrairement à certains de ses prédécesseurs. C'est déjà beaucoup, mais ça en dit long sur le niveau d'attentes qu'on peut avoir envers l'Amérique aujourd'hui :).
Quant au bilan intérieur, je dirais que c'est encore plus difficile à évaluer sans le recul du temps long. Le gros souci c'est que, à priori, sur son premier mandat, il est fort probable que les historiens le jugent surtout sur la hausse des divisions internes du pays et la gestion du coronavirus ? Dans les deux cas, je ne suis pas certain qu'il soit perçu très positivement ? On en reparle dans 10 ans ? :)