Je suis toujours un peu étonné de voir à quel point pour beaucoup le fait de lire uniquement les événements de la politique US à travers un prisme trumpiste semble devenu la norme ? La Cour Suprême rend des avis et arrêtés pour des périodes longues (en l'occurrence il y a de fortes chances que l'actuelle majorité conservatrice mette en place une jurisprudence valable quelques décennies ?), bien après que Trump aura quitté la Maison Blanche en tout cas (même si je n'écarte pas totalement la possibilité que cette Cour Suprême finisse par nous pondre un avis déclarant qu'un président ayant déjà servi 2 mandats puisse en exercer un troisième via l'ordre de succession ?). Et concernant l'avis de la Cour restreignant le pouvoir de blocage des juges fédéraux sur l'ensemble du territoire US, quelques remarques :
1) depuis 2 ans, il devient de plus en plus évident que cette Cour Suprême a une lecture très favorable au pouvoir exécutif, au détriment du législatif
2) elle a aussi une lecture de plus en plus favorable à la Cour Suprême au détriment des cours fédérales inférieures
3) le soi disant textualisme (lecture stricte de la constitution rejetant toute forme d'interprétation des textes selon les époques et les situations) des juges conservateurs est désormais une vaste blague très hypocrite qui ne résiste guère l'analyse des jugements de ces derniers
4) la Cour Suprême verse dans une lecture de plus en plus fédéraliste des choses, n'hésitant pas à créer potentiellement des situations juridiques de plus en plus inégalitaires selon les états (que ce soit sur l'avortement ou la nationalité), ce qui est assez étonnant puisque cela entre potentiellement en contradiction avec les points 1 et 2
5) comme souvent, la Cour Suprême préfère des avis noyant le poisson ne tranchant pas sur le fond (c'est clairement le cas avec la question de la nationalité ici)
6) si cet avis déclare qu un juge fédéral ne peut à lui seul rendre un arrêté universel applicable à tout le territoire c est valable pour tous les juges et tous les arrêts (un juge ne peut plus dire que le droit du sang est illégal pour tout le territoire, mais il ne peut plus interdire une pilule contraceptive ou abortive sur tout le territoire non plus, je ne suis pas totalement convaincu que les conservateurs US y gagnent sur toute la ligne donc)
Eco92 a écrit:La "big beautiful bill" a été adopté, elle permettra de couper l'assurance santé de plus de dix millions d'étatsuniens, c'est à ce jour a priori la plus impopulaire des lois votées depuis 35, à l'exception de la loi sur la santé du GOP en 2017.
On verra ce que ça donne sur les midterms
https://bsky.app/profile/mathieugallard ... 5jvxpdok25Elle a été adoptée par 218 voix contre 214, celles de tous les démocrates et de deux républicains, Thomas Massie et Brian Fitzpatrick. A noter, chez les démocrates ça rale un peu en ce moment sur l'âge de certaiins représentants, candidats qui ne laissent pas la place, pour une question de renouvellement, mais aussi d'efficacité électorale : il y a actuellement 3 sièges démocrates vacants suite au décès de leurs députés à 70 (Sylvester Turner), 75 (Gerry Connolly) et 77 (Raúl Grijalva) ans. Certes on ne meurt pas nécessairement quand on est septuagénaire et on peut mourir à 30 ans. Certes ça n'aurait pas changé la victoire républicaine ici, mais trois voix dans une chambre serré ça commence à compter.
Encore un grand moment de parlementarisme en action...
Au Sénat, du grand art. La haute assemblée a profondément remanié le texte de la chambre basse. Toujours de très grosses coupes dans Medicare et Medicaid mais un poil moins (par contre la chasse aux repas gratuits pour les enfants scolarisés est restée, cette haine d'un parti se prétendant religieux pour le fait d'aider des repas gratuits aux enfants de familles pauvres ne cessera jamais de m'étonner), du coup un déficit budgétaire qui s'alourdit encore, puisque le principal a été sauvé : de très gros cadeaux fiscaux pour les plus riches et les grandes entreprises. Tous les économistes et les think tank sont d'accord : les 20% des contribuables les plus riches vont voir leurs revenus croitre de 5% dans les années à venir, les 20% les plus pauvres vont voir les leur baisser de 5% dans le même temps. Entre 12 et 18 millions d'Américains vont perdre leur couverture santé, une dizaine de millions d'enfants pauvres n'auront plus accès à des repas gratuits dans le cadre scolaire. En 2005, lorsque W.Bush avait fait voter la précédente loi de gros cadeaux fiscaux pour les plus riches, il avait au moins pensé à inclure des cadeaux fiscaux (moins élevés) pour les classes moyennes et les plus pauvres. Cette fois ci, le GOP assume de faire exploser les déficits et la dette (là les experts ne sont pas d'accord entre eux : selon les analyses on parle d'une dette US pouvant passer de 120% du PIB actuellement à entre 200% et 500% du pays dans les années 2030) uniquement au nom des super riches.
La seule mesure dans cette loi qui peut potentiellement aider des travailleurs pauvres c'est celle sur l'exonération des pourboires. Mais seuls 2.5% des travailleurs US en touchent, et la plupart d'entre eux sont déjà non imposables. Sans parler du fait que cette mesure peut potentiellement déboucher sur des abus profitant in fine à des gens très riches. J'ose espérer qu'après cette loi on verra moins souvent apparaitre sur ce forum cette fable parfois avancée par certains qui voudrait que si les républicains obtiendraient de bons scores auprès des cols bleus ce serait parce qu'ils auraient un agenda économique et social plus en faveur des classes moyennes ou pauvres que les démocrates (ou vice versa) ?
Lors du vote au Sénat, il faut noter que 2 sénateurs seront restés inflexibles sur leur rejet : Rand Paul du Kentucky (lui est un vrai libertarien cohérent avec lui même : le déficit et la dette sont ses seules obsessions) et Thom Tillis de Caroline du Nord. Pour ce dernier il était opposé à la loi qui faisait perdre d'après lui beaucoup trop d'aides à ses administrés au niveau de Medicare (et ce d'autant plus que son siège est à renouveler l'année prochaine dans un swing state). Trump l'a menacé de soutenir quelqu'un d'autre que lui lors des futures primaires républicaines. Tillis a donc fait un choix qui a surpris : il a annoncé de pas se représenter l'année prochaine et finir son mandat, et voter selon sa conscience (très mauvaise opération pour Trump à l'arrivée : il vient de potentiellement perdre une voix au Sénat avec un sénateur républicain qui n'a plus rien à perdre ni à tergiverser lors de ses futurs votes pendant un an). Murkowski, la sénatrice de l'Alaska, a accepté le deal qu'elle avait refusé lors de son vote contre le démantèlement de l'Obamacare à l'époque (le fameux vote où John McCain avait baissé le pouce) : voter la loi à la condition qu'elle ne s'applique pas à son état (et oui, l'Alaska est le seul état de l'Union exempté par les coupes de Medicare, Medicaid et sur la gratuité des repas pour les enfants scolarisés pauvres). Ce qui a donc permis à Collins du Maine de faire ce qu'elle fait le mieux (à quelques exceptions près) : voter contre la ligne officielle de son parti uniquement lorsque son vote n'est pas décisionnaire. Elle espère ainsi pouvoir cultiver son image "centriste" tout en énervant pas trop sa base républicaine (on ne sait pas encore si elle sera candidate l'année prochaine pour une réélection, mais elle aura aussi fort à faire dans un état ciblé par les démocrates, et étant une des sénatrices les plus impopulaires dans son état).
50/50, le VP Vance a donc du faire ce que font de temps en temps les VP pour justifier leur salaire, émettre le vote tranchant l'égalité :).
Derrière les élus MAGA de la Chambre ont fait comme Trump, du TACO, et ils ont capitulé en rase campagne, préférant voter le texte à l'identique du Sénat plutôt que d'opter pour une commission paritaire entre les 2 Chambres pour un texte de compromis (Trump n'aurait pas pu signer pour la fête d'indépendance, ça aurait été triste). Seuls 2 représentants républicains ont voté contre (un centriste pour qui le texte est trop à droite et un MAGA pour qui le texte est trop à gauche).
Bilan : tous les élus républicains (Trump le premier) qui juraient la main sur le cœur que jamais au grand jamais ils ne baisseraient les financements de Medicare et Medicaid et qu'ils ne feraient pas exploser le déficit et la dette auront menti (personnellement j'étais persuadé que c'étaient là des promesses qu'ils ne tiendraient pas, mais il parait que certains y croyaient ?). Et cette loi est la loi la plus impopulaire parmi toutes celles votées depuis les 35 dernières années.
https://www.vox.com/politics/418668/tru ... n-backlashhttps://www.washingtonpost.com/politics ... ency-news/Cette loi nous rappelle surtout l'immense grand écart entre les intérêts économiques de la base républicaine (qui vote pour le GOP en fonction de ses intérêts culturels supposés, pas de ses intérêts économiques et sociaux) et ceux des grands donateurs du GOP (qui votent pour ce parti au nom de son agenda fiscal favorable aux ultra riches).
https://www.notus.org/2026-election/rec ... 6-midtermsMais les républicains n'avaient guère d'autre choix que de la voter cette loi : comme pour le premier mandat de Trump, on s'achemine de nouveau vers un mandat très pauvre en projet législatif vaguement marquant. Le GOP n'a pas d'autre prétention que de voter des lois fiscales pour leur clientèle de financement des campagnes. Pour le reste, la guerre culturelle se fait par médias et à coup de décrets exécutifs qui seront balayés par la prochaine administration venue. Et c'est pas moi qui le dis mais les élus républicains eux-mêmes.
https://www.economist.com/briefing/2025 ... umponomicsEco92 a écrit:Elon Musk lance son parti "Le parti de l'Amérique", avec pour ambition plutôt maline de cibler 2/3 sièges au Sénat et une dizaine à la Chambre, ce qui suffirait à avoir la balance du pouvoir. La présidentielle est exclue puisqu'il est né à l'étranger.
https://www.huffingtonpost.fr/internati ... wtab-fr-fr
C'est là qu'il faut rappeler que le système US est structurellement hostile aux tiers partis, même avec un homme aussi riche que Musk derrière les manettes. Et puis Musk est au moins aussi erratique que Trump (il y a quelques semaines il déclarait encore que la politique c'était fini pour lui). Mais oui il est vrai que parfois certains petits candidats peuvent faire trébucher des plus gros dans des courses serrées (que ce soit à la présidentille ou à d'autres échelons). Là où Musk peut aussi parasiter le jeu c'est sur les primaires républicains (il peut financer les candidats les plus favorables à sa ligne contre des candidats mieux implantés ?). On verra bien...
Michel29 a écrit:Trump sature l'espace... et ce forum.., et je m'aperçois qu'habituellement, il y avait un point , après l'élection présidentielle US, sur les autres votes et élections concomitantes (légalisations, interdictions, élections au niveau des états, des villes....)..
Quelqu'un s'y est-il penché ?
Merci.
Vous voulez parler des élections ayant eu lieu en même temps que la présidentielle ? Globalement ça a été pareil que pour la présidentielle et les élections au Congrès : des résultats plutôt serrés, pas de bouleversements majeurs. Les démocrates dominent toujours l'Amérique des villes, les républicains l'Amérique des campagnes, les référendums locaux voient plutôt les positions libérales l'emporter.
Sur les derniers mois, la plupart des élections passent globalement sous les radars (à l'exception des primaires pour la mairie de NYC). Il faut dire que cette année seuls le New-Jersey la Virginie voteront à l'automne, et que pour les postes de gouverneurs les primaires étaient sans enjeux (pour le New-Jersey les favoris l'ont emporté sans coup férir dans chaque parti, et en Virginie les candidats étaient déjà désignés par les partis sans primaires). Les élections intermédiaires ou les spéciales des dernières mois pointent toutes vers un schéma attendu : grosse claque pour le parti du président en place (et ça correspond au changement de paradigme des dernières années : désormais les démocrates surperforment plus que les républicains sur les spéciales et les scrutins intermédiaires), y compris dans des zones très favorables au GOP.
Signe des temps, alors que dans l'euphorie post présidentielle le GOP affirmait de très grandes ambitions pour ces 2 états, il semble qu'on soit désormais moins optimiste ses derniers mois du côté républicain pour ces scrutins à venir. Personnellement, concernant la Virginie je pense que les démocrates vont facilement l'emporter en novembre. Déjà parce que c'est la tradition (le parti du président élu perd quasiment toujours cette élection dans la foulée), mais aussi et surtout parce que la Virginie est sans doute l'état le plus pénalisé par les coupes budgétaires et les licenciements dans l'administration fédérale (et que comme souvent la candidate républicaine ne me parait pas le choix le plus judicieux). Je connais moins le New-Jersey, mais l'état me parait beaucoup trop bleu et le contexte pas assez favorable aux républicains ? Là aussi, on verra bien...