PhB a écrit:Corondar a écrit:A 99% du dépouillement, l'avance d'Ossoff sur Perdue est désormais de 35 000 voix, et celle de Warnock sur Loeffler d'environ 73 000 voix. Plus important : Ossoff a désormais 0.8 points d'avance et Warnock 1.6 points. En vertu du droit géorgien, les candidats républicains ne pourront pas demander de recompte (l'écart doit être inférieur à 0.5 points).
Perdue (et avec lui l'ensemble des républicains) peut sans doute maudire Shane Hazel, le candidat libertarien présent sur la sénatoriale du 03 novembre. Ce dernier avait empoché 115 039 voix (2.3% des voix). Rappelons que le 03 novembre il a manqué 13 471 voix à Perdue pour l'emporter dès le premier tour...
Ils doivent surtout maudire Trump, qui par ses rodomontades et ses provocations à dégoûté suffisamment d'électeurs républicains et mobilisé suffisamment d'électeurs démocrates pour inverser la tendance entre novembre et janvier...
Il est certain que même si Trump n'avait pas ourdi un pseudo coup d'état le 06 janvier, l'analyse des résultats du 05 janvier aurait sans doute permis de lui reprocher une certaine responsabilité dans la perte des 2 sièges.
D'ailleurs, une petite analyse des résultats en question, puisqu'ils sont quasi définitifs désormais. Je vais m'appuyer pour se faire sur un excellent article de FiveThirtyEight.
https://fivethirtyeight.com/features/ho ... a-runoffs/Et les chiffres tels que mis à jour par CNN.
https://edition.cnn.com/election/2020/r ... ate-runoffRemarquons de nouveau l'énorme participation : plus de 4 460 000 suffrages exprimés, soit près de 90% des suffrages exrpimés sur les élections du 03 novembre. Un maintien à un tel niveau sur un run-off est sans précédent. Le précédent record de participation sur un run-off datait de 2008, avec 2.1 millions de suffrages à l'époque.
Autre constat : c'est le second run-off dans l'historie géorgienne où les démocrates progressent par rapport à la générale, et c'est la première fois que cela se produit sur une sénatoriale. Habituellement, ce sont toujours les républicains qui voyaient leurs marges progresser entre la générale et le run-off. Et la progression des démocrates est assez uniforme que ce soit sur l'élection normale (Perdue / Ossoff) ou la spéciale (Loeffler / Warnock) : D+2.6 et D+2.7 respectivement.
Cette progression a été suffisante pour effacer l'avance des républicains du 03 novembre (R+1.8 sur la normale et R+1 sur la spéciale) et permettre aux démocrates de l'emporter. Et, au final, les victoires des démocrates sont relativement nettes : 83 000 voix et 2 points d'avance pour Warnock, 45 000 voix et 1 point d'avance pour Ossoff. La conséquence la plus évidente est que les républicains défaits voient leurs possibilités de contestation considérablement réduites (pas de recompte possible puisque les écarts sont supérieurs à 0.5 points, et si Trump n'a pas réussi à faire "annuler" 11 700 voix d'écart, on voit mal comment Perdue et Loeffler pourraient inverser des écarts 4 à 7 fois plus grands...).
Comment s'est construite cette inversion de tendance par rapport au 03 novembre ?
Une conjonction de facteurs ont joué :
1) une mobilisation énorme des électeurs Afro-Américains, et plus largement des électeurs non Blancs, dont la proportion totale atteint presque les 40% des suffrages exprimés sur les run-off. Les électeurs Afro-Américains représentant presque un tiers des électeurs qui se sont exprimés sur ces run-offs (en hause de 2 ou 3 points par rapport au 03 novembre).
2) à l'inverse, côté républicains, il semble bien que la démobilisation partisane a été un peu plus forte, notamment dans les comtés les plus ruraux de l'état. Si la participation républicaine dans ses zones de force s'est maintenue à des niveaux élevés, c'était tout de même moins que dans les zones de force démocrates.
3) la participation anticipée (vote à l'urne et courriers) a été colossale, là où le vote à l'urne le jour J a été un peu en retrait par rapport à cette participation anticipée (1.3 millions de votes le jour J contre 3.1 millions de suffrages anticipés). Et comme les démocrates ont maintenu leur domination dans les votes anticipés...
4) les candidats démocrates ont confirmé leur poussée dans les banlieues. Là aussi, ils améliorent légèrement les écarts par rapport aux scrutins du 03 novembre. 55% des habitants des banlieues d'Atlanta ont voté pour les démocrates, et 80% des habitants de la métropole d'Atlanta. Rappelons que l'aire urbaine d'Atlanta au sens large représente à elle seule un peu moins de 60% de la population totale de l'état. La domination des républicains dans les autres zones de l'état n'a pas été suffisante pour annuler les résultats démocrates dans la zone d'Atlanta au sens large.
Quant aux raisons que l'on peut avancer pour toutes ces évolutions, il y a je pense le structurel (oui la Géorgie devient de plus en plus un état pourpre) et le conjoncturel (oui Trump a fait n'importe quoi depuis le 03 novembre, entre les accusations infondées de fraudes et ses attaques contre les officiels républicains locaux, son veto et le fiasco sur les aides à 2 000 dollars, et les candidats républicains qui ont soutenu Trump jusqu'au bout en ont payé le prix). Sur ce dernier point d'ailleurs, les républicains peuvent aussi s'inquiéter sérieusement : si le message de Trump sur les élections truquées infuse réellement et durablement chez certains de ses électeurs, le risque de les voir se démobiliser est grand.
Un autre élément qui a aussi joué à mon avis : la pandémie de Covid. L'état de Géorgie est un des plus touchés actuellement, ce qui a forcément stimulé les votes anticipés et a aussi du peser sur les motivations de vote de certains...
Edit :
Et, évidemment le travail de terrain inlassable de Stacey Abrams depuis au moins 3 ou 4 ans. Elle a fait énormément pour que les électeurs démocrates s'inscrivent sur les listes et participent. Aussi bien dans des zones très bleues que des zones tangentes. Visiblement, elle a été très efficace. Etant donné les divisions internes du GOP extrêmement visibles dans cet état (les trumpistes annoncent vouloir le scalp du gouverneur républicain Kemp), elle a clairement une carte à jouer pour essayer de se faire élire gouverneure de l'état en 2022...
Petite précision aussi sur les écarts entre Loeffler et Perdue d'un côté, et Ossoff et Warncok de l'autre.
La participation est quasiment identique entre les deux élections, on peut donc supposer qu'il y a eu très peu d'électeurs n'ayant participé qu'à une seule des deux élections. Et donc, on peut en conclure qu'il y a bien eu des votes en
split tickets. Et étant donné les écarts entre les deux élections, on a bien eu quelques dizaines de milliers d'électeurs ayant voté pour Warnock sur la spéciale et Perdue sur la générale. Vraisemblablement plutôt des électeurs républicains ou des indépendants penchant républicains ?
La surprise étant que Warnock creuse l'écart par rapport à Ossoff dans les comtés de banlieues. Pour moi c'est une surprise : je pensais que Warnock creuserait plus son écart dans les comtés de la ceinture noire, or, cela ne semble pas être le cas.
Je pense que Loeffler dans la spéciale a agi comme un véritable repoussoir pour cette frange électorale. Ce qui est très ironique : elle avait été choisie par Kemp pour son profil plus "modéré", censé être plus attractive auprès de l'électorat de banlieue. Le souci c'est que depuis sa nomination Loeffler n'a cessé de donner des signes d'allégeance à la droite de la droite du GOP (en grande partie pour contrer la concurrence de son adversaire républicain sur le "premier tour", Collins, lequel était classé plus à droite qu'elle). A tel point que pendant la campagne elle s'est déclarée plus "conservatrice qu'Attila le Hun" (ce qui en soit n'a aucun sens : je doute qu'Attila le Hun puisse être classé politiquement sur un axe politique américain contemporain :) ).
https://tampa.cbslocal.com/2020/09/22/m ... effler-ad/Cela lui a permis de se qualifier pour le second tour, mais ce qui au final lui a fait perdre des plumes auprès de l'électorat où elle était censée être plus compétitive.