L'autre gros souci de Biden, c'est que sa campagne est grandement sous-financée par rapport à ses principaux concurrents. Même si on laisse de côté Bloomberg (qui est un cas à part, pouvant s'autofinancer sans limite), Sanders et Buttigieg lèvent nettement plus de fonds que l'ancien VP, et ils disposent d'équipes de campagne nettement plus étoffées dans un plus grand nombre d'états.
https://www.nytimes.com/2020/02/26/us/p ... esday.htmlSi dans les sondages pour la Caroline du Sud, il semble avoir repris du poil de la bête, dans ceux concernant les états du Super Tuesday, c'est plutôt Sanders qui semble en hausse. Environ 1350 grands électeurs seront distribués mardi prochain. Du côté de l'aile libérale, il y a 2 candidats en lice, Sanders et Warren, le premier ayant clairement pris l'ascendant sur la seconde. Du côté de l'aile centriste, on a pas moins de 5 candidats : Biden, Bloomberg, Buttigieg, Klobuchar et Steyer. Rappelons que le seuil des 15% reste valable. Si Sanders parvient à empocher plus de 40% ou 50% des délégués sur cette journée, il va prendre une grosse avance qu'il sera difficile de rattraper pour le candidat qui finira par émerger du courant centriste (si tant est qu'un seul émerge vraiment). Rajoutons à cela que traditionnellement, une fois qu'un favori se détache, il bénéficie généralement d'un effet boule de neige, qui voit souvent ses résultats excéder quelque peu ses sondages...
Même si il est beaucoup trop tôt pour se projeter sur la générale, j'aimerais revenir sur la thèse qu'on voit se développer un peu partout : Sanders serait un mauvais candidat garantissant à Trump d'être réélu.
Je suis nettement plus perplexe face à ces affirmations. Certes, Sanders va être dépeint en boucle par les républicains comme le fils de Staline et Mao, un communiste assoiffé de sang, ayant pour seul objectif la ruine de l'Amérique. Et, clairement, Sanders va servir de repoussoir pour les électeurs les plus modérés. Mais, comme l'avait fait remarquer Buttigieg pendant les débats, peu importe l'identité du candidat démocrate, il ou elle devra subir cette caricature.
Sanders sera sans doute nettement moins compétitif que ne le seraient Biden ou Buttigieg dans des états comme la Floride, l'Arizona ou la Caroline du Nord. Par contre, je pense qu'il serait un redoutable adversaire pour Trump dans les Grands Lacs et le Midwest, surtout auprès des Cols bleus, les fameux électeurs Obama-Trump. Car Sanders pourrait concurrencer Trump directement sur 3 éléments phares du trumpisme :
1) l'anti-establishment. Face à Hillary Clinton, Trump avait beau jeu de se présenter comme le candidat anti système. Face à Sanders, cette rhétorique sera nettement moins vendable. Le sénateur du Vermont étant lui même l'incarnation de l'anti système. Avec Sanders, même les banques et Wall Street pourraient trembler (ce qui ne fut pas le cas avec Trump).
2) le protectionnisme. Sanders est l'un des rares démocrates à défendre fermement une ligne protectionniste. Et, là aussi, il est même plus engagé que Trump : contrairement au président républicain, Sanders semble bien mettre sur la table une sortie de l'OMC et la fin des traités de libre échange (quant à savoir si il le ferait réellement ou si comme Trump il mettrait de l'eau dans son vin si il devait être élu, alors là ...).
3) la lutte contre l'immigration clandestine. Si les démocrates sont aussi officiellement en faveur de la lutte contre l'immigration clandestine, là aussi, le sénateur du Vermont affiche sur la question beaucoup plus d'intentions que ses petits camarades. Tout comme Trump, Sanders affirme vouloir mettre fin à l'immigration clandestine. La ressemblance entre les deux s'arrête là par contre :). Si Trump met en avant le fait que les immigrés viendraient voler le travail des honnêtes Américains et pervertir leur modèle de société (les fameux Mexicains violeurs, drogués et trafiquants), Sanders lui dénonce surtout la pression que les immigrés feraient exercer à la baisse sur les salaires. De même, au niveau de la lutte contre ces phénomènes, c'est le jour et la nuit. Trump met en avant une lutte exclusive contre les conséquences, avec projet de mur (non réalisé pour l'heure) et investissement dans le tout répressif. Du côté de Sanders, on met en avant une lutte contre les causes du phénomène : lutte contre les sociétés américaines ayant recours à la main d'oeuvre clandestine (avec hausse des contrôles du ministère du travail, et forte hausse des amendes et de la collecte de ces dernières par le ministère du budget contre les entreprises hors la loi) et aide au développement pour les pays d'Amérique latine.
Sur ces 3 points je pense que Sanders pourrait représenter une concurrence très forte pour Trump auprès de certains électeurs.
A mon avis, un Sanders candidat officiel du parti de l'âne ne représenterait pas forcément un risque supérieur pour la présidentielle (la polarisation du paysage politique étant ce qu'elle est, les fondamentaux de l'élection présidentielle ne seraient pas bouleversés non plus), mais plutôt pour les autres échelons. Beaucoup de candidats à la Chambre et au Sénat seraient handicapés par un ticket démocrate mené par un candidat ouvertement socialiste.
A mon sens, Sanders candidat ne réduirait pas sensiblement les chances des démocrates d'emporter la Maison Blanche (je dirais même que Sanders serait loin d'être le pire candidat pour ça, surtout si il se dégote un(e) bon(ne) candidat(e) pour le poste de VP), par contre il pourrait leur coûter quelques précieux sièges à la Chambre et/ou au Sénat. Tout cela n'est bien sur que mon analyse fort personnelle...