Alors que l'administration Biden (qui est désormais
complète au niveau des ratifications du Cabinet, ce qui est notable vu l'absence de vote ou d'examen pendant la
lame duck session) passe la seconde sur
la campagne de vaccination et fait la
promotion de son plan d'aides massives voté par le Congrès, les républicains passent eux la seconde concernant les restrictions électorales. La Géorgie vient de ratifier en quatrième vitesse toute une série de lois visant à réduire au maximum la participation électorale, sous couvert de "sécurisation" du processus. On voit mal comment réduire le calendrier électoral et criminaliser le fait de donner de l'eau ou de la nourriture aux électeurs (et oui, si vous donnez une bouteille d'eau à un électeur qui patienterait pour voter, vous serez désormais passible d'emprisonnement en Géorgie...) faisant la queue devant les bureaux de vote rendrait le scrutin plus sur ?
https://apnews.com/article/donald-trump ... 68a5f1d0b8L'état limite notamment le recours au vote par correspondance, accroît les demandes de papiers d'identité (avec les stratégies habituelles : les permis de port d'armes périmés ou sans photo son acceptés, pas les cartes étudiants) et limite sévèrement le calendrier électoral (certaines de ces limitations visent ostensiblement l'électorat afro-américain, en interdisant notamment le vote anticipé à l'urne le dimanche, beaucoup d'électeurs afro-américains ayant l'habitude de voter après l'office religieux).
Les démocrates sont remontés comme des coucous, et semblent déterminés à ne plus laisser le monopole des stratégies byzantines aux républicains : les démocrates annoncent qu'ils comptent bien faire voter l'étatisation de DC ainsi qu'une nouvelle loi fédérale pour encadrer et uniformiser le droit électoral au niveau national. Pour se faire, les démocrates envisagent sérieusement de réformer le
filibuster, et plusieurs acteurs importants (Biden, Manchin et Synema principalement) ont envoyé des signaux très clairs sur la stratégie retenue : revenir à la pratique du
filibuster tel qu'il était utilisé avant les années 1970. Suite à une réforme votée sous Nixon, il suffit désormais que 41 sénateurs objectent à la fin des débats de manière formelle pour bloquer l'examen d'un texte (les seules exceptions concernant certains aspects du budget dans le cadre des "conciliations", et certaines nominations au sein du Cabinet ou de la SCOTUS). Les démocrates n'ayant pas 60 sénateurs dans leur majorité, ils ne peuvent pour l'heure empêcher les républicains de bloquer leurs textes.
L'idée serait de revenir à la pratique d'origine du
filibuster : pour empêcher la clôture des débats, les sénateurs devaient physiquement occuper la tribune en continu. Cela veut dire qu'un sénateur devait en permanence parler sans jamais s'arrêter (les pauses pipi, boissons et nourritures étant interdites) pour maintenir le débat ouvert (par contre, peu importe ce qu'il dit : il peut réciter l'annuaire téléphonique de l'Alabama ou lire l'intégrale des œuvres de Mark Twain si ça lui chante).
Car oui, jusque dans les années 1970 c'était ainsi que fonctionnait le
filibuster (ce qui permettait à l'opposition de ralentir le vote d'une loi de plusieurs semaines en relayant plusieurs sénateurs endurants, mais il y avait toujours un moment où ce petit jeu s'arrêtait faute de combattants).
Il semblerait que le caucus démocrate au Sénat serait d'accord pour voter un retour du règlement à l'ancien
filibuster. Outre l'étatisation de DC et une loi électorale fédérale, l'administration Biden espère également pouvoir ainsi faire voter une loi de financement des infrastructures (Buttigieg dit vouloir injecter plusieurs milliers de milliards dans ces grands travaux, projet que chaque administration dit vouloir faire depuis au moins 20 ans sans y parvenir faute de majorité, ou sans vraiment essayer), une loi sur l'immigration (qui reprendrait plus ou moins les modèles proposés sous Bush et Obama : naturalisation des clandestins installés de longue date en échange d'un financement accru pour la police des frontières et un durcissement des lois actuelles d'obtention des visas), une hausse des impôts pour les plus riches et les grosses entreprises, et une autre loi sur la police (qui reprendrait les promesses du candidat démocrate : des lois fédérales plus sévères contre les bavures policières et une réforme fédérale des recrutements et des financements des polices locales).
On verra bien si les démocrates arrivent à rester unifiés pour faire voter tout ça, mais je pense que la réforme du
filibuster est désormais quasi certaine. Et je pense que les ratifications dans les mois à venir de lois sur l'étatisation de DC (les démocrates seront pour, les républicains contre), sur un projet de nouvelle loi électorale fédérale (étant donné que l'interdiction du
gerrymandering semble aussi au menu des démocrates, on peut aussi s'attendre à un vote partisan sur le sujet) et sur un plan d'investissement dans les infrastructures (sur ce sujet là débaucher des voix républicaines devrait même être possible ?) sont plus que probables. Pour la hausse des impôts sur les plus riches et les sociétés, je dirais que ce serait du 50/50 ? Pour la réforme de l'immigration et de la police je suis nettement plus sceptique quant à la possibilité de voir le caucus démocrate présenter un front uni là dessus (et obtenir des voix républicaines, ça me semble impossible).
Bref, les mois à venir s'annoncent chargés...
https://www.nytimes.com/live/2021/03/24 ... news-todayhttps://talkingpointsmemo.com/news/durb ... filibusterhttps://thehill.com/homenews/senate/544 ... rate-taxeshttps://edition.cnn.com/2021/03/22/poli ... index.htmlA un niveau moins national (quoique...), en Californie, on est toujours en attente de la vérification des signatures collectées par les républicains pour enclencher un référendum sur une éventuelle destitution du gouverneur démocrate Newsom. Même si on devait en arriver là , je ne suis pas certain qu'il soit destitué...
https://www.probolskyresearch.com/2021/ ... call-poll/Chez les républicains, on continue à se faire la guerre entre pro et anti Trump. Trump Junior semble s'être fixé comme objectif principal d'obtenir la peau de Liz Cheney, qui a eu l'audace de voter en faveur de l'impeachment de son père. Certains républicains du Wyoming, motivés par la machine trumpiste, ont essayé de modifier le code électoral de l'état (le réflexe désormais quasiment pavlovien des républicains de
tripatouiller le code électoral dans un but ouvertement électoraliste ne cessera jamais de m'étonner) afin d'instaurer un système de
jungle primary. En effet, les trumpistes craignent que lors des futures primaires Cheney soit la seule candidate centriste, là où le courant trumpiste serait divisé entre plusieurs candidats se revendiquant de cette ligne, permettant ainsi à Cheney de virer en tête et de conserver l'investiture républicaine ? Avec une
jungle primary, les trumpistes espéraient pouvoir placer l'un des leurs face à Cheney pour la manche finale. Malgré (ou à cause de ?) l'investissement de Junior auprès des républicains du Wyoming, le sénat local a repoussé le projet de loi en question (ça s'est joué à rien : 15 voix contre 14). Pour l'heure, Cheney 1 - Trump 0 ? Jusqu'à la nouvelle manche ?
https://edition.cnn.com/2021/03/25/poli ... index.htmlToujours dans la galaxie trumpienne, on en a eu une bien bonne récemment. Sidney Powell, une des anciennes avocates de la campagne Trump (qui était en pointe dans le combat contre les fraudes électorales imaginaires entre novembre et décembre, intentant des dizaines de procès un peu partout et se démultipliant dans les médias à cette occasion), fait partie des nombreuses personnes et institutions poursuivies par la société Dominion (qui fabrique des machines électroniques à voter) pour diffamations (Dominion a peu goûté d'être faussement accusé en place publique d'avoir truqué les élections en faveur de Biden, et, ayant perdu des contrats suite à cette mauvaise "publicité", elle réclame plusieurs milliards de dollars de dédommagements). Les avocats de cette dernière viennent de présenter sa ligne de défense officielle dans cette action judiciaire (accrochez-vous bien, c'est salé) : ses avocats disent que les démarches judiciaires entreprises par Powell et son argumentaire dans le cadre des "fraudes" électorales étaient à ce point ouvertement mensongers et ridicules (je cite : "accusations sauvages" et "revendications farfelues"), qu'aucune personne censée et intelligente ne pouvait prendre ces démarches et ces accusations pour un discours crédible et sérieux (je cite encore : "les gens raisonnables ne pouvaient appréhender de telles déclarations comme des faits"). Les avocats de Powell concluent donc que les accusations de "fraudes" électorales présentées par Powell (et donc par la campagne Trump) sont (je cite toujours) "intrinsèquement improbables, voire impossibles." Conclusion des avocats de Powell : les accusations de "fraudes" électorales étant ouvertement ridicules et mensongères, elles ne peuvent avoir été prises au premier degré que par des gens stupides (Trump et ses électeurs apprécieront surement), en conséquence de quoi, Dominion ne peut se revendiquer d'un préjudice quelconque. J'avoue j'ai du m'y reprendre à plusieurs fois pour me convaincre que c'était bien là la ligne de défense officielle retenue par l'ancienne avocate de Trump :).
Je ne sais pas si cette ligne de défense pourra la protéger au niveau des poursuites civiles initiées par Dominion à son encontre , par contre elle l'expose grandement à être radiée du barreau (la profession des avocats semblant peu apprécier qu'une de leurs membres affirme sans rire que ses requêtes judiciaires étaient des blagues visant à intenter des poursuites infondées).
https://edition.cnn.com/2021/03/22/poli ... index.html