de Corondar » Jeu 17 Nov 2022 03:44
Les républicains conservent le district 27 de Californie et les démocrates le 02 du Maine : on est donc à 218 pour le GOP (le chiffre magique qui leur offre donc la majorité à la Chambre) et 210 pour les démocrates.
Il ne reste que 7 sièges à déterminer :
1) le siège de l'Alaska est certain d'aller aux démocrates, reste à savoir si la sortante Peltola dépassera les 50% dès le premier décompte ou si elle aura besoin du report des candidats 4 et 3 pour se faire...
2) le district 03 du Colorado, où je ne comprends pas bien ce que l'on attend pour le déclarer, la sortante républicaine ayant la même avance depuis des jours, je ne sais pas si il reste encore suffisamment de bulletins à dépouiller qui justifieraient cette attente, mais à priori les républicains devraient le conserver
3) restent donc 5 districts californiens où on a eu une nouvelle fournée de dépouillements. Les démocrates sont désormais quasiment assurés de conserver les 2 districts du comté d'Orange (les 47 et 49), les républicains devraient eux aussi conserver les districts 3 et 22 (pour ces dernier je laisse une petite réserve car il manque encore beaucoup de bulletins à dépouiller, environ 40% dans le 3 et 50% dans le 22, il faudra y surveiller les évolutions dans les jours à venir, mais les sortants républicains sont bien partis). Reste donc le district 13, qui est à mon avis le seul où le suspens demeure vraiment : à 65% du dépouillement le démocrate n'a que 600 voix d'avance.
On devrait donc être à 213-214 pour les démocrates et 221-222 pour les républicains. Je parie sur le 214-221 ?
Et donc, petit bilan (provisoire certes, mais tout de même assez complet) de ces midterms, avec le comparatif avec mes pronos :
1) niveau participation, on devrait être un poil en dessous de la participation historique d'il y a 4 ans, 50% à l'époque, plutôt 48% aujourd'hui. Dans mon modèle final je prévoyais une participation de 46%, je suis plutôt bon. Mais j'entrevoyais une participation plus homogène, alors qu'en réalité on a un tableau extrêmement différencié selon les états.
Sur le sujet de la participation, il est désormais évident que les républicains ont un gros souci sur les bras avec le fait que les démocrates sont aussi dominants dans le vote anticipé. Les démocrates partent avec un gros avantage préliminaire et sans une participation massive le jour du vote (qui est toujours soumise aux aléas du jour J), les républicains peuvent avoir du mal à rattraper cette marge d'avance. Je pense qu'il va falloir que les républicains se mettent à refaire un peu de pédagogie sur le sujet auprès de leur base.
2) au niveau de la Chambre, si on part sur un 221-214 pour les républicains, les démocrates ne perdraient que 8 sièges, ce qui pour une majorité sortante sur des midterms est extrêmement peu. Les républicains auront une majorité plus courte que celle sortante des démocrates. Et alors que mon modèle pointait vers une bonne résistance des démocrates sur cet échelon, j'étais tout de même loin du compte : je voyais les républicains osciller entre 230 240 sièges. Si j'entrevoyais la bonne résistance des démocrates dans leurs districts sortants, j'ai sous-estimé leur capacité à basculer des sièges républicains. J'ai au moins bon sur le fait que les démocrates allaient dépasser la barre des 200 représentants, mais je ne les voyais pas aller au delà des 210.
3) au Sénat on est pour l'heure sur 50 pour les démocrates et 49 pour les républicains, avec le siège de Géorgie en suspens jusqu'au run-off. Sur cet échelon je n'ai pour le moment qu'un seul raté au niveau des pronos, le Nevada que je voyais basculer. Là aussi j'ai sous-estimé un poil la résistance des démocrates. Je suis assez content de mon modèle ici car j'avais plutôt les bonnes marges dans la plupart des états (j'ai largement sous-estimé l'ampleur du tsunami bleu au Michigan et en Pennsylvanie, par contre sur l'Arizona, le New Hampshire, l'Ohio, le Colorado et Washington je suis largement dans les bonnes marges). Je suis aussi dans la bonne marge pour la Floride, mais j'ai beaucoup remanié mon modèle ici avec les chiffres de la participation anticipée, du coup c'est de la triche :). Avant ces remontées anticipés, j'étais plutôt sur un +10 pour DeSantis et +5 pour Rubio (mais je prévoyais aussi une meilleure participation ici, or l'électorat démocrate s'y est très peu mobilisé).
4) au niveau des postes de gouverneurs, les démocrates enregistrent un gain net de +2 (bascule du Massachussetts, du Maryland et de l'Arizona, perte du Nevada). On notera qu'il y a 4 ans on avait 33 gouverneurs républicains pour 18 démocrates (un indépendant), et qu'on est aujourd'hui à 26/24 en faveur des républicains. Sur cet échelon là j'ai deux erreurs : je pensais que les démocrates perdraient le Wisconsin (de très peu) et que les républicains conserveraient l'Arizona (de très peu). Par contre j'ai eu le nez creux sur le Kansas, l'Oklahoma et l'Oregon. Ici je pense avoir un poil sous-estimé la toxicité des candidats trumpistes.
Honnêtement, même si j'ai un poil sous-estimé les démocrates, je suis plutôt content de mon modèle. J'ai bien fait de pondérer le poids des sondages au profit d'autres éléments (résultats des élections spéciales, des primaires, poids des sortants...). Surtout, sur les sondages, j'ai viré quasiment tous les sondeurs partisans de mon modèle pour ne garder que les sondeurs indépendants. Et quand on fait ça, on se rend compte que ces derniers étaient beaucoup plus précis. Clairement, dans les dernières semaines de campagne, les sondeurs pro républicains se sont lâchés en publiant beaucoup de sondages avec des biais marqués qui ont donné une impression de vague rouge, là où les sondeurs indépendants continuaient à donner des résultats nettement plus équilibrés. A noter aussi que les sondages sur les districts à la Chambre ont été plutôt justes.
Je souhaiterai mettre en perspective tous ces résultats :
1) les démocrates perdent moins de 10 sièges à la Chambre (la perte moyenne pour une majorité sortante sur des midterms est d'environ 30 sièges)
2) les démocrates n'enregistrent pas de perte sèche au Sénat, et y finiront entre +0 et +1 selon le run-off de Géorgie (la perte moyenne pour une majorité sortante est d'environ 2 sièges sur des midterms)
3) les démocrates ne vont perdre aucune des assemblées locales qu'ils détenaient avant le scrutin, et en font basculer plusieurs
4) les démocrates enregistrent un gain net au sein des postes de gouverneurs de +2 (avec un contrôle de tout un tas de swing states : Arizona, Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie)
Pour trouver une majorité sortante qui réalise ces 4 éléments en même temps sur des midterms (perte de moins de 10 sièges à la Chambre, pas de perte sèche au Sénat, ni dans les assemblées locales ni sur les postes de gouverneurs), il faut remonter à 1934.
Une fois ceci posé, il semble évident que les démocrates sont allés arracher la victoire des mâchoires de la défaite, et que tout un tas d'éléments ont joué pour en arriver là :
1) l'élément fondamental à mon avis c'est le renversement de Roe vs Wade par la SCOTUS. Couplé avec les dérives de nombreux républicains sur la thématique de la démocratie et du droit de vote, les démocrates se sont vus servir sur un plateau par les républicains 2 puissantes thématiques de campagnes (la défense de l'avortement et de la démocratie) qui ont pu efficacement contrer les thématiques de l'inflation, de l'immigration et de la sécurité qu'ont tentées d'imposer assez classiquement les républicains
2) le poids des candidats sortants a été un facteur déterminant. Ce poids des sortants a été renforcé par le fait que les républicains ont nominé dans plusieurs swing states dans des courses clefs des candidats déplorables, là où les démocrates avaient nominé des candidats nettement plus solides, même quand ils n'avaient pas de sortants.
A cet égard, tout au long de la campagne, je n'ai cessé de constater à quel point les républicains avaient un gros problème en Pennsylvanie, aussi bien sur le poste de gouverneur (où le GOP s'est choisi un candidat ouvertement antisémite et extrémiste) que sur le poste de sénateur (où le GOP a choisi un multi millionnaire américano-turc qui vivait au New-Jersey il y a encore quelques mois). Et des candidats problématiques, le GOP en a aligné beaucoup cette année.
3) les démocrates ont fait campagne sur des réalisations concrètes de l'administration Biden dont on peut à loisir débattre de la portée et de l'efficacité, mais il y avait tout de même un bilan. Et, à partir de ce bilan, ils ont développé un programme et des propositions. Côté républicains c'était nettement plus flou sur le concret.
4) Trump a clairement été un facteur négatif pour le GOP, ses ennuis judiciaires aussi. Ce point là est lié au point 2, puisque c'est Trump qui a permis à plusieurs mauvais candidats de gagner l'investiture.
De mon point de vue, les démocrates peuvent dire merci aux juges conservateurs de la SCOTUS, à Trump, à ses candidats. J'ai le sentiment qu'on a plus eu une défaite des républicains qu'une victoire des démocrates. Contrairement aux habitudes des midterms, les électeurs américains ne se sont pas contentés du vote sanction classique, et ont comparé les deux partis. Et, clairement, le parti républicain n'a pas du tout réussi à vendre aux électeurs l'idée qu'il ferait mieux que le parti démocrate.
A mon avis, les républicains ont un paquet de problèmes sur les bras, et tous les résoudre ne va pas être simple. La nouvelle candidature de Trump déjà actée pour les primaires de 2024 ne va pas les aider non plus.
Et je me lance sur un nouveau prono : Warnock sera réélu lors du run-off de Géorgie, les démocrates devraient finir avec 51 sièges. Ce qui changerait tout de même pas mal de choses :
1) le poids de Manchin et Synema sera un peu moins fort. Cette dernière va désormais subir une pression encore plus grande pour rentrer dans le rang sur certains votes ?
2) avec un 51/49, la majorité démocrate gagnerait plus de sièges et de poids dans les commissions parlementaires (avec un 50/50 la répartition est équitable, avec 51/49 les démocrates seraient nettement plus aux commandes des commissions)
3) 51/49 c'est plus sécurisé que 50/50, en cas de pépin pour un sénateur démocrate élu dans un état où un gouverneur républicain pourrait nommer un remplaçant
Surtout, le fait que les démocrates ont d'ores et déjà conservé la majorité au Sénat leur permet de continuer des juges libéraux dans les cours fédérales pendant au moins 2 ans.
Par contre, je retiens tout de même la concomitance de 2 éléments qui sur le papier pourraient paraître contradictoires. On a eu énormément de Split tickets entre le Sénat et les postes de gouverneurs, ce qui pourrait indiquer un esprit plus bipartisan que sur les scrutins précédents. Pourtant, à une exception près (le Wisconsin), tous les états ont voté au Sénat comme ils ont voté pour la présidentielle il y a 2 ans, ce qui tend à défendre l idée d un maintien de la polarité extrême du paysage politique. Je trouve ça assez étonnant que ces 2 éléments puissent se cumuler sur la même élection.