VincentLP92 a écrit:Je ne suis pas vraiment d'accord. Ce sondage montre au contraire que l'électorat macroniste de paris est assez équilibré droite-gauche, mais s'est divisé entre Buzyn et Villani. Comme on le subodorait ici, l'électorat de Buzyn a un léger tropisme à droite (mais difficile à mesurer), celui de Villani un fort tropisme à gauche.
Le décalage avec la stratégie nationale de LREM, qui dans les faits s'allie essentiellement à la droite, est surprenant. Une preuve de la particularité des macronistes parisiens, évoquée quelques posts plus hauts ?
Je ne suis pas sûr que regarder simplement les reports de Villani et de Buzyn soit la bonne approche quand on veut apprécier les caractéristiques de l'électorat LREM et la pertinence des alliances LREM avec la droite. Une des raisons principales pour cela est que ces électorats (surtout celui de Villani) ne sont pas composés que d'électeurs proches de LREM. Si on regarde
ce sondage IFOP fait peu avant le 1er tour (et dont les résultats globaux ne sont pas si éloignés de ce qu'on a observé), on s'aperçoit en page 6 que Villani obtenait les intentions de vote de 9% des électeurs proches de LREM mais également de 11% de ceux proches d'EELV et 7% de ceux proches du PS. Le tropisme au centre-gauche de l'électorat Villani dans les reports au 2ème tour peut très bien s'expliquer par le comportement des sympathisants EELV/PS dans son électorat sans que les sympathisants LREM aient les mêmes attitudes de report. D'ailleurs, avec le peu de données que l'on a (les deux sondages cités), je pense qu'effectivement ces deux composantes de son électorat doivent avoir des attitudes de report différentes :
- les choix des sympathisants LREM au 1er tour se répartissaient en 25% Hidalgo/Belliard/Simonnet, 9% Villani, 51% Buzyn, 15% Dati alors que, pour le second tour, c'est 23% Hidalgo, 57% Buzyn, 19% Dati, 1% autres => vu la part de vote utile pour Dati et Hidalgo chez Buzyn, il me semble donc probable que les 9% de Villani soient plutôt allés vers Buzyn
- les choix des sympathisants PS au 1er tour se répartissaient en 81% Hidalgo/Belliard/Simonnet, 7% Villani, 6% Buzyn, 5% Dati alors que, pour le second tour, c'est 86% Hidalgo, 6% Buzyn, 5% Dati, 3% autres => là je pense donc plutôt que les sympathisants PS de Villani sont retournés vers Hidalgo
- les choix des sympathisants EELV au 1er tour se répartissaient en 82% Hidalgo/Belliard/Simonnet, 11% Villani, 4% Buzyn, 1% Dati alors que, pour le second tour, c'est 84% Hidalgo, 6% Buzyn, 9% Dati, 1% autres => là c'est moins lisible mais il est possible que l'électorat sympathisant EELV se soit plus éclaté
Ensuite, sur le sujet plus général des alliances LREM et de son électorat, je crois qu'il ne faut pas perdre de vue que les sympathisants LREM constituent un électorat :
- à la fois composite avec une partie des électeurs capable de voter pour le PS/EELV (au centre/centre gauche donc) et une partie équivalente capable de voter pour LR (à droite donc)
- mais dont le point d'équilibre est au centre droit
Le premier point est bien illustré par les sondages dont on vient de parler avec des sympathisants LREM votant à 23% pour Hidalgo et 19% pour Dati au 2nd tour.
Pour le second point, c'est illustré par l'observation des matrices de transferts de voix depuis 2017 croisées avec les matrices de votes selon la proximité partisane. En 2017, l'électorat Macron était globalement équilibre au centre avec des apports majoritaires venant de l'électorat Hollande 2012 contrebalancés par des apports substantiels (mais moins importants) venant de Bayrou 2012 et des apports assez marginaux de Sarkozy 2012. Néanmoins, depuis 2017, l'électorat LREM s'est dégarni sensiblement sur sa gauche et a gagné sur sa droite. On le voit à chaque fois en notant qu'il y a des transferts importants de l'électorat Macron 2017 vers les candidats du centre gauche (aux européennes et aux municipales) alors qu'il y a des transferts substantiels vers les candidats LREM depuis l'électorat Fillon 2017. Mais il est aussi intéressant de noter que ce mouvement vers la droite a aussi affecté les sympathisants LREM :
- quand on compare les transferts du vote Macron 2017 vers les candidats du centre gauche par rapport aux votes des sympathisants LREM, on constate toujours que les transferts depuis Macron 2017 vers le centre gauche sont toujours plus prononcés que le vote des sympathisants actuels LREM
- quand on compare les transferts du vote Fillon 2017 vers les candidats macronistes par rapport aux votes des sympathisants LR/UDI, on constate toujours que les transferts depuis Fillon 2017 vers LREM sont plus prononcés que le vote des sympathisants actuels LR/UDI
Dans les deux cas, ça signifie que des anciens sympathisants LREM de 2017 ont (re)changé leur proximité partisane vers le centre gauche alors que des anciens sympathisants LR/UDI de 2017 ont changé leur proximité partisane vers LREM. Tout ceci va dans le sens d'un glissement électoral vers la droite de LREM - non pas simplement en périphérie de son électorat mais bien en son point d'équilibre.
Dernier point d'importance si on veut, à mon sens, apprécier la pertinence des alliances de LREM : où est le potentiel électoral de LREM au delà du cœur des sympathisants ? Si on regarde le résultat des européennes, il me semble clairement être à droite plus qu'à gauche.
Ce sondage jour de vote indique que 12% des sympathisants de droite (hors LREM donc) ont voté pour la liste LREM pour 6% seulement des sympathisants de gauche. Les résultats du 1er tour des municipales dans beaucoup de communes où l'on a des sondages semblent indiquer une porosité plus grande des listes LREM (hors alliances de 1er tour) avec les sympathisants de droite que de gauche (pour qui LREM devient de plus en plus un repoussoir).
Si on synthétise l'ensemble de ces élements (sympathisants LREM composite mais avec un point d'équilibre au centre droit, potentiel électoral plus prononcé à droite qu'à gauche, répulsivité de LREM à gauche), il ne me semble pas du tout absurde que la stratégie poursuivie par LREM soit plutôt celles d'alliances à droite qu'à gauche. Déjà parce que les cadres locaux qui doivent avoir une idéologie proche de la moyenne de celle des sympathisants poussent en ce sens. Ensuite parce que pas grand monde au centre gauche ne veut désormais faire alliance avec LREM. Le problème pour LREM, c'est en plus que, dans le cadre d'un scrutin municipal avec un avantage à l'implantation et aux majorités sortantes, ils font de faibles scores et que la question des alliances se pose principalement pour eux en tant que partenaires minoritaires. L'intérêt pour eux de faire des alliances est donc limitée et en plus problématique car ils ne seront que partiellement décideurs. Dans ce contexte, ils pourraient choisir de ne pas faire d'alliances (ce qu'ils ont d'ailleurs fait à certains endroits) pour maintenir la crédibilité d'un discours "et droite et gauche" mais l'attrait des sièges doit parfois être plus forte (et il faut bien satisfaire de temps en temps les militants locaux qu'on a l'habitude de caporaliser) et par ailleurs ne pas choisir rentre en contradiction avec leur discours sur la responsabilité dont ils se parent (notamment dans le cadre du barrage au RN).
Tout ceci a bien entendu tendance à aliéner davantage la partie gauche des sympathisants et à renforcer le caractère répulsif de LREM chez les électeurs de gauche. Mais, à mon sens, ceux-ci ne peuvent pas être regagnés par LREM (pour les électeurs) ou satisfaits (pour les sympathisants) par des alliances à gauche, ils ne pourraient l'être (éventuellement et c'est pas gagné) que par une inflexion de la politique nationale menée. Reste à savoir s'il y a une volonté de Macron/LREM de donner cette inflexion ou non avec les risques électoraux que cela comporte et l'éventuelle inadéquation avec ses inclinaisons personnelles. Il me semble toujours un peu surprenant que l'on déplore/critique/s'étonne des alliances sans parler de la politique menée alors que ces alliances sont bien souvent la conséquence des mouvements électoraux induits par la politique en question...
A ce stade, il me semble en tout cas qu'il n'y a pas et n'y a pas eu de volonté réelle d'inflexion de la politique menée et qu'en réalité, Macron se satisfait bien de l'inclinaison vers la droite de son parti. Ce n'est pas forcément le cas de tout le monde dans le parti en question et ceux-ci peuvent continuer à croire au discours "et droite et gauche" mais, pour ce qui est des cadres dirigeants, ce discours apparaît plus rhétorique qu'autre chose. Nous verrons si cela persiste mais, par exemple, le choix d'écarter Villani à Paris me parait avoir été une illustration de la volonté de persister à droite alors qu'il est un des rares candidats (ex-)LREM à avoir un attrait au centre gauche et que la sociologie parisienne indiquait très clairement que le gain de la mairie ne pouvait se faire qu'au centre ou centre gauche et pas au centre droit comme Griveaux l'a vendu, pensé et mis en oeuvre. Donc, même quand les enjeux semblent clairs, l'inclinaison vers la droite semble prédominer au mépris de ses propres intérêts électoraux.