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Référendum constitutionnel du 21 février 2016 en Bolivie

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Re: Référendum constitutionnel du 21 février 2016 en Bolivie

Messagede Genaro Flores » Mer 24 Fév 2016 00:56

Résultats définitifs : victoire du Non avec 51,30% des suffrages exprimés


Divulgué le 7 mars, au lendemain du vote des électeurs de quatre bureaux (deux dans le département de La Paz, deux dans celui de Santa Cruz), où des incidents, le 21 février, avaient conduit à l’annulation du scrutin, l’ultime rapport du Tribunal suprême électoral (TSE) établit les résultats finaux suivants :

- Non : 51,30%.
- Oui : 48,70%.


En conséquence, l’article 168 de la Constitution de 2009 n’est pas modifié, le président et le vice-président de l’Etat ne pouvant toujours prétendre qu’à une seule réélection de manière continue. Et non pas deux comme le souhaitaient les prometteurs du Oui, emmenés par le président Evo Morales Ayma et le vice-président Álvaro García Linera. Réélus le 11 octobre 2014 pour cinq ans avant d’être investis le 22 janvier 2015, tous deux quitteront donc leurs fonctions le 22 janvier 2020, et ce après 14 ans de règne. N’empêche, si la Constitution proscrit plus de deux mandats consécutifs, rien ne leur interdira d’en briguer un nouveau, le quatrième en l’occurrence, en 2025.

G.F.


Résultats généraux (intérieur + extérieur) :

- Inscrits : 6 502 069.

- Votants : 5 490 919, soit 84,45%.
- Abstention : 1 011 150, soit 15,55%.

- Suffrages exprimés : 5 228 652, soit 95,22%.
- Votes blancs : 68 845, soit 1,25%.
- Votes nuls : 193 422, soit 3,52%.

- Oui : 2 546 135 suffrages exprimés, soit 48,70%.
- Non : 2 682 517 suffrages exprimés, soit 51,30%.
L’écart s’élève donc à 136 382 suffrages exprimés, soit 2,60%.


Résultats à l’intérieur :

- Inscrits : 6 243 079.

- Votants : 5 409 838, soit 86,65%.
- Abstention : 833 241, soit 13,35%.

- Suffrages exprimés : 5 151 610, soit 95,23%.
- Votes blancs : 68 005, soit 1,26%.
- Votes nuls : 190 223, soit 3,52%.

- Oui : 2 506 562 suffrages exprimés, soit 48,66%.
- Non : 2 645 048 suffrages exprimés, soit 51,34%.
L’écart s’élève donc à 138 486 suffrages exprimés, soit 2,68%.


Résultats à l’extérieur :

- Inscrits : 258 990.

- Votants : 81 081 soit 31,31%.
- Abstention : 177 909 soit 68,69%.

- Suffrages exprimés : 77 042, soit 95,02%.
- Votes blancs : 840, soit 1,04%.
- Votes nuls : 3 199, soit 3,95%.

- Oui : 39 269 suffrages exprimés, soit 51,37%.
- Non : 37 174 suffrages exprimés, soit 48,63%.
L’écart s’élève donc à 2 104 suffrages exprimés, soit 2,74%.


Résultats dans les neuf départements (1) :

La Paz (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 55,83%.
- Non : 44,17%.

Oruro (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 52,03%.
- Non : 47,97%.

Potosí (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 46,74%.
- Non : 53,26%.

Chuquisaca (Yungas ou vallées) :
- Oui : 44,77%.
- Non : 55,23%.

Cochabamba (Yungas ou vallées) :
- Oui : 54,89%.
- Non : 45,11%.

Beni (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,28%.
- Non : 60,72%.

Pando (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 46,02%.
- Non : 53,98%.

Santa Cruz (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,56%.
- Non : 60,44%.

Tarija (Yungas ou vallées ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,84%.
- Non : 60,16%.

(1) La Bolivie politique ne correspond pas forcément à sa géographie physique. Ainsi, le département de Tarija, localisé géographiquement dans les Yungas, est inséré dans la « Demi-Lune », surnom politique attribué aux basses terres orientales.
Par ailleurs, les départements peuvent englober plusieurs aires géographiques différentes même si traditionnellement on ne les intègre qu’à une seule. Ainsi, celui de La Paz, réduit fréquemment à l’Altiplano où vit l’immense majorité de sa population, comprend aussi, et à travers une superficie beaucoup plus importante, les Yungas (nord-est de la ville de La Paz) ainsi que les basses terres orientales (nord). Du coup, l’analyse politique d’un département peut différer selon les zones géographiques qu’il renferme.
Dernière édition par Genaro Flores le Mer 9 Mar 2016 19:40, édité 9 fois.
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Re: Référendum constitutionnel du 21 février 2016 en Bolivie

Messagede cevenol30 » Jeu 25 Fév 2016 22:04

Si l'étranger et certaines zones (même pas toutes) de l'Altiplano ont voté conformément aux souhaits présidentiels comme prévu, pas avec assez d'ampleur, ça n'a pas empêché un "non" surtout massif dans les basses terres de l'emporter.
A noter, concernant l'abstention: le vote est obligatoire en Bolivie. J'ignore quelles sont les sanctions dans le cas contraire mais 15% des électeurs les ont jugées supportables au regard de leurs éventuels empêchements.
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Re: Référendum constitutionnel du 21 février 2016 en Bolivie

Messagede cevenol30 » Jeu 25 Fév 2016 22:18

Les résultats de sondages du jour étaient donc corrects, en fait.
Admettre que sa succession relevait des mouvements sociaux était pour Morales une manière de reconnaître sa défaite (ou s'il n'y croyait pas encore, d'indiquer qu'il en passerait par là à titre de primaire mais enfin ce n'est pas le cas).
Il est maintenant clair que sa mouvance doit préparer le passage de témoin. Au moins, il reste du temps.
L'objectif doit être d'éviter les aspects négatifs d'un scénario à la Chavez-Maduro (1 référendum perdu, les autres scrutins gagnés mais finalement une fragilisation menant à perdre les législatives).
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Re: Référendum constitutionnel du 21 février 2016 en Bolivie

Messagede Genaro Flores » Ven 26 Fév 2016 18:58

Le civisme du peuple bolivien
Analyse de la carte électorale au lendemain de la consultation




cevenol30 a écrit:A noter, concernant l'abstention: le vote est obligatoire en Bolivie. J'ignore quelles sont les sanctions dans le cas contraire mais 15% des électeurs les ont jugées supportables au regard de leurs éventuels empêchements.


Encore merci « cevenol30 » pour te faire l’écho de ce pays hors norme qu’est la Bolivie !
Oui, tu as raison, le vote est obligatoire à partir de 18 ans, et ce depuis le 21 juillet 1952, date de l’instauration du suffrage universel dans le cadre de la Révolution nationale, qui, dirigée par Víctor Paz Estenssoro, cassera les reins de l’oligarchie latifundiaire et minière.

Des sanctions économiques sont prévues pour trois cas de figure :
- La non-inscription sur la liste électorale.
- Le caractère incomplet d’une inscription sur la liste électorale.
- L’abstention sans raison valable.
La sanction est une amende correspondant à 25% du salaire minimum national.
En outre, d’autres sanctions, administratives celles-là, frappent le citoyen s’il ne dispose pas de la carte électorale ou du justificatif du règlement de son amende. Ainsi, durant les 90 premiers jours postérieurs à l’élection, il ne pourra :
- Accéder à une fonction dans le secteur public.
- Entreprendre des démarches bancaires.
- Obtenir un passeport.
De même, il ne pourra prendre part au prochain scrutin.

En revanche, le citoyen n’est touché par aucune sanction dans les trois situations suivantes :
- S’il n’a pu voter par suite d’un cas fortuit ou de force majeure.
- S’il a au moins 70 ans.
- S’il prouve son absence sur le territoire national le jour de l’élection.
Naturellement, il doit se munir d’un document qui justifie son assertion.

Indubitablement, le vote obligatoire entraîne, quel que soit le pays concerné, une très forte participation électorale, comme l’illustre ce référendum avec un taux de 84,45%. Mais cela n’explique pas tout. Un autre facteur y est pour quelque chose, et pas des moindres : l’attachement viscéral des Boliviens pour la démocratie qu’ils n’ont recouvrée que depuis le 10 octobre 1982. En effet, demeurent à jamais ancrer dans la mémoire collective les atrocités commises par les dictatures militaires en place entre 1964 et 1982. En particulier, celles de René Barrientos (1964-1969), Hugo Banzer (1971-1978), Alberto Natusch Busch (1979), et Luis García Meza (1980-1981).
En revisitant le passé de ce pays, par moments tragique, on comprend donc mieux pourquoi le record de participation en Amérique du Sud à une échéance électorale démocratique est détenu par la Bolivie, avec 94,55% à la présidentielle du 6 décembre 2009 (1), soit 5,45% d’abstention !



cevenol30 a écrit:Si l'étranger et certaines zones (même pas toutes) de l'Altiplano ont voté conformément aux souhaits présidentiels comme prévu, pas avec assez d'ampleur, ça n'a pas empêché un "non" surtout massif dans les basses terres de l'emporter.


Par contre, ton analyse du vote par départements me semble incomplète.


Heurs et malheurs dans les Andes

En réalité, si le président Evo Morales a mordu la poussière, c’est d’abord à cause de l’érosion spectaculaire de son électorat dans son principal bastion qu’est l’Altiplano, situé dans l’ouest du pays. Un électorat qui lui avait toujours été fidèle mais dont des pans entiers l’ont lâché à l’occasion de ce référendum, notamment dans son département natal d’Oruro où il gagne sur le fil, mais surtout dans celui de Potosí où il doit s’incliner.
De même, il essuie un désaveu retentissant dans son fief du Chuquisaca, au cœur des Yungas méridionales, où pourtant, là également, il n’avait jamais perdu (2). Si on établit un parallèle avec la présidentielle du 11 octobre 2014 (3), la chute est sévère : -14,3 points à Oruro, -22,7 points à Potosí, -18,6 points dans le Chuquisaca.

Par contre, Morales ne fait qu’une bouchée du département de La Paz dont le gouvernorat a pourtant été, l’an passé, enlevé par Félix Patzi, indien aymara comme lui mais dissident du Mouvement vers le socialisme (MAS) (4), le parti présidentiel. Autre succès attendu, celui engrangé dans le département de Cochabamba qui renferme la jungle du Chapare, où il deviendra en 1993 le leader incontesté des cocaleros (5) avant de se faire élire, pour la première fois, député sous la bannière de la Gauche Unie (IU) en 1997, avec le score le plus élevé du pays (61,8%). Toutefois, il est là aussi en net recul par rapport à la présidentielle de 2014, qu’il s’agisse de La Paz (-13,1 points) ou de Cochabamba (-10,3 points).

A vrai dire, le reflux enregistré dans les trois départements de l’Altiplano, et dans une moindre mesure dans celui de Cochabamba, apparaît dès la présidentielle de 2014. Les chiffres comparés alors avec ceux de la présidentielle de 2009 en témoignent : - 13,05 points à Oruro, - 8,83 points à Potosí, - 11,36 points à La Paz, - 3,54 points à Cochabamba. Entre temps, le conflit du TIPNIS (voir en page 1 l’article), parvenu à son paroxysme en 2011, engendrera les premières rancoeurs des indigènes vis-à-vis de Morales.


Lune de miel terminée dans la Demi-Lune

Place forte séculaire de la droite, la « Demi-Lune », dénomination politique des basses terres de l’est bolivien (6), retourne logiquement dans l’opposition après le bref coup de foudre à l’égard de Morales lors de la présidentielle de 2014 (7). Dans trois des quatre départements de cette entité (Beni, Santa Cruz et Tarija), la victoire du Non tourne au triomphe, excédant les 60%.

Le Oui ne limite la casse que dans le Pando amazonien, à l’extrémité septentrionale de la Bolivie, où il atteint 46%. Un résultat qui n’est pas vraiment une surprise au regard de l’importance des flux migratoires enregistrés depuis une bonne trentaine d’années, en provenance des départements andins. Des flux tels que la population s’est accrue de 108% entre 2001 et 2012, passant de 52 525 à 109 173 habitants. Dans la capitale Cobija où on dénombrait en 2012 42 849 âmes, pas moins de 70% sont des migrants. Maire depuis 2010, Ana Lucía Reis (MAS) déclarait en 2013, mais sur un ton badin, la disparition prochaine des Pandinos (8) de souche, consciente d’une nouvelle ère pour sa ville.
De son côté, Morales n’a cessé d’encourager, à partir de 2009, la venue de paysans sans terre dans le cadre de la réforme agraire. Mais ce n’est pas l’unique motif. Il s’agit aussi de raffermir la souveraineté du pays dans un secteur inhabité, isolé, enclavé et envahi clandestinement par des milliers de garimpeiros (9) et de seringueiros (10) brésiliens, accourus du proche Etat de l’Acre et fréquemment expulsés. Derrière ces deux raisons officielles, certains opposants soupçonnent Morales de modifier la sociologie électorale du Pando, terre de droite par excellence, en privilégiant l’arrivée de militants encartés au MAS.
A travers cet inédit brassage culturel, les retombées politiques ne se feront pas attendre. Le Pando deviendra ainsi le premier des quatre départements de la Demi-Lune à se ranger derrière Morales, et ce lors du référendum révocatoire du 10 août 2008 où le Oui en sa faveur atteindra 52,50% (67,41% en Bolivie).

N’empêche, aussi excellents qu’ont été ces résultats dans la Demi-Lune à l’avantage du Non, ils n’ont pas garanti, à l’échelle national, son succès. En effet, si cette immense région (62% de la superficie du pays) connaît une croissance démographique exponentielle, entre autres en raison des migrations venues des Andes (11), elle ne représente en vérité qu’à peine 36% de la population électorale bolivienne. D’où la nécessité absolue, pour les promoteurs du Non, de faire tomber dans leur escarcelle des départements andins pour pouvoir, in fine, l’emporter, ce qui sera le cas avec le Chuquisaca et Potosí.


Genèse d’un échec

Assurément, la défense de la Constitution de 2009, a contrario l’aversion à la réélection indéfinie, ont été des catalyseurs du vote Non. De même que la fusion de l’opposition, agrégeant la droite et le centre mais aussi une deuxième gauche, certes minoritaire mais à la fois jeune, remuante, ambitieuse, intellectuelle et urbaine.
Sinon, les motifs de mécontentement n’ont pas manqué pour générer cette première défaite de Morales depuis son accession à la magistrature suprême, survenue le 22 janvier 2006, consécutive à son élection du 18 décembre 2005. Pèle mêle, mettons en exergue : l’usure du pouvoir ; l’autoritarisme du régime ; la corruption à grande échelle dans les milieux politiques et syndicaux proches du gouvernement ; le « Zapatagate », dévoilé le 3 février dernier, où Morales est accusé à son tour de malversation, en l’occurrence de trafic d’influence ; le développement économique à outrance au dépens des territoires et des populations indigènes.

Mais d’autres paramètres, intrinsèquement locaux, auront joué un rôle considérable dans l’échec cuisant subi par Morales à travers deux de ses bastions, les départements de Chuquisaca et de Potosí, où souffle, depuis près d’un an, un vent de révolte contre le pouvoir central (12) :
- La scandaleuse validation par le Tribunal électoral départemental de l’élection, pourtant frauduleuse, survenant le 29 mars 2015 lors du 1er tour, du candidat du MAS Esteban Urquizu au poste de gouverneur du Chuquisaca. Un succès à la Pyrrhus qui se fera au détriment d’un transfuge du MAS en la personne de Damián Condori, ex-n°1 de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), un des piliers du régime. Le vaincu s’empressera aussitôt de rejoindre la Coordination nationale pour la défense de la Constitution politique de l’Etat (CONALPADECO) qui regroupe d’importants secteurs sociaux farouchement opposés à Morales, et donc partisans du Non (13).
- Le refus par le gouvernement d’investir massivement dans le département de Potosí, connu pour être le plus pauvre du pays. Ce qui provoquera en 2015 deux grèves générales successives, la première en mai-juin, la seconde en juillet-août perdurant 27 jours, décrétées par l’ensemble des forces vives du département, rassemblées au sein du Comité civique de Potosí (COMCIPO) que chapeaute Johnny Llalli Huata. Emises dès août 2010 puis en novembre 2014, les 26 revendications émanant du COMCIPO portaient sur de gros équipements : entre autres, la construction d’un aéroport international, d’hôpitaux spécialisés et d’une usine de ciment, ainsi qu’un projet de restructuration du mythique Cerro Rico (14). En guise de réponse, le pouvoir exécutif accusera les protestataires d’être manipulés par la droite, le Chili et les Etats-Unis (la même rengaine !), tout en les mettant en garde contre la menace qu’ils font peser sur l’économie de la région, axée d’abord sur l’exploitation minière, ensuite sur le tourisme.
Même s’il ne l’avouera pas au regard de sa faible appétence pour l’autocritique, Morales doit s’en mordre les doigts pour ne pas avoir résolu ces deux crises locales qui, de toute évidence, lui auront coûté la victoire au vu des 2,60% séparant le Non du Oui.


Quand El Alto fait de la résistance

En revanche, le saccage puis l’incendie, par des partisans supposés du MAS, de la mairie d’El Alto, aux mains depuis 2015 de l’Aymara Soledad Chapetón Tancara, vice-présidente du Front de l’unité nationale (UN, centre-droit), ne semble pas avoir eu un gros impact. Et ce malgré la proximité du drame (J-4) provoquant la mort de six fonctionnaires municipaux et le retentissement national qui en découla. D’ailleurs, la deuxième cité bolivienne (848 840 habitants en 2012), devenue indépendante le 6 mars 1985 après avoir divorcé avec La Paz, sera la seule des 10 plus grandes villes du pays (toutes supérieures à 100 000 âmes) à accorder une majorité au Oui, avoisinant les 57%.

Un dernier mot justement sur les villes dont la razzia par l’opposition, qui décroche au passage les neuf capitales départementales, est inversement proportionnelle à la mainmise des campagnes par le MAS, coupant ainsi la Bolivie en deux. Un constat néanmoins inquiétant pour les partisans de Morales, au vu de l’irrésistible accroissement de la population urbaine, culminant à 68% en 2014 contre 23 et 57%, respectivement en 1950 et 2001.


G.F.

(1) L’élection présidentielle du 6 décembre 2009 a permis à Evo Morales, après avoir obtenu 64,22%, d’effectuer un deuxième mandat qui s’étendit du 22 janvier 2010 au 22 janvier 2015.
(2) Ce paragraphe sous-entend, pour Evo Morales, des consultations électorales nationales, et non pas locales.
(3) L’élection présidentielle du 11 octobre 2014 a permis à Evo Morales, après avoir récolté 61,36%, d’exercer un troisième mandat qui, démarrant le 22 janvier 2015, s’achèvera le 22 janvier 2020.
(4) La formation d’Evo Morales s’intitule précisément « Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples » (MAS-IPSP).
(5) Les cocaleros sont les cultivateurs de feuilles de coca.
(6) Pour certains analystes, la Demi-Lune englobe cinq départements. Outre le Beni, le Pando, Santa Cruz et Tarija, le Chuquisaca en ferait également partie, du moins sa frange orientale. Mais la plupart des spécialistes refusent de l’adjoindre, sa population étant majoritairement indienne, et ce contrairement aux quatre autres départements.
(7) L’élection présidentielle du 11 octobre 2014 avait vu, grande première, trois des quatre départements des basses terres (Pando mais surtout Santa Cruz et Tarija) basculer concomitamment en faveur de l’ancien berger de lamas. Un vote symbolisant à cette époque la nouvelle et stupéfiante alliance unissant le secteur agro-industriel de l’Oriente, dominé par les créoles (blancs descendants des colons espagnols), avec Morales, chantre des peuples aymaras et quechuas des Andes.
(8) Les Pandinos sont les habitants du département du Pando.
(9) Les garimpeiros sont les chercheurs d’or brésiliens.
(10) Les seringueiros sont les récolteurs de latex brésiliens.
(11) A propos des migrations boliviennes des Andes vers l’Oriente, se reporter aux magnifiques travaux concoctés par cette éminente géographe francilienne qu’est Sophie Blanchard. Elle y a notamment consacré sa thèse de géographie sous la direction de Jean-Louis Chaléard, soutenue en 2005 à l’Université Paris I, et intitulée : « Etre colla à Santa Cruz. Identité et territoires des migrants andins à Santa Cruz de la Sierra (Bolivie). »
Lien : http://lettres-sh.u-pec.fr/departements/geographie/equipe-pedagogique/blanchard-sophie-284639.kjsp
(12) Les conflits confrontant les forces vives des départements du Chuquisaca et de Potosí au gouvernement Morales auront, hélas, été occultés par la presse française, à l’exception notable de RFI via l’omniprésent et solide Reza Nourmamode (voir ci-dessous l’article).
(13) Quechua du département du Chuquisaca, Damián Condori a été arrêté le 27 novembre dernier pour corruption dans le cadre de l’ancien Fonds de développement indigène originaire paysan (FONDIOC). Il est poursuivi en tant que secrétaire exécutif de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB). Un poste qu’il a assumé entre le 28 juin 2013 et le 31 décembre 2014, date à laquelle il s’est mis en congé de l’organisation alors qu’il lui restait encore six mois de mandat, et ce afin de postuler au gouvernorat du département du Chuquisaca lors des élections subnationales du 29 mars 2015.
(14) Protégeant sous son ombre tutélaire, à 4782m d’altitude, la ville de Potosí à qui il appartient, le Cerro Rico, littéralement montagne riche, est classé depuis 1987 au patrimoine de l’humanité. Hélas, il menace de s’écrouler en raison de l’exploitation, par quelques 15 000 mineurs, de sa mine d’argent, d’étain, de plomb et de zinc. Démarrant en 1545 à travers le plus gros gisement argentifère au monde, cette exploitation qui a été le tombeau de millions d’indiens durant l’époque coloniale a engendré des centaines de km de galerie, transformant les entrailles de la montagne en un fragile et dangereux gruyère. La preuve, entre trois et cinq décès surviennent chaque semaine à l’intérieur de la cavité, essentiellement à cause d’un affaissement.
Notons qu’une portion de la cime a déjà été emportée, ce qui fait craindre un effondrement plus conséquent. Du coup, les autorités ont proscrit toute opération minière au-dessus de 4 400 mètres d’altitude, tout en tentant, en vain pour le moment, de consolider définitivement la structure.



Le référendum vu du « Monde » :

Autant le journal du boulevard Auguste Blanqui s’est fait très discret avant le référendum, avec un seul reportage concocté par Chrystelle Barbier, autant il a fait feu de tout bois après le jour J, mettant en ligne pas moins de cinq textes. De toute évidence, il ne pouvait passer sous silence ce virage historique, en l’occurrence la première défaite d’Evo Morales depuis son accession à la tête de l’exécutif, le 18 décembre 2005. Il est clair qu’une victoire du président n’aurait pas eu, de la part de la rédaction la même saveur, et donc le même écho, comme d’hab diront les mauvaises langues…
Voici la liste des six articles, figurant sur le site Web du quotidien national :

- Samedi 20 février à 10h34, avec mise à jour le dimanche 21 février à 15h21 :
« En Bolivie, sur l’Altiplano, « tout le monde va voter pour Evo Morales » » par Chrystelle Barbier.

Etablie à Lima depuis février 2005, Chrystelle nous régale une nouvelle fois avec cette très belle enquête, traduisant parfaitement l’état d’esprit qui règne parmi la population indienne du département d’Oruro, l’un des fiefs de Morales pour y être né le 26 octobre 1959.
Unique lacune, l’inadéquation du titre alors que tous les sondages prévoyaient pour le chef de l’Etat, sur les trois départements de l’Altiplano, une défaite à Potosí et un recul sensible à La Paz ainsi qu’à Oruro. Bref, une situation radicalement différente de celle des huit scrutins nationaux organisés depuis 2005, qui avait vu, sur ce même Altiplano, Morales et le MAS décrocher systématiquement et facilement le grand chelem.
En vérité, ce titre reprend des propos tenus par un producteur de quinoa qui ne fait référence qu’à son bourg de Quillacas, niché au sud-est du lac Poopó, à dominante quechua. N’empêche, il n’en prête pas moins à confusion, tout particulièrement pour le grand public.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/20/en-bolivie-sur-l-altiplano-tout-le-monde-va-voter-pour-evo-morales_4868947_3222.html

- Lundi 22 février à 5h05, avec mise à jour à 16h14 :
« Les autorités boliviennes appellent à la prudence quant au résultat du référendum » par « Le Monde », l’AFP et l’AP.

Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/22/les-autorites-boliviennes-appellent-a-la-prudence-quant-au-resultat-du-referendum_4869293_3222.html

- Mercredi 24 février à 4h41, avec mise à jour à 8h31 :
« Les Boliviens rejettent l’éventualité d’un quatrième mandat d’Evo Morales » par « Le Monde », l’AFP et l’AP.

Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/24/les-boliviens-rejettent-l-eventualite-d-un-quatrieme-mandat-d-evo-morales_4870547_3222.html

- Mercredi 24 février à 7h33, avec mise à jour le mercredi 24 février à 9h14 :
« En Bolivie, coup d’arrêt aux ambitions d’Evo Morales » par Aymeric Janier.

Un billet qui donne la parole à la presse écrite internationale.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/24/en-bolivie-coup-d-arret-aux-ambitions-d-evo-morales_4870619_3222.html

- Mercredi 24 février à 10h47 :
« En Bolivie, Morales perd son plébiscite » par Chrystelle Barbier.

Un gros reportage, à la fois documenté, impartial et limpide, de la part de cette journaliste rigoureuse, pétrie de talent, qui n’hésite pas à labourer le terrain, y compris dans les contrées les plus lointaines et difficiles d’accès.
Une petite erreur, la seule, s’est glissée dans la version papier : Morales devient député de Cochabamba aux élections générales du 1er juin 1997 sous les couleurs de la Gauche unie (UN), et non sous celles du Mouvement vers le socialisme (MAS) qui ne sera créé que le 23 juillet suivant.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/24/en-bolivie-evo-morales-perd-son-plebiscite_4870740_3222.html

- Mercredi 24 février à 19h35, avec mise à jour le jeudi 25 février à 11h50 :
« En Bolivie, le « non » au référendum n’a pas été un vote contre Morales, mais pour la démocratie » par Anne-Aël Durand.

Un papier qui fait judicieusement intervenir ces deux éminents spécialistes de la Bolivie que sont le sociologue Laurent Lacroix (1) et la politologue Marie-Esther Lacuisse (2).
De mon côté, je n’épouse guère, et c’est un euphémisme, la position adoptée par Lacroix à l’issue de cet épisode électoral. En effet, je pense que bon nombre de Boliviens assimilent désormais Morales au caudillisme, sinon au caciquisme, et donc de moins en moins à la démocratie. D’ailleurs, comme le clame avec justesse sur son blog Jean-Pierre Lavaud (3), autre orfèvre en la matière dont pourtant je ne partage pas, loin s’en faut, le dénigrement systématique envers Morales, le référendum a très vite tourné au plébiscite sur la personne du président. Edifiants à plus d’un titre, la campagne référendaire à travers notamment les réseaux sociaux, pareillement l’analyse des résultats, l’attestent amplement.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/02/24/en-bolivie-le-non-au-referendum-n-a-pas-ete-un-vote-contre-morales-mais-pour-la-democratie_4871077_3222.html

G.F.

(1) Quelques-unes des publications de Laurent Lacroix, dont sa thèse, sont référencées dans le 2ème volet de l’article intitulé : « La Bolivie à la découverte de son passé. Vie et mort du Pacte militaire-paysan en Bolivie : de la mort d’Ernesto « Che » Guevara à l’avènement du katarisme et de son leader Jenaro Flores Santos (1966-1997). »
Lien : http://www.politiquemania.com/forum/politique-monde-f26/bolivie-decouverte-son-passe-t4580.html
De même, voir en page 1 l’article.
(2) Parmi les publications de Marie-Esther Lacuisse, mettons en avant :
- « La controverse sur le développement alternatif à la coca : la comparaison de la mise en œuvre des projets de coopération en Bolivie et au Pérou », thèse de doctorat en science politique sous la direction de Yves Surel, soutenue en décembre 2012 à l’Institut d’études politiques à Paris.
- « Fiche pays Bolivie », dans « Amérique latine. 2012, année charnière » par Georges Couffignal, pages 135-137, La Documentation française et IHEAL, Paris, 2013.
- « Introduction. Le monde rural en politique. Le cas des protestations paysannes en Bolivie », en collaboration avec Hervé Do Alto et Franck Poupeau, dans la « Revue d’études en agriculture et environnement », volume 92, n°4, 2011, pages 357-361, INRA, Ivry-sur-Seine.
- « La redéfinition de la politique de la coca en Bolivie sous les présidences d’Evo Morales : les enjeux de politique publique de la réforme », dans la « Revue d’études en agriculture et environnement », volume 92, n°4, 2011, pages 441-468, INRA, Ivry-sur-Seine.
(3) Le blog de Jean-Pierre Lavaud est intégré dans le site Web de « Mediapart » :
Lien : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud
A l’instar de Laurent Lacroix, ses publications sont référencées dans le 2ème volet de l’article intitulé : « La Bolivie à la découverte de son passé. Vie et mort du Pacte militaire-paysan en Bolivie : de la mort d’Ernesto « Che » Guevara à l’avènement du katarisme et de son leader Jenaro Flores Santos (1966-1997). »
Lien : http://www.politiquemania.com/forum/politique-monde-f26/bolivie-decouverte-son-passe-t4580.html



Le conflit entre le Comité civique de Potosí et le gouvernement Morales (6 juillet - 1er août 2015), vu par RFI :


Il a été couvert principalement, et de façon remarquable, par Reza Nourmamode, auteur de quatre enquêtes, mises en ligne sur le site de la station de radio :

- 22 juillet, avec mise à jour à 8h36 :
« Bolivie : Potosí paralysé par la grève depuis deux semaines. »

Lien : http://www.rfi.fr/ameriques/20150722-bolivie-potosi-sous-blocus-depuis-deux-semaines-evo-morales-mines-cerro-rico

- 25 juillet, avec mise à jour à 9h21 :
« Grève de Potosí : le risque d’un embrasement en Bolivie. »

Lien : http://www.rfi.fr/ameriques/20150725-greve-potosi-risque-embrasement-bolivie-morales-la-paz-comcipo

- 28 juillet, avec mise à jour à 8h :
« Blocus de Potosí : les grévistes renouent le dialogue avec le pouvoir. »

Lien : http://www.rfi.fr/ameriques/20150728-bolivie-blocus-potosi-grevistes-renouent-pouvoir-llaly

- 3 août, avec mise à jour à 3h11 :
« Bolivie: les grévistes de Potosí lèvent provisoirement le blocus. »

Lien : http://www.rfi.fr/ameriques/20150803-bolivie-grevistes-potosi-levent-provisoirement-blocus-protestation


Autre article, toujours sur ce conflit, oeuvre de Domitille Piron.

- 21 juillet, avec mise à jour à 17h29 :
« A la Une : en Bolivie, les mineurs en grève à La Paz pour manifester. »

Lien : http://www.rfi.fr/ameriques/20150721-revue-presse-bolivie-mineurs-greve-paz-trump-havane-kerry


En outre, le Cerro Rico a été l’objet en 2014 d’un magnifique travail journalistique, toujours réalisé par Reza Nourmamode :

- 8 août, avec mise à jour le 14 août à 9h27 :
« En Bolivie, le danger plane au-dessus du Cerro Rico de Potosí. »

Lien : http://www.rfi.fr/mfi/20140808-bolivie-le-danger-plane-dessus-cerro-rico-potosi/



Résultats du référendum du 21 février 2016 :


Résultats généraux (intérieur + extérieur) :
- Oui : 48,70%.
- Non : 51,30%.


Résultats à l’intérieur :
- Oui : 48,66%.
- Non : 51,34%.


Résultats à l’extérieur :
- Oui : 51,37%.
- Non : 48,63%.


Résultats du référendum du 21 février 2016 dans les neuf départements (1) :

La Paz (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 55,83%.
- Non : 44,17%.

Oruro (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 52,03%.
- Non : 47,97%.

Potosí (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 46,74%.
- Non : 53,26%.

Chuquisaca (Yungas ou vallées) :
- Oui : 44,77%.
- Non : 55,23%.

Cochabamba (Yungas ou vallées) :
- Oui : 54,89%.
- Non : 45,11%.

Beni (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,28%.
- Non : 60,72%.

Pando (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 46,02%.
- Non : 53,98%.

Santa Cruz (basses terres ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,56%.
- Non : 60,44%.

Tarija (Yungas ou vallées ; Demi-Lune) :
- Oui : 39,84%.
- Non : 60,16%.

(1) La Bolivie politique ne correspond pas forcément à sa géographie physique. Ainsi, le département de Tarija, localisé géographiquement dans les Yungas, est inséré dans la « Demi-Lune », surnom politique attribué aux basses terres orientales.
Par ailleurs, les départements peuvent englober plusieurs aires géographiques différentes même si traditionnellement on ne les intègre qu’à une seule. Ainsi, celui de La Paz, réduit fréquemment à l’Altiplano où vit l’immense majorité de sa population, comprend aussi, et à travers une superficie beaucoup plus importante, les Yungas (nord-est de la ville de La Paz) ainsi que les basses terres orientales (nord). Du coup, l’analyse politique d’un département peut différer selon les zones géographiques qu’il renferme.


Résultats du référendum du 21 février 2016 dans les neuf capitales départementales :

La Paz (département de La Paz, Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 41,4%.
- Non : 58,6%.

Oruro (département d’Oruro, Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 41,2%.
- Non : 58,8%.

Potosí (département de Potosí, Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 12,8%.
- Non : 87,2%.

Sucre (département du Chuquisaca, Yungas ou vallées) :
- Oui : 27,7%.
- Non : 72,3%.

Cochabamba (département de Cochabamba, Yungas ou vallées) :
- Oui : 37,6%.
- Non : 62,4%.

Trinidad (département du Beni, basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 32,1%.
- Non : 67,9%.

Cobija (département du Pando, basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 37,2%.
- Non : 62,8%.

Santa Cruz (département de Santa Cruz, basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 35,6%.
- Non : 64,4%.

Tarija (département de Tarija, Yungas ou vallées ; demi-lune) :
- Oui : 30,5%.
- Non : 69,5%.
Genaro Flores
 
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