Morales en grand danger ! (2ème volet).Dimanche prochain 21 février, aura lieu le cinquième référendum (1) sous la présidence d’
Evo Morales Ayma, indien aymara. Les 6 502 069 électeurs boliviens du territoire national et des 73 villes situées dans 33 pays de 4 continents, disposant d’un bureau consulaire, devront répondre à la question suivante :
« Etes-vous d’accord avec la réforme de l’article 168 de la Constitution Politique de l’Etat pour que la Présidente ou le Président et la Vice-présidente ou le Vice-président de l’Etat peuvent être réélues ou réélus par deux fois de manière continue ? ».
En clair, permettre à Morales, 56 ans, et à son vice-président
Álvaro García Linera, 53 ans, en fonction depuis le 22 janvier 2006 après avoir été élus le 18 décembre 2005 sous les couleurs du Mouvement vers le socialisme (MAS) (2), de pouvoir se représenter à l’élection présidentielle de 2019. Et ainsi espérer garder la tête de l’exécutif jusqu’au 22 janvier 2025 (3).
Jusqu’aux premiers jours de février, bien malin pouvait prédire, au vu des sondages, le camp qui sortirait victorieux. Les résultats s’annonçaient en effet particulièrement serrés, faisant pencher alternativement la balance. De toute évidence, on avait affaire au scrutin le plus indécis que n’avait jamais connu le pays depuis l’arrivée au pouvoir de Morales et de son équipier, les deux hommes ayant enlevé avec une insolente réussite les huit consultations électorales au menu.
.Coup de tonnerreMais un événement imprévu est venu bouleverser la donne, à tel point qu’il pourrait apporter un avantage décisif aux partisans du Non. Epargné jusque-là par la corruption, ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut, de ses amis politiques et syndicalistes, Morales est désormais soupçonné de trafic d’influence en faveur d’une entreprise.
L’affaire remonte au 3 février dernier lorsque le journaliste d’extrême droite
Carlos Valverde Bravo (4) dévoile dans l’émission « Todo por Hoy », qu’il présente sur la chaîne émise à Santa Cruz Activa TV, l’acte de naissance d’un fils caché du président, né le 18 juin 2007. Un fils décédé quelques mois plus tard qu’il a eu avec
Gabriela Zapata Montaño, militante du MAS rencontrée en 2005 quand elle avait 17 ans avant de s’en séparer en cette fameuse année 2007. Après avoir nié et dénoncé un complot impérialiste, Morales reconnaît, dès le 5 février, l’ensemble des infos qui, à vrai dire, relève de la vie privée.
Seul problème, son ex-compagne n’est pas n’importe qui ! En effet, elle bosse en tant que représentante légale et directrice commerciale de la succursale bolivienne d’une société chinoise, CAMC Engineering, spécialisée dans la construction d’infrastructures de transports et d’usines. Or, et c’est là que la situation devient embarrassante pour Morales, celle-ci a signé des contrats avec des entreprises publiques boliviennes pour 566 millions de dollars. Du coup, certains pensent que la compagnie chinoise a embauché Zapata en 2013 pour décrocher plus facilement de nouveaux contrats. D’autant plus que le chef de l’Etat, malgré ses dénégations, continuerait à entretenir une relation avec cette avocate originaire de Cochabamba, diplômée en sciences politiques.
Sans surprise, le gouvernement dénonce une conjuration ourdie par l’ambassade des Etats-Unis à La Paz pour faire gagner le Non. Celle-ci utiliserait en tant qu’agent secret Valverde qui, il est vrai, a une certaine expérience en la matière pour avoir dirigé les services du renseignement bolivien durant la présidence du social-démocrate
Jaime Paz Zamora (1989-1993). Il annonce un procès après le référendum contre le journaliste et menace d’expulser le chargé d’affaires états-unien, nommé en juin 2014,
Peter Brennan (5), qui a rencontré le 11 décembre dernier, en compagnie de deux autres fonctionnaires de l’ambassade, Valverde. Un échange qui, selon celui-ci, ne concernait que son livre « Coca, territoire, pouvoir et cocaïne ».
.Le vice-président dans le collimateurDe son côté, García Linera n’est pas à l’abri d’accusations. Notamment celle de favoriser plusieurs membres de sa famille dont le cas le plus connu est celui de sa belle-sœur, actionnaire d’une société qui a obtenu la concession des services de restauration au sein de l’entreprise publique Boliviana de Aviación (BOA). Comme si cela ne suffisait pas, il a reconnu, le 13 février dernier, qu’il n’avait jamais été licencié en mathématiques à l’Université nationale autonome de México, et ce contrairement à ce qu’il prétendait jusqu’à maintenant.
Autre scandale qui fait énormément de bruit, celui de l’ex-Fonds de développement indigène originaire paysan (FONDIOC). 95% des sommes dépensées pour soi-disant financer des projets de développement destinés aux indiens et au monde paysan sont allées alimenter les comptes bancaires privés de centaines de dirigeants des « mouvements sociaux ». Estimé à 2 500 000 dollars, le préjudice a conduit, l’automne dernier, deux des plus hauts dirigeants indiens en prison :
-
Melva Hurtado Añez : présidente de la Confédération des peuples indigènes de Bolivie (CIDOB).
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Julia Ramos Sánchez : ministre du développement rural et des terres de Bolivie de 2009 à 2010.
Par ailleurs, deux autres personnalités de premier plan pourraient être visées par une procédure judiciaire :
-
Nemesia Achacollo Tola: ministre du Développement rural et des Terres de Bolivie de 2010 à 2015 ; ex-présidente de la Confédération nationale des femmes paysannes indigènes originaires de Bolivie Bartolina Sisa (6).
-
Luis Alberto Arce Catacora : ministre de l’Economie et des Finances publiques depuis l’accession au pouvoir de Morales en 2006, le seul dans ce cas avec
David Choquehuanca Céspedes, ministre des Relations extérieures.
.Droite et… gauche, même combat pour le nonLes caciques de droite ne s’y sont pas trompés en mettant à profit ce nouveau contexte politique beaucoup plus favorable. A l’instar de ce sinistre personnage qu’est le très droitier
Manfred Reyes Villa (voir ci-dessous l’article), plusieurs d’entre eux réclament ainsi la démission de Morales et García Linera en cas de victoire du Non, alors que rien ne les y oblige, le référendum n’engageant pas leur fonction au sommet de l’Etat.
Par ailleurs, une partie de la gauche, qui avait soutenu Morales durant son premier mandat (2006-2010) avant de s’en désolidariser, pourrait également tirer les marrons du feu si le Non, qu’elle appelle de ses vœux, l’emportait. Mentionnons ainsi :
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Rebeca Delgado Burgoa : députée du département de Cochabamba de 2010 à 2015 pour le compte du MAS avant de le quitter ; présidente-fondatrice de Liberté de pensée pour la Bolivie (LPB).
-
Félix Patzi Paco : ministre de l’Education durant le premier gouvernement Morales (2006-2007) ; gouverneur du département de La Paz depuis 2015 ; président-fondateur du Mouvement troisième système (MTS).
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Luis Revilla Herrero : maire de La Paz depuis 2010 ; président-fondateur de Souveraineté et liberté pour la Bolivie (SOL-BO).
En outre, une centaine de personnalités de gauche, responsables de mouvements sociaux ou politiques, intellectuels et artistes, ont lancé une campagne intitulée « Non est N.O., une Nouvelle Opportunité pour la démocratie, l’environnement et la justice ». Parmi les signataires de l’appel, on relève au premier chef
Filemón Escóbar Escóbar,
Loyola Guzmán Lara,
Jorge Lazarte Rojas et
José Antonio Quiroga Trigo (7).
« La plupart des autocraties de l’ALBA (8) refusent à plusieurs générations de citoyens le droit à un renouveau démocratique », explique leur texte. Guzman appelle Morales à « davantage d’humilité : un serviteur public doit servir le peuple et le pays, et non pas se servir d’eux pour rester au pouvoir ».
Enfin, un autre collectif, formé de jeunes Boliviens, est aussi en campagne contre la réélection présidentielle. Ils se sont fait connaître sur les réseaux sociaux sous le label « Une autre gauche est possible », en référence au mot d’ordre des altermondialistes, « Un autre monde est possible ». « La réélection bloque l’émergence de nouveaux dirigeants, à force de postuler à chaque fois le même candidat, explique leur porte-parole,
Beto Astorga Torrez. En 2008, le président avait déclaré qu’il ne se représenterait pas, pour le bien du peuple, et l’année suivante, il l’a quand même fait avant de récidiver en 2014. Et voilà qu’il veut nous tromper une troisième fois ! ».
.G.F.(1) Tous gagnés par
Morales, les quatre référendums tenus sous sa présidence furent les suivants :
- Sur les autonomies départementales, le 2 juillet 2006 : 57,58% des suffrages exprimés en faveur du Non.
- Sur la révocation, le 10 août 2008 : 67,41% des suffrages exprimés en faveur du Oui pour son maintien à la tête de l’Etat.
- Sur la Constitution, le 25 janvier 2009 : 61,43% des suffrages exprimés en faveur du Oui pour la Constitution établissant l’Etat plurinational de Bolivie.
- Sur la terre, le 25 janvier 2009 : 80,65% des suffrages exprimés en faveur de la limite de la taille des exploitations à 5 000 ha.
(2) La formation de
Morales et d’
Álvaro García Linera s’intitule précisément « Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples » (MAS-IPSP).
(3) Actuellement,
Morales et
Álvaro García Linera en sont à leur troisième mandat qui s’étale du 22 janvier 2015 au 22 janvier 2020 ; les deux premiers ont duré du 22 janvier 2006 au 22 janvier 2010 puis du 22 janvier 2010 au 22 janvier 2015.
Selon la réforme de la Constitution, proposée le 21 février prochain, qui en cas de victoire du Oui autoriserait désormais deux réélections continues, Morales et García Linera ne pourraient se faire réélire en 2019. Mais en 2013, le Tribunal constitutionnel avait décidé, sous la colère de l’opposition de droite et du centre, que le premier mandat ne pouvait compter, et ce pour deux raisons :
- Il avait été écourté d’une année, soit quatre ans au lieu de cinq.
- Il s’était déroulé, en majeure partie, sous la précédente Constitution, en vigueur depuis 1967, la nouvelle n’étant promulguée que le 7 février 2009.
(4)
Carlos Valverde Bravo est le fils de
Carlos Valverde Barbery (1928-2011), considéré comme l’une des figures centrales de l’extrême droite durant une bonne cinquantaine d’années en oeuvrant au sein de la Phalange socialiste bolivienne (FSB). Au lendemain du putsch du colonel
Hugo Banzer Suárez, le 21 août 1971, il devient ainsi l’un des quatre ministres de la FSB, en charge de la Prévention sociale et de la Santé, avant de tenter vainement, en août 1973, un coup d’Etat contre Banzer.
Son militantisme est aussi lié au puissant mouvement autonomiste du département de Santa Cruz pour notamment avoir créé en 1957 l’Union de la jeunesse crucénienne (UJC), perçu comme le groupe de choc du Comité civique pro Santa Cruz. Farouchement opposé à
Morales, il prônera à la fin de ses jours l’indépendance de son département de souche.
(5) Au niveau des ambassadeurs, la Bolivie et les Etats-Unis n’ont plus aucune relation depuis le 10 septembre 2008 quand
Morales expulsa le représentant américain à La Paz,
Philip Goldberg, l’accusant d’être impliqué dans un acte de conspiration à son encontre. En l’occurrence, celui de s’être réuni secrètement, fin août, avec le préfet de Santa Cruz en la personne de
Rubén Costas Aguilera, l’un de ses plus farouches opposants de droite, au moment où le gouvernement s’opposait frontalement contre les quatre départements de la Demi-Lune et celui du Chuquisaca qui exigeaient l’autonomie.
(6) Indienne aymara,
Bartolina Sisa a été l’épouse du chef aymara
Túpac Katari avec qui elle a combattu, durant la Grande Rébellion (1780-1783), contre le colonisateur espagnol dans le Haut-Pérou (l’actuelle Bolivie). Elle meurt écartelée le 5 septembre 1782. A vrai dire, une exécution analogue à celle de son époux, survenue le 15 novembre 1781 après avoir assiégé La Paz cette année-là de mars à octobre.
(7) Ces quatre figures de gauche, qui appellent à voter Non dans le cadre de cette campagne intitulée « Non est N.O., une Nouvelle Opportunité pour la démocratie, l’environnement et la justice », ont comme trajectoire politique :
-
Filemón Escóbar Escóbar : ex-dirigeant de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et de la Fédération syndicale des travailleurs mineurs de Bolivie (FSTMB) ; candidat à la vice-présidence de la République pour le Parti ouvrier révolutionnaire - Unifié (POR-U) à la présidentielle de 1985 ; député du département de Potosí pour le POR-U et la Gauche unie (IU) de 1989 à 1993 ; sénateur du département de Cochabamba pour le MAS-IPSP de 2002 à 2005 ; fondateur du MAS le 23 juillet 1997 ; père idéologique de
Morales.
-
Loyola Guzmán Lara : survivante de la guérilla impulsée par l’Armée de libération nationale (ELN) qu’a dirigée
Ernesto « Che » Guevara de 1966 à 1967 ; ancienne députée à l’Assemblée constituante de 2006 à 2007 pour le compte du MAS ; ex-présidente de l’Assemblée des familles de détenus, disparus et martyrs pour la libération nationale (ASOFAMD) de Bolivie.
-
Jorge Lazarte Rojas : docteur en sciences politiques ; ex-élu de l’Assemblée constituante de 2006 à 2007 sous la bannière du Front de l’unité nationale (UN, centre-droit).
-
José Antonio Quiroga Trigo : éditeur que Morales a démarché pour être son candidat à la vice-présidence de la République aux élections de 2002.
(8) L’ALBA, traduisez par Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, a été conçue en 2001 par l’ex-chef d’Etat vénézuélien
Hugo Chávez. En vérité, celui-ci a repris le célèbre projet d’« El Libertador »
Simón Bolivar (d’où le nom de la structure) qui voulait ériger, lors du Congrès de Panama en 1826, une grande nation en Amérique latine et dans les Caraïbes. Organisme politique, économique, sociale et culturelle, l’ALBA se présente comme une alternative à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), promue par les États-Unis.
La déclaration initiale pour la création de l’ALBA, survenue le 14 décembre 2004, a été l’œuvre conjointe de Chávez et du leader cubain
Fidel Castro. Officialisée le 28 avril 2005, l’ALBA regroupe aujourd’hui neuf pays dotés d’un gouvernement progressiste : outre Cuba et le Venezuela, on trouve Antigua-et-Barbuda, la Bolivie, la Dominique, l’Equateur, le Nicaragua, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, enfin Sainte-Lucie.
.La droite et le centre en panne de leaders et de programmeIncontestablement, la formation présidentielle qu’est le MAS souffre d’un problème de renouvellement de ses dirigeants. Mais la droite et le centre ne sont pas en reste non plus. Au regard de leur carte de visite passablement remplie, leurs chefs actuels ne symbolisent pas vraiment l’indispensable rénovation qu’a besoin la classe politique. Qu’il s’agisse de :
-
Samuel Doria Medina, 57 ans : ministre de la Planification et de la Coordination de 1991 à 1993 ; candidat du Front de l’unité nationale (UN, centre-droit) aux présidentielles de 2005 (3ème avec 7,79%) et de 2009 (3ème avec 5,65%) ; candidat de l’Unité démocrate (UD, coalition de centre-droit) à la présidentielle de 2014 (2ème avec 24,23%).
-
Jorge Quiroga Ramírez alias « Tuto », 55 ans : président de la République de 2001 à 2002 ; vice-président de la République de 1997 à 2001 ; candidat du Pouvoir démocratique social (PODEMOS, coalition de droite) à la présidentielle de 2005 (2ème avec 28,59%) ; candidat du Parti démocrate-chrétien (PDC, centre-droit) à la présidentielle de 2014 (3ème avec 9,04%).
Outre leur appartenance au passé, d’autres dignitaires de la droite et du centre ont perdu toute autorité morale, à l’exemple de :
-
Manfred Reyes Villa alias el « Bombón », 60 ans : préfet du département de Cochabamba en 2006 avant d’être révoqué en 2008 lors du référendum national ; maire de Cochabamba de 1993 à 2000 ; candidat de la Nouvelle force républicaine (NFR, droite) à la présidentielle de 2002 (3ème avec 20,91%) ; candidat du Plan progrès pour la Bolivie - Convergence nationale (PPB-CN, coalition de droite) à la présidentielle de 2009 (2ème avec 26,46%).
S’estimant persécuté par le gouvernement
Morales, cet ancien capitaine de l’armée, qui, résolument, a appuyé le régime narco-fascisant du général
Luis García Meza Tejada (1980-1981) (1), s’est exilé aux Etats-Unis à l’issue de la présidentielle du 6 décembre 2009. Par contumace, il est condamné à plusieurs reprises pour corruption, l’ultime fois pas plus tard que le 19 janvier dernier à une peine de cinq ans de prison. De même, son nom est cité dans la répression sanglante contre le soulèvement populaire d’octobre 2003, son parti, la NFR, participant alors au gouvernement de l’époque, dirigé par le conservateur
Gonzalo Sánchez de Lozada.
-
Carlos Sánchez Berzaín alias « Zorro », 56 ans : ministre de la Présidence de la République de 1993 à 1994 et de 2002 à 2003 ; ministre du Gouvernement de 1994 à 1996 puis en 1997 ; ministre de la Défense nationale en 2003 ; dirigeant du Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR, centre-droit).
A l’image de Reyes, il est impliqué dans une procédure judiciaire, lancée par le gouvernement Morales, qui l’accuse d’être l’un des responsables des représailles meurtrières, en tant que ministre de la Défense nationale, contre l’insurrection populaire d’octobre 2003 (2). Pour y échapper, il a trouvé, comme Reyes, l’asile politique aux Etats-Unis.
En substance, la droite et le centre n’ont pas d’autre choix que de miser sur d’autres personnalités, à la fois jeunes et disposant d’une légitimité électorale, pour espérer revenir au pouvoir. A l’instar de
José María Leyes Justiniano, 38 ans, étiqueté MDS, maire de Cochabamba depuis les élections municipales du 29 mars 2015 après avoir éjecté le MAS ; ou encore d’
Adrián Oliva Alcázar, 37 ans, étiqueté PPB-CN, gouverneur de Tarija depuis les élections départementales du 29 mars 2015. Mais dégoter des meneurs ne suffira pas tant que l’inexistence d’un projet alternatif se fera sentir...
D’après le récent sondage concocté par l’entreprise Captura Consulting pour la revue « Poder y Placer », toutes les figures de la droite et du centre seraient largement devancées par Morales si des présidentielles avaient lieu le 21 février. Dauphin du chef de l’Etat,
Carlos Mesa Gisbert, président de 2003 à 2005 après avoir endossé le costume de vice-président de 2002 à 2003, totaliserait 8,9%. Un résultat qui ferait pâle figure au côté des 44,3% de l’ex-cocalero (3). Derrière Mesa, on trouverait dans l’ordre :
Rubén Costas Aguilera (8%), préfet depuis 2006 puis gouverneur depuis 2010 du département de Santa Cruz ; Samuel Doria Medina (6,7%) ; Jorge Quiroga Ramírez (1,9%) ; enfin,
Eduardo Rodríguez Veltzé, président intérimaire en 2005 (1,7%). En outre, 39,8% des sondés ne voteraient pour aucun des candidats en lice si... Morales ne postulait pas ! Même si l’enquête a été achevée avant les accusations de trafic d’influence portées contre le chef de l’exécutif, ses conclusions en disent long sur l’absence, à l’heure actuelle, de leadership et d’idées pour la droite et le centre.
G.F. (1) En tant que lieutenant de la police militaire,
Manfred Reyes Villa a été l’aide de camp du tristement célèbre général-dictateur, narco-fascisant,
Luis García Meza Tejada (1980-1981). Il aurait trempé dans deux massacres : celui des mineurs de Huanuni peu après le coup d’Etat du 17 juillet 1980 ; celui de huit membres de la direction nationale clandestine du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR, social-démocrate), le 15 janvier 1981, dans un bâtiment de la rue Harrington à La Paz.
Pour l’anecdote, une vidéo le montre en train d’assister, tout sourire, à la démolition du siège de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), ordonnée par les militaires, là encore peu après le putsch. Et ce au côté du colonel sanguinaire
Luis Arce Gómez, véritable homme fort du régime comme ministre de l’Intérieur, lui aussi lié au narcotrafic.
D’autre part, son père, le général
Armando Reyes Villa, connu pour être le commandant en chef des forces armées, a planifié le pronunciamiento dans sa propre maison avant de devenir le ministre de la Défense de García Meza.
(2) Fomenté par la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), qu’appuyèrent le MAS et le Mouvement indigène pachakuti (MIP), le soulèvement populaire d’octobre 2003 est connu sous l’appellation de la « Guerre du gaz ». Faisant au moins 72 morts et plus de 400 blessés, cette rébellion dont El Alto a été l’épicentre obligea
Gonzalo Sánchez de Lozada, président de 1993 à 1997 et de nouveau élu en 2002, à démissionner le 17 octobre avant de se réfugier le même jour aux Etats-Unis.
Les insurgés protestaient contre le financement de projets, en matière de santé et d’éducation, à partir des bénéfices tirés de l’exportation du gaz naturel vers les Etats-Unis et le Mexique via un port chilien, craignant que le Chili en tire profit. Or, ce pays est l’ennemi juré de la Bolivie pour l’avoir privée de sa façade maritime, suite à la guerre du Pacifique (1879-1884).
Le gouvernement
Morales a formulé à l’encontre de Sánchez de Lozada deux demandes d’extradition afin qu’il soit jugé pour génocide, homicide, torture et massacre sanglant : la première, en septembre 2012, qui a été rejetée ; la seconde, en juillet 2014, qui pourrait aboutir, le procureur bolivien
José Manuel Gutiérrez annonçant, le 15 février dernier, que le département d’Etat américain l’avait déclarée recevable avant de la transmettre au département de la Justice. Du coup, avec cette nouvelle étape franchie, le procureur estime qu’environ 50% de la procédure ont été accomplis.
(3) Le cocalero est le producteur de feuilles de coca.
Les neuf sondages élaborés durant la campagne référendaire :-
Ipsos, 26 octobre 2015 : 49% de Oui ; 39% de Non ; 11% d’indécis.
-
Mercados y Muestras, 5 décembre 2015 : 40% de Oui ; 54% de Non ; 6% d’indécis.
-
Ipsos, 29 décembre 2015 : 45% de Oui ; 50% de Non ; 5% d’indécis.
-
Equipos Mori, 11 janvier 2016 : 41% de Oui ; 37% de Non ; 19% d’indécis.
-
Ipsos, 13 janvier 2016 : 38% de Oui ; 44% de Non ; 14% d’indécis.
-
Captura Consulting, 10 février 2016 : 44% de Oui ; 41% de Non ; 15% d’indécis.
-
Equipos Mori, 12 février 2016 : 40% de Oui ; 40% de Non ; 11% d’indécis.
-
Ipsos, 12 février 2016 : 40% de Oui ; 41% de Non ; 15% d’indécis.
-
Mercados y Muestras, 14 février 2016 : 28% de Oui ; 47% de Non ; 25% d’indécis.
Seule la neuvième et ultime enquête a été effectuée après les accusations de trafic d’influence lancées contre
Morales à partir du 3 février. D’où l’énorme différentiel entre le Oui et le Non (19% en faveur du Non) qu’on ne retrouve dans aucun des huit premiers sondages.
Concoctée par Mercedos y Muestras pour le compte du quotidien national « Los Tiempos », publié à Cochabamba, cette dernière étude témoigne d’une image très dégradée du chef de l’Etat au regard de sa probité alors qu’il échappait jusque-là aux scandales de corruption.
Près de 59% des sondés pensent ainsi qu’il n’a pas dit la vérité sur sa relation avec
Gabriela Zapata Montaño, représentante légale et directrice commerciale de la succursale bolivienne de la société chinoise CAMC Engineering. De même, 56% mettent en doute qu’il a cessé tout contact avec elle. Enfin, 60% considèrent que le président collabore avec l’entreprise de Zapata au regard de la signature de contrats avec l’Etat.
G.F. Dans le détail pour trois des quatre dernières enquêtes, cela donne :
Enquête de Captura Consulting, publiée le 10 février après avoir été réalisée entre le 30 janvier et le 1er février, pour le compte de la revue « Poder et Placer ». Enquête finalisée avant les accusations de trafic d’influence lancées contre
Morales à partir du 3 février.
900 personnes interrogées dans l’axe central du pays, incluant les quatre premières villes du pays.
Axe central du pays :- Oui : 44,4%.
- Non : 41,1%.
- Ne répond pas, ne sait pas : 14,6%.
Les quatre plus grandes villes :Santa Cruz (1 453 549 h) :
- Oui : 43,9%
- Non : 40,9%.
El Alto (848 840 h) :
- Oui : 47,5%.
- Non : 38,5%.
La Paz (764 617 h) :
- Oui : 43,5%.
- Non : 41%.
Cochabamba (630 587 h) :
- Oui : 42,5%.
- Non : 45%.
Enquête d’Ipsos, diffusée le 12 février après avoir été réalisée entre le 22 janvier et le 2 février, pour le compte de la chaîne de télévision nationale Red ATB, émise à La Paz.Enquête finalisée avant les accusations de trafic d’influence lancées contre
Morales à partir du 3 février.
3 000 personnes interrogées dans tout le pays.
Territoire national :- Oui : 40%.
- Non : 41%.
- Blancs : 2%.
- Nuls : 2%.
- Ne répond pas / Ne sait pas : 15%.
Aire urbaine :- Oui : 37%.
- Non : 45%.
Aire rurale :- Oui : 46%.
- Non : 34%.
Les neuf départements (1) :La Paz (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 46%.
- Non : 36%.
Oruro (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 39%.
- Non : 33%.
Potosí (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 35%.
- Non : 54%.
Chuquisaca (Yungas ou vallées) :
- Oui : 35%.
- Non : 52%.
Cochabamba (Yungas ou vallées) :
- Oui : 42%.
- Non : 38%.
Beni (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 43%.
- Non : 38%.
Pando (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 53%.
- Non : 27%.
Santa Cruz (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 38%.
- Non : 40%.
Tarija (Yungas ou vallées ; demi-lune) :
- Oui : 35%.
- Non : 55%.
Niveau socio-économique :Hauts revenus :
- Oui : 25%.
- Non : 66%.
Moyens revenus :
- Oui : 36%.
- Non : 45%.
Bas revenus :
- Oui : 47%.
- Non : 32%.
Enquête d’Equipos Mori, diffusée le 12 février après avoir été réalisée entre le 15 janvier et le 6 février, pour le compte des chaînes de télévision nationales Red Uno de Bolivia, émise à La Paz, et Unitel, émise à Santa Cruz. Enquête finalisée avant les accusations de trafic d’influence lancées contre
Morales à partir du 3 février.
2 368 personnes interrogées dans tout le pays.
Territoire national :- Oui : 40%.
- Non : 40%.
- Blancs : 1%.
- Nuls : 1%.
- Ne répond pas / Vote secret : 7%.
- Ne sait pas : 11%.
Aire urbaine :- Oui : 37%.
- Non : 44%.
Aire rurale :- Oui : 51%.
- Non : 22%.
Les neuf départements (1) :La Paz (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 44%.
- Non : 34%.
Oruro (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 56%.
- Non : 31%.
Potosí (Altiplano ou haut plateau) :
- Oui : 29%.
- Non : 47%.
Chuquisaca (Yungas ou vallées) :
- Oui : 34%.
- Non : 43%.
Cochabamba (Yungas ou vallées) :
- Oui : 38%.
- Non : 38%.
Beni (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 42%.
- Non : 28%.
Pando (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 44%.
- Non : 29%.
Santa Cruz (basses terres ; demi-lune) :
- Oui : 38%.
- Non : 46%.
Tarija (Yungas ou vallées ; demi-lune) :
- Oui : 32%.
- Non : 49%.
(1) La Bolivie politique ne correspond pas forcément à sa géographie physique. Ainsi, le département de Tarija, localisé géographiquement dans les Yungas, est inséré dans la « Demi-Lune », surnom politique attribué aux basses terres orientales.
Par ailleurs, les départements peuvent englober plusieurs aires géographiques différentes même si traditionnellement on ne les intègre qu’à une seule. Ainsi, celui de La Paz, réduit fréquemment à l’Altiplano où vit l’immense majorité de sa population, comprend aussi, et à travers une superficie beaucoup plus importante, les Yungas (nord-est de la ville de La Paz) ainsi que les basses terres orientales (nord). Du coup, l’analyse politique d’un département peut différer selon les zones géographiques qu’il renferme.
Sources :- Blog de
Jean-Pierre Lavaud, l’un des plus éminents « bolivianistes » français en tant que sociologue, qui tire à boulets rouges contre
Morales.
Il figure sur le site Web de « Mediapart ».
Lien :
https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud- Blog de
Paulo Antônio de Paranaguá, journaliste brésilien au « Monde », autre pourfendeur de
Morales.
Il figure sur le site Web du « Monde ».
Lien :
http://america-latina.blog.lemonde.fr/-
Laetitia Perrier Bruslé. « Le conflit du TIPNIS et la Bolivie d’Evo Morales face à ses contradictions : analyse d’un conflit socio-environnemental », site Web d’« EchoGéo », rubrique « Sur le Vif », 26 janvier 2012.
Un remarquable travail de recherche, opportunément illustré ! Oui, une vraie pépite !
Lien :
https://echogeo.revues.org/12971-
Pablo Stefanoni. « Après les élections du 29 mars 2015, Evo Morales va-t-il surprendre à nouveau ? », site Web d’« A l’Encontre. La Brèche », 14 avril 2015.
Lien :
http://alencontre.org/ameriques/amelat/bolivie/bolivie-apres-les-elections-du-29-mars-2015-evo-morales-va-t-il-surprendre-a-nouveau.html- Non signé. « Bolivie », site Web de La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE), rubrique « Etudes économiques », janvier 2016.
Lien :
http://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Bolivie-
Non signé. « Réélection d’Evo Morales en Bolivie le 12 octobre 2014 : un entretien avec Laurent Lacroix », site Web du Scales of governance the un and indigenous peoples (SOGIP), rubrique « Actualités », 24 octobre 2014.
Lien :
http://www.sogip.ehess.fr/spip.php?article586