Je partage totalement la brillante analyse du scrutin d'alamo et les dernières remarques sur la dissociation entre vote national et vote local. Mais cette dissociation ne touche pas que les "bastions" communistes et a souvent touché d'autres territoires, la droite comme la gauche. On peut penser à Limoges mais aussi à Paris qui réussit à garder une maire PS alors que Macron a fait une razzia en 2017.
Cependant, il me semble qu'il faut réinterroger certaines analyses sur le PC représentant les pauvres ou la classe ouvrière ; cela a pu être vrai pour une partie des ouvriers, mais le RPF de de Gaulle a su entrainer des ouvriers avec lui, et fixer des familles ouvrières de droite (et les CRS des années 80 devaient bien avoir des pères de droite par exemple), avec l'aide de syndicats maisons comme à Peugeot ou l'aide de l'Eglise.
Le PC n'a jamais vraiment été le parti des pauvres, il a été le parti de l'avant-garde et abritait en son sein des militants syndicaux soigneusement sélectionnés ou bien héritiers d'une longue histoire. Bien sûr A. Croizat ou M. Paul venait de milieu pauvre, mais le père de Croizat avait lutté dans son usine et transmis une culture de lutte à son fils. Ici les travaux de Bourdieu nous aide à comprendre les distinctions entre ouvriers de base et aristocratie ouvrière comme on disait.
Le tournant qui a été loupé, il me semble, est celui de la promotion des travailleurs immigrés, pourtant syndiqués pour certains, dans les années 60. La MOI des années 20 et 30 avait fait ses preuvres, mais le PC n'est pas parvenu à reproduire le même schéma. Et sûrement pour des raisons de classe sociale. En suivant Marx, et son mépris du Lumpenproletariat, le PC s'est toujours méfié des couches paupérisées qui étaient prêtes à se vendre au plus offrant. Les travailleurs immigrés, relégués à des tâches de seconde zone, habitant en bidonvilles, ont été regardés de loin par leurs collègues ouvriers qualifiés et militants syndicaux. Et ils ont été regardés d'encore plus loin quand ils sont venus habiter les grands ensembles des années 70, alors même que de plus en plus d'ouvriers et employés français s'en sauvaient. Il me semble que c'est ce qui explique davantage les pertes de villes comme Vaulx en Velin, le Val d'Oise, ou Aulnay. Et la disparition des grandes usines et la précarisation du travail comme rappelées précédemment n'ont fait qu'amplifier le phénomène.
--> Et oui les 2e places à Auber, Vaulx ou des candidats comme Messaoudene ont été fabriqués à l'origine par le PC, c'est triste à reconnaître mais c'est vrai.
Pour ma part, ce bilan électoral est bien trompeur car, et cela a été souligné, il y a de moins en moins de chefs de file locaux capables de se lancer dans le combat politique, ayant une vision, etc. Les retraités sont dépassés par l'évolution de la société (villes au mains des fonctionnaires et non des élus, rôle du numérique dans la politisation des jeunes) mais ils gardent en partie la main sur leur parti car ils n'ont que ça à faire pour occuper leur retraite et que les jeunes militants doivent s'occuper de leur famille (à égalité avec leur conjoint), de leur travail et de bien d'autres choses.
Surtout, il y a très peu de délégués syndicaux qui s'investissent au parti, donc quand on laisse les fonctionnaires adhérents au parti décider du parti, ils n'ont aucune culture de lutte, aucune capacité à parler aux ouvriers ou employés. Cela marche de plus en plus avec le PS puisque la CFDT n'est pas en mesure de fournir désormais des cadres au PS vu qu'elle a passée son temps à promouvoir des grands étudiants et des grands fonctionnaires à ses postes-clés au niveau fédéral. Cette dissociation syndicat - vie politique est catastrophique car elle atrophie le rôle de la démocratie à la seule conquête électorale et l'exercice du pouvoir politique au seul respect des règles juridiques, sans inventivité, sans participation citoyenne réelle, sans rebellion aussi contre l'état central.