de alamo » Sam 18 Juil 2020 19:01
Après ce tour d’horizon aussi complet que possible, on peut essayer de dresser un bilan objectif des municipales 2020 pour le PCF en métropole (sachant que dans les DOM les alliés se sont bien portés à la Réunion et en Martinique, mais ont essuyé des pertes en Guadeloupe)
Le PC a, comme en 2014, plutôt passé un bon premier tour, mais, comme en 2014, le second tour n’a pas été à la hauteur.
Certes, il peut aujourd’hui se targuer d’avoir un peu augmenté son nombre total d’élus, et rester le troisième parti de France en nombre d’Elus locaux (municipaux comme départementaux)
Il reprend des villes qu’il avait perdues (dont quatre de plus de 30.000 habitants en banlieue parisienne : Villejuif, Bobigny, Noisy-le-Sec, Corbeil), mais en perd cinq ou six.
Certaines conquêtes ou reconquêtes ne sont pas négligeables localement : Blainville-sur-l’Orne, Petit-Caux, Eu, Mouy, Tergnier, Varennes-Vauzelles, Clamecy, Audun-le-Tiche, Commentry, Bourbon, Rive-de-Gier, Neuville-sur-Saône, le Péage-de-Roussillon, Bellac, Ondres, Mauléon, Aussonne, Elne, Villeneuve-lès-Maguelonne, Florac, Château-Arnoux...
Pas de quoi pavoiser outre mesure, mais pas non plus de quoi entonner le sempiternel refrain (entendu depuis 35 ans) sur l’inexorable déclin du PCF et sa disparition dans l’année.
Si l’on regarde les villes perdues par le PCF (où les reconquêtes manquées) on peut les classer en plusieurs catégories.
• Quelques communes où le maire sortant ne se représentait pas et avait décidé de laisser son fauteuil à un adjoint socialiste : avec succès à la Force, Bégard, Petite-Forêt ou Marles-les-mines, avec perte de la mairie pour Thiers et Aubière.
• Des villes où au second tour des candidats PS ou EELV ont fusionné avec la droite : Choisy-le-Roi, Bezons, Seclin, Fontaine, Crolles...
• Des villes où deux (voire trois) candidats PCF ou assimilés se présentaient avec (sauf dans deux cas : Limay et Homécourt) défaite à la clé : c’est notamment le cas à Aubervilliers, mais on pourrait aussi ranger dans cette catégorie St-Denis, étant donné le passé du candidat LFI, ancien apparenté PC ; et on peut aussi citer les occasions manquées de St-Ouen et Bagnolet dans le même département (dans cette dernière ville le sortant PS s’est allié au second tour avec un type qu’il avait lui-même dénoncé à son employeur comme islamiste trois mois avant), Morsang, Bezons (encore, double peine), Houdain, Vieux-Condé, St-Florent-sur-Cher, Firminy, Gardanne...
• Des villes où l’absence de fusion de listes à gauche a provoqué la victoire d’une droite parfois minoritaire : La Verrière, Villeneuve-St-Georges, Bouguenais, Montoir, Waziers, St-Pierre-des-Corps, Arles...
Ceci étant c’est parfois le PCF qui en se maintenant a permis à la droite de l’emporter comme à St-Claude ou Briançon
C'est la dure loi du sport...
• Donc finalement les mairies perdues « à la loyale » sont assez minoritaires : Nangis, Villetaneuse, Champigny, Valenton, Marly, Château-Renault, Givors, Cruas, Rilhac-Rancon, Grand-Couronne, Longueau…
Et les espoirs de conquête déçus également : Douarnenez, Gisors, Aubagne, Sète…
Certaines petites communes sont perdues pour 1 ou 2 voix : Champagné, Wavrechain-sous-Denain, Mauvezin…
Certains éléments sont rassurants pour le PCF :
- Il reste en tête de la gauche même dans des communes qu’il vient de perdre (Arles, Gardanne, Bezons, Aubervilliers, Choisy, Fontaine, la Verrière, St-Pierre… et on pourrait presque ajouter St-Denis) mais aussi dans nombre de grandes villes qu’il avait perdues il y a plus ou moins longtemps : Villejuif, Noisy mais aussi Le Havre , Nîmes, Sète, Alès, Aubagne, La Ciotat, Saint-Ouen … je n’ose ajouter Béziers vu les scores ridicules de la gauche.
Ce qui peut nourrir des espoirs de reconquête rapide, comme on les a vues à Montreuil et Aubervilliers en 2014, à Bobigny et Villejuif cette année. Saint-Denis ou Gardanne dès 2026 ?
Ce pourra parfois être à plus long terme comme pour Noisy ou Corbeil
Au Havre, une occasion a été manquée, la mairie aurait peut-être été gagnée si le deuxième tour avait eu lieu le 22 mars, le candidat PCF était une pointure mais pas tout jeune, et ce sera difficile d’en retrouver un du même acabit. A l’inverse le candidat nîmois qui devient le seul opposant de gauche au sein du CM est beaucoup plus jeune et a l’avenir devant lui, s’il conserve son siège au CD. Ceux de Sète et d’Arles également
- Il perd une Interco au sein de la MGP mais en gagne une autre en échange, il préside des intercommunalités importantes régionalement (type Périgueux), son groupe au Sénat ne semble pas menacé dans l’immédiat vu qu’il n’a que deux sièges renouvelables (on verra dans trois ans), il peut espérer gagner des cantons en 2021, voire, espoir suprême, la présidence de l’Allier…
D’autres le sont nettement moins :
- Le CD du Val-de-Marne est plus menacé qu’il ne l’a jamais été. Et pas par le PS comme tout le monde l’annonçait à chaque renouvellement, mais par la droite, comme je l’ai toujours dit. Il suffit de perdre deux cantons (Champigny 2 et Choisy) sans que le PS ne remporte Fresnes ou, encore plus aléatoire, Thiais, et le CD passe à droite.
Quant à récupérer celui de Seine-St-Denis, c’est mal parti.
- Le positionnement à un bout de l’échiquier politique rend plus difficile les deuxièmes tours, c’est une lapalissade, que lorsque l’on est sur une position plus centrale, moins clivante, voire attrape-tout. Il est possible qu’un socialiste tête de liste aurait gardé la mairie de Bouguenais (dans une région d’influence communiste assez limitée), il est peu probable qu’une tête de liste PCF aurait récupéré la mairie de Colombes…
Et le décalage de trois mois du second tour, en favorisant toutes les tractations ubuesques et les magouilles, a sans doute joué plus fort pour un parti moins apte à ratisser large. Il est bien possible voire probable que si le second tour avait eu lieu une semaine après le premier, le PCF aurait conquis le Havre et en tout cas conservé St-Denis et Aubervilliers.
- Le PCF (il n’est pas forcément le seul), a quelques difficultés à assurer la succession de « barons » emblématiques, élus depuis 20 ou 30 ans. Ce qu’il a connu très fortement pour les maires historiques et charismatiques arrivés au pouvoir en 1971 (Le Havre, Nîmes) ou 1977 (Bourges, Le Mans, Reims, Tarbes, etc), ou pour des figures de la banlieue parisienne comme Nilès ou Valbon, il le retrouve aujourd’hui quand des gens comme Schiavetti à Arles, Beaufils à St-Pierre, Rauze à Morsang, etc… décident de passer la main.
Du coup on a même vu des maires PCF se retirer en laissant les clés à des adjoints PS. Or certains réélus de 2020 vont entamer leur 5ème, 6ème ou 7ème mandat. Quid de 2026 si la succession ne se fait pas en cours de mandat ?
- Pour reprendre ce que j’avais écrit fin mars, dans les grandes métropoles, à commencer par Paris, une partie des nouveau élus PCF (Brossat, Cochard et jusqu’à Bessac en débordant à côté) ont suivi la boboïsation ambiante, d’où leur facilité d’ailleurs à s’allier en partenaire minoritaire avec EELV (Strasbourg, Besançon, Poitiers…), et se sont trouvés un nouvel électorat réceptif aux discours environnementaux (voire, c’est moins bien, un peu communautaristes) plus qu’aux grands idéaux de transformation sociale.
- A l’inverse, le PCF n’est vraiment plus (quand le comprendra-t-il ?) le parti des plus pauvres, notamment dans les quartiers les plus socialement marqués.
Il est significatif que le PC conserve sans peine les mairies de Fontenay-sous-Bois, Chevilly, Malakoff ou Montreuil (des villes assez mélangées socialement et sans explosions sociales récurrentes), alors qu’il est largué dans les secteurs où la prééminence d’un lumpenprolétariat immigré chamboule les habitudes de votes (Garges, Goussainville, les Mureaux, et aujourd’hui jusqu’à St-Denis et Aubervilliers, où la mixité disparaît) ; entre un vote utilitariste et totalement désidéologisé qui déboussole les militants (« si je vote pour vous, qu’est-ce que vous me donnez ») et une islamisation peu compatible avec les traditions laïques, de prééminence de l’éducation et de la culture contre l’obscurantisme, du PCF, les militants et la potentielle relève d’Elus sont tentés de baisser les bras.
- Pour acheter une illusoire paix sociale et politique, il a parfois (là encore ce n’est pas le seul) montré une certaine démagogie jeuniste (« quand il y a un problème à St-Denis, la mairie organise un concert de rap », comme le dit un humoriste qui y habite) ou complaisance communautariste, et il finit par le payer. Quand on crache en l’air ça retombe. Toutes proportions gardées (je l’écris en gras et souligné, sinon on va encore avoir des cris effarouchés) c’est l’Amérique qui a fabriqué Ben Laden et elle a eu le 11 septembre 2001, ce sont des édiles de gauche qui ont fabriqué des Messaoudène et des Kerroumi (et d’autres), et ils se retournent classiquement contra la main qui les a nourris. On remarque que les deux plus grosses villes perdues par le PC le 28 juin l’ont été par des maires arrivés en cours de mandat et ayant tenté de rompre avec certaines pratiques clientélistes des leurs prédécesseurs.
- D’où aussi, dans certaines villes perdues par le PCF, une perte totale du tissu militant, très perceptible dans les «quartiers» comme on dit, dont tous ceux qui en avaient les moyens sont partis devant la dégradation de la qualité de vie. Parmi eux, souvent, les militants communistes partis s’installer en maison individuelle, éparpillés en grande couronne.
L’exemple, que je connais bien, d’Argenteuil, est édifiant, mais il est significatif que dans des villes comme Aulnay ou Colombes le PC ne soit plus capable de se trouver un chef de file.
- Et à côté de cela, une partie des militants et élus PCF ont toujours le réflexe pavlovien du « front républicain » contre le RN, il suffit d’agiter le chiffon rouge, même lors de la soirée électorale Bessac présentait la défaite du RN comme une victoire de la gauche et du PCF, alors qu’aujourd’hui le danger est ailleurs. Le résultat tangible, c’est le zéro pointé dans un secteur de Marseille prenable, dont le gain aurait permis de ne pas avoir à se précipiter dans les bras de Ghali. Ou la disparition totale de la gauche du conseil municipal de Perpignan.
Aliot, un danger pour la République…
Puisqu’ici on aime les pronostics parfois prématurés, j’en fais un dès maintenant pour 2026 : la réélection d’Aliot au premier tour avec 55 voir 60% des voix …
Comme je l’avais écrit après le premier tour, le second ne justifie pas plus la rengaine décliniste que les discours lénifiants sur le grand retour en force…
Je laisse nos contributeurs membres du PCF (on sait que je n’en fais pas partie) réfléchir à l’avenir d’un parti dont on peut constater que l’affaiblissement depuis 30 ans a participé à la dégradation des conditions de vie et de travail des masses populaires, comme on disait…
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alamo le Lun 20 Juil 2020 07:55, édité 1 fois.