A priori, ce débat ne nous a rien appris que l'on ignorait hier ?
Les pro-Trump diront que Trump a gagné, les pro Biden diront que c'est Biden, quant aux rares vrais indécis, ils ne doivent pas être beaucoup plus avancés qu'hier ?
En tout cas, le consensus qui ressort dans les médias US (de gauche comme de droite) c'est qu'il n'y a qu'un seul vrai perdant suite à la prestation de cette nuit : la démocratie...
A titre personnel, le seul élément du "débat" (encore une fois, ce mot ne reflète en rien la réalité de ce que j'ai vu cette nuit) que je retiens est la confirmation de la bouche du premier intéressé : Trump dénie déjà toute légitimité au processus électoral qui se tiendra début novembre. Il l'a dit et répété : le vote par courrier est pour lui une fraude massive et généralisée (c'est rigolo quand on écoute Trump c'est qu'on aurait presque l'impression que cette pratique serait nouvelle et récente :) ), et, si on ne peut déclarer de vainqueur dans la nuit du 03 au 04 novembre, alors, à ses yeux, c'est que le résultat sera nul et non avenu.
Et sur ce volet là du discours de Trump, il est difficile de ne pas faire comme Biden, en constatant que l'actuel président des USA ne sait visiblement pas de quoi il parle...
Covid ou pas Covid, il est assez fréquent que plusieurs états mettent plusieurs jours, voire semaines à donner le nom du vainqueur. On se souvient tous de la Floride en 2000 car c'est l'exemple le plus emblématique, mais cette même année, le Nouveau-Mexique ainsi que le New Hampshire avaient mis quelques jours à confirmer leurs résultats. En 2016, le Michigan aussi est resté plusieurs jours dans l'incertitude quant au nom du vainqueur. En 2008, on a attendu longtemps avant de savoir pour qui la Caroline du Nord et le Missouri avaient voté. Ce qui pourrait être un peu différent cette année, c'est qu'un nombre plus élevé que d'habitude d'états pourraient être dans cette situation ?
Enfin, Trump semble indiquer que, pour lui, le décompte des bulletins devrait être arrêté au plus tard le 04 au matin. Là aussi, c'est une immense méconnaissance de sa part du système politique US : le fait que les états mettent plusieurs jours (voire semaines dans certains cas) à dépouiller la totalité des bulletins est un grand classique. Et il faudrait je pense lui rappeler que dans au moins 2 swing states majeurs (la Caroline du Nord et la Floride) c'est traditionnellement le dépouillement du vote à l'urne qui prend le plus de temps. Vote à l'urne qui sera lui aussi perturbé à priori, qui plus est...
J'aimerais aussi revenir sur beaucoup d'inepties que je vois passer un peu partout dans les médias et les réseaux sociaux (aussi bien en France qu'aux USA) : le processus électoral est à 100% du ressort des états, pas de l'état central. Trump aura beau tempêter tout ce qu'il veut sur l'éventuelle lenteur de la remontée des résultats, il n'y aura absolument rien qu'il ne pourra entreprendre légalement tant que les états n'auront pas certifié leurs résultats. On entend dire ici ou là que la SCOTUS pourrait, par un arrêté, interrompre le processus de dépouillement à un instant T et geler le résultat à ce moment là .
C'est absolument faux. En 2000, ce n'est absolument pas ce que la SCOTUS a fait. Elle a statué sur les procédures judiciaires de la Floride, pour déclarer que c'était elles qui étaient aptes à dire le droit floridien. La SCOTUS n'a pas arrêté le dépouillement, elle a arrêté les recomptes, ce qui est une chose totalement différente. La SCOTUS ne peut se prononcer en la matière que sur des résultats donnés par les états, et sur des arrêtés de cours juridiques au niveau des états. Elle n'a absolument aucune autorité légale pour s'immiscer dans le processus électoral des états. Et si elle se mettait à le faire, là pour le coup, elle outrepasserait clairement la légalité de ses attributions, et même à supposer qu'on ait bien 6 juges conservateurs à ce moment là , je ne les imagine pas une seconde saborder ainsi l'institution.
Et, au niveau des états, les démocrates occupent suffisamment de postes névralgiques dans plusieurs swing states (Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie, Arizona, Colorado, Nevada, Caroline du Nord...le seul swing state où les démocrates manqueraient peut-être de leviers locaux étant la Floride ?) pour s'assurer que les comptages (je parle bien du premier dépouillement intégral, pas d'éventuels recomptes suite à contestation du premier résultat) aillent bien jusqu'à leur terme.
Et même dans des états mieux contrôlés par les républicains (Ohio, Iowa, Texas, Géorgie, et donc possiblement Floride ?), il faut bien garder en tête que les élus républicains de ces états là restent responsables devant les électeurs de leur état. Aller tripatouiller massivement le résultat électoral pour les beaux yeux du Donald reste un risque électoral énorme pour eux, que beaucoup ne seront pas prêts à prendre...
Par contre, en effet, une fois que les états auront donné leur premier verdict (le 04, le 05, le 06 ou le 12 novembre selon les états ?), alors là , oui, les avocats des candidats seront libres de contester tout ce qu'ils voudront dans tel état ou tel état, devant les cours de chaque état. Arrêtés qui pourront, ou pas, être saisis individuellement par la SCOTUS.
Le scénario le plus noir étant une demie douzaine d'états se jouant à quelques centaines ou quelques milliers de voix ? Mais, là aussi, on verra si on y sera quand on y sera :).
Sachant également que les grands networks américains ont une prudence assez légendaire quant au fait de déclarer ou non un état en faveur d'un candidat ou d'un autre. Je pense qu'aucun réseau d'information US ne prendra le risque d'annoncer un état si il n'est pas absolument certain que l'avance du candidat en tête est suffisamment large par rapport aux bulletins manquants...
Dans l'intervalle, hier, avant le débat, Joe Biden et Kamala Harris ont rendu publiques leurs déclarations fiscales (celles des 22 dernières années pour le couple Biden, celles des 16 dernières années pour le couple Harris-Emhoff). Tout n'a pas encore été analysé à la loupe par les journalistes (c'est en cours), mais on a déjà le résumé des déclarations 2019 :
1) le couple Biden (madame est professeur) a déclaré un revenu commun de 985 233$ sur la période, pour un impôt fédéral de 299 346$ (ce qui fait un taux d'imposition d'environ 30%). Le couple a déclaré 14 700$ de dons à des œuvres de charité.
2) le coupe Harris-Emhoff (monsieur est avocat) ont déclaré 3 095 590$ de revenus sur la période, pour un impôt fédéral de 1 185 628$ (ce qui fait un taux d'imposition de 38%, très proche du plafond maximal américain). Le couple a déclaré 35 390$ de dons.
Si Biden est élu et qu'il se tient à son programme fiscal (suppression des réductions de l'ère Trump et hausse des impôts pour les plus riches), le nouveau président et la nouvelle VP verraient donc leur imposition augmenter :).
https://thehill.com/homenews/campaign/5 ... ial-debatehttps://joebiden.com/financial-disclosure/#