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Elections législatives de 1936

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Re: Elections législatives de 1936

Messagede Pullo » Lun 9 Avr 2012 10:45

Merci pour le lien, ploumploum !
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede Draume » Lun 9 Avr 2012 11:20

Il y a peut être un livre (introuvable ? ) qui répondra : Georges DUPEUX Le Front Populaire et les élections de 1936 Armand Colin 1956 Cahiers de la Fondation Nationales des Sciences Politiques n° 99
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede Pullo » Lun 9 Avr 2012 11:33

Merci pour l'info Draume. Vu l'ancienneté de l'édition, je le trouverai au pire sous forme de micro-fiches...
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Mar 14 Aoû 2012 20:46

Pour changer un peu, si l'on peut dire, nous allons parler dans ce message d'une région différente de nos grandes agglomérations, à savoir les quatre départements qui recouvrent aujourd'hui la région Auvergne, c'est à dire Allier, Cantal, Haute Loire et Puy de Dôme.

L'Auvergne des années 30 dispose alors d'un poids démographique plus significatif qu'aujourd'hui.

L'exode rural frappe certes les cantons montagneux et ruraux mais la population résidente demeure assez significative.

Le Cantal compte ainsi environ 191 000 habitants en 1936, ayant engagé le lent mais sûr processus de dépeuplement accéléré par la saignée de 14 – 18 et qui ne s'est pas encore véritablement interrompu aujourd'hui.

La Haute Loire, pour sa part, se situe aux alentours des 245 000 habitants (elle en compte aujourd'hui environ 220 000) et comme pour le Cantal, son dépeuplement, entamé avec le siècle, s'est accentué après la boucherie guerrière...

L'Allier, pour sa part, compte alors environ 370 000 habitants (aujourd'hui environ 350 000) et a subi les effets, là encore, d'une certaine forme d'exode de population (le pays est tout de même rural et bocager pour une bonne part) et les effets de la Première guerre mondiale par ailleurs, malgré une industrialisation réelle qui impacte évidemment sur les comportements politiques locaux.

Enfin, le Puy de Dôme, comprenant la capitale régionale, Clermont Ferrand, avec environ 490 000 habitants, est au creux de la vague pour ce qui est du XX e siècle, puisque la population du département ne fera, avec d'évidentes inégalités entre arrondissements, que croître de la Libération à aujourd'hui.

Il convient de mesurer que ces populations départementales se distinguent dans une France comptant à l'époque environ 41,5 millions d'habitants et non pas les 65 millions actuels, même si la démographie du pays est relativement « portée «  par le solde positif de l'immigration de l'entre deux guerres.

Politiquement, les grandes lignes de fracture sont assez nettes.

Aux municipales de 1935, dès le premier tour, Montluçon (ville comptant alors plus de 40 000 habitants) réélit son maire SFIO, Marx Dormoy, comme Commentry réélit la liste d'Isidore Thivrier, fils de Christophe Thivrier, premier maire socialiste de France, surnommé le « député en blouse » lorsqu'il sera élu à la fin du XIXe siècle à l'Assemblée nationale.

L'Allier est donc clairement déjà un fief de la gauche, où l'influence du PCF progresse d'ailleurs peu à peu, autant dans les villes industrielles que dans les cantons ruraux (singulièrement autour de Tronçais).

Une liste socialiste est également reconduite à Cusset.

Pour le Cantal, ballottage à Aurillac, mais succès de la droite à Mauriac comme à Saint Flour.

En Haute Loire, le député maire de droite d'Yssingeaux, Augustin Michel, est réélu dès le premier tour.
(Comme l'indique notre contributeur Michel A sur son blog, Augustin Michel se trouve être le grand père de Mme Madeleine Dubois, ancienne attachée parlementaire de Jacques Barrot, ce qui montre au moins que le monde politique altiligérien est assez petit, qui fut pressentie pour devenir sénatrice de ce département en septembre 2011 mais dut sans doute à son passage au sein des laboratoires Servier de ne pas être finalement choisie...)

Enfin, dans le Puy de Dôme, la droite conserve Ambert, les radicaux, alors la principale force politique du département conservant Issoire (avec Albert Buisson, pharmacien de son état et fondateur de la société Théraplix, outre ses fonctions d'administrateur de Rhône Poulenc) ou encore Riom, avec Etienne Clementel.

Ce sont là des radicaux assez proches de la droite, comme ceux de Clermont Ferrand qui font partie de la liste Marcombes Gondard, rassemblant l'ensemble des forces politiques allant des radicaux à la droite républicaine face à la SFIO et aux communistes.

Etienne Clementel mourra en décembre 1936, tandis qu'Albert Buisson (qui fera bientôt de son prénom la moitié de son nom) sera mis en situation de devenir Sénateur à l'occasion d'une partielle en 1937 et votera les pleins pouvoirs à Pétain avant de participer au Conseil national de Vichy avec Jacques Bardoux, qu'on ne présente plus.

La politique cessera donc d'être le premier souci d'Albert Buisson qui se consacrera après guerre à l'Histoire, et à son rôle au sein de l'Académie des sciences morales et politiques dont il était devenu membre en 1936 et sera secrétaire perpétuel en 1951.

Quant à Philippe Marcombes, lieutenant colonel de réserve et médecin militaire, déjà maire de Clermont Ferrand au début des années 20, il sera finalement élu sur la liste « républicaine » associant radicaux et droite (une constante dans la vie clermontoise depuis 1919) et mourra un mois ou peu s'en faut après le second tour des municipales, alors même qu'il venait d'être nommé Ministre de l'Education Nationale dans le gouvernement de … Pierre Laval, autre Auvergnat de la vie politique d'alors.

(On rappellera que bien qu'élu d'Aubervilliers en banlieue Nord, Laval était natif de Châteldon, dans le Puy de Dôme et qu'il avait la haute main sur la ligne éditoriale du journal Le Moniteur, concurrent local de La Montagne et journal assez largement lié aux milieux économiques et à la petite bourgeoisie locale, comme l'illustre le personnel politique radical que nous venons d'évoquer).

Dans les autres personnalités locales, notons la réélection à Saint Eloy les Mines du socialiste indépendant (en fait rallié aux radicaux de droite) Alexandre Varenne, député du Puy de Dôme et directeur de La Montagne.

Alexandre Varenne sera le seul élu radical auvergnat de l'entre deux guerres à ne pas se retrouver impliqué dans une collaboration plus ou moins active avec Vichy.

Il suspendra en effet la parution de son journal en 1941 et pourra continuer son activité politique après guerre, participant notamment au groupe sénatorial de l'UDSR à la fin de son mandat.

Le second tour confirmera les tendances : Moulins reste acquis à la SFIO, Vichy aux radicaux socialistes comme Lapalisse, Aurillac élit une municipalité associant radicaux et élus de droite, Le Puy vote en faveur des républicains de droite et, dans le Puy de Dôme, seuls la section de Montferrand et Thiers votent en faveur de la SFIO face à la droite et aux radicaux.

Dans le cas de la cité coutelière, c'est même un changement de couleur politique, puisque la mairie sortante était républicaine de gauche, c'est à dire de droite.

D'une certaine manière, les données politiques sont donc fixées : l'Allier est très orienté à gauche, Cantal et Haute Loire semblent durablement acquis à la droite et le Puy de Dôme est le lieu d'affrontement entre une gauche de plus en plus radicalisée et une droite qui s'abrite le plus souvent derrière les radicaux socialistes opposés au socialisme et au communisme pour conserver ses positions.

Toute ressemblance avec une situation déjà connue est évidemment tout sauf tout à fait fortuite.
Dernière édition par vudeloin le Ven 17 Aoû 2012 03:54, édité 1 fois.
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Mer 15 Aoû 2012 03:14

Le scrutin des 26 avril et 5 mai 1936, pour le renouvellement de la Chambre des Députés, concerne les six sièges du département de l'Allier (cinq sont alors tenus par la SFIO et un, celui de Lapalisse, par un radical socialiste), les trois députés du Cantal, les quatre élus de Haute Loire (dont un SFIO, Thiolas, sur l'arrondissement de ...Brioude) et les huit élus du Puy de Dôme, soit un total de vingt et un sièges sur les quatre départements auvergnats.

Passons aux résultats

Première circonscription de Moulins, ou Moulins Est, comprenant également des cantons comme Chevagnes, Neuilly le Réal ou Dompierre sur Besbre (député sortant : René Boudet, maire SFIO de la ville).

Inscrits 14 724
Votants 12 471 (84,70 %)
Exprimés 12 218

Boudet 5 786 (47,36 %)
Baudron (radical socialiste, maire d'Yzeure) 2 375 (19,44 %)
Ranglaret (démocrate populaire) 2 293 (18,77 %)
Chabridon (communiste) 1 759 (14,40 %)
Divers 5

Comme on le voit, la participation au scrutin n'a pas été de faible niveau et les évolutions principales ayant affecté le vote ont été les suivantes.
Le candidat de la SFIO a gagné 196 voix sur le scrutin précédent, celui de 1932, tandis que son adversaire radical socialiste, Baudron, perdait pas moins de 2 191 suffrages.
A droite, le candidat démocrate populaire, donc d'essence démocrate chrétienne, réalise un score autrement plus important que les 650 suffrages des candidats de 1932, plus nettement marqués que lui.
Enfin, le candidat communiste, même s'il n'arrive que quatrième, progresse pour sa part de 908 voix, doublant donc l'influence de son parti sur le siège.

Si l'on regarde le destin de nos candidats, que voit on ?

Georges Chabridon, syndicaliste CGT, mouleur sur métaux et Bourbonnais de naissance (il est né à la Chapelaude) sera régulièrement le candidat du PCF sur le pays de Moulins. 

Pendant la guerre, il évitera de se retrouver déporté du travail en intégrant la Résistance dans les Hautes Pyrénées avant d'être arrêté par la police de Vichy et déporté à Buchenwald, après avoir fait plusieurs stages dans les différents centres d'internement de « personnes indésirables ».

Après la Libération, il s'impliquera dans le mouvement social et syndical (comme avant guerre, quand il fut Secrétaire de la CGT de l'Allier), étant pendant plusieurs années administrateur de la Sécurité Sociale pour son organisation.

Joseph Baudron ne verra pas la guerre.
Le maire d'Yzeure meurt en effet en 1938.

René Boudet, pour sa part, sera maintenu pendant la guerre comme maire de Moulins mais manifestera en plusieurs occasions son opposition au régime de Vichy, alors même qu'il a voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940.
D'abord déclaré inéligible puis relevé de cette condamnation, il redeviendra conseiller municipal de la ville dont il fut le principal élu pendant toute la période de l'entre deux guerres.

Son fils, également prénommé René, né à Moulins en 1901, deviendra membre des Jeunesses socialistes dès 1917 et connaîtra une longue « carrière «  au sein de la SFIO, le conduisant à la Libération aux fonctions d'adjoint au maire de Chennevières sur Marne puis de Sénateur de Seine et Oise en 1958.

Au second tour, René Boudet est réélu avec 7 707 voix contre 3 353 suffrages au démocrate populaire Ranglaret, dont je n'ai pu trouver de traces historiques plus nettes...

Deuxième circonscription de Moulins ou Moulins Ouest, comprenant aussi les cantons de Lurcy Lévis, Bourbon l'Archambault ou Souvigny (député sortant : Camille Planche, adjoint au maire de Moulins, SFIO)

Inscrits 17 452
Votants 14 992 (85,90 %)
Exprimés 14 630

Planche 7 171 (49,02 %)
Guyot (communiste) 4 118 (28,15 %)
Desfossés (républicain indépendant) 3 340 (22,83 %)
Divers 1

Différence essentielle avec le scrutin de 1932 : le candidat socialiste, largement en tête, est toutefois en ballottage, alors qu'il avait été élu au premier tour quatre ans auparavant.

Camille Planche perd même au total 1 588 suffrages sur l'élection de 1932 et près de 10 %, puisqu'il avait obtenu exactement 59 % alors.
Le candidat de droite ne progresse quasiment pas, ne gagnant en effet que 237 suffrages sur le score du précédent opposant, démocrate populaire, de Camille Planche.
Le principal mouvement affecte ici le score de Marcel Guyot, candidat communiste, ancien ouvrier galochier, qui, après avoir été candidat sur Moulins Est en 1932, fait progresser le score communiste de 2 980 à 4 118 voix sur le siège Ouest.

Au second tour, la réélection de Camille Planche ne pose aucun problème et il recueille 10 081 voix contre 3 299 pour le candidat de droite Desfossés.

Sur le devenir des candidats, outre que je n'ai pas d'indication sur la suite de la carrière politique de Desfossés, nous sommes fort informés de ce qu'est devenu Camille Planche et de ce que fit plus tard Marcel Guyot.

Camille Planche, ancien combattant de 14 – 18, appartenait au courant pacifiste de la SFIO, animé notamment par Paul Faure.
Il anima à ce titre une fédération des anciens combattants pacifistes et représenta la France au sein de la Société des nations.
Un courant et une sensibilité qui le conduisirent à voter les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940 et à participer, aux côtés d'autres socialistes de la tendance Faure, à la Ligue de la Pensée française, mouvement collaborationniste animé notamment par Marcel Déat et ses séides.

Exclu de la SFIO à la Libération, Camille Planche ne retrouvera aucun mandat national, se contentant de participer aux activités du Parti socialiste démocratique et du Rassemblement des gauches républicaines, entre autres organisations servant de réceptacle aux exclus du parti socialiste.

Marcel Guyot, pour sa part, mobilisé en 1939 se retrouve interné du fait de ses opinions puis s'évade et participe à la Résistance dans le Midi et la région Rhône Alpes, avant d'être arrêté par la police de Pétain et déporté en Allemagne. 

A son retour, en 1945, il reprend peu à peu ses activités politiques, activités qui font de lui le conseiller de la République PCF de l'Allier élu dans le cadre interdépartemental lors du premier scrutin de cette Assemblée.

Non réélu en 1947, Marcel Guyot restera conseiller municipal de Moulins, avant de connaître, à la fin de sa vie, le succès lors des élections législatives de 1962.

Arrivé en tête de la gauche au premier tour dans la première circonscription de Moulins avec 9 192 voix, contre 8 062 au gaulliste maire d'Yzeure Paul Maridet, 7 203 voix au républicain indépendant maire de Moulins Jacques Pligot, 5 292 au socialiste Robert Marjolin, économiste et haut fonctionnaire (il sera commissaire européen) et 1 937 au candidat de centre gauche Pierre Ferrières, maire de Dompierre sur Besbre, Marcel Guyot est élu au second tour avec 14 700 voix, 12 831 pour Paul Maridet et 9 623 pour Jacques Pligot.

Cette fois, donc, l'opposition politique entre Moulins et Yzeure aura servi les intérêts de la gauche...

Marcel Guyot sera réélu au second tour avec 54 % des voix en 1967 face à Paul Maridet et mourra, au mois de janvier 1968, peu avant le mouvement social majeur qui a modifié bien des choses dans notre pays.

Troisième circonscription : Montluçon Ouest (député sortant : Marx Dormoy, prénommé René, fils de Jean Dormoy, maire de Montluçon entre 1892 et 1898, lui même maire de la grande ville bourbonnaise depuis 1926, SFIO).

Inscrits 20 822
Votants 17 301 (83,09 %)
Exprimés 15 876

Marx Dormoy 8 212 (51,73 %), réélu
Eugène Jardon (communiste, vigneron, maire de Domérat) 7 664 (48,26 %)

Le maire socialiste de Montluçon est donc réélu dès le premier tour, la droite ayant en quelque sorte passé son tour sur une circonscription de toute manière très difficile pour elle.
Mais Marx Dormoy connaît une perte de son influence, passant entre 1932 et 1936 de 10 708 à 8 212 voix quand le candidat PCF passe de 4 735 à 7 664 voix suffrages.

Ainsi, si Domérat vote évidemment pour Eugène Jardon, c'est aussi le cas de cantons plus ruraux comme Huriel et Hérisson (toute ressemblance, etc, etc...) et la personnalité du candidat opposé à Marx Dormoy a joué clairement : ancien combattant de la Première guerre mondiale, vigneron, gestionnaire local, Eugène Jardon était un « bon » candidat.

Les évènements à venir et la Seconde Guerre Mondiale vont marquer le secteur.

Après le suicide de Roger Salengro, maire de Lille, suite à la campagne de dénigrement portée par le député de droite Henri Becquart et relayée par la presse d'extrême droite de l'époque (Gringoire, Rivarol, etc..), Marx Dormoy devient le Ministre de l'Intérieur du Front Populaire.

Ce qui lui vaudra, entre autres, de mener une politique de restriction de l'asile politique, mais aussi de conduire la lutte contre les agissements des ligues factieuses, en particulier lors du démantèlement du trop fameux Comité secret d'action révolutionnaire, le CSAR dit aussi « La Cagoule », groupement d'activistes monarchistes et d'extrême droite soutenu en grande partie par les milieux d'affaires, et singulièrement Eugène Schueller, père de Liliane Schueller épouse Bettencourt, fondateur de la société L'Oréal.

Aparté à ce stade : la Cagoule fut effectivement largement appointée par la société L'Oréal, celle ci jouissant notamment du prestige de ses marques et notamment de Monsavon, premier produit grand public du groupe, et la nomination, à la fin des années 60, d'André Bettencourt, mari de Liliane Schueller, doté d'un passé de collaborateur vichyste pendant la Seconde Guerre Mondiale, comme Ministre des derniers gouvernements De Gaulle et des premières équipes Pompidou fit beaucoup de bruit.

Les mouvements d'extrême droite des années 30 devaient beaucoup, faut il le signaler, à l'aide des milieux d'affaires.

Ainsi, les Camelots du Roi, mouvement de jeunesse monarchiste proche de l'Action Française, durent beaucoup au soutien du groupe Taittinger, dont l'un des membres éminents fut d'ailleurs député du premier arrondissement de Paris en 1936.

Pour sa part, François Coty, le célèbre parfumeur, inventeur entre autres du parfum « Chypre », l'un des premiers parfums grand public largement vendus à l'époque, sera, après avoir fait main basse sur plusieurs titres de presse dont le Figaro, qu'il va diriger pendant dix ans (de 1922 à 1932) en lui imprimant une ligne éditoriale résolument de droite, y compris complaisante vis à vis du modèle fasciste italien que Coty, Corse d'origine, vénère, soutiendra tour à tour le groupuscule Le Faisceau de Georges Valois, l'Action Française de Maurras et finira par aider à l'émergence des Croix de Feu du colonel de la Rocque.
Coty sera même élu maire d'Ajaccio en 1931 sous une étiquette très à droite et je dois dire que je suis toujours étonné de constater que le nom de ce personnage ait été laissé au stade de football de la ville...

Mort en juillet 1934 dans des circonstances peu claires, Coty n'aura pas connu le devenir d'autres partisans de la droite extrême des années trente.

Fin de l'aparté et retour au cas de Marx Dormoy qui cessera d'être Ministre de l'Intérieur après l'affaire de la fusillade de Clichy début 1938 et deviendra Sénateur de l'Allier.

C'est ès qualités que, contrairement à Camille Planche et René Boudet, il ne vote pas les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940.

Dès lors, il est révoqué de ses fonctions de maire de Montluçon et interné.

Après avoir été déplacé à Montélimar, Marx Dormoy y meurt, probablement assassiné par d'anciens Cagoulards, en 1941.

Eugène Jardon, pour sa part, sera élu député de Montluçon à l'occasion de la partielle d'avril 1939 faisant suite à l'élection au Sénat de Marx Dormoy.

A cette occasion, il devança au premier tour André Southon, futur maire de Montluçon et jeune candidat que la SFIO avait présenté à la suite de Marx Dormoy.

Las, l'interdiction du PCF, au terme des décisions prises dans la foulée du pacte germano soviétique, amène Eugène Jardon à participer un temps aux activités de l'Union populaire française, groupe de quelques élus communistes de 1936 constitué autour de Jean Marie Clamamus, le sénateur maire de Bobigny, d'Emile Fouchard, le député maire de Chelles, de Jules Fourrier, le député du XVe arrondissement ou encore de René Nicod, député maire d'Oyonnax.

Mais Jardon va voter contre les pleins pouvoirs à Pétain, comme le fit Nicod ou encore Fouchard, et ne le firent pas Clamamus ou Fourrier.

Pour autant, Eugène Jardon passera une bonne partie de la guerre à donner un appui aux Résistants de la région, en leur fournissant régulièrement des vivres (il a gardé son exploitation viticole), avant de se retirer de la vie politique à la Libération.

Quatrième circonscription : Montluçon Est, comprenant notamment Commentry, mais aussi les cantons ruraux de Marcillat en Combraille et Montmarault (député sortant : Isidore Thivrier, maire de Commentry et fils de Christophe Thivrier, premier maire socialiste de la ville considérée depuis comme la première mairie socialiste de France, SFIO).

Inscrits 19 541
Votants 16 569 (84,79 %)
Exprimés 14 116

Isidore Thivrier 7 103 voix (50,32 %) réélu
Pierre Valignat (communiste) 7 013 voix (49,67 %).

On le voit, l'écart entre les deux candidats de cette élection (la droite a, là aussi, passé son tour, et les deux mille cinq cents bulletins nuls ont sans doute à voir avec cela) est particulièrement réduit et caractérise fortement le bassin montluçonnais comme un lieu de confrontation entre communistes et socialistes.

L'évolution sur 1932 est nette : Thivrier avait été élu au premier tour avec 9 917 voix, contre seulement 3 152 au candidat communiste Aucouturier et 925 voix pour un divers gauche, sous l'étiquette « socialiste communiste ».

Le rapport de forces est donc largement plus favorable aux communistes qui, sans que leur candidat ne soit élu, commencent sérieusement à compter.

Pour ce qui est du comportement futur des deux candidats, quelques points.

Isidore Thivrier fera partie des « 80 » parlementaires rejetant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Il se positionnera très vite contre le régime de Vichy et s'engagera dans la Résistance, faisant de sa propre maison un point de chute pour l'organisation des activités des maquis du Bourbonnais et la liaison avec Londres.

Trahi et arrêté par la Gestapo, Isidore Thivrier, après un passage en prison de Bourges puis à Fresnes, sera déporté, malgré son grand âge (il a près de soixante dix ans), au camp du Struthof, en Alsace, où il meurt en mai 1944, victime du froid et de la tuberculose, dans les dures conditions de ce qui fut le camp d'internement nazi en France.

Pierre Valignat, pour sa part, le jeune instituteur communiste présenté contre lui, outre qu'il porte le nom d'un petit village du Bourbonnais, sera également résistant et déporté en Algérie où il fut libéré lors du débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942.

Il continuera évidemment à militer au PCF après guerre, notamment parce que le nom de Valignat a beaucoup accompagné l'activité communiste en Allier.

C'est que Pierre Valignat est le mari de Fernande Cognet, institutrice comme lui, et communiste comme lui.
Fernande Valignat sera internée, comme son mari, après sa révocation de l'Education nationale en 1940, et fera les camps d'internement de Rieucros en Lozère ou encore de Brens dans le Tarn.

Elle va s'évader et revenir dans l'Allier où elle animera, à compter de 1943, la Résistance locale avant de devenir à la Libération l'une des candidates éminentes du PCF, dès lors que les femmes auront gagné le droit de vote et d'éligibilité.

On la retrouvera ainsi à plusieurs reprises candidate sur Montluçon et sa région, membre du comité central du PCF et parmi les fondatrices de l'Union des Femmes Françaises.

Cinquième circonscription : siège de Gannat, comprenant entre autres les cantons de la Montagne bourbonnaise et notamment la ville de Vichy (député sortant : Paul Rives, maire de Bellerive sur Allier depuis 1935 et conseiller général d'Escurolles)

Le premier tour de 1932 avait été marqué par une relativement forte mobilisation à droite, autour du républicain social Pradon Vallancy.

En 1936, nous avons les résultats suivants

Inscrits 16 404
Votants 14 285 (87,08 %)
Exprimés 14 073

Rives 6 144 (43,66 %)
Pradon Vallancy (républicain social, maire de Taxat Sénat et conseiller général de Chantelle, député de 1928 à 1932) 6 126 (43,53 %)
Gire (communiste) 1 332 (9,46 %)
Tourret (agraire) 471 (3,35 %)

Sur le scrutin de 1932, le candidat de la SFIO gagne environ 1 300 voix et devance le candidat de droite, arrivé premier alors.
Quant au candidat communiste, il double ses voix d'alors.

Paul Rives sera élu au second tour contre Pradon Vallancy, comme en 1932, avec la plus courte avance du département, avec 7 411 voix contre 7 019.

Quant au parcours des candidats, il ne fut pas remarquable.

Paul Rives, l'un des principaux dirigeants de la SFIO de l'Allier, votera les pleins pouvoirs à Pétain et, comme Camille Planche, glissera dans l'ornière de la collaboration avec le régime vichyste, et suivra le même parcours que Planche après la Libération en adhérant aux différents mouvements servant de point de chute aux très nombreux exclus de la SFIO.

Peu d'indications sur Henri Pradon Vallancy, sinon qu'il meurt pendant la guerre, à l'âge de 52 ans.

Quant à Gire, le candidat communiste, il n'apparaît pas dans la liste des résistants bourbonnais et ce, pour un motif fort simple.
C'est qu'il a tourné casaque en 1940 et s'est trouvé engagé avec d'autres élus communistes dans des mouvements collaborationnistes, notamment l'Union ouvrière et paysanne.

Sixième circonscription : celle de Lapalisse (sortant : Lucien Lamoureux, ancien Ministre, radical socialiste, maire de Creuzier le Vieux).

Inscrits 32 044
Votants 27 182 (84,83 %)
Exprimés 26 425

Barbier (SFIO) 9 740 (36,86 %)
Lamoureux (radical socialiste) 8 393 (31,76 %)
Grémaud (droite) 3 633 (13,75 %)
Villenet (PCF) 3 459 (13,09 %)
Bontemps (USR, candidat SFIO en 1932) 756 (2,86 %)
Arnefaux 444 (1,68 %)

Sur 1932, le candidat SFIO, malgré la scission des néo socialistes (dont le candidat d'alors se réclame) progresse de 2 321 voix.
Lamoureux, pour sa part, voit son score réduit de 3 356 suffrages et, du fait de l'accord de désistement Front Populaire, doit se retirer au profit du candidat SFIO.
Le candidat de droite progresse péniblement de 300 voix environ sur 1932 et le candidat communiste gagne environ 600 suffrages.

Jean Barbier est élu sans difficulté au second tour mais va démissionner à la fin de l'année 36 pour convenances personnelles.

La partielle conduira au retour de Lamoureux au Parlement, et lui permettra, entre autres, de devenir l'un des derniers Ministres des Finances de la IIIe République.

Lucien Lamoureux, nommé membre du Conseil national de Vichy, sera déclaré inéligible à la Libération et ne pourra, dès lors, courir que pour un mandat local, en l'espèce celui de conseiller général de Vichy pour lequel il sera d'ailleurs élu à la fois en 1950 (élection annulée) et 1956.

Jean Barbier, pour sa part, après son court mandat de député (environ 150 jours), restera sur Vichy et deviendra même le maire provisoire de la ville à la Libération, sans toutefois parvenir à s'y maintenir à l'occasion des élections de 1945 et 1947.

Instituteur de formation, ayant pour cela rejoint son corps d'origine, il sera l'un des animateurs de l'activité politique de la SFIO sur le bassin de Vichy.

Pas d'indication sur les autres candidats.

Nous verrons dans un autre message les autres départements.

Conclusion provisoire : le succès de la SFIO dans l'Allier (six élus sur six) va de pair avec une poussée à gauche qui renforce singulièrement le courant communiste et réduit à la portion congrue le courant radical et radical socialiste.

Reste le fond du bassin de Vichy qui constitue, comme par hasard (tu parles!) le cœur de l'influence de Gérard Charasse sur la circonscription de Vichy aujourd'hui.

En 1936, sur 97 338 suffrages exprimés, la SFIO a recueilli 44 156 voix (45,36 %) et le PCF – SFIC 25 345 voix (26,04 %).

Le compagnonnage plus ou moins forcé et plus ou moins conflictuel entre les deux forces politiques de la gauche françaises s'affirme donc clairement dans le département, sous l'effondrement du courant radical et la marginalisation de la droite.

Mais la force tant de la SFIO que du PCF étant aussi fondée sur la concurrence et, sous certains aspects, la « haine » de l'autre, on voit déjà se construire les éléments des futures confrontations.

Pour le reste, comme nous l'avons vu, le département a largement été touché par les grands bouleversements du temps...
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Ven 17 Aoû 2012 03:52

Allons maintenant dans les départements du Cantal et de la Haute Loire qui, en 1936, ont élu l'un trois et l'autre, quatre députés.

Pour le Cantal, les trois sièges étaient centrés sur Aurillac, Mauriac et Saint Flour, c'est à dire sur les trois arrondissements (ah ce fameux scrutin d'arrondissement) que compte le département.

Résultat : 22 765 inscrits sur Aurillac, 14 897 sur Mauriac et sur Saint Flour 21 839 électeurs.

Premier tour

Aurillac :

Inscrits 22 767
Votants 19 295 (84,75 %)
Exprimés 18 858

Batedou (PCF) 743 (3,94 %)
Deixonne (SFIO) 4 881 (25,88 %)
Bastid (radical socialiste) 5 923 (31,41 %)
Ramond (radical de droite) 7 311 (38,77 %)

Le candidat radical socialiste n'est pas un inconnu, étant le député sortant, et il se nomme Paul Bastid.
Elu depuis 1924, Paul Bastid est un juriste émérite, alors âgé d'un peu plus de quarante ans, qui deviendra Ministre du Commerce dans le gouvernement de Front Populaire et, surtout, sera, pendant les noires années de l'Occupation, le représentant officiel du Parti radical et radical socialiste au sein du Conseil national de la Résistance.

Il faut dire que Paul Bastid, embarqué à bord du Massilia, ne sera pas à Vichy le 10 juillet 1940.

Il sera aussi, à la Libération, directeur du journal L'Aurore, reparaissant après la disparition du Journal.

Le scrutin de 1936 est cependant, d'abord et avant tout, marqué par le recul de la droite dans cette partie du département.

En 1932, la droite avait en effet obtenu 8 984 voix dans la circonscription, contre 8 632 pour Bastid, 455 pour le candidat communiste et 55 pour un candidat SFIO.

Paul Bastid, radical favorable au Front Populaire, est donc mieux placé au premier tour de 1936 qu'à celui de 1932.

Quant au candidat socialiste, Maurice Deixonne, dont le parcours personnel fut assez mouvementé (il est né à l'Ile Maurice d'un père vétérinaire qui avait fui sa famille suite à une discorde profonde), alors enseignant muté d'office à Gap alors que son poste était au Lycée d'Aurillac, il fera une carrière politique et ministérielle importante après la Libération, une fois devenu député du Tarn.

Un temps président de la Fédération des Clubs Léo Lagrange, véritable vivier de cadres socialistes, Maurice Deixonne a surtout laissé son nom à une loi de 1951 qui prenait en compte, sous une forme jugée restrictive par certains régionalistes, le fait linguistique constitué par les langues régionales en France.

Par contre, sur le siège de Mauriac, les résultats sont un peu différents et plutôt contradictoires pour l'époque.

Inscrits 14 897
Votants 11 983 (80,44 %)
Exprimés 11 885

Rychen (communiste) 472 (3,97 %)
Fontanier (sortant, SFIO) 4 821 (40,55 %)
Talandier (républicain de gauche) 6 592 (55,45 %), élu.

Le siège passe donc à droite avec la victoire du docteur Talandier, alors âgé de 64 ans, et maire de Mauriac depuis 1912.
Le docteur Talandier restera maire de la sous préfecture cantalienne pendant la guerre, une fois acquis son vote en faveur des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940.
Il ne sera, évidemment, pas reconduit dans ses fonctions après la Libération.
Quant au candidat SFIO, Henry Fontanier, deux fois député de 1924 à 1928 puis de 1932 à 1936 (il l'avait emporté alors de quinze voix seulement contre son adversaire de droite), il mourra accidentellement dans un accident de la circulation.

Siège de Saint Flour

Inscrits 21 839
Votants 16 891 (77,34 %)
Exprimés 16 652

Aymard (PCF) 1 318 (7,91%)
Talandier (SFIO) 668 (4,01 %)
Montel (radical indépendant) 7 431 (44,62 %)
Comte de Castellane (républicain de gauche, sortant) 7 235 (43,45 %).

Le Castellane dont il est ici question est Stanislas de Castellane, frère du célèbre dandy de la Belle Epoque Boni de Castellane, tous deux issus d'une vieille famille de la noblesse provençale dont le nom provient évidemment de la petite ville éponyme, sous préfecture des actuels Alpes de Haute Provence.

Stanislas de Castellane a été plusieurs fois député du Cantal sous des étiquettes de centre droit, exerçant par ailleurs les fonctions de maire de Marcenat, petite commune du canton de Condat.

Alors âgé d'un peu plus de soixante ans, Stanislas de Castellane goûte sans doute assez peu ce premier tour peu probant pour lui, alors même qu'il avait été élu au premier tour quatre ans auparavant en obtenant 8 862 voix contre 8 169 au candidat radical socialiste Peschaud et 83 au candidat communiste Croze.

Stanislas de Castellane ne sera pas réélu, comme nous le verrons, et, dans l'opposition au Front Populaire, votera les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, mais ès qualités de Sénateur du département.

Une position que le privera évidemment de toute possibilité de retour dans la vie politique après la Libération.

Maurice Montel, pour sa part, connaîtra un autre destin politique.

Durant la législature de Front Populaire, il siège au sein de la Gauche indépendante, étant proche du mouvement Jeune République.

Il confirmera d'ailleurs son succès aux élections du printemps 1936 en remportant le siège de conseiller général de Ruynes en Margeride, son village natal, sous l'étiquette radicale socialiste.

Mobilisable et mobilisé (il est né en 1900 à Espaly Saint Marcel, à côté du Puy en Velay), Maurice Montel viendra pourtant à Vichy le 10 juillet 1940 et refusera de voter les pleins pouvoirs à Pétain, contrairement à bien d'autres élus de sa génération.

Faisant partie des « 80 », Maurice Montel s'engage dans la Résistance et participera d'ailleurs, entre autres, à la terrible bataille du Mont Mouchet, où la Milice tente de déloger de son « réduit » une partie des maquis d'Auvergne.

Le site du Mont Mouchet, où les maquisards avaient réuni une force d'environ 2 700 combattants, fut attaqué le 10 juin 1944 (jour du massacre d'Oradour sur Glane) par une force composée de combattants sous uniforme allemand, et notamment des unités SS mais aussi des supplétifs cosaques et azéris, et de Miliciens français aux ordres de Joseph Darnand.

On trouvait aussi en renfort des membres des Groupes Mobiles de Réserve (GMR), force paramilitaire créée par René Bousquet, force qui fut dissoute après guerre et dont les effectifs « épurés » devinrent les fameuses CRS.

Le village de Ruynes lui même fut le théâtre des exactions des Allemands et de leurs auxiliaires puisque vingt six civils y furent fusillés en représailles de la résistance acharnée opposée par les troupes du colonel Gaspard (Emile Coulaudon), chef des maquis d'Auvergne.

A la Libération, alors qu'il fait partie du comité départemental de libération, Maurice Montel quitte le parti radical pour rejoindre la SFIO, sous les couleurs de laquelle il est élu député à l'Assemblée nationale face à l'agrarien Camille Laurens, arrivé en tête, tandis que le PCF obtient également un élu avec Clément Lavergne, mais aussi devant la liste radicale de Paul Bastid, qui ne retrouve pas de mandat.

Maurice Montel sera rapporteur de la loi de nationalisation des assurances, affirmant notamment la nécessité de faire de l'assurance un « véritable service public », et deviendra d'ailleurs PDG de la compagnie préfigurant le groupe UAP.

Elu de Ruynes jusqu'en 1977, il sera l'opposant principal de Georges Pompidou à la députation dans le Cantal lors du scrutin de mars 1967.

Une vie parlementaire et personnelle bien remplie, de fait, que celle de Maurice Montel.

Je n'ai pas d'éléments complémentaires sur les autres candidats, dans ce département qui fut tout de même fort marqué par les activités de Résistance et constitua, pendant toute la durée de la guerre, un secteur plutôt difficile pour les troupes d'occupation.

Passons à la Haute Loire et à ses quatre députés.

Le découpage de la Haute Loire est fondé sur les trois arrondissements (Brioude, Le Puy, Yssingeaux) et c'est celui du Puy qui se trouve divisé en deux sièges.

Sur le siège de Brioude, en 1932, avait été élu le radical socialiste Julien Fayolle, maire de Frugières le Pin et conseiller général de Paulhaguet, élu au premier tour avec 8 947 suffrages, avant de se tourner, en 1933, vers le Luxembourg et le siège de Sénateur de la Haute Loire.

La mutation de Julien Fayolle, négociant en bois de profession, provoqua une élection législative partielle enlevée par le socialiste Maurice Thiolas, natif de Brioude et maire de Saint Eble, commune du canton de Langeac.

Inscrits 18 999
Votants
Exprimés 15 511

Thiolas (SFIO) 9 066 (58,45 %) réélu
Louit (radical socialiste) 5 394 (34,77 %)
Gil (droite) 836 (5,39 %)
Giraud (PCF) 169 (1,09 %)
Chazelle (radical socialiste) 46 (0,30 %)

Maurice Thiolas confirmera d'ailleurs son succès en devenant conseiller général de Lavoûte Chilhac lors des cantonales d'octobre 1937 avant de compromettre sa carrière politique en votant la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.

N'ayant pas participé activement à la Résistance, Maurice Thiolas ne retrouvera pas de mandat à la Libération, préférant se consacrer à des activités dans la presse, notamment à l'Aurore où il usera de pseudonymes pour signer ses articles.

Pour autant, le pays brivadois a nettement voté à gauche en 1936.

Ce qui n'est pas le cas du pays ponot.

Dans la première circonscription du Puy, que voit on ?

Inscrits 18 547
Votants 14 455 (77,94 %)
Exprimés 14 120

Archer (sortant, agraire) 1 210 (8,57 %)
Constant (URD) 585 (4,14 %)
Pébellier (URD) 5 445 (38,56 %)
Deshors (URD) 1 302 (9,22 %)
Fouilhy (maire de Chanteuges, républicain indépendant) 2 903 (20,56 %)
Bonnefoux (républicain de gauche) 1 385 (9,81 %)
Bonnet (PCF) 1 151 (8,15 %)
Divers 139

Le sortant est donc balayé, à la nuance près qu'il n'était pas le sortant de 1932.
Au précédent scrutin, avait en effet été élu l'improbable Philibert Besson, sorte de compromis entre Tryphon Tournesol et Géo Trouvetou, négociant en vins et maire de Vorey (au demeurant suspendu par le Préfet), polyglotte affirmé et parlant surtout le patois auvergnat, face au plus respectable sortant, le radical indépendant Jules Boyer.

Philibert Besson est l'un des plus étranges députés de l'Histoire politique de la Haute Loire et s'il est partisan des Etats Unis d'Europe et d'une forme de monnaie unique, ce n'est pas de la même manière que ceux qui ont pu lui succéder comme Jacques Barrot.

Ainsi est il promoteur de l'Europa, une monnaie unique qui représente, entre autres, la valeur de 200 g de viande, celle de deux kilos d'acier ou d'une demi heure de travail.

Opposé à certains aspects du progrès (notamment l'électricité), défenseur des petits paysans contre les industriels de la minoterie, Philibert Besson va cependant être inquiété par la justice en 1935, ce qui va l'amener à se cacher pendant plusieurs mois dans le maquis de la Haute Loire, tout en perdant sa qualité de député.

Il est remplacé par son ami Joseph Archer, candidat agrarien, et inventeur prolifique, notamment d'un modèle de canon utilisé, à la fin de la Première Guerre Mondiale, par l'armée française, le canon Archer, sorte de petit mortier de tranchée.

Philibert Besson, dont le nom est cité dans la fameuse chanson « Au Lycée Papillon », mourut pendant la guerre et Joseph Archer souffrit, lui, des conséquences de l'internement.

L'élu de la première circonscription sera Eugène Gaston Pébellier, alors maire du Puy en Velay et qui, affilié à droite, ne manquera évidemment pas d'apporter son soutien au Maréchal Pétain en juillet 1940.

Resté maire de la cité mariale, Eugène Gaston Pébellier recevra en grandes pompes Philippe Pétain en 1941, avant de se voir déclaré inéligible à la Libération.

Une situation qui ne l'empêchera pas de solliciter les suffrages des Ponots aux municipales où il sera élu avant d'être invalidé.

Entre temps, Pébellier aura siégé en 1936 au groupe des républicains indépendants d'action sociale avant de rejoindre le PSF du colonel de la Rocque, ce qui aura, entre autres conséquences, de permettre l'élection de conseillers généraux PSF au Puy lors des cantonales d'octobre 1937.

Après guerre, il participera à l'aventure du Centre national des indépendants et paysans, notamment avec Paul Antier, élu lui aussi de la Haute Loire, et Antoine Pinay.

On notera aussi qu'il contournera l'inéligibilité le frappant en faisant élire à sa place, tant en position de maire que de député, soit son père (en 1951), soit son frère.

Eugène Pébellier est resté député jusqu'en 1958.

Le républicain Fouilhy devait être le fils d'un ancien Sénateur du département.

Quant à Victor Constant, candidat républicain tout aussi indépendant, il s'agissait d'un membre du Conseil de Paris.

La deuxième circonscription du Puy avait élu en 1932 le radical indépendant Laurent Eynac, dont l'élection comme sénateur suite au décès de Julien Fayolle avait rendu le siège vacant.

Inscrits 19 641
Votants 16 074 (81,84 %)
Exprimés 15 451

Antier (URD) 5 477 (35,45 %)
Ollier (républicain de gauche) 3 162 (20,46 %)
Malzieu (conservateur) 2 888 (18,69 %)
Pagès (agrarien) 1 505 (9,74 %)
Rome (PCF) 855 (5,53 %)
Amargier (radical de Front Populaire) 930 (6,02 %)
Forestier (droite) 388 (2,51 %)
Chambon (fédériste) 246 (1,59 %)

L'élu URD est connu puisqu'il s'agit de Paul Antier, lui même fils de député, maire de Laussonne et conseiller général du canton plutôt froid et montagneux du Monastier sur Gazeille, où l'on trouve notamment le Mézenc, point culminant du département avec une altitude de 1 753 mètres.

Son parcours est ensuite assez surprenant : animant le parti paysan, Paul Antier, homme de droite, vote en faveur des pleins pouvoirs à Pétain, avant de rejoindre le Général de Gaulle, ce qui le conduit à se voir déchu de la nationalité française par le régime de Vichy.

Participant à la Résistance, effectuant notamment des missions à l'étranger, Paul Antier sera reconduit parlementaire à la Libération, son vote de juillet 1940 ayant largement été effacé par ses états de service ultérieurs.

Il crée le parti paysan, embryon du futur CNIP, et bien que n'ayant rien à se reprocher de son attitude pendant la guerre, se montre souvent compréhensif à l'égard des anciens partisans de Vichy, dont son parti va d'ailleurs devenir l'un des réceptacles les plus évidents.

Sa carrière connaîtra, sous la Quatrième République, son apogée avec plusieurs participations gouvernementales, notamment au sensible portefeuille de l'Agriculture.

Enfin, le siège d'Yssingeaux.

Inscrits 21 289
Votants 17 385
Exprimés 16 893

Augustin Michel (Fédération républicaine) 9 356 (55,38 %) réélu
Scelles (Néo socialiste) 2 778 (16,44 %)
De Félice (SFIO) 1 795 (10,63 %)
Vacher (conservateur) 1 253 (7,42 %)
Roméas (PCF) 1 083 (6,41 %)
Morel 628 (3,72 %)

Nous avons déjà présenté Augustin Michel, député de droite de l'arrondissement d'Yssingeaux, maire et conseiller général du chef lieu.

Nous parlerons un peu plus du jeune candidat SFIO, Théodore de Félice, né en 1904 de Marguerite et Raoul de Félice, le second étant professeur de lycée et fils de pasteur protestant progressiste.

La santé fragile de Théodore amène sa mère à se rendre propriétaire d'une ferme au Chambon sur Lignon, village protestant de l'Est du département, près du Mézenc et des Cévennes.

Marguerite de Félice, nourrie de valeurs chrétiennes progressistes, finira par s'installer au Chambon où elle ouvre une maison d'accueil pour enfants qui sera, pendant la guerre, l'une des caches utilisées sur place pour les très nombreux enfants juifs qui trouveront refuge au Chambon.

Théodore, pour sa part, s'est progressivement formé au pastorat protestant, passant par la faculté de théologie protestante de Paris, celle de Strasbourg, avant de prendre de premières fonctions de pasteur dans le village cévenol de Mars en 1929.

Participant aux mouvements protestants à visée sociale, il effectue ensuite un long séjour à Genève qui l'amène à devenir membre du Parti socialiste Genevois dès 1933.

Ne coupant pas pour autant les liens avec le Chambon, il y fonde la section SFIO et se présente donc aux élections de 1936 face à Augustin Michel.

Vivant à Genève pendant la Seconde Guerre Mondiale, Théodore de Félice ne participera donc que par personne interposée (celle de sa mère notamment) aux actes de Résistance menés par la population du Chambon, singulièrement à l'instigation du pasteur Trocmé, pour protéger les enfants juifs pendant l'Occupation.

André et Magda Trocmé ont reçu le titre de « Justes parmi les Nations » du Mémorial de Yad Vashem mais c'est l'ensemble de la population du Chambon qui a participé à cette opération de sauvetage permanent qui a concerné plusieurs centaines d'enfants venus de toute la France.

A tel point que le village entier a été inscrit au Mémorial des Justes puisqu'on estime à cinq mille les Juifs persécutés qui ont trouvé ainsi aide et assistance dans cette région cévenole.

Théodore De Félice sera député genevois pendant plus de vingt ans, jusqu'à sa retraite en 1970, membre du Parti du Travail, parti suisse proche du PCF et il reviendra vivre au Chambon au début des années soixante dix où, avec sa troisième épouse militante syndicale et politique, il animera l'activité des communistes du canton.

Détail étonnant : à soixante quinze ans passés, Théodore de Félice passera une thèse de linguistique sur le patois des villages protestants de Haute Loire (Chambon, Tence, Mazet Saint Voy entre autres), accumulant à ce propos une documentation importante qu'il léguera à la bibliothèque municipale de la commune.

Et comme le bon sang ne saurait mentir, on rappellera ici, un peu vite, que l'avocat Jean Jacques De Félice, ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme, décédé en 1998, fut l'un des rejetons de l'arbre généalogique d'une famille qui aura décidément fait beaucoup pour son prochain.

Pour le candidat communiste, Marcel Roméas, j'ai également quelques indications.

Né d'un couple d'instituteurs protestants origine du Mazet Saint Voy, Marcel Roméas sera grièvement blessé au début de la guerre de 14 – 18 et fait prisonnier par les Allemands.

Evadé en 1918, il reviendra occuper des fonctions d'instituteur à Bourg Argental, où son attachement aux valeurs de la République l'amène à s'opposer à un maire jusqu'ici rétif à l'installation d'isoloirs le jour des élections...

Il assume plusieurs postes d'enseignants dans la Loire tout en restant fidèle au Mazet, où il agit notamment pour favoriser la création d'une coopérative laitière.

Marcel Roméas sera militant syndical (responsable départemental du syndicat des instituteurs), associatif et politique et sera évidemment poursuivi pour tout cela pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Il est aussi connu pour avoir développé, dans ses différents postes, les méthodes actives d'enseignement initiées par Célestin Freinet (autre ancien combattant de 14 – 18 ).

Sur l'ensemble des deux départements, nous avons donc eu, dans le Cantal, l'élection d'un radical Front Populaire, d'un radical indépendant proche de la gauche et d'un républicain de gauche, et dans la Haute Loire, d'un élu SFIO, d'un paysan, d'un élu URD et d'un membre de la Fédération républicaine, soit trois élus de gauche pour quatre de droite au total.

Au second tour, Paul Bastid est élu avec 9 830 voix contre 8 749 au docteur Ramond sur le siège d'Aurillac et Maurice Montel l'emporte avec 8 761 voix contre 7 924 à son adversaire de droite sur le siège de Saint Flour.

En Haute Loire, Eugène Gaston Pébellier est élu de peu avec 7 693 voix contre 7 634 à son concurrent sur la première circonscription du Puy et Paul Antier l'emporte plus nettement sur la deuxième avec 9 487 voix contre 6 605.

Il est évident que, dans le Cantal, c'est le rassemblement des votes de gauche qui s'est avéré déterminant au second tour.

Quant à la caractérisation des votes, force est de constater que, comme par un hasard qui n'en est pas un, c'est le bassin d'Aurillac et le Brivadois Val d'Allier qui, en 1936, votent plutôt à gauche.
vudeloin
 
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Mer 22 Aoû 2012 16:26

Nous voici parvenus au terme de notre analyse des élections législatives du printemps 1936 en Auvergne avec l'examen du vote dans les huit circonscriptions du département du Puy de Dôme.

Fondé depuis 1928 sur le scrutin d'arrondissement, le scrutin puydômois de 1936 porte sur huit sièges ainsi répartis : trois élus pour Clermont Ferrand, deux pour Riom, et un pour chaque arrondissement d'Ambert, Issoire (villes bien appréciées par les copains du roman de l'altiligérien Jules Romains) et Thiers.

Le siège de Clermont Ferrand 1 comprend alors les cantons de Clermont Nord Ouest, Veyre Monton, Vertaizon, Billom, Vic le Comte et Saint Dier d'Auvergne.

Le deuxième siège de Clermont Ferrand est plus urbain, centré sur Clermont Est et Sud, et Pont du Château.

Quant au troisième, il regroupe Clermont Nord, Rochefort Montagne, Herment, Bourg Lastic et Saint Amand Tallende, ayant un air de ressemblance avec l'ex siège de la Giscardie...

Le premier siège de Riom réunit les deux cantons de la ville, ceux d'Ennezat, Combronde, Aigueperse et Randan.

Le second siège de Riom regroupe les cantons des Combrailles et des Ancizes comme Menat, Manzat, Pontgibaud, Pontaumur, Saint Gervais d'Auvergne, Pionsat et Montaigut.

Le siège de Thiers couvre, sans surprise, les cantons de Maringues, Lezoux, Thiers, Châteldon, Courpière et Saint Rémy sur Durolle.

Le siège d'Ambert recoupe le Livradois avec les cantons d'Olliergues, Cunlhat, Saint Amant Roche Savine, Saint Germain l'Herm, Ambert, Saint Anthème, Arlanc et Viverols.

Enfin, le siège d'Issoire est partagé entre les cantons d'Issoire, Champeix, Sauxillanges, Jumeaux, Saint Germain Lembron, Ardes sur Couze, Besse en Chandesse, La Tour d'Auvergne et Tauves.

En 1932, la SFIO a remporté les deuxième siège de Clermont Ferrand, la droite a gagné les deux sièges de Clermont 3 et d'Ambert, un socialiste indépendant a gagné le siège d'Issoire, un radical socialiste celui de Riom 1, un indépendant a gagné le siège de Thiers et Alexandre Varenne, le fondateur du Journal La Montagne, a été réélu député de Riom 2.

Quant à la première circonscription de Clermont Ferrand, son titulaire a changé en route, si l'on peut dire, puisque le Dr Marcombes, maintes fois Ministre (y compris pour assurer, tout à fait à la fin de sa vie, le mandat le plus court de Ministre de l'Education nationale qu'il y ait eu), Maire de Clermont Ferrand, avait été élu face au leader de la SFIO auvergnate Villedieu.

Après le décès prématuré du docteur Marcombes (déjà évoqué), la partielle conduira à l'élection du candidat socialiste.

Passons aux résultats de 1936

Clermont Ferrand 1

Inscrits 19 016
Votants 15 917 (83,7 %)
Exprimés 15 756

Villedieu (SFIO, sortant) 7 048 (44,73 %)
Pochet Lagaye (radical socialiste, maire de Clermont Ferrand) 6 776 (43,01 %)
Blot (droite) 882 (5,60 %)
Chevalier (PCF) 674 (4,28 %)
Venner (radical indépendant) 347 (2,20 %)
Divers 29

Clermont Ferrand 2

Inscrits 18 961
Votants 15 812 (83,39 %)
Exprimés 15 292

Paulin (SFIO, sortant) 8 059 (52,70 %) réélu
Abram (URD, droite) 4 536 (29,66 %)
Pacaud (PCF) 1 976 (12,92 %)
Millon (socialiste indépendant) 583 (3,81 %)
Pranchère (Union ouvrière et paysanne) 138 (0,90 %)

Clermont Ferrand 3

Inscrits 18 323
Votants 15 091 (82,36 %)
Exprimés 14 875

Thomas (républicain indépendant) 5 432 (36,52 %)
Mabrut (SFIO) 4 514 (30,35 %)
Gendraud (radical socialiste) 3 918 (26,34 %)
Tournaire (PCF) 981 (6,59 %)
Divers 30

Ambert

Inscrits 16 448
Votants 13 487 (82 %)
Exprimés 13 399

Lachal (républicain indépendant, sortant) 6 398 (47,75 %)
Dr Penel (radical socialiste) 4 143 (30,92 %)
Coulaudon (SFIO) 2 589 (19,32 %)
Guillaumaud (PCF) 269 (2,01 %)

Issoire

Inscrits 21 196
Votants 17 089 (80,62 %)
Exprimés 16 743

Andraud (socialiste indépendant, sortant) 7 833 (46,78 %)
Dousset (radical socialiste) 4 846 (28,94 %)
Lavelle (agrarien) 2 544 (15,19 %)
Froget (PCF) 1 520 (9,08 %)

Riom 1

Inscrits 15 018
Votants 12 948 (86,22 %)
Exprimés 12 867

Dixmier (Fédération républicaine) 5 117 (39,77 %)
Massé (radical socialiste, sortant) 2 410 (18,73 %)
Guillou (SFIO) 2 205 (17,14 %)
Levadoux (Union socialiste) 1 930 (15 %)
Favard (PCF) 1 205 (9,36 %)

Riom 2

Inscrits 20 957
Votants 17 232 (82,23 %)
Exprimés 16 981

Varenne (Union socialiste, sortant) 5 674 (33,41 %)
Diot (PCF) 4 239 (24,96 %)
Ratelade (agrarien) 4 432 (26,10 %)
Gallant (radical indépendant) 2 623 (15,45 %)
Divers 13

Thiers

Inscrits 20 764
Votants 17 554 (84,54 %)
Exprimés 17 208

Laroche (SFIO) 9 239 (53,69 %) élu
Bechon (socialiste indépendant) 6 479 (37,65 %)
Néron (PCF) 1 325 (7,70 %)
De Venel (républicain indépendant) 165 (0,96 %)

Comme on le voit, le premier tour est marqué par le succès de la SFIO qui emporte deux sièges dès le premier tour.

Sur 123 121 suffrages exprimés au premier tour, le parti socialiste recueille au total 33 654 voix (27,33 %).

Les candidats socialistes indépendants ont réuni 14 891 suffrages (12,09 %) et les candidats de l'Union socialiste 7 610 voix (6,18 %).

Le PCF, pour sa part, a rassemblé 12 189 voix (9,90 %).

De fait, au premier tour de 1936, les partis de Front Populaire se trouvent devant les autres.

Lors du scrutin de 1932, les candidats du PCF avaient recueilli 3 460 suffrages (le meilleur score relatif étant situé dans la deuxième circonscription de Riom, dont on rappellera qu'elle eût, en 1962, un député communiste, un peu par surprise) et les candidats de la mouvance socialiste avaient recueilli 49 514 votes, Alexandre Varenne et Andraud ayant alors encore l'étiquette de la SFIO.

Les radicaux socialistes (28 190 voix en 1932) passent pour leur part à 24 716 suffrages.

Le second tour est un véritable succès pour la mouvance du Front Populaire.

Dans la première circonscription de Clermont Ferrand, le SFIO Villedieu l'emporte avec 8 681 voix contre 3 651 au candidat de droite Herbilleau (absent au premier tour) ; dans la troisième circonscription, le candidat SFIO Mabrut, fils d'instituteur à Orcines, est élu avec 10 012 voix contre l'URD Thomas.

A noter que, dans la première circonscription, le radical indépendant Venner s'est maintenu au second tour, recueillant 2 266 suffrages, sans doute venus pour une bonne part de l'électorat de Pochet Lagaye qui s'était retiré.

Sur le siège d'Issoire, le socialiste indépendant Andraud, soutenu par l'ensemble de la gauche, l'emporte avec 9 842 suffrages contre 5 694 voix pour l'URD Lavelle.

Et le radical socialiste Massé, député de Riom, est élu avec le soutien de la gauche avec 6 489 voix contre l'URD Dixmier.

4 SFIO, 1 socialiste indépendant et 1 radical socialiste, voilà qui est plutôt bon.

Reste le cas du siège de Riom 2 où Alexandre Varenne est battu de 17 voix par le candidat de droite Ratelade par 8 369 voix contre 8 352.

Une situation pour le moins périlleuse qui conduira d'ailleurs le fondateur de la Montagne à déposer recours contre l'élection de son adversaire et à en obtenir l'annulation dès le mois de juin 1936.

L'élection partielle eut lieu le 6 septembre suivant, passé l'été des congés payés.

Alexandre Varenne passe cependant son tour et envoie à la bataille un jeune candidat SFIO, Aimé Coulaudon, déjà deux fois candidat du parti dans la circonscription d'Ambert.

Le jeune candidat SFIO sera élu face à Alfred Ratelade au second tour par 8 736 voix contre 8 431.

Le problème, c'est que le 6 septembre, jour de ce second tour d'élection partielle, la une de la presse est plutôt occupée par le discours de Léon Blum au Luna Park de Paris, expliquant par le menu devant plusieurs dizaines de milliers de personnes (on parle de 80 000 assistants), la position de non intervention en Espagne du Gouvernement de Front Populaire.

Ce fameux parc d'attractions, objet notamment d'une chanson d'Yves Montand, était situé Porte Maillot, fort près de l'endroit où se trouvent aujourd'hui le Palais des Congrès de la Porte Maillot et le Concorde Lafayette.

Par contre, le candidat de droite Raymond Lachal est élu sur le siège d'Ambert, en recueillant au total 7 019 voix contre 6 879 au docteur Penel, candidat radical socialiste de Front Populaire.

Au moment du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, Raymond Lachal sera, de fait, le seul député de droite du département.

La principale évolution concerne évidemment le parti radical et radical socialiste, alors encore relativement dominant dans le département du point de vue des municipalités (à commencer par la mairie de Clermont Ferrand, alors aux mains de Pochet Lagaye, qui a succédé au docteur Marcombes) comme du conseil général.

Un parti radical qui, dans le département, est depuis quelques temps devenu le « faux nez «  d'une droite qui peine à faire émerger des candidats issus de ses propres rangs pour concurrencer la poussée continue de la gauche, SFIO dans un premier temps mais également du PCF qui, bien que dépourvu d'élus à l'Assemblée, vient de faire en cette année 1936 irruption dans le paysage politique local en frisant les dix points.
Et qui a vu l'un de ses candidats approcher du quart des suffrages exprimés dans la deuxième circonscription de Riom.

Il n'y a plus qu'un seul député radical en 1936 dans tout le département, et encore doit il son élection au fait d'avoir été soutenu par les autres partis du Front Populaire dans une ville et un secteur (Riom) dont le caractère symbolique sera particulièrement fort pendant les années à venir.

Les cantonales de 1937 semblent marquer un répit dans le mouvement fatal du Puy de Dôme vers la gauche.

Le député SFIO Paulin est réélu au premier tour dans le canton de Clermont Ferrand Est, le républicain de gauche Pouyet est reconduit sur le canton d'Herment, le SFIO Aurel gagne le siège de Vertaizon, le radical socialiste Mavel est reconduit sur Arlanc, le docteur Chassaing, sénateur radical socialiste, est réélu à Saint Anthème, le docteur Penel, radical socialiste et candidat malheureux aux législatives, est réélu à Olliergues, le radical socialiste Bigot est reconduit dans le canton d'Ardes sur Couze, le docteur Pipet, radical socialiste, est réélu dans le canton de Besse (Pipet, un nom qui dit beaucoup de choses du côté de La Bourboule).

Les radicaux socialistes voient également la réélection de Dousset, ancien candidat aux législatives, sur le canton de Saint Germain Lembron, du docteur Grasset, dans le canton de Riom Ouest, de Guyot sur le canton de Menat.

La SFIO enregistre les réélections de Fabre, dans le canton de Jumeaux, du député Laroche, par ailleurs administrateur de La Montagne, dans le canton de Châteldon (dont il est d'ailleurs natif) et de Chauny sur le siège de Courpière.

Un élu de l'USR est reconduit à Ennezat et la droite, pour sa part, se retrouve avec des positions limitées.

Victoire de M. Lacour sur le canton d'Aigueperse et d'un certain Jaffeux dans le canton de Maringues.

Pour le reste, Alfred Ratelade est largement battu sur le canton de Pontaumur où il avait tenté sa chance.

Enfin, sur le siège de Pontgibaud, le député Andraud, élu socialiste indépendant en 1936, se présente comme radical socialiste aux cantonales, se retrouvant d'ailleurs en ballottage favorable.

Le second tour des cantonales de 1937 est un bon résultat pour le parti radical qui l'emporte à Tauves (Garenne), Saint Dier d'Auvergne (Besse), Viverols (Roiron), Pontaumur ( Labas), Pontgibaud (Andraud) et Lezoux (Moulin).

Le SFIO Terrasse l'emporte pour sa part à Champeix et le député Villedieu est réélu à Clermont Ferrand.

Les positions du parti radical socialiste sont donc encore assez fortes dans le département puisque la série renouvelée en 1934 lui a aussi donné les sièges de Saint Amant Roche Savine (élu : Archimbaud), Billom (Ladevie), Cunlhat (Pourrat, dont je suppose qu'il s'agit de Paul, frère de l'écrivain Henri Pourrat), Issoire (Buisson, en l'espèce Albert-Buisson dont nous avons déjà parlé pour les municipales de 1935), Pionsat (Mayat), Randan (Moinard), Riom Est (avec Clémentel en 1934, dont nous avons aussi parlé), Sauxillanges (Sauvadet), Veyre Monton (Page), Vic Le Comte (Boste).

A gauche, la SFIO garde le siège de Montaigut en Combrailles (avec un nommé Michel), celui de Bourg Lastic (réélu Moreau) et le siège de Saint Rémy sur Durolle (Barge réélu chez les ouvriers couteliers).

Notons aussi le premier succès de Hermille sur le canton d'Ennezat (il va quitter ensuite la SFIO), et celui d'un Néo socialiste, sortant et ancien combattant et décoré de la Première Guerre Mondiale, Pierre Félix Nénot sur le canton de Saint Gervais d'Auvergne.

Les positions de la droite sont faibles : Lachal est réélu à Ambert sous son étiquette de républicain de gauche, Fénolhac (autre républicain de gauche) est élu sur Combronde, l'URD Godonnèche est élu sur La Tour d'Auvergne (il sera député gaulliste en … 1958 ), l'URD Sardier est élu à Manzat, le républicain Besserve est élu à Pont du Château (commune dont il est maire).

Certains fins connaisseurs de la vie politique auvergnate pourront sans doute nous dire quels points communs, par delà les générations, existent entre certains candidats des années trente et des acteurs de la politique auvergnate actuelle...

Le second tour de 1934 fut aussi marqué par le succès d'Alexandre Varenne dans le canton de Clermont Ferrand Sud Ouest, la victoire du maire radical socialiste de la ville d'alors, le docteur Marcombes, dans le canton Nord, le succès d'un socialiste indépendant sur Thiers (Cotillon), le succès du SFIO Camus sur le canton de Saint Germain l'Herm et la victoire du radical socialiste Huguet dans le canton de Lezoux.

Canton dont nous avons vu qu'il avait aussi été concerné par le renouvellement de 1937, sans doute pour des raisons d'anticipation du renouvellement...

Je ne suis pas certain d'avoir cité tous les cantons puydômois mais cela n'a pas d'importance au regard de ce qui est recherché.

C'est à dire que nous avons, à compter de 1936, un département dominé au plan de la représentation nationale, par la SFIO, avec un nouveau personnel politique, et au plan local par des alliances entre les radicaux, les anciens socialistes repentis et la droite pour diriger mairies et, surtout, Conseil général.

Un regard sur la sociologie des élus donne des indications complémentaires de ce point de vue.

Aimé Coulaudon, qui deviendra député de Riom avec la partielle de 1936, est avocat, ayant connu un cursus honorum particulièrement réussi depuis ses études au Lycée Blaise Pascal jusqu'à devenir docteur en droit à vingt six ans (en 1932) à la Faculté de Poitiers.

Collaborateur du grand avocat Alexandre Zévaës, natif de l'Allier sous le nom de Bourson, et ancien militant de la cause dreyfusarde et député socialiste de l'Isère, Aimé Coulaudon est l'un des responsables des jeunes socialistes du Puy de Dôme dans les années trente quand il est envoyé au combat électoral sur le siège d'Ambert.

Un siège sans doute à l'époque considéré comme le plus difficile pour la gauche auvergnate (ce sera le dernier siège de droite en 1936) et qui n'est pas celui de son arrondissement d'origine puisque Coulaudon est natif de Pontgibaud.

Aimé Coulaudon va voter les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 et ce sera sans doute là son seul errement puisqu'il participe très vite ensuite aux activités de la Résistance auvergnate dont le chef n'est autre que son frère Emile, dit colonel Gaspard.

(Un nom qui, par une ironie de l'Histoire, fait évidemment référence au personnage de Gaspard des Montagnes, héros du roman d'Henri Pourrat, écrivain ambertois dont les attachements politiques furent assez largement distanciés du socialisme...
On rappellera ici que Henri Pourrat, descendant d'un ancien élu du Livradois, sera un défenseur des traditions auvergnates les plus ancrées et s'illustrera notamment en relançant l'activité du Moulin à papier Richard De Bas, près d'Ambert, spécialisé en fabrication de papier chiffon, dont le premier exploitant avait précisément été son ancêtre élu à l'époque de la Restauration où le suffrage universel n'avait pas cours)

Il est, après la Libération, à sa manière, une illustration vivante de l'alliance des ouvriers et des intellectuels dans la gauche française.

Il participe en effet à de multiples sociétés savantes, exerce des fonctions consulaires pour des pays amis, termine une thèse de doctorat ès lettres en 1952, etc...

Adrien Mabrut, autre député SFIO, est cinq ans plus âgé qu'Aimé Coulaudon mais natif, lui aussi, de Pontgibaud.

Fils d'instituteur installé à Orcines, il fait, comme Aimé Coulaudon, des études de droit qui le conduisent à devenir avocat au barreau de Clermont Ferrand, spécialisé dans la défense des personnes les plus modestes.

Il se lance en politique à la demande de la SFIO parce que le docteur Moreau (sans doute le conseiller général de Bourg Lastic, vu la circonscription ) ne peut se représenter pour raisons de santé et se fait pourtant élire face au candidat de la droite, Thomas.

A noter que la campagne de 1936 conduit à l'effacement des radicaux qui disposaient, avec le docteur Roy, implanté à Rochefort Montagne, du mandat législatif en 1932.

Adrien Mabrut ne votera pas les pleins pouvoirs à Pétain et ce, pour une bonne raison.
C'est que, mobilisable et mobilisé, il a été fait prisonnier par les Allemands et ne pouvait donc se trouver à Vichy le 10 juillet 1940.

Rapatrié pour santé défaillante, Adrien Mabrut va cependant participer à la Résistance et reprendra son activité politique à la Libération, redevenant conseiller général, puis chef de file de la SFIO lors des premiers scrutins de 1945 et 1946.
Le mode de scrutin proportionnel lui permet de revenir au Palais Bourbon, où il est accompagné d'un autre élu socialiste, mais aussi de deux élus communistes, d'un élu radical socialiste ou plutôt RGR déjà connu de nous, le vieil Alexandre Varenne (qui finira membre de l'UDSR de François Mitterrand) et d'un élu de droite, Jacques Bardoux, dont le parcours, nourri d'un anticommunisme virulent, d'un passage au Conseil national de Vichy, ne fait que préparer l'ascension de son petit fils dont l'identité nous est fort connue.

(Un coup à boire pour celui qui répond le premier).

Quant à Adrien Mabrut, il sera même Président du conseil général du département dans les premières années de l'après guerre.

Antoine Villedieu, natif de Biollet, petit village des Combrailles (canton de Saint Gervais), est lui un ouvrier, correcteur d'imprimerie, c'est à dire appartenant, de fait, à une forme d'aristocratie ouvrière, faite de ces travailleurs manuels ayant sans doute passé avec succès le certificat d'études mais ayant du travailler tôt.

Défenseur des droits des salariés, Antoine Villedieu vote cependant la loi constitutionnelle de juillet 1940 et c'est probablement son âge relativement avancé (il a plus de cinquante ans au début de la guerre) qui le met en dehors du jeu politique de la Libération.

Même si les liens familiaux avec le socialisme demeurent puisque la fille d'Antoine Villedieu aura épousé Arsène Boulay, son secrétaire parlementaire et futur député socialiste du département...

Ernest Laroche, député de Thiers, est assez emblématique du recrutement socialiste dans le département.

Natif de Châteldon (comme un certain … Pierre Laval), c'est comme ouvrier verrier, dans la fameuse verrerie de Puy Guillaume, qu'il commence sa vie professionnelle avant d'être élu le maire de cette petite ville de tradition républicaine et de gauche dont le maire (de 1977 à 2010) est célèbre pour son franc parler, son anticléricalisme et ses bretelles, en l'espèce Michel Charasse...

Sa vie fut évidemment marquée par le douloureux stage de 14 – 18 dont il revint médaillé (la belle affaire, pourrait on dire), et il devint administrateur de coopérative avant d'être élu une première fois député en 1928 face au candidat ex socialiste et maire de Thiers, Cotillon Martin.

Administrateur de la Montagne, Ernest Laroche fut battu en 1932 par Claude Pradel, comme lui ancien combattant et ingénieur diplômé, qui tire alors parti de son origine de fils d'ouvrier coutelier.

La victoire électorale de 1936 est marquée, comme nous l'avons vu à l'image des résultats, par la quasi absence de la droite en termes de candidatures.

Il faut bien avouer que le pays thiernois n'a jamais été très ouvert aux idées conservatrices, au contraire du pays ambertois.

Ernest Laroche va voter les pleins pouvoirs à Pétain, lui aussi.

Il ne semble pas avoir joué un grand rôle après la Libération, d'autant que la mairie de Puy Guillaume va être occupée, de 1945 à 1965, par le sénateur SFIO Francis Dassaud, un temps député élu à l'Assemblée constituante suivant la Libération.

Détail significatif : Francis Dassaud, avant guerre, aura été secrétaire du syndicat des verriers de Puy Guillaume.

Albert Paulin, né dans le Sud du Berry, est âgé de 55 ans quand il est réélu député de Clermont Ferrand.

Ouvrier tailleur de profession, issu d'une famille d'agriculteurs, il est aussi secrétaire de l'Union des syndicats ouvriers du Puy de Dôme quand il se fait élire pour la première fois député de la deuxième circonscription de Clermont Ferrand, la plus urbaine des trois découpées dans l'arrondissement.

Albert Paulin, sur la durée de la XVIe législature, sera un des acteurs majeurs des réformes du Front Populaire, rapportant notamment le projet de loi sur les procédures de conciliation collectives.

Cette constante défense des intérêts du monde du travail ne va cependant pas empêcher Albert Paulin de voter en faveur des pleins pouvoirs à Pétain.

Son nom n'apparaissant pas dans la vie politique auvergnate après guerre, on peut penser qu'il n'a guère joué de rôle après la Libération.

Ceci dit, comme on le voit, les élus socialistes étaient, pour un grand nombre, issus de milieux modestes, ouvriers, dans un département où l'organisation des Jeunes socialistes s'est trouvée, dans les années trente, l'une des plus importantes et influentes de France.

L'autre aspect qui nous intéresse pour la suite, c'est que la SFIO puydômoise va participer de manière significative à la Résistance à l'occupant, faisant d'ailleurs du département l'un des bastions de la Résistance, singulièrement en termes d'effectifs mobilisés.

Pour ceux qui auraient l'occasion de voir ce film, revu récemment à la télévision mais rarement programmé, l'oeuvre de Marcel Ophuls « Le Chagrin et la Pitié » permet de se faire une idée du climat de l'époque d'autant que, parmi les témoignages recueillis par Marcel Ophuls et André Harris, figure entre autres celui d'Emile Coulaudon, le colonel Gaspard de la Résistance auvergnate.

Pour les autres députés du printemps 1936, nous n'avons pas les mêmes parcours.

Henri Andraud, d'abord socialiste SFIO puis tenté par l'aventure néo en 1932, siégera d'abord parmi les non inscrits, avant de faire un bout de chemin avec les radicaux socialistes qui va notamment le conduire à être quelque temps sous secrétaire d'Etat.

Mobilisé dans l'aviation pendant la Première Guerre Mondiale, Henri Andraud sera toujours sensible aux questions aéronautiques, allant même jusqu'à effectuer avec son collègue député radical Lucien Bossoutrot (député du Xe arrondissement parisien) la traversée de l'Atlantique Sud en janvier 1937.

Pour autant, sa carrière professionnelle le conduit à devenir rédacteur en chef de la Montagne en 1925, après y avoir fait pendant cinq ans des articles réputés pour leur clarté et leur franchise d'expression.

S'il vote les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, étant venu à Vichy dans le cadre d'une permission (il est alors Lieutenant de l'Armée de l'Air), Henri Andraud va cependant vite entrer en Résistance, d'autant (je ne sais pas si les choses sont tout à fait liées mais...) que le site de l'aérodrome d'Aulnat va constituer l'un des foyers les plus actifs de la lutte clandestine.

Après guerre, Henri Andraud ne reprend pas part à la vie politique, préférant se consacrer à une activité d'industriel, en créant le Groupement Industriel Métallurgique et Automobile (GIMA), à Chamalières, une société qui va produire, jusqu'en 1955, des motocyclettes sous la marque éponyme (GIMA), et notamment sous cylindrée 125cc ou encore 175cc.

Le décès prématuré, en 1949, d'Henri Andraud, empêchera probablement la marque de connaître son plein essor face à une concurrence nationale structurée autour de Peugeot (la grande usine du Pays de Montbéliard), Motobécane (créée à Pantin et qui aura une usine importante à Saint Quentin) et Monet Goyon, société mâconnaise comme son nom l'indique.

GIMA fera faillite en 1955.

Le fort temporaire élu agrarien de Riom, Alfred Ratelade, semble n'avoir rien fait d'autre (ou presque) que de rester coi dans son village natal de Fernoël.

Pour ce qui est d'Emile Massé, député de la première circonscription de Riom, avoué à la cour d'appel de Riom (qui, pour des raisons historiques, est la « ville de robe » de l'Auvergne après avoir été la capitale des ducs d'Auvergne), s'il vote lui aussi les pleins pouvoirs de Pétain, se retrouve cependant déchu de son mandat de conseiller municipal de Riom.

Déjà âgé, Emile Massé va mourir en décembre 1944, non sans avoir connu la Libération de sa ville, marquée par les fameux procès intentés par le pouvoir pétainiste à l'encontre des hommes politiques de l'époque du Front Populaire.

Reste le cas de Raymond Lachal.

Adjoint au maire d'Ambert et élu de la circonscription, Raymond Lachal aura marqué des positions claires durant l'exercice de son mandat.

Ainsi, il s'oppose au traité d'amitié franco soviétique, vote contre la déclaration de politique générale du premier gouvernement de Front Populaire en 1936 mais accorde par contre son soutien au gouvernement Daladier en 1938.

Et il finit le parcours en votant les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940.

Il est maintenu dans ses fonctions à Ambert et devient même, en juin 1942, président de la Légion française des Combattants, structure que le régime de Vichy a mis en place après la dissolution des anciennes associations d'anciens combattants de 14 – 18 (ARAC, UNC entre autres).

Une Légion française des combattants dont émergeront ensuite deux organisations particulièrement représentatives du vichysme : le SOL ou Service d'Ordre Légionnaire et surtout, la Milice, créée en 1943, et qui prêtera la main à maints combats contre la Résistance aux troupes allemandes, comme on le vit par exemple au Mont Mouchet.

Avec de tels états de service, on ne s'étonnera donc guère que, pendant les années 45 – 49, Raymond Lachal ait fait l'objet de poursuites, le rendant notamment interdit de séjour en Puy de Dôme et dans l'Allier.

Finalement acquitté grâce à des témoignages favorables de personnalités résistantes de la droite française (Robert Schuman, l'amiral Muselier) Raymond Lachal ne jouera plus de rôle politique après 1950.

(Sauf évidemment si d'autres contributeurs me parlent de son éventuelle élection sur Ambert ou Marsac en Livradois, dont il était originaire).

Voici donc pour les députés élus.

Je ne parlerai pas des sénateurs, d'autant que l'un des sénateurs était fort connu et se nommait Pierre Laval, venu se faire élire sur ses terres d'origine (il était élu d'Aubervilliers).

Mais on peut aussi noter quelques uns des candidats malheureux de l'élection de 1936 comme Joseph Dixmier, l'agrarien, paysan, élu de Varennes sur Morge, que l'on retrouvera après guerre comme élu indépendant et paysan sur la même ligne que Jacques Bardoux, qu'Emile Massé avait battu à Riom lors des législatives de 1928.

On peut citer Paul Pochet Lagaye, radical tendance Clémentel (ancien maire de Riom), confiseur de son état, maire de Clermont Ferrand après le décès du docteur Marcombes, qui va rester en fonctions jusqu'au 18 juillet 1944 où le comité local de Libération installe comme maire provisoire Gabriel Montpied, futur maire SFIO de la ville.

Le cas typique du notable radical socialiste ayant fini par tomber dans l'ornière d'une forme de « collaboration passive ».

Henri Diot, candidat communiste sur Riom Combrailles, secrétaire des métaux CGT, sera l'un des animateurs de la Résistance dans la département et notamment dans sa région d'origine et sera l'un des dirigeants communistes à la Libération dans le département.

En Combrailles, où sa popularité de syndicaliste l'avait conduit à obtenir un score remarquable, la période de la guerre sera marquée par le développement d'une activité résistante particulièrement intense, notamment dans ce que l'on finit par appeler « l'usine du maquis », la société Aubert et Duval, située aux Ancizes Comps dans le canton de Manzat.

Le docteur Claudius Penel sera l'un des rares radicaux à se retirer de la vie politique après guerre, puisqu'il sera installé maire d'Ambert, en lieu et place de l'honni Raymond Lachal, à la Libération.

Dans un autre genre, le docteur Pipet (conseiller général et maire de Besse) sera proche de Giscard d'Estaing après guerre...

Mais je laisse la parole à qui la veut pour tout complément d'information, en escomptant ne pas avoir tout à fait désolé le lecteur par la diversité et l'importance des informations transmises.
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede Fabien » Mer 22 Aoû 2012 21:13

Le petit fils de Jacques Bardoux, c'est Giscard 1er, évidemment!
Merci pour cette somme d'érudition impresionnante.
Fabien
 
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Jeu 23 Aoû 2012 00:32

Un coup à boire pour Fabien, bien entendu ;)

Ceci dit, on doit pouvoir aller plus loin encore dans les détails et les éléments qui, au delà du factuel, nous permettent de sentir pourquoi, encore aujourd'hui, certaines habitudes et comportements politiques semblent tenaces...
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Re: Elections législatives de 1936

Messagede vudeloin » Lun 27 Aoû 2012 10:01

Pullo a écrit:Merci pour ces contributions, vudeloin !

Y a t-il un livre, ou un fonds d'archives, où l'on peut trouver l'intégralité des résultats des élections de 1936 circonscription par circonscription ? S'il est relativement facile de trouver des informations pour la région parisienne, ça l'est moins pour les futurs DOM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion) et les colonies (Algérie, Sénégal, Cochinchine) qui élisaient des députés cette année-là...


Selon toutes vraisemblances, les élections de 1936 n'ont concerné que les actuels DOM (Antilles Guyane, Réunion et Saint Pierre et Miquelon) ainsi que la communauté française d'Algérie et celle de ...Cochinchine, c'est à dire, pour aller vite, les planteurs d'hévéa de la colonie et les fonctionnaires détachés sur place (cf. Un barrage contre le Pacifique ou l'Amant de Marguerite Duras), plus quelques religieux et religieuses, sans oublier les forces armées.
Ajoutons à cette liste les établissements français de l'Inde (Chandernagor, Pondichéry, Mahé, Karikal et Yanaon, comme les écoliers de l'époque l'apprenaient) et nous aurons le compte.
Je vais tenter de grouper les éléments politiques de la situation de ces territoires tels qu'ils nous ont été connus à l'époque (les résultats n'étaient pas les premiers transmis, comme on peut s'en douter), peut être dans un article plus détaillé à venir.
Toujours est il que, de manière contradictoire, deux des élus de 1936 sont passés à la postérité dans ce que l'on appelait les "colonies" : le premier, c'est le jeune avocat Gaston Monnerville, plébiscité député radical socialiste de Front Populaire de la Guyane ; le succès, c'est le comte Jean de Beaumont, élu des planteurs de Cochinchine face à Omer Sarraut, neveu du Ministre Albert Sarraut, dans des conditions plus que douteuses de sincérité du scrutin et qui, de par son ralliement pétainiste, ne pourra prolonger sa carrière politique directe après la guerre.
Le comte de Beaumont a trouvé une autre occupation : pendant plusieurs dizaines d'années, malgré ses lourds antécédents, il sera le représentant de la France au Comité international olympique, ayant, dans sa prime jeunesse, été un sportif dans plusieurs disciplines.

PS un oubli dans cette série : le siège du Sénégal, dont j'ai bien l'impression qu'il allait au delà du seul territoire du Sénégal et qui, en 1936, a élu l'ancien combattant Galandou Diouf, maire de Rufisque, qui avait été élu en 1934 à la place de Blaise Diagne, l'un des premiers représentants du continent au Parlement français et, à tout le moins, le premier originaire des "colonies" à avoir été membre d'un Gouvernement.
Galandou Diouf obtient 8 323 voix au premier tour contre 5 280 pour Amadou Lamine Gueye et fut donc reconduit dans ses fonctions.
Dernière édition par vudeloin le Lun 27 Aoû 2012 11:24, édité 1 fois.
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