de vudeloin » Mer 14 Nov 2012 22:14
Comme un certain nombre de lecteurs ont pu s'en rendre compte, le personnel politique chilien est assez largement composé de personnes ayant des ascendances diverses mais également relativement typées, puisque, entre autres, l'élément originel basque est singulièrement présent au Chili et qu'il y côtoie en particulier l'élément français, les originaires d'Allemagne et de Croatie, parfois des personnes venues d'autres origines.
Pour ce qui est des noms d'essence castillane, il convient de se rappeler que les noms castillans les plus usuels (Martinez, Gonzalez, Hernandez ou Marquez pour donner quelques exemples précis) sont parfois trompeurs quant à l'origine des personnes concernées, car ils ont souvent été attribués aux autochtones (Mapuches, Aymaras, par exemple) par le colonisateur.
On notera cependant que certains noms indiens subsistent parfois et expliquent certains assemblages d'état civil au demeurant assez surprenants pour nous.
Prenons cependant quelques exemples de familles ayant laissé une trace dans la vie politique et l'histoire du Chili.
Par exemple, la famille Allende, que nous retrouvons pour le président de l'époque de l'Unité Populaire, Salvador Allende Gossens, pour la candidate pour le moment malheureuse de la municipale de Ñuñoa, Maya Fernandez Allende, pour l'écrivaine Isabel Allende Llona, nièce du président ou pour Maria Isabel Allende Bussi, la fille du Président, un temps députée de la région Métropolitaine et présidente de la Chambre.
Le premier Allende qui vient au Chili est Juan Ortiz de Allende y Guevara, né à Bilbao en décembre 1584 et arrivé au Chili en 1602 (au tout début du XVIIe siècle donc) où il exerce moult fonctions publiques et militaires, comme Syndic et procurateur de Santiago, capitaine et maître de camp, marié en 1613 à Costanza de Uriona y Escobar, née à Santiago de la première immigration espagnole.
Juan Ortiz de Allende aura notamment un fils, Diego, devenu évidemment Ortiz de Allende Uriona, qui de son mariage avec une Juana Perez Carrasco Nunez de Silva, va avoir pas moins de neuf enfants dont deux vont donner une lignée particulièrement complexe, sans compter un enfant naturel.
Le premier est Pedro de Allende Carrasco, né en 1650 et mort en 1741 (!), qui va avoir quatre enfants, s'implanter de manière durable dans la région de Quillota et de San Felipe, c'est à dire dans la région de Valparaiso.
Cette lignée va conduire jusqu'à Jaime Delvalle Alliende, avocat, né en 1931 et qui sera ministre des Affaires Etrangères sous Pinochet.
La lignée partie de José de Allende Carrasco, né en mars 1659, nous amène à José Gregorio Allende Garcès, compagnon de combat de Bernardo O'Higgins, puis à Ramon Allende Padin (son fils), né en 1845, médecin chirurgien militaire, député de Santiago, puis des provinces du Nord, puis sénateur d'Atacama, tout en exerçant, à la fin de sa vie assez brève (il est mort en 1884), la fonction de Grand Maître de la Loge maçonnique du Chili.
Marié en 1869 à Valparaiso à Eugenia Castro del Fierro, Ramon Allende aura trois enfants (Ramon, Tomas et Salvador, celui ci étant le père de celui qui deviendra Président du Chili).
Ramon Allende fut membre du parti radical chilien et surnommé « el Rojo » (le Rouge) pour ses positions modernistes et anticléricales.
C'est Salvador Allende Castro, avocat, notaire, poète et écrivain de Valparaiso, qui, en se mariant avec une dame Laura Gossens Uribe (encore l'élément basque), aura comme fils Salvador Allende Gossens, né en 1908 à Valparaiso et beau frère d'Eduardo Grove, médecin, maire de Viña del Mar.
Une autre famille intéressante de notre vie politique chilienne est la famille Letelier, dont l'origine française ne fait évidemment pas le moindre doute.
La famille Letelier a ainsi fourni au pays le fondateur du parti radical, Valentin Letelier Madariaga, recteur de l'Université du Chili, né en 1852 à Linares (région du Maule), l'ancien Ministre de Salvador Allende, Sergio Letelier del Solar, assassiné à Washington en 1976 par des agents de la dictature, Juan Pablo Letelier Morel, actuel sénateur de la région d'O'Higgins, Tomas Jocelyn Holt Letelier, ancien député DC de Santiago jusqu'en 2000 ou encore, bien avant, Pedro Letelier Silva, sénateur pour Talca (région du Maule encore) au début du XX e siècle et Vice Président du Sénat, sous les couleurs du Parti Libéral Démocratique, parti qui soutiendra notamment l’action du Président Balmaceda à la fin des années 1880 ; mais encore le compositeur Alfonso Letelier Llona (un nom que l’on retrouve dans la lignée Allende) qui s’est marié avec une demoiselle Subercaseaux, famille landaise d’origine extrêmement fréquente au Chili.
Les Letelier ont aussi fourni au Chili moult élus, députés et sénateurs, et le général Ambrosio Letelier y Rojas (1838-1900), officier général pendant la guerre du Pacifique.
Originaires de Saint Malo où ils étaient connus sous le nom de L’Hôtelier et Floret, les Letelier sont arrivés au Chili au début du XVIIIe siècle, leur présence étant attestée dès cette époque sur Curico et Talca (région du Maule).
Une des branches de la famille s’y est d’ailleurs mélangée avec une autre famille venue de Saint Malo et installée dans un premier temps du côté de Cauquenes pour y faire commerce, à savoir celle de Guillaume Pinochet, connu sous le surnom « El Frances don Guillermo ».
Le petit fils de Don Guillermo, également prénommé Guillermo (Guillaume) Pinochet y Bravo de Villalba se marie en 1797 en secondes noces avec Maria del Rosario Letelier Verdugo dont il aura rien moins que quatorze enfants.
A l’origine, en fait, le premier Pinochet aura dix enfants de son mariage avec une demoiselle De La Vega Montero, native de Concepcion, qui vont générer les différentes branches de la famille et dont les rejetons croiseront la route des Letelier, au moins à deux reprises puisque nous avons pointé le cas de Guillermo, petit fils du premier des Pinochet mais que nous ne pouvons également oublier celui d’Alejandro de la Cruz, son frère, premier militaire de la famille (colonel de la milice de Cauquenes entre autres grades), qui aura comme petit fils un certain José Manuel Pinochet Letelier, dont seront issus onze enfants (Pinochet Letelier), vingt et un petits enfants connus (Pinochet Letelier, encore, Pinochet Dominguez, Pinochet Zambrano et Pinochet Vera) et au moins treize arrière petits enfants nommés Pinochet Leon ou Pinochet Ugarte, rang de famille où l’aîné s’appellera Augusto José Ramon, né en 1915 et devenu qui vous savez…
Pour la famille Frei, qui a fourni deux Présidents au Chili (Eduardo Frei Montalva dans les années 60 et Frei Ruiz Tagle dans les années 90), il importe de revenir au départ, c’est-à -dire à la famille Montalva, implantée sur Concepcion mais surtout dans le Sud, à Osorno, où la plupart des Montalva ont fait souche, en se mêlant d’ailleurs assez souvent aux Saavedra, émigrés galiciens comme leur nom le laisse supposer.
(je rappelle qu’on appelle souvent Gallego n’importe quel Espagnol ayant émigré vers l’Amérique Latine, vu la propension sérieuse de cette région de l’Espagne à fournir des émigrants).
Et comme la région d’Osorno est aussi l’une des plus marquées par la présence allemande et/ou germanique au Chili, il s’est trouvé un jour qu’un M. Frei, venu de Zurich, a fini par se marier avec une Mlle Montalva…
Le hasard et la vie sont ainsi faits que si l’on regarde par exemple ce qu’il advint des ancêtres du Président Lagos Escobar, on découvre, au fil du temps, l’arrivée au Chili de pauvres soldats d’Estrémadure, venus s’implanter dans le pays du côté de Chillan et ayant ramifié dans l’ensemble de la région au point qu’il y aurait un fort lointain cousinage entre l’ex Président et Pablo Neruda, descendant d’un Lagos Arias de Chillan à la fin du XVIIIe siècle.
Quant à l’ancienne présidente Michelle Bachelet, ses origines nous emmènent en France et singulièrement en Bourgogne, pendant plusieurs siècles, du côté de Chassagne Montrachet, où la famille est vigneronne de père en fils.
Le premier Bachelet, Louis Joseph, vient au Chili en 1860 pour travailler la vigne appartenant alors aux Subercaseaux (autre famille française ayant fait souche au Chili), dans la région située au Sud de Santiago.
La plupart des Bachelet vont rester dans les activités agricoles et notamment viticoles.
Les sept enfants de Louis Joseph vont faire de subtils mariages, notamment avec des familles d’origine suisse ( les Contesse et les Brandt), le tout produisant huit petits enfants, connus au moins, et un nombre conséquent d’arrière petits enfants, treize enfants dans la génération suivante (celle du Général Bachelet) avant d’en arriver à la génération de l’ancienne Présidente, née en 1951.