de vudeloin » Mer 18 Jan 2012 01:10
A ce stade du débat, je me permets de placer ce message un peu plus long que les autres et tendant, de fait, à donner des éléments d'appréciation de la situation.
D'abord sur le périmètre de la dette publique.
Elle est composée de trois éléments essentiels : la dette de l'Etat, celle des collectivités territoriales et celle des organismes de Sécurité Sociale.
La dette de l'Etat, c'est aujourd'hui, si l'on regarde les éléments fournis par l'Agence France Trésor, un ensemble de 1 317 milliards d'euros au 30 novembre 2011, dont la durée de vie est de 7 ans et 55 jours, et le taux pondéré des émissions de 2,80 %.
Quant aux taux longs moyens, il est de 3,02 %, montant évidemment à rapprocher de l'inflation 2011 (officiellement 2,50 %) ou celui de la progression du produit intérieur brut, dont on attend la confirmation plutôt à la baisse...
Détail : ce qui importe dans l'effort qu'on peut mener pour résorber la dette publique, c'est évidemment le différentiel entre le taux de croissance, majoré du niveau de l'inflation, c'est à dire la progression en valeur du PIB au regard du taux d'intérêt frappant la dette.
Durant les Trente Glorieuses, c'est à dire la période de croissance de l'après guerre qui a duré jusqu'au début des années 70 et qui a vu la France se reconstruire et résoudre les contradictions de son ancien empire colonial par l'indépendance des territoires le composant, la dette publique était plus importante qu'aujourd'hui et a été, outre les fruits de la croissance, largement allégée par les conséquences de l'inflation...
Aujourd'hui, je dois faire savoir et noter que, depuis le passage de DSK à Bercy, et sans doute pour assurer le meilleur placement possible des titres de la dette publique, les émissions de titres de dette publique sont indexées sur l'inflation, c'est à dire que le taux d'intérêt est présumé remonter au cas où...
Ce véritable cadeau à la rente qui fut doublé, rappelons le, de la création d'un nouveau produit d'assurance vie particulièrement attractif (je rappelle que les contrats DSK ressemblent furieusement aux produits du passé comme la rente Pinay, les emprunts Giscard ou Balladur, et à ceux que promeuvent certains des candidats de la présente élection présidentielle, telle Marine Le Pen) nous coûte, faut il le dire, environ trois milliards d'euros en 2011.
Il y a des missions budgétaires dont les crédits (je peux en citer quelques unes) sont inférieurs au coût budgétaire de la seule indexation des OAT et BTAN sur l'inflation.
Les produits de la dette publique sont les suivants : d'une part des Bons du Trésor de court terme, généralement émis pour quelques trimestres, qui constituent aujourd'hui plus ou moins 190 milliards d'euros en stock de dettes.
Le taux d'intérêt des Bons du Trésor est faible, mais il n'en demeure pas moins que ce sont des produits placés à titre onéreux, ce qui ne serait évidemment pas le cas si vous aviez à utiliser la « planche à billets « , c'est à dire la monétisation de la dette publique...
Les Bons du Trésor, sur le fond, ce sont des produits de trésorerie qui permettent juste à l'Etat de faire face à ses obligations courantes.
Probable que les rémunérations des fonctionnaires, dans le constat de carence des recettes fiscales éventuellement établi, sont en grande partie adossés à ces Bons.
Nous avons ensuite des Bons de moyen terme, émis sur deux à cinq ans, ou BTAN, Bons du Trésor à intérêts Annuels, dont le taux est plus élevé que celui des Bons sur formule de court terme.
Le montant de l'encours de ces Bons est aujourd'hui de 249 milliards d'euros, en hausse de 10 % sur l'année 2010 et on considère que ces Bons peuvent permettre de répondre aux besoins de financement d'un certain nombre d'investissements dont le « rendement » en termes de croissance est possible avant cinq ans.
Le BTAN, c'est l'outil de la loi de programmation pluriannuelle;..
Enfin, nous avons les Obligations Assimilables au Trésor, ou OAT, titres de long terme (parfois de très long terme) qui constituent l'essentiel de l'encours de la dette publique d'Etat, avec 883 milliards d'euros fin 2011, pour un montant qui atteignait 610 milliards d'euros fin 2006, quelques mois avant l'arrivée à l'Elysée de son hôte actuel.
Les 273 milliards d'euros supplémentaires sont donc, notamment, le produit des déficits cumulés depuis cette date.
A noter que la maturité de la dette d'Etat n'a pas vraiment bougé depuis 2006, restant calée aux alentours de 7 ans et deux mois environ, mais nous avons aussi vu progresser de 50 % la part des titres de dette indexée.
Nous en sommes en effet à 166 milliards d'euros de titres indexés, et la hausse de la part relative de ces titres est plus rapide que celle de la dette en général, pour des raisons évidentes d'amortissement des titres antérieurs.
Car nous sommes clairement confrontés, à ce stade, à une réalité méconnue : celle qui veut que la dette publique de l'Etat est considérée comme perpétuelle et en perpétuel renouvellement, c'est à dire qu'une bonne part des émissions 2011 n'a servi qu'à se substituer à des titres de dette antérieure.
Pour 2012, la moitié des émissions prévues n'ont pas d'autre but, soit dit en passant, que d'amortir les titres antérieurs.
C'est à dire que c'est quand même plus de 90 milliards d'euros qui seront ainsi émis cette année...
Ceux qui vous disent « Comment va t on faire pour payer la dette ? « ne sont d'ailleurs rien d'autre que des menteurs puisque, de fait, nous la payons au travers de sa reconstitution et de sa consolidation...
Ce que nous payons vraiment, ce sont les intérêts, et là , comme je l'ai dit, cela nous coûte environ 50 milliards d'euros et contribue puissamment au déficit global.
A noter aussi que plus vous émettez de Bons du Trésor et moins vous avez à payer d'intérêts plus élevés sur les autres titres, et j'ai cru voir, pour 2012, que l'intention du Gouvernement visait, pour 2012, à plus solliciter l'outil des Bons du Trésor que celui des OAT.
C'est à dire que le service des intérêts des Bons de court terme va croître de façon plus nette (mais moins élevée en valeur) que celle des titres indexés.
Pour réduire la progression de la dette, ce qui me semble être le seul moyen plausible est de développer la dépense publique en direction de la croissance de court terme comme de long terme.
Car, voilà , chers amis lecteurs et contributeurs, le vecteur principal de progression de la dette publique depuis trente ans et quelques, c'est tout simplement les politiques d'abandon de recettes fiscales par l'Etat qui ont remodelé profondément le cadre de nos prélèvements obligatoires.
Nous avons ainsi vu baisser le taux de l'impôt sur les sociétés de 50 à 33,33 %, réformer et disparaître la taxe professionnelle devenue la contribution économique territoriale, s'alléger le coût du travail, croître le nombre des niches fiscales et sociales, ou celui des régimes dérogatoires.
Prenons un exemple simple.
En 1992, l'Etat dépensait exactement 6 milliards de francs (environ un milliard d'euros) en allégements de cotisations sociales, notamment au travers des exonérations sur le salaire des apprentis ou celles découlant du régime Delalande...
Aujourd'hui, le FOREC ( Fonds de réforme des cotisations sociales patronales) pilote un ensemble de 40 milliards d'euros environ d'allégements de cotisations, financés pour partie par la Sécurité Sociale sans le moindre concours du budget de l'Etat et pour partie, l'essentiel, par affectation de recettes fiscales précédemment perçues par l'Etat au Fonds.
Les allégements comportent, pour une part majoritaire, le financement de la ristourne dégressive sur les bas salaires que François Fillon, alors Ministre du Travail, avait instaurée en 2002 en lieu et place, notamment, des exonérations « 35 heures » prévues par les lois Aubry I et II.
Ce sont ces choix fiscaux et politiques qui ont été, depuis 1985, le vecteur principal de la croissance des déficits publics et donc, de la dette publique, qui en est, d'une certaine manière, le cumul...
Sur le coût de la dette, un dernier point.
Outre le poids des intérêts pour les comptes de l'Etat, il est un aspect qu'il ne faut pas oublier.
C'est que les dits intérêts sont aussi des revenus, pour les détenteurs de titres de dette publique (qui peuvent des fois, soit dit en passant, s'en délester au fil des échanges sur les marchés financiers, puisque la dette est définie comme « négociable ») et que la perception de ces intérêts est assortie de conditions fiscales particulières.
En général, ce sont en effet des revenus soumis à des prélèvements libératoires évidemment inférieurs tant aux taux de cotisations sociales ou de prélèvements fiscaux mais parfois aussi à des conditions préférentielles.
Ainsi, pour faciliter le placement des titres de dette publique française à l'étranger ( non, vous ne rêvez pas), aucun prélèvement fiscal ou social n'est opéré sur ces titres...
Rassurez vous, cela marche plutôt bien et les Français vivant en Suisse et dont la banque ou la compagnie d'assurance participe au tour de table des adjudications régulières de l'Agence France Trésor en supportent d'autant mieux les rigueurs de l'exil.
Je peux évidemment consacrer quelques lignes, désormais, à la dette publique locale, qui a fait l'objet d'un rapport de la Cour des Comptes relativement récent.
Différence de fond entre la dette de l'Etat et la dette des collectivités locales : l'une amortit des déficits budgétaires, l'autre finance des dépenses d'équipement.
Le problème de la dette publique locale, c'est qu'elle a longtemps participé d'un marché quasiment captif, contrôlé par la Caisse des Dépôts et Consignations, et par des organismes comme le Crédit Agricole ou le réseau des Caisses d'Epargne, les collectivités utilisant relativement peu (sauf les plus grandes en général) la levée de ressources sur les marchés financiers.
A noter que la dette publique locale est autant notée que celle des Etats ou des entreprises et certaines collectivités, notamment la Polynésie Française, ont été victimes ces temps derniers d'une certaine forme de dégradation...
L'autre problème, déjà indiqué, c'est que Dexia Crédit Local, devenu numéro un du crédit aux collectivités, est aujourd'hui dans une situation extrêmement délicate, ce qui tarit l'offre de prêts disponible pour les collectivités.
Ce qui est à craindre, outre le fait que la garantie accordée par l'Etat à Dexia ne finisse par jouer pour éponger le passif de la banque qui a mené une politique suicidaire de cavalerie financière durant plusieurs années (en empruntant sur le court terme des ressources allouées sur le long terme !), c'est qu'aucune solution ne voie le jour avant cinq à six mois, repoussant d'autant la mise en oeuvre de chantiers d'équipements publics pourtant indispensables au maintien et au développement de l'économie en général.
Quelques mots enfin sur la dette sociale qui participe de beaucoup de caractères déjà rencontrés avec la dette publique d'Etat.
La dette sociale trouve son origine dans trois foyers principaux : d'une part, les déficits sociaux antérieurement accumulés, en partie épongés, au fil du temps, par la perception de la fameuse contribution au remboursement de la dette publique, créée par une des ordonnances Juppé de janvier 1996 ( la 96 – 50 du 24 janvier 1996, de mémoire) ; ensuite, les effets de la fraude sociale, c'est à dire d'abord et avant tout celle portant sur le travail au noir et les cotisations non perçues ou perdues pour admission en non valeur dans les entreprises mises en liquidation ; enfin, les conséquences de la situation économique générale.
La persistance d'un taux de chômage élevé dans notre pays constitue l'un des éléments de pertes de recettes pour la Sécurité Sociale.
Exemple : si les quatre millions de chômeurs étaient tous au moins smicards, la Sécurité Sociale percevrait, tous les ans, près de 15 milliards d'euros de recettes nouvelles, c'est à dire quasiment plus que l'actuel déficit prévisionnel, fixé en loi de financement.
A noter qu'avec la sollicitation des marchés financiers pour solder les comptes de la Sécurité Sociale (c'est le travail de la CADES, Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale), on ajoute à la facture les intérêts versés aux souscripteurs des emprunts et titres de dette divers que la Caisse émet.
Avec une stratégie de diversification des financeurs, puisque la CADES passe autant par des émissions de titres en euros que de titres libellés dans d'autres devises.
Ainsi, en 2011, des émissions ont été réalisées en Livres britanniques, en francs suisses, en dollars et, également, en couronnes norvégiennes, moyennant les risques encourus, au delà du taux d'intérêt assorti, c'est à dire celui de l'appréciation des devises servant au libellé des titres.
Bon, sur ce, continuons le débat...