Corondar a écrit:Personnellement je trouve que le discours qui consiste à réduire par exemple toute personne dénonçant des discriminations pour un communautariste, ou une femme combattant des inégalités homme-femme pour une hystérique revancharde est au moins aussi dangereux que le discours communautariste ou le féminisme qui voudrait punir les hommes. Là aussi, il me semble qu'il existe sans doute une voix médiane.
Même dans un monde où les discriminations seraient extrêmement fortes, je ne vois pas comment un discours qui ne fait que nier l'existence de ces discriminations pourrait être considéré comme plus dangereux que le plus hargneux des féminismes revanchards, qui je le rappelle, compte parmi ses représentants des extrémistes qui n'hésitent pas à utiliser comme slogan : "Les hommes morts ne violent pas"...
Corondar a écrit:Propos assez emblématique je trouve...
Donc, les différences salariales incomberaient en réalité à la nature plus modeste et moins fort en gueule des femmes par rapport aux hommes ? Désolé Azertyuiop, mais si ça c'est pas un cliché basé sur une vision prédéterminée de ce que doit (ou devrait ?) être une femme, alors je ne sais pas ce que c'est...
Comment ça "de ce que doit" ou "de ce que devrait" ? Je ne faisais que le constat d'une situation, et si je n'étais pas athée, je vous dirais que je laisse volontiers à Dieu le soin de décider ce qu'hommes et femmes doivent être. Je réponds ici au "Quoi" : je n'ai pas la prétention de répondre au "Pourquoi" ni au "Comment" et encore moins au "Est-ce bien".
Corondar a écrit:Personnellement, des femmes qui ont les dents qui rayent le parquet et qui le font savoir au même titre que certains hommes, j'en connais.
Ce n'est pas très au-dessus du niveau de ceux qui vous diraient, dans le cadre d'une analyse de l'élection présidentielle américaine, que Trump n'a pas de problème avec le vote noir parce qu'il existe des Noirs qui votent pour lui. Quand je dis que les femmes sont moins enclines à négocier leur rémunération, à se vendre, etc... c'est statistiquement parlant. On n'est évidemment extrêmement loin d'une situation où le moins assuré des hommes serait plus assuré que la plus assurée des femmes (on est même beaucoup plus proche d'une situation où il n'y aurait aucune différence à mon sens). Un propos sexiste, ce serait de dire que parce qu'on observe certaines différences statistiques entre les deux groupes hommes et femmes, alors il faudrait intimer à tous les femmes de se comporter comme la moyenne du groupe des femmes et à tous les hommes de se comporter comme la moyenne du groupe des hommes. Mon propos est de dire que même s'il peut exister des différences plus ou moins importantes entre certaines groupes dans les aptitudes et les comportements, il ne convient pas de regarder à quel groupe tel individu appartient pour justifier de ce qu'il est légitime à faire. Et que le simple fait que les exceptions soient légions (à tel point que parler d'exceptions devient un énorme abus de langage) montre à quel point vouloir faire entrer les gens dans des cases à cause de caractéristiques supposées n'a pas de sens. Ne pas procéder ainsi, c'est ouvrir la porte à toutes les horreurs qui découlent de la volonté de "l'égalité réelle" qui nient l'individualité des personnalités et ne raisonnent qu'en matière d'inégalités de groupes, comme si les membres défavorisés d'un groupe devraient se sentir réconfortés par le fait que des membres de leur groupe (arbitraire qui plus est) sont au contraire très aisés. Et je rajouterais même que le fait que les exceptions soient de l'ordre de grandeur de la règle, et pour reprendre votre exemple des nombreuses femmes dont les dents rayent le parquet, rend encore plus absurde les politiques de discrimination "positive" puisqu'elles reviennent à favoriser encore davantage ces nombreuses femmes ultra-ambitieuses et sûres d'elles, alors qu'elles étaient déjà particulièrement privilégiées. Et à l'inverse, vous parachevez tous les hommes qui ne sont pas très performants pour convaincre ou se vendre. Si c'est ça "le progrès"...
Après, Corondar, je sais bien que vous avez dit ne pas être en faveur de la discrimination positive, mais c'est la seule chose qui est proposée dans les faits par les auto-proclamés progressistes. Et le fait qu'ils soient incapables de trouver autre chose pour lutter efficacement contre des discriminations systémiques est pour moi la meilleure preuve que ces discriminations sont fantasmées ou qu'au plus, elles n'expliquent qu'une part très minoritaire, pour ne pas dire dérisoire dans le cas des inégalités hommes-femmes, les écarts statistiques observés en moyenne. Or, les chantres de "l'égalité réelle" partent systématiquement du principe que si des écarts statistiques existent, ils s'expliquent à 100% pour la stigmatisation volontaire ou non de ce groupe par l'ensemble de la population.
Pour rester sur la question des inégalités salariales à postes équivalents, la principale source de ces inégalités est et reste, et de très, très loin, les négociations de salaire. Pourquoi ne pas donc s'attaquer à la source du problème au lieu d'aller chercher avec quelle variable arbitrairement sélectionnée le problème est corrélé ? Pourquoi les féministes ne plaident donc pas pour l'interdiction de négocier les salaires et de partir, comme dans le public, sur une grille de salaire prédéterminée et non négociable et uniquement négociée sur l'ancienneté ? Avec à la limite la possibilité d'inclure automatiquement des augmentations liées à l'accomplissement d'objectifs fixés au préalable mais sans possibilité de négocier lors d'entretiens. Je peux vous assurer que si cette mesure était appliquée, vous réduiriez très drastiquement les inégalités hommes-femmes (au moins à postes équivalents), mais peut-être que les féministes trouvent que ce n'est pas assez "Men are trash" à leur goût ?
Corondar a écrit: Pendant plusieurs siècles (millénaires ?), la femme a évolué dans une société patriarcale dominée par les hommes (j'espère que ce constat historique ne me fera pas taxer de féministe intégriste ?). En France, les femmes ont le droit d'exercer une profession ou d'ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur mari depuis environ 70 ans. Croire que la simple imposition de cette disposition légale suffit à balayer d'un claquement de doigts des siècles de structures sociales, philosophiques et mentales, ce serait très optimiste.
Si encore aujourd'hui des femmes ne se sentent pas de se lancer en politique ou de réclamer avec force le même salaire que leurs collègues hommes c'est aussi peut-être parce que beaucoup de femmes sont encore conditionnées à penser qu'elles ne sont pas forcément légitimes à le faire (ou que certains continuent à leur faire penser qu'elles sont censées être plus modestes que les hommes ?). Oui, il existe encore des parents (y compris des mères) pour qui orienter leur fille vers une école de commerce ou d'ingénierie pourrait paraître incongru. Expliquer cette situation par la nature (supposée ou réelle) des femmes, oui c'est un peu court et passe à côté de certaines réalités : oui la société crée des stéréotypes et des clichés, lesquels entraînent des situations d'inégalités et de discriminations.
Jusqu'ici, je m'étais contenté de souligner des faits, à savoir les différences de comportement (en moyenne !) des hommes et des femmes. Prétendre les expliquer est autrement plus délicat mais deux principales pistes peuvent être explorées : l'explication biologique et génétique, qui consiste à dire que le comportement, le tempérament et les goûts des individus sont pour partie expliqués par leur patrimoine génétique, et donc que le sexe de l'individu va naturellement jouer un rôle là -dessus. Et l'explication que vous avez déjà développée, à savoir l'explication culturelle, qui revient à affirmer que les individus évoluant dès leur enfance dans une certaine société comportant ses propres mœurs, ils vont facilement s'identifier à un groupe et générer leurs préférences et leur comportement en fonction de ces mœurs. Je pense pour ma part que les deux explications sont bonnes. Il me paraît absurde de rejeter l'explication biologique alors que l'effet des hormones sur le comportement n'est plus à démontrer. Et puis, bon, pour justifier l'existence que l'explication culturelle pourtant commune à quasiment toutes les sociétés du monde historiquement patriarcales, il faut bien se reposer sur un plus petit dénominateur commun et seule la biologie le permet. De la même manière, il paraît évident que l'explication culturelle joue aussi son rôle et que les individus sont le produit de leur environnement. Et comme je suis bien placé pour savoir que tout le monde n'est pas aussi universaliste que moi, je ne nierai bien sûr pas le fait qu'une jeune fille peut recevoir des pressions de son entourage pour ne pas se diriger vers tel secteur d'étude.
Mais bon, vous doutiez que ça arriverait, voici venir le moment où nous allons fortement diverger :-) Déjà , je ne peux plus m'empêcher de sourire quand j'entends ou lis l'argument du "conditionnement". Je trouve très décalé de parler du conditionnement des esprits comme un facteur insupportable de discrimination dans une société où le monde du travail est de plus en plus compétitif, où chacun est appelé à se dépasser, se surpasser, et ou les objectifs de performance sont toujours plus importants. Dans une société où les inégalités entre individus sont inscrites dans le marbre, et où la justification de ces inégalités passe par les talents, le courage, la ténacité, la volonté, et j'en passe, il me semble que la capacité de briser son conditionnement est le minimum syndical que l'on pourrait attendre d'un individu pour qu'il soit autorisé à emprunter l'ascenseur social. Rajoutons à cela que dans chaque individu, il y a un conditionnement qui s'opère et que celui est tellement aléatoire qu'il dépasse de très loin les considérations de sexe et de genre. Pas besoin d'être une fille (et loin de là ) pour avoir des parents qui souhaitent d'autres études pour son enfant que ce que lui-même souhaite.
Mais ce qui est encore plus frappant, et vient d'ailleurs pas mal relativiser l'explication culturelle des inégalités entre sexes, c'est que c'est justement dans les sociétés qui luttent le plus pour l'égalité homme-femme (ou en tout cas, luttent au nom de cette égalité, parce qu'imposer la parité, c'est le pire qu'on puisse faire en terme d'égalité des sexes) que la proportion de femmes dans les métiers scientifiques est la plus faible :
http://www.slate.fr/story/157888/egalit ... galitairesPour résumer, plus la société combat les stéréotypes de genre, et plus on dit à aux filles de ne pas se laisser intimider par ces stéréotypes et de choisir le métier qui leur plaît, plus elles choisissent ... les métiers qui leur plaît : mais pas de chance, cette répartition "naturelle" ne semble pas être aussi égalitaire que ce que souhaiteraient les féministes...
Corondar a écrit:Il s'avère que nous sommes en effet d'accord sur beaucoup de points. Il me semble que dans le cadre de ce topic je suis moins centré sur l'affaire Traoré que vous. Mon propos est beaucoup plus général (surement parce que le titre de ce topic c'est communautarisme et universalisme, et pas l'affaire Traoré :) ).
Très franchement, je ne vois pas en quoi mon discours serait plus "Traorocentré" que le vôtre. Au départ, j'avais parlé de cette affaire en préambule pour reprendre ce qui en avait été dit dans le sujet des municipales pour l'UDMF, mais je pense plutôt avoir été assez exhaustif dans mon balayage des communautaristes sans me concentrer exclusivement sur le sujet, important mais assez éculé quand même, de l'islamisme politique. Ce passage a suscité des réactions, dont de votre part, auxquelles j'ai répondu. Il me semble que nous avons à peu près parlé autant de cette affaire l'un que l'autre, et tout comme vous, je n'en fais pas l'alpha et l'oméga de la politique française.
Corondar a écrit:Et pour rester dans le général, il faut déjà constater qu'il est toujours très difficile de prouver une intention raciste (ou homophobe ou misogyne, ou anti-religieuse, que sais-je...), car il est toujours difficile de démontrer une pensée.
Que ce soit dans l'affaire Traoré ou dans une autre affaire, il est très rare qu'une personne précise à une autre qu'elle la frappe (ou qu'elle se comporte différemment avec elle qu'elle le ferait avec une autre personne) parce qu'elle serait d'une ethnie différente et que ça lui pose un problème. Et même si l'auteur est arrêté, il est très rare qu'il reconnaisse que cette pensée ait joué un rôle dans son acte.
En effet, il est impossible de savoir les motivations d'un agresseur quand il violente autrui et c'est pour cette raison qu'on ne devrait pas à avoir à essayer de connaître les motivations, et de fil en aiguille, c'est pour cela que le débat sur le racisme qui se cacherait derrière les violences policières est nul et non avenu. Quand l'acte en lui-même est inacceptable, je ne vois pas pourquoi le caractère raciste ou non de l'acte devrait donner lieu à des circonstances atténuantes ou aggravantes. Car je rappelle qu'au moins de janvier, un certain Cédric Chouviat a été tué lors de son interpellation, dans des conditions pas moins discutables (euphémisme) que dans le cas Traoré, et personne ici ne cherche à trouver des circonstances aggravantes à cause des motivations racistes des policiers. Après tout, vous avez dit que le racisme entre personnes d'une même race supposée pouvait exister, donc des policiers blancs qui tuent un Blanc par racisme anti-Blanc, ça doit pouvoir exister ? Là , on a l'impression que le meurtre de Traoré est plus grave que le meurtre de Chouviat, et je goûte très peu à la hiérarchisation des individus, surtout si c'est fait en fonction de critères raciaux.
Corondar a écrit:L'affaire Traoré ne me permet pas pour autant d'en déduire que le racisme n'existerait pas au sein des forces de l'ordre, ou qu'il n'arriverait jamais à certains membres des forces de l'ordre de traiter différemment des prévenus sur des bases raciales.
Mais nous sommes d'accord dans le cas de l'affaire Traoré : dans le dossier, rien ne permet de penser que le racisme ait joué le moindre rôle dans le résultat (ni les causes) de l'arrestation. Par contre, il me semble que le dossier Traoré présente peut-être (encore une fois c'est à la justice de se prononcer) bien des signes de violences policières excessives et de non assistance à personne en danger. Et là où il y a une vraie différence entre nous, c'est que je ne dépeins pas tous les gens qui manifestent dans le cadre de l'affaire Traoré comme vous le faites : certains le font au nom des violences policières et pas au nom de l'antiracisme ou d'un communautarisme noir. En tout cas, je n'ai pas la prétention d'affirmer que tous les gens qui manifestent dans le cadre de l'affaire Traoré le feraient tous sur la base que vous dénoncez. Je ne prétends pas connaitre les motivations de tous les manifestants en question (et je note que parmi les manifestants certains mettent en avant d'autres affaires que l'affaire Traoré).
Si le slogan "Black Lives Matter" a été si massivement repris dans ces manifestations, c'est à mon avis que ce n'est pas uniquement les violences policières qui sont dénoncées, mais bien la marque d'un communautarisme pas très inclusif pour tous les Blancs qui ont aussi été victimes de violences policières.
PhB a écrit:En quoi n'est-ce pas anodin ? En quoi est-ce important ?
En général, quand on se choisit un symbole, c'est mieux de s'en choisir un qui a à peu près le cul propre, non ? Ne serait-ce que pour la crédibilité du mouvement.