de Genaro Flores » Lun 29 Nov 2021 19:53
Vers un moment historique ?
En date du lundi 29 novembre, à 6 h 55 (13 h 55 heure française), la dernière réactualisation opérée par le Conseil national électoral (CNE) qui supervise les élections générales donne les résultats suivants pour la présidentielle qui ne comporte qu’un tour, 51,45% des bulletins ayant été dépouillés :
- En 1ère position, Xiomara Castro, 961 694 voix, soit 53,61 %.
Agée de 62 ans, Castro est la candidate du Parti liberté et rénovation (LIBRE, gauche).
LIBRE a noué une alliance avec le Parti sauveur du Honduras (PSH, centre droit) de Salvador Nasralla, candidat à la première vice-présidence, et le Parti unité et innovation social-démocrate (PINU-SD, centre gauche).
De leur côté, le PSH et le PINU-SD sont regroupés dans l’Union nationale opposante du Honduras (UNOH).
- En 2ème position, Nasry Asfura, 607 492 voix ; soit 33,87 %.
Agé de 63 ans, Asfura est le candidat du Parti national du Honduras (PNH, droite), et en même temps le dauphin du président sortant Juan Orlando Hernandez (2014-2022).
- En 3ème position, Yani Rosenthal, 165 255 voix, soit 9,21%.
Agé de 56 ans, Rosenthal est le candidat du Parti libéral du Honduras (PLH, centre droit).
Les 9 autres candidats obtiennent des résultats insignifiants. En effet, aucun n’excède les 0, 27 % !
La participation atteint le chiffre record de 62 %.
3,2 millions de Honduriens sur 5 182 425 inscrits ont ainsi pris part au scrutin.
Aux antipodes de la dernière présidentielle au Chili où seulement 47 % du corps électoral s’est déplacé, comme le veut la tradition !
Certes, le vote est obligatoire au Honduras mais il n’y a aucune sanction en cas d’abstention.
A titre de comparaison, la présidentielle de 2017 qui avait polarisé à l’extrême le Honduras avait été marquée par un taux de participation de 57,5 %.
Dimanche à 19 h 30 (lundi 2 h 30, heure française), soit 2 h 30 après la fermeture des bureaux de vote, Xiomara Castro a revendiqué sa victoire, et ce contrairement à la volonté du CNE qui préconisait d’attendre le décompte des voix dans son entièreté.
Aucun incident n’a été déploré, au grand soulagement de la population qui n’a pas oublié les 23 morts consécutifs à la réélection frauduleuse, en novembre 2017, du très droitier Hernandez (PNH) qui coiffait sur le fil Nasralla, appuyé par LIBRE et le PINU-SD.
Mais attention, rien n’est joué, la fraude pouvant resurgir, de même qu’une intervention des forces armées, fidèles alliées du PNH, comme l’atteste le coup d’Etat qu’elles ont fomenté le 28 juin 2009 en renversant Manuel Zelaya, époux de Castro, alors affilié au PLH.
En outre, le dépouillement est loin d’être achevé, entre autres dans les zones rurales où le PNH est très lié aux grands propriétaires, en particulier dans le sud-ouest peu développé.
Parallèlement, on votait pour :
- Les 20 députés du parlement centraméricain.
- Les 128 députés du Congrès national monocaméral.
- Les 298 maires, les 298 premiers adjoints et les 2142 conseillers municipaux.
Tous sont élus pour quatre ans, à l’instar du président et des trois vice-présidents.
D’ores et déjà , on peut annoncer la victoire du candidat de gauche à San Pedro Sula, au nord-ouest, connu pour être la deuxième plus grande ville et la capitale économique du Honduras. Rolando Contreras récolterait plus de 60 % devant le maire sortant, issu du PNH, Armando Calidonio.
Dans la capitale Tegucigalpa, tenue depuis 2014 par Asfura, aussi bien David Chavez qui portent les couleurs du PNH, que son adversaire de gauche, Jorge Aldana, prétendent avoir gagné.
Si Xiomara Castro devient présidente, elle mettrait d’abord un terme au bipartisme qui s’éternise depuis l’orée du XXème siècle entre les deux partis traditionnels que sont le PNH et le PLH.
Elle serait également la première femme à accéder à la magistrature suprême.
Enfin, ce serait seulement la deuxième fois que la gauche accède au pouvoir en tenant compte du mandat de Zelaya (2006-2009). Elu en novembre 2005 avec l’étiquette du PLH où il intégrait alors l’aile gauche, animée par l’ex-président Carlos Reina, il fera le grand écart en 2007 en rejoignant l’Alliance bolivarienne pour les Amériques que dirigent Cuba et le Venezuela. Un virage qui lui coûtera son poste, suite au coup d’Etat militaire du 28 juin 2009, approuvé par le PNH et une faction du Parti… libéral. Raison pour laquelle Zelaya créera en 2011 sa propre formation, cette fois-ci de gauche : le Parti liberté et rénovation (LIBRE).
Une situation qui s’apparente au Pérou lorsque Pedro Castillo, soutenu par le parti marxiste-léniniste Pérou Libre, est devenu président en juin dernier. Auparavant, seul le régime militaire de Juan Velasco (1968-1975) pouvait être catalogué à gauche, en étant notamment à l’origine, le 24 juin 1969, Jour de l’Indien, d’une des réformes agraires les plus audacieuses d’Amérique latine.
Raillé pour être la république bananière par excellence, considéré par la justice américaine comme un narco-Etat (1), réputé pour être un des pays les plus violents au monde (2), affaibli par l’exode vers les Etats-Unis en raison de la pauvreté (3) et de l’insécurité, le Honduras n’a pas bonne presse. Puisse cette fois-ci le voir sous un tout autre jour…
G.F.
(1) Le 9 mars dernier, le procureur américain Jacob Gutwillig a présenté le Honduras comme un « narco-Etat », à l’occasion du procès à New York de l’entrepreneur Geovanny Fuentes. Arrêté le 1er mars 2020 à Miami, celui-ci est accusé d’avoir acheminé des quantités massives de cocaïne vers les Etats-Unis, en association avec le président de la République Hernandez (PNH), en échange de sa protection.
Source : l’article d’Angeline Montoya sur le site Web du Monde, en date du lundi 15 mars 2021.
(2) En 2020, le taux d’homicides est monté à 37,6 pour 100 000 habitants. Le trafic des stupéfiants, entretenu par les maras, la pauvreté, mais aussi la répression politique expliquent cette violence exponentielle.
(3) Selon l’Université nationale autonome du Honduras, gérée par l'État, la pauvreté au Honduras atteignait 70 % en 2020, soit une augmentation de 10,7 points de pourcentage par rapport à 2019 où elle s’élevait à 59,3 %.
En conséquence, le Honduras est le pays le plus pauvre d’Amérique latine derrière Haïti.
Dernière édition par
Genaro Flores le Jeu 2 Déc 2021 17:18, édité 8 fois.