pop03 a écrit:Pour la deuxième année consécutive, les députés de la FI boycotteront le Congrès de Versailles le 9 juillet.
Le député
Coquerel (FI):
Le monarque Emmanuel Macron recevra de nouveau les représentants du peuple à Versailles. Ils auront le droit d’écouter sa majesté et de lui répondre une fois qu’il sera parti. Ce nouveau monde a tout de l’ancien régime et rien de la République. Ce sera sans nous.https://twitter.com/ericcoquerel/status ... 9272886272
Ces références des députés de la FI (et du PCF) à l'ancien régime pour critiquer la tenue des deux derniers Congrès de Versailles sont fâcheuses, car erronées (ce qui est anecdotique) et contre-productives (ce qui l'est moins).
Erronées, parce que lorsque Louis XV et Louis XVI voulaient imposer leur volonté au Parlement de Paris, ils ne le convoquaient pas à Versailles, mais venaient eux mêmes au Palais de justice y tenir un lit de justice ou une séance royale. Quelles qu'en aient pu être les arrière-pensées à l'origine (1871), l'installation de l'Assemblée nationale puis du Congrès à Versailles a fait de cet hémicycle un haut lieu de la souveraineté républicaine et spécifiquement de son pouvoir législatif: c'est là que sous la IIIème République la Parlement exerçait ses deux fonctions les plus souveraines, réviser la constitution et élire le Chef de l'Etat.
Et c'est pour cela que si la France était toujours une démocratie parlementaire, le Président ne devrait en aucun cas y mettre les pieds, et que sur ce point comme sur d'autres, la révision de 2008 est éminemment critiquable.
Le 9 juillet dernier, le monarque Macron, quoi qu'en aient pu dire mes camarades et amis, n'a pas reçu les représentants du peuple à Versailles; il s'est imposé dans un lieu qui devait constitutionnellement rester dévolu aux seuls représentants (parlementaires) du peuple. Ce n'était pas une convocation, mais une intrusion.
Contre-productives, parce qu'elles ont permis au Président d'aller encore plus loin dans la présidentialisation du régime, en disposant que la prochaine fois (l'an prochain?) il pourra assister au débat suivant son intervention, et y prendre de nouveau la parole -autrement dit se comporter comme un Chef de Gouvernement, et non plus d'Etat parlementaire, lors d'un débat de politique générale, à la différence qu'il n'y aura pas de vote de confiance à l'issue de la séance, le Président étant responsable devant le peuple et non devant les Chambres. Moralité: le Premier Ministre ne servira plus à rien, il pourra être supprimé (pour faire "moderne", "rationnel" et "économique") et le Parlement n'aura plus aucun moyen de contrôle (même symbolique et platonique)de l'action gouvernementale.
On pourra s'amuser que les députés REM aient voté comme un seul godillot cet amendement présidentiel, alors que quelques jours auparavant ils avaient tout aussi unanimement rejeté le même, qui émanait alors du groupe communiste. Ou s'étonner que ledit groupe communiste se soit égaré au point de ne pas voir les conséquences d'une telle réforme, simplement parce qu'il pensait contrarier ainsi le "monarchisme" présidentiel.
Là aussi, on a dû oublier le seul précédent républicain de cette intervention présidentielle devant les parlementaires réunis à Versailles: la procédure dite du "cérémonial chinois", mise au point et en œuvre (une fois) au printemps 1873.
Dans le régime provisoire du moment, Monsieur Thiers était à la fois Président de la République et chef du gouvernement, et à ce dernier titre il participait quotidiennement aux débats de l'Assemblée nationale, où son éloquence et son habileté manœuvrière lui permettaient de s'imposer à une majorité potentiellement hostile. Ses opposants, sous prétexte de sacraliser la fonction présidentielle, ont fait voter une réforme, aux termes de laquelle le Président ne viendrait plus à l'Assemblée que de façon exceptionnelle, qu'alors les députés l'écouteraient sans rien dire, qu'il devrait se retirer aussitôt son discours terminé et qu'alors seulement, délivrés de sa présence et du poids de son autorité, les députés débattraient librement sur les propos du Chef de l'Etat (jusque là , on dirait exactement la procédure de 2008), puis voteraient sur lesdits propos (là est toute la différence, mais à l'époque on n'était pas encore en régime parlementaire). Faire partir le Président ne visait pas à affaiblir la parole parlementaire mais à l'affaiblir, lui. Et le résultat de la réforme a été à la hauteur des espérances de ses promoteurs : la première fois que Monsieur Thiers a recouru à la nouvelle procédure, il a parlé, il est parti (à contrecœur), les députés ont débattu, leur vote l'a mis en minorité et il a démissionné.
Pardon pour ce cours d'histoire; mais si les parlementaires de la FI et du PCF avaient songé à ce précédent, que je crois -à tort ?- le seul pertinent, ils auraient pu éviter de se piéger eux-mêmes et de donner au Président actuel le beau rôle du vrai démocrate qui écoute les critiques et promet de se soumettre humblement à un débat, qui en fait va lui permettre d'étendre le champ de ses pouvoirs.