Vie politique au Mali

[Pullo]

L'Algérie s'inquiéte sérieusement de la situation au Mali, non seulement parce qu'il s'agit d'un pays voisin et/ou qu'AQMI (basée à l'origine en Algérie, dans les forêts de Kabylie) est impliquée, mais aussi parce que l'Algérie a sur son territoire des tribus touareg dans le massif du Hoggar, qui rassemblent environ 1 million de personnes sur les 35 millions d'Algériens. Pour preuve l'interview (au moment de l'enlèvement du consul d'Algérie à Gao) par Le Monde du Premier ministre, Ahmed Ouyahia :
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2 ... _3212.html

Quant à la CEDEAO, elle envisage une intervention militaire :
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2 ... _3212.html

Pas de doute, les Etats africains, enfin ceux du Maghreb et du Sahel, prennent l'affaire au sérieux, et pour beaucoup de dirigeants (dont Ouyahia), l'intervention occidentale en Libye et les troubles au Mali sont directement liés.

[Pullo]

Un commentaire lu sur un billet du blog Africa Nova, à propos de la situation à Gao :

Voici des nouvelles très inquiétantes de Gao, dont on ne parle pratiquement pas dans l’actualité (ni non plus de Kidal d’ailleurs), sans doute par absence de journalistes ou de contacts sur place qui soient dignes de foi. Je suis membre d’une petite ONG (LACIM – http://www.lacim.fr) qui fait du micro-développement et qui a des jumelages à cet effet avec près d’une centaine de villages au Mali. Nous recevons en particulier des informations de nos deux permanents locaux, un à Bamako et l’autre à Gao. La situation régnant à Gao apparaît dramatique. Je reproduis ci-dessous une synthèse des nouvelles en provenance de notre correspondant sur place contacté par téléphone ces tous derniers jours. Le compte-rendu lui-même date d’hier, jeudi 5 avril 2012.

http://afrique.blog.lemonde.fr/2012/04/06/la-rebellion-touareg-proclame-la-secession-au-nord-du-mali/#comment-480

Quant à la junte qui a renversé ATT (toujours introuvable), elle a abandonné le pouvoir sous la pression de la CEDEAO. Le président de l'Assemblée nationale devient chef de l'Etat par intérim, et des élections vont être organisées dans les prochains mois. Avec l'insécurité qui règne, et les déplacements de populations, l'absentention va battre des records...

Article réduit par Zimmer le 07/04/12 à 09 h 47 (voir les règles du forum)

[ploumploum]

Quant à la junte qui a renversé ATT (toujours introuvable), elle a abandonné le pouvoir sous la pression de la CEDEAO. Le président de l'Assemblée nationale devient chef de l'Etat par intérim, et des élections vont être organisées dans les prochains mois. Avec l'insécurité qui règne, et les déplacements de populations, l'abstention va battre des records...

L'accord parle du délai constitutionnel de 40 jours pour organiser le scrutin, encore faut-il que la Constitution soit rétablie.

[ploumploum]

On notera (vous direz ce que vous en pensez) que c'est quand même un beau gâchis cette situation : faire un coup d'Etat pour virer le Président considéré comme incapable de gérer le conflit au nord et se retrouver obligé de céder face à la CEDEAO et au coup de force des rebelles touaregs...

Toujours est-il que ATT est introuvable et que la situation est encore confuse sur la transition du pouvoir par la junte.

[vudeloin]

Surtout que les élections étaient prévues le 29 avril, et qu'ATT n'était pas candidat à sa réélection...
Pour le reste, on peut penser que les partis politiques organisés au Mali (en tout cas dans la partie Ouest Sud Ouest) vont se mettre d'accord sur un fonctionnement provisoire des institutions sous la présidence de quelque autorité type Président de l'Assemblée.
Je crois bien que c'est la première fois qu'un coup d'Etat militaire est ainsi ridiculisé en Afrique, ce qui montre une certaine maturité de la démocratie malienne...
Ceci dit, outre le risque de partition lié à l'avancée de la rébellion targuie, et à l'agitation d'AQMI, notamment autour de Tombouctou, il faut relever que l'armée malienne, bien que formée par la France, ne dispose que de faibles moyens (sept mille hommes équipés avec quelques hélicoptères et des blindés légers) face aux forces islamistes et touareg, ceux ci ayant notamment récupéré une partie de l'arsenal de l'ex armée libyenne de Kadhafi, notamment des missiles sol sol et sol air.
Le danger d'une extension du conflit aux pays comme la Mauritanie, le Niger, le Tchad existe, notamment du fait de la fragilité de ces Etats et de l'incapacité de leurs forces armées à "tenir" leurs frontières sahariennes.

PS d'après ce que j'ai pu lire, un Targui est un nomade du désert saharien, et le pluriel est Touareg.
Pour le reste, en langue berbère originale (les Touareg sont des Berbères), on dit Tamasheq, mot très proche de tamazight, qui désigne le qualificatif "berbère" en berbère, justement...

[Pullo]

Ce que j'en pense, ploumploum, c'est que les Capitaines de Mars (Amadou Sanogo et ses amis) n'ont décidément pas le sens politique des Capitaines d'Avril (Otelo de Carvalho et ses camarades). Sanogo et ses amis ont provoqué ce qu'ils prétendaient éviter, à savoir l'effondrement de l'armée malienne, profondément désorganisée et démotivée, face aux rebelles touareg et AQMI. Je remarque que le putsch a eu lieu un mois avant l'élection présidentielle prévue initialement le 29 avril. Au vu du timing politique, ça pose question. Pourquoi ne pas avoir attendu l'élection du nouveau président ? Est-ce qu'on craignait qu'ATT reporte et/ou truque l'élection ?

Quant à l'Etat de l'Azawad proclamé par les rebelles et qu'aucun pays n'a reconnu, il a peu de chances d'être viable économiquement. Le Mali a déjà du mal à s'en sortir avec l'exportation du coton cultivé dans la vallée du Niger. Pourquoi les rebelles auraient plus de chance, alors qu'on n'a pas (encore) trouvé dans la zone qu'ils contrôlent de matières premières nécessaires à l'économie mondiale (pétrole, uranium, terres rares...) ? Et quid des relations entre les Touareg et les autres peuples qui vivent dans le nord (Maures, Peuls, Sonrhaïs) ? Quand on lit ce commentaire sur Africa Nova, il n'y a pas de quoi être rassuré :

l’Azawad est une terre targui une terre Blanche et le droit de liberté est aussi Targui que il est pour d’autre peuple de se monde.
les Targui sont pas une minorité au Mali car il sont pas au Mali mais en l’Azawad leur pays et la il sont rien d’autre que les seuls fils du pays

Rédigé par : mulud85 | le 05 avril 2012 à 20:25

Blancs, les Touareg ? A côté des Kabyles et des Rifains, Amazighs comme eux, ils sont noirs. Pas autant que les Bambaras, mais autant que les Soudanais du Nord, les Ethiopiens ou les Somaliens. Et pour ceux qui ne sont pas considérés comme "les fils du pays", on fait quoi ? Une purification ethnique ? Un génocide ? Beau symbole, 20 ans après le déclenchement de la guerre en ex-Yougoslavie, et 18 ans après le génocide rwandais...

Pour sortir de l'impasse, les rebelles devront effectuer des clarifications :
1) sur leurs relations avec AQMI (en cours) ;
2) sur les relations avec les peuples voisins, car certains défenseurs de la cause des peuples amazighs, peu nombreux mais bruyants, ont une fâcheuse tendance au dérapage raciste quand il s'agit des Arabes et des Noirs ;
3) sur la question des frontières. On sait que les frontières en Afrique sont presque toutes héritées de la colonisation, et que les Touareg sont dispersés entre la Libye, le Niger, le Burkina-Faso, le Mali et l'Algérie. La création de l'Etat de l'Azawad va obligatoirement impacter les pays cités plus haut, surtout quand les tribus ont eu des conflits avec le pouvoir central, comme au Niger par exemple. Les rebelles croient vraiment que les Etats concernés (et en premier lieu le plus puissant d'entre eux, l'Algérie) ne vont pas faire barrage au mouvement séparatiste ?

[Pullo]

Je crois bien que c'est la première fois qu'un coup d'Etat militaire est ainsi ridiculisé en Afrique, ce qui montre une certaine maturité de la démocratie malienne...

Le capitaine Dadis Camara, en Guinée Conakry, n'était pas mal dans le genre "bouffon malgré lui", avec son clash avec l'ambassadeur d'Allemagne. Sanogo et ses amis se sont ridiculisés en accélérant l'effondrement qu'ils prétendaient éviter. En revanche, je ne serais pas aussi catégorique sur la maturité de la démocratie au Mali. Le putsch n'a même pas déclenché de protestation populaire pour rétablir le gouvernement légitime, comme le coup d'Etat contre Chavez en 2002. Au Sénégal, il y a quelque mois, quand Abdoulaye Wade a essayé de tripatouiller la Constitution pour se faire réelire avec 25% des voix et refiler la présidence à son fils, ça a provoqué des manifestations assez violentes, qui ont fait reculer le Vieux. Au Mali, ça a été la débandade. Le parti d'ATT était aux abonnés absents, et un petit parti représenté à l'Assemblée a même approuvé le putsch et a participé à la manif pro-junte ! :o :shock:

Pour qu'une démocratie vive, les élections sans fraude ne suffisent pas, il faut aussi que les citoyens soient prêts à la défendre. Compliqué quand la survie est la principale priorité. Et ça vaut aussi pour la France...

[ploumploum]

L'accord visant à rendre le pouvoir aux civils comprenait la démission du président renversé, Amadou Toumani Touré. Celui-ci aurait transmis sa lettre de démission. Si c'est véritablement le cas, cela signifie qu'il n'aura pas tenté de revenir, au risque d’aggraver la situation.

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/04/08/97001-20120408FILWWW00170-mali-le-president-toure-demissionne.php

[ploumploum]

C'est une des conséquences directes de l'absence d'une véritable autorité depuis le coup d'Etat : les rebelles Touaregs ont fusionné avec le groupe islamiste Ansar Dine.

et proclamé la création de «l'État islamique de l'Azawad».

Il faudra noter que la semaine dernière, le Président par intérim (Dioncounda Traoré)avait été blessé au cours de l'envahissement du palais présidentiel par des manifestants.

http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/27/01003-20120527ARTFIG00058-nord-mali-la-rebellion-cree-un-etat-islamique.php

[Jean-Philippe]

Alors que la France intervient depuis deux jours, dans le cadre de ses accords militaires avec le Mali et avec un mandat de l'ONU, de Villepin tranche (avec Mélenchon qui est plus nuancé que lui) avec la quasi totalité de la classe politique en montrant son opposition à cette intervention, car pou lui, "aucune des conditions de la réussite n'est réunie".
"Nous nous battrons à l'aveuglette, faute de but de guerre. Arrêter la progression des djihadistes vers le sud, reconquérir le nord du pays, éradiquer les bases d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique, ndlr) sont autant de guerres différentes", ajoute-t-il.

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/01/13/97001-20130113FILWWW00014-mali-villepin-ne-soutient-pas-l-operation.php

Le fait que la France soit en première ligne n'était pas prévu ni souhaité par Hollande au départ, mais la nouvelle offensive sur le sud du Mali a contraint les Français à réagir pour ne pas voir ce qui reste d'institutions maliennes s'écrouler totalement.
Reste la question des objectifs à moyen et long terme ("libérer" le nord ou simplement contenir les islamistes) et de l'implication des militaires français. J'ai l'impression que militairement parlant, cela pourrait ressembler à la campagne d’Afghanistan en 2001 (ou en Libye en 2011), les Occidentaux laissant aux "locaux" la direction des opérations au sol et les appuyant avec les moyens aériens (frappes et renseignement).

Un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui doivent former une force d'intervention au Mali, aura lieu mercredi prochain à Abidjan. "C'est un sommet extraordinaire. Il sera uniquement consacré au Mali", a déclaré Sunny Ugoh, porte-parole de la Cédéao, une organisation de 15 pays.

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/01/13/97001-20130113FILWWW00029-mali-sommet-extraordinaire-a-abidjan.php