de vudeloin » Mer 14 Déc 2011 21:08
Les résultats des élections ivoiriennes ne tombent qu’avec un certain retard, et les sièges d’ores et déjà attribués sont relativement peu nombreux encore.
Sur les chiffres disponibles sur les sites ivoiriens, le RDR d’Alassane Ouattara disposerait d’ores et déjà de 46 élus, devançant le PDCI – RDA, l’ancien parti unique, doté de 34 sièges.
17 sièges reviendraient à des indépendants et 4 au RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix, c'est-à -dire un parti plutôt de droite rassemblant quelques uns des nostalgiques de l’ancien régime).
Il faut dire que les différences politiques entre le RDR de Ouattara, le PDCI et le RHDP sont assez minces, tenant beaucoup plus aux différentes ethnies représentées qu’à une réelle diversité idéologique.
Disons, pour aller vite, que le RHDP, c’est la nostalgie, le PDCI, les nostalgiques « modernistes » groupés derrière Henri Konan Bédié et le RDR, les « modernistes « largement soutenus par l’étranger, vu les fonctions jadis occupées par Alassane Ouattara.
Les résultats, très partiels, sont bien entendu affectés par deux choses.
La première, c’est l’appel au boycott lancé par le Front Populaire Ivoirien (membre de l’Internationale Socialiste jusqu’à il y a peu), le parti de l’ex Président Laurent Gbagbo.
On peut penser qu’il a été entendu dans une certaine proportion.
En effet, 13 des 101 députés élus l’ont été dans des circonscriptions où la participation a dépassé 50 %.
Parmi ces élus, le candidat PDCI de Didievi, élu avec 100 % des voix en étant seul candidat dans une circonscription d’un peu plus de 24 000 électeurs.
Mais aussi le Premier Ministre Guillaume Soro, élu dans la circonscription de Ferkessedougou, située au Nord du pays, où plus de 80 % des 20 000 électeurs auraient voté pour lui à 98,98 %...
Guillaume Soro, chef des milices séparatistes qui ont animé la guerre civile pendant quelques temps, se présentait comme « Politologue » et a pu fêter son élection à l’étranger puisqu’il mène la délégation ivoirienne aux Pays Bas, pour la commémoration du dixième anniversaire de la Cour Pénale Internationale.
Cependant 6 des 13 élus ainsi désignés dans les circonscriptions à participation majoritaire ont été élus au sein des indépendants.
De manière évidente, les députés RDR ainsi élus représentent des circonscriptions du Nord du pays, à la frontière avec le Burkina Faso, tandis que les élus PDCI sont élus dans le pays baoulé, autour de la capitale Houphouetiste de Yamoussoukro, les indépendants représentant en général des régions du Sud.
Le record, dans l’abstention, est atteint par la circonscription de Cocody, dans l’arrondissement d’Abidjan, où moins de 16 % des 214 000 électeurs sont venus voter, avec l’élection de deux députés du PDCI – RDA pourvus d’un peu plus de 15 300 suffrages.
L’absence de véritable choix entre les candidats en présence, à tout le moins pour les trois principaux partis, est également le vecteur de cette abstention massive, que quelques « petits arrangements « avec la légalité (les bureaux de vote seraient, pour partie, restés ouverts dans certains cas, après l’heure de fermeture prévue) n’ont pas pu véritablement corriger.
L’aspect encore fragmentaire des résultats validés par le CEICI (qui ne publie pas de résultats en ligne sur son site, à ce que j’ai pu voir) n’empêche cependant pas de retenir quelques éléments clé.
Le pays compte, ainsi que nous l’avons vu sur la carte de notre ami ardéchois, 205 circonscriptions électorales élisant de 1 (le cas le plus fréquent) à 6 députés.
Ces 205 entités sont elles mêmes regroupées en 32 régions, avec une représentation fort diverse, et assez peu respectueuse de la population électorale.
Ainsi, Abidjan ne désigne que 31 des 255 députés du Parlement, alors même que la population de l’arrondissement de la capitale constitue un ensemble de plus d’1,7 million d’électeurs, soit environ 30 % du corps électoral ivoirien.
Par contre, la région de Kabadougou, située au Nord du pays (présumée favorable au RDR) élit 7 députés pour environ 55 000 électeurs tandis que la région de Grand Bassam, située au Sud, en élit autant pour près de 153 000 électeurs.
La région des Grands Ponts, située près d’Abidjan, avec plus de 100 000 électeurs, ne désigne pour sa part que 4 députés…
Tous les sièges de cette région sont pourvus et le nombre de votants s’est finalement établi à 28 357 électeurs sur 100 847 inscrits, ce qui donne une idée du pourcentage de participation.
Le vote sur Abidjan est relativement avancé et, pour le moment, le RDR l’emporte sur les circonscriptions d’Abobo, d’Adjamé (le quartier natal du footballeur franco ivoirien Basile Boli), du Plateau (quartier plutôt huppé de la ville), de Yopougon, d’Anyama et de Bingerville.
Le tout donnant au total 18 élus au RDR.
Le PDCI, pour l’heure ne l’a emporté que sur la circonscription de Cocody (nous avons vu dans quelles conditions plus haut) et le RHDP, soutenu en fait par les deux autres partis, a fait siens les sièges de Marcory et de Port Bouet.
Ce qui donne deux élus PDCI et quatre RHDP, en sus des 18 élus RDR.
Mais la participation est fort inégale et surtout, globalement assez faible.
Sur les neuf circonscriptions validées, on compte en effet un total de 391 389 électeurs votants pour 1 428 814 inscrits, soit une participation de 27,4 % seulement.
On peut imaginer ce que l’abstention d’un million d’habitants d’Abidjan va donner quant à la participation globale aux élections…
Le RDR se positionne en tête avec 194 816 suffrages exprimés, soit quelque chose comme la majorité absolue, déduction faite des bulletins invalides, mais c’est là une force à relativiser, vu le nombre d’électeurs…
Nous pouvons donc encore attendre quelque peu pour les résultats officiels de ces élections qui s’apparentent tout de même sous bien des aspects à une véritable mascarade, eu égard aux scores atteints par certains candidats et au niveau de la participation.
Ce n’est sans doute pas à l’honneur du Gouvernement français d’avoir ainsi validé ce processus électoral.