cevenol30 a écrit:Le parti "de la U" obtient 25 députés et 14 sénateurs (sur 107 sénateurs), en perte d'un tiers des sièges chaque fois mais même sans guère les connaître, il me semble prématuré de les enterrer...
Je connais ce parti assez bien. Le parti 'de la U' n'est pas un "vrai parti" - c'est un parti sans identité réelle propre, sans idéologie mais plutôt un "parti du pouvoir" crée, à l'origine (en 2005), par des barons libéraux (entre autres) qui soutenaient le président Uribe avec quelques figures d'opinion (Santos, Zuluaga, Marta LucÃa, Gina Parody, Juan Lozano en 2010 etc.). C'était le "parti d'Uribe" (officieusement) jusqu'en 2010-11, il était le "parti de Santos" jusqu'à maintenant, dépendant des 'quotas bureaucratiques' et la 'marmelade'. Particulièrement depuis 2014, le parti est plus une amalgame de différents 'clans' ou 'groupes' politiques régionaux (très évident dans la liste des sénateurs du parti), fortement divisé à l'interne depuis au moins 2016-7 (certains sénateurs, selon certaines sources, ne se parlent plus). Sans Uribe ni Santos, le parti n'a aucun candidat présidentiel -- ils négocient leur appui avec les principaux candidats (principalement entre Vargas et Duque).
Deux choses pourraient sauver le parti, in extremis :
1. la loi colombienne sur les partis est arbitrairement stricte et rigide, avec le "transfuguismo" interdit et la dissolution officielle d'un parti plutôt difficile (mais, à l'initiative du parti, le projet de réforme politique de 2017 incluait, au final, une disposition - controversée - qui aurait permis le "transfuguismo" de façon temporaire, mais la réforme est morte au final)
2. la negotiation d'un soutien en bloc du parti pour un candidat présidentiel avec des chances de victoire (question de maintenir la participation bureaucratique du parti et l'accès aux fonds publics), soit pour Vargas Lleras ou faire volte-face et soutenir le candidat d'Uribe, désormais grand favori, Iván Duque. Mais le parti est divisé sur cette question, et il est probable que les différents 'clans' du parti appuient leurs propres favoris (Dilian est maintenant avec Vargas, Roy Barreras toujours avec de la Calle ou une coalition centriste, des sénateurs de la côte caraïbe sont avec Duque, le clan Gnecco est plutôt avec Vargas pour l'instant, Lizcano est avec Vargas etc.).
Ou simplement de finir comme parti attrape-tout, particulièrement maintenant que le parti poubelle Option citoyenne semble en grande difficulté pour survivre légalement.
Par ailleurs, on notera que des anciens du M-19, guérilla qui avait cessé à la fin de la guerre froide et réintégrés, sont toujours dans le circuit politique, notamment l'ancien maire de Bogota justement, mais étiqueté plutôt au centre-gauche (alors que cette guérilla avait ses bases arrière à Cuba).
Le M-19 avait le soutien, aléatoire, de Cuba, mais c'était une guerrilla 'nationaliste' et 'bolivarienne' crée après le "fraude électorale" contre le général Rojas Pinilla aux élections de 1970, idéologiquement plus hétéroclite et moins typée que les FARC, l'ELN ou l'EPL. L'ELN était, historiquement, la guerrilla d'inspiration 'castriste' ou pro-cubaine. Gustavo Petro est, avec Antonio Navarro (ancien ministre, ancien gouverneur et sénateur) l'ex membre du M-19 le plus connu. Mais certains ex M-19 sont maintenant dans les rangs de la droite : Rosemberg Pabón (directeur du département d'économie solidaire sous le président Uribe) et Everth Bustamante (sénateur du CD battu le 11 mars) notamment.
La fille du dernier commandant du M-19 assassiné par les Castaño en 1990, Carlos Pizarro, a été élu à la Chambre pour Bogotá le 11 mars sur la liste de gauche alternative de Petro (les décents).
Et un dernier mouvement de guérilla, l'ELN, a observé une trêve à l'occasion des élections, ce qui a donné lieu à la réouverture de négociations: http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/ ... -l-eln.php Il est à noter aussi que de petits mouvements de guérilla, probablement des dissidents des FARC, ont repris ou continué près des frontières. Tout cela pèse aussi sur le contexte politique, favorisant peut-être les uribistes même si l'accord de paix indique bien que la répression pure ne fonctionne pas.
Les dissidences et déserteurs des FARC, au nombres chaque fois plus élevés (1,200+ maintenant), montrent surtout l'échec de la stratégie de sécurité territoriale du 'post-conflit' du gouvernement et la mise-en-marche problématique des programmes de réincorporation. Le risque, surtout si la droite revient au pouvoir, est une répétition de la démobilisation partielle/échouée des paramilitaires (2003-6) - et l'émergence par la suite des 'Bacrims' ou néo-paramilitaires.
Il n y aura aucun accord avec l'ELN avant la fin du mandat présidentiel. L'ELN ne démontre aucune réelle volonté de paix, et les négociations continuent seulement question d'assurer que le processus avec l'ELN est "irréversible" quand le prochain président rentrera.