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NOUVEAU SUCCES DE LA GAUCHE APRES LA BOLIVIE ?
13,1 millions d’électeurs (sur 17,4 millions d’habitants) sont appelés à désigner le successeur de Lenin Moreno, 67 ans, qui a décidé l’an passé de ne pas se représenter, sa popularité chutant à 7%, soit la plus basse, tous présidents confondus, depuis le retour de l’Equateur à la démocratie en 1979. Quatre faits majeurs émergent de ce triste mandat :
- La trahison du socialiste Moreno, figure emblématique de l’Alliance pays (AP). Vice-président de Rafael Correa entre 2007 et 2013, avant d’être élu président en avril 2017 avec le soutien de Correa, il pactisera avec le FMI pour mettre en place une politique néolibérale. Un virage droitier qui n’est pas sans rappeler les présidences d’Abdalá Bucaram (1996-1997) et de l’ex-colonel Lucio Gutiérrez (2003-2005), tous deux renversés par une révolte citoyenne de grande ampleur.
- Le mouvement social d’octobre 2019, aiguillonné par la puissante Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur, (CONAIE), contre les mesures d’austérité exigées par le FMI pour accorder des crédits d'un montant de 4,2 milliards de dollards. Cette rébellion fera 11 morts et 1340 blessés.
- La médiocre gestion de la Covid, l’Equateur ayant franchi, le 6 février dernier, la barre des 15 000 morts, ce qui en fait l’un des pays les plus touchés d’Amérique latine.
- La désastreuse situation économique, due pour partie à la pandémie. Le PIB a ainsi dégringolé à - 9%, les cours du pétrole, premier produit d'exportation, se sont effondrés, ce qui a entraîné un doublement de la dette.
Aussi, le scrutin pourrait se traduire par le retour du corréisme au palais de Carondelet (siège de l’exécutif). Un corréisme sans Rafael Correa puisque celui-ci ne peut plus candidater à la présidence, et ce depuis le référendum du 4 février 2018 qui limite à deux le nombre de mandats. Or, Correa en a déjà exercé deux (2009 à 2013 puis 2013 à 2017) depuis la promulgation de la Constitution de 2008 qui réduisait déjà à deux le nombre de mandats avant que Correa n’impose en décembre 2015 la réélection illimitée.
En outre, Correa a dû renoncer à être candidat à la vice-présidence depuis sa condamnation à huit ans de prison, le 7 avril 2020, pour corruption, à l’occasion d’un procès tournant au règlement de compte, qui témoigne de la judiciarisation de la vie politique, à l’image de la Bolivie d’Evo Morales puis de Janine Añez. Une condamnation par contumace, Correa étant installé en Belgique, le pays de son épouse Anne Malherbe, rencontrée au moment où il suivait des études en science économique à l’université catholique de Louvain.
16 prétendants (record en la matière) dont une femme sont en lice. Parmi eux, trois se détachent dans les sondages :
- Andrés Arauz, 36 ans, de souche quiténienne, qui incarne la gauche corréiste à la tête de l’Union pour l’espoir (UNES), coalition regroupant le Mouvement révolution citoyenne (MRC) et le Centre démocratique (CD).
Arauz est un corréiste pur jus pour avoir accompagné son mentor dès le déclenchement de la Révolution citoyenne en 2007. Cet économiste a été, sur de très courtes périodes, deux fois ministre (connaissance et talent humain puis culture). A la différence du chantre du socialisme du XXIème siècle, il n’a toutefois aucun charisme.
Moyenne des sondages : près de 26%.
- Guillermo Lasso, 65 ans, natif de Guayaquil, capitale économique et deuxième ville du pays, également premier port de la côte occidentale de l’Amérique latine.
Lasso est aujourd’hui le leader incontesté et incontestable de la droite équatorienne. C’est la troisième fois qu’il se présente à la présidentielle après 2013 (2ème avec 22,68%) et 2017 (2ème avec 28,09% au 1er tour ; 2ème avec 48,84% au 2ème tour).
Pur produit de la bourgeoisie guayaquilénienne, il est l’un des deux principaux actionnaires de la banque de Guayaquil, la plus importante de la « Perle du Pacifique ». Libéral économiquement parlant, ce partisan de l’Opus Dei affiche des positions conservatrices sur le plan sociétal, s’opposant notamment à la légalisation de l’avortement, quel qu’en soit le motif.
Sur le spectre politique, il fonde en 2012 le Mouvement créer des opportunités (Mouvement Creo). Contrairement aux deux précédentes élections présidentielles, il s’est allié cette fois-ci avec le Parti social-chrétien (PSC) que chapeaute Jaime Nebot, l’inénarrable maire de Guayaquil de 2000 à 2019, battu au 2ème tour de la présidentielle en 1992 et 1996.
Moyenne des sondages : un peu plus de 21%.
- Yaku Pérez, 50 ans, natif de Cuenca, troisième ville de l’Equateur, localisée dans le sud andin.
Un des tous premiers dirigeants indigènes du pays. Ne fut-il pas le président entre 2013 et 2019 de la Confédération des peuples de la nationalité kichwa de l’Equateur (ECUARUNARI), la branche andine de la CONAIE ? A l’avenant, il fut l’une des têtes pensantes du mouvement social d’octobre 2019.
En toute logique, il est soutenu par le Mouvement d’unité plurinational pachakutik (MUPP), bras politique de la CONAIE, né en 1995, à la fois socialiste, indigéniste et écologiste. Opposant farouche à Correa, Pachakutik s’est rapproché ces dernières années de la droite mais aussi de l’AP, l’ex-parti politique de Correa, tombé aux mains de Moreno, suite à leur divorce. Pérez n’a ainsi pas hésité à appuyer en 2017 la candidature de Lasso. De même, les députés estampillés Pachakutik ont fait cause commune à l’Assemblée nationale (parlement monocaméral) avec leurs collègues de l’AP pour s’opposer à la légalisation de l’avortement, même en cas de viol. Ce qui a entraîné de vives tensions entre ces députés et la direction de la CONAIE.
Moyenne des sondages : un peu plus de 12%.
In fine, le socialiste corréiste Arauz misera sur une victoire dès le 1er tour en dépassant les 40%, s’épargnant ainsi un délicat 2ème tour. En revanche, Lasso escompte bien un deuxième tour pour l’emporter sur le fil grâce à une partie des voix que récoltera Pérez.
Pour être élu dès le premier tour, il faut, à l’instar de la Bolivie :
- Soit obtenir la majorité absolus des suffrages exprimés, en l’occurrence 50% plus une voix.
- Soit obtenir 40 % plus une voix des suffrages exprimés, avec un écart d’au moins 10% par rapport au candidat arrivé 2ème.
En cas de ballotage, le 2ème tour se tiendra le dimanche 11 avril.
Non encore officiels, les premiers résultats sont déjà connus.
A tout de suite pour les divulguer !