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Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Forum de discussion consacré aux élections municipales qui seront organisées en France en mars 2020.

Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede SALVAT » Jeu 10 Oct 2019 09:22

On voit nombre d'annonces de listes dites "sans étiquette" à tous niveaux....
"Droite" "Gauche" "Centre" , on ne connaît plus, les électeurs n'auraient pas à s'en préoccuper comme si ces étiquettes engageant ou se réclamant des partis politiques devaient, à force de transparence, s'effacer totalement.
Les partis politiques ont vocation à structurer notre vie politique : les étiquettes affichées sont des repères pour les citoyens qui expriment leur choix en connaissance de cause.
Affirmées différentes mais, selon leur dénomination commune, "pareilles"....voilà à quoi on aboutit : veut-on aveugler le citoyen électeur ?
D'autant que leurs leaders prennent la précaution de nous dire qu'à l'intérieur des listes, il y aurait des sensibilités différentes, ce qui semble logique, chaque individu étant doué de ses propres sentiments, mais, globalement, il y a bien une sensibilité dominante ? Le "Sans étiquette" ne répond pas à l'interrogation.
L'élection est un moment de choix dans un cadre éclairé : dans le clair-obscur qui semble devoir prospérer, la démocratie n'y trouve pas son compte.
Je sais bien que la réparation d'un caniveau ne tient pas à l'étiquette politique des élus...c'est le grand argument à l'appui de cette pratique des "sans étiquette" : la politique municipale tient-elle dans la réparation des caniveaux ? C'est réduire sa mission à bien peu.

Je regrette cette évolution encouragée au plus haut niveau de l'Etat qui aboutira à un affaiblissement des partis politiques qui, constitutionnellement, participent à la structuration de notre vie politique.
La démocratie ne peut qu'en souffrir.
Mais cette opinion est émise par un citoyen qui est attaché à l'Ancien Monde, lequel, candidat dans des listes recouvrant des sensibilités différentes, avait parfaitement accepté et assume qu'elles furent qualifiées de "divers droite" pour l'une en 2001 et "divers gauche" pour l'autre en 2014 puisque ces qualifications correspondaient à leur sensibilité majoritaire respective.
Il n'y avait rien à cacher et ces listes n'étaient pas "sans"......
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede Ramdams » Jeu 10 Oct 2019 10:07

Je souscris en partie à cette analyse. Les partis structuraient mais ils dé-personnifiaient également la politique dans un régime français qui fait la part belle aux égos plutôt qu'aux idées. Maintenant, je pense que c'est un symptôme du déclin de la Ve République et j'y vois le signe avant-coureur d'une nécessité de migrer vers un régime parlementaire si on veut sauver la démocratie représentative.

On ne parle aujourd'hui plus de "partis" mais de "mouvements" (i.e. "En Marche"), avec une différence fondamentale dans le fonctionnement : un mouvement apparaît et disparaît au gré de la mode du moment ; un mouvement nie la démocratie interne là où un parti fonctionne nécessairement par une consultation des adhérents, par le dépôt de motions. Le monde de Macron rejette violemment ce système, considérant que les motions et autres "primaires" amènent la division et le sectarisme, là où, lui, apporterait l'union et la synergie de toutes les forces vives.

Macron, de ce point de vue, a gagné la bataille sémantique et si je rejoins partiellement cette analyse, c'est que les partis ont une lourde part de responsabilité dans l'ascension de l'actuel locataire élyséen, en tardant à montrer des signes de leur probité et de leur respect de leur base électorale. À tel point que les candidats ne recherchent plus l'investiture des partis : le duc Bertrand des Hauts-de-France a ainsi pris ses distances avec LR pour mieux se porter candidat en 2022.

Maintenant, ce qui fait la force du monde de Macron est aussi sa faiblesse : ce monde ne lui survivra pas et au plus tard en 2027 lorsque le président s'en ira avec une retraite à même pas 50 ans et donnera des conférences pour HSBC, les Aurore Bergé et consorts devront trouver une nouvelle chapelle pour laquelle prêcher, l'étiquette "En Marche" sera à jamais démodée.

Là encore j'imagine que les Français ont ce qu'ils méritent. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur museau et n'arrivent pas à transformer une colère en projet constructif qui abolirait les institutions pernicieuses actuelles.
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede pmf » Jeu 10 Oct 2019 11:28

Cher Bertrand,
Tu ne seras pas surpris que je te rejoigne dans ta plainte ou ton affliction au regard d'une addiction croissante à l'appellation " sans etiquette" laquelle ne devrait pourtant pas faire florès dans un pays qui aime le bon vin et se méfie des bouteilles ne comportant pas d'étiquette.
Tu déclares être de l'ancien monde mais, bien que certains m'accolent parfois cette étiquette, je me revendique du Monde politique francais et mondial, un et unique en son genre depuis la nuit des temps de Cléopâtre à Alexandre pour en arriver, et tu ne m'en voudras pas de mes chères références, à Karl Marx et à Pierre Mendès France.
Quant à la critique du mot Mouvement, je la récuse et m'honore d'avoir participé au Congrès de constitution du Mouvement des Citoyens en fin d'année 1992.
En ce début de la décennie 1990, les Partis politiques de gauche subissaient des convulsions, qui du départ du Parti Communiste Français de l'Ami Pierre Juquin, qui des affrontements du très célèbre Congrès de Rennes, et la notion de Mouvement apportait un souffle nouveau, une volonté de s'ouvrir en direction du Peuple.
La très regréttée Madeleine Rebérioux, Historienne Universitaire et Militante infatigable des Droits de l'Homme et de la Démocratie, avec qui je voyageais au milieu de la décennie 1990 vers un lieu où elle donnerait une Conférence à l'invitation d'une Association ayant dans son titre le mot Démocratie, m'avait dit alors de manière prémonitoire que l'Avenir serait aux Mouvements, étant entendu qu'elle entendait la notion de Mouvement comme une rencontre de la Politique avec le Peuple et ce dans l'esprit qui était le sien, celui de l'avénement du Socialisme, celui théorisé par de grands penseurs politiques socialistes, marxistes, gramscistes ou autres.
Le concept de " sans étiquette " est, certes, dans l'air du temps d'un Monde de la Défiance de l'engagement, d'une addiction à la suspicion de n'être pas cru ou pas pur, il ne vivra que le temps d'une..........et je laisse chacun ajouter le membre de phrase qu'il souhaitera.
Le mot Politique survivra à la mode du " sans etiquette" auquel je préfère celui de " sans culotte ", entendu bien entedu au sens du Siècle des Lumières, dont notre présent s'éloigne pour le moins.
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede PhB » Jeu 10 Oct 2019 12:00

Les "sans étiquette" sont néanmoins un moindre mal par rapport aux soi-disant "apolitiques".

Par ailleurs l'étiquette ne fait pas tout, et les électeurs disposent également - et heureusement - des programmes électoraux pour se faire une opinion.

Malgré tout je partage plutôt votre constat désenchanté, notamment quand je vois des listes "apolitiques" ou "sans étiquette" gagner des élections alors qu'elles dissimulent en leur sein des militants très politiques, comme cette liste de Trignac (44) qui a battu le maire sortant communiste avant que ne soient démasqués ses membres adhérents du FN...
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede SALVAT » Jeu 10 Oct 2019 12:22

@ramdams
je te remercie pour les compléments apportés à mon post.
Il en est un que je n'avais pas évoqué : l'aspect momentané des "mouvements" qui apparaissent et disparaissent après un laps de temps variable et n'apportent qu'un repère momentané....surtout s'ils sont en mouvement perpétuel : on le voit aujourd'hui avec les mesures-clins d’œil à telles sensibilités politiques aujourd'hui et à d'autres demain.
Cela contribue à déboussoler le citoyen, réduit au rôle de spectateur d'un pièce de théâtre à plusieurs tableaux qui se croisent.

Le côté pérenne des partis est important avec des responsables désignés et donc responsables ...
J'avais exposé à plusieurs reprises cette conception au niveau voisin de l'Union des Comités de Quartiers de Clermont-Fd que je co-présidais en faisant valoir que les "collectifs", surgis lors de tel ou tel dysfonctionnement ou malaise, et se présentant comme l'alternative du moment aux structures de concertation existantes, avec leur(s) porte paroles improvisés criant d'autant plus fort qu'ils dévoilaient une analyse assez courte du problème rencontré et qu'avec eux "on verrait ce que l'on verrait..." sous les applaudissements de convertis récents à l'action commune jusqu'auboutiste. Généralement, la durée de vie de ces collectifs a été brève et leurs "leaders" ont disparu.

Ces "mouvements", par leur multiplication, contribuent à l'affaiblissement général des structures sociales ou partisanes déclarées, dans le cadre de la démocratie républicaine.

@cher pmf,
j'ai bien lu toutes tes allusions ... j'imagine ton plaisir à les avoir énoncées....comme celle qui, dirigeant une liste DVG - qui était "diverse" - sur laquelle il a été rappelé que j'avais participé (directeur de campagne et candidat)....proclamait, en me fixant, autant que possible, avec bonheur, son admiration pour un ancien Président de la république que tu sais...
Comme à l'époque, je me tairai.

@PhB
plutôt que de se dire "apolitiques", ils devraient se qualifier "d'a-partisans" ou "sans partis" : ce n'est pas euphonique, j'en conviens.

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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede pba » Jeu 10 Oct 2019 14:03

Bonjour à tous,

Je trouve ce débat fort intéressant.
Mais, si je regrette et condamne la dissimulation que représente le"sans étiquette "version sans doute aboutie du divers , lui-même variante du divers droite et divers gauche, je dirais qu'il s'agit d'appellation qui font florès pour les municipales et encore plus, sans doute, pour celles de 2020;
Il est cependant prématuré, la campagne municipale démarrant, de compter d'ores et déjà les points . Comme on dit, c'est " à la
fin de la foire qu'on compte les bouses "; On verra si "in fine "s'il y a tant que celà de sans étiquettes et de divers et, surtout, qui soutient qui . Je prévois que les partis de l'ancien monde et ceux du nouveau donneront soutien, investiture, coup de pouce ou clin d'oeil ... A l'électeur de s'y retrouver, s'il veut s'y retrouver : en effet, on dit volontiers que l'électeur vote pour un homme pour les municipales ;
On n'arrête pas de seriner ce dernier point, ce qui est formellement une contre-vérité : dans les villes > à 1000 habitants, on vote pour la liste et on ne choisit pas le maire, non élu .
(A titre personnel, je plaide , à l'exemple de l'Allemagne, pour une élection directe du maire en m^me temps qu'une élection proportionnalisée du conseil )

On verra donc en 2001 si, pour les départementales, les divers prolifèrent, ce qui m'étonnerait .

Un point important à noter, sur lequel on risque de ne pas être d'accord: la notion de gauche et de droite s'est estompée,, les partis n'ont plus la cote non plus .
Il suffit d'avoir milité, comme vous sans doute : j'ai pour ma part eu plusieurs partis, du centre droit au centre gauche et je suis LREM .
mais, quels sont les traits dominants des uns et des autres, leurs valeurs??? on cherche, encore plus , au niveau local : ce n'est pas au niveau de la commune qu'on réduit la part du nucléaire, qu'on traite plus ou bien l'immigration etc ...
M^me au plan plus national, beaucoup d'idées sont transverses : je suis donc sceptique sur la notion de pérennité des partis .
Le PS de F.MItterand avait-il à voir avec celui de F.Hollande ???? le PCF très pro-nucléaire d'antan est-il le m^me en 2019 ???
Il n'est que de voir les zappings électoraux : combien d'électeurs sont fidèles eu m^me parti d'une élection à l'autre ??
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede SALVAT » Jeu 10 Oct 2019 17:16

Une confusion par syllogisme

un électeur, un citoyen lambda peut changer de parti, de couleur de vote d'une élection à l'autre : cela relève de sa liberté. Qu'un candidat masque son opinion et se propose en "divers" aux suffrages des électeurs relève de la dissimulation surtout s'il change de trajectoire en cours de mandat....LREM n'est constituée, au niveau des élus locaux, que de renégats, opportunistes de haut vol qui auraient pu interroger leurs électeurs avant que d'aller à une soupe d'apparence épaisse ...qui se révèlera un bouillon très clair d'après mes prévisions.

L'élu, ou celui qui cherche à l'être, cherche à capter ou disposer de la confiance d'une part de ses concitoyens : il n'est plus un citoyen "ordinaire" et doit un certain respect à ceux qui lui ont accordé leur confiance ou dont il sollicite la confiance.

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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede pba » Jeu 10 Oct 2019 22:30

SALVAT a écrit:LREM n'est constituée, au niveau des élus locaux, que de renégats, opportunistes de haut vol qui auraient pu interroger leurs électeurs avant que d'aller à une soupe d'apparence épaisse ...qui se révèlera un bouillon très clair d'après mes prévisions.



Comment pouvez-vous, cher BS, être aussi catégorique et caricatural? et déformer la réalité, de ce fait .
"Aller à la soupe "est un lieu commun qui peut, à ce compte là, s'adresser à beaucoup d'élus qui ne sont pas condamnés à être toujours dans le même parti ou qui peuvent n'en avoir plus aucun .

Combien ont changé de partis, si celui-ci ne leur apparaissait plus comme représentant leurs valeurs ? La liste est longue de X.Bertrand à V.Pécresse en passant par S.Coronado, JL Mélenchon etc etc Diriez vous qu'ils sont allés à la soupe .
Est-on un renégat pour autant, un opportuniste de haut vol ???

Je vous parle, et vous le savez très bien, de la spécificité des élections municipales ; celle-ci seront caractérisées par des alliances à géométrie variable, car les élus ne sont pas non plus des machines à suivre aveuglément les consignes telles que l'union de la gauche, l'union de la droite etc ...
Je dis d'abord qu'il y a lieu de savoir ce qu'est la droite et la gauche et, encore plus, ce que ces notions recouvrent au plan local . je dis , ensuite , que les enjeux locaux pour la grande majorité des communes ne recoupent pas les enjeux nationaux .
Ce que vous qualifiez d'opportunisme, de droite ou de gauche ou d'ailleurs, c'est la prise en compte de réalités :
-réalités de ce que sont les partis en 2019, qui doivent se régénérer pour survivre et vivre .Beaucoup découvrent qu'ils sont dans le même parti que des gens avec qui ils ne partagent pas l'essentiel et ce n'est pas de l'opportunisme que d'en tirer les conséquences ...
Je le vois au plan local pour quasiment tous les partis de la gauche à la droite, et même pour certains au sein même de LREM qui se qualifie de "et gauche et droite ".
Fini le temps où on restait dans un parti par fidélité, à des copains , à une ambiance etc... et quasiment toute sa vie On est pas , pour autant "un renégat "
-réalités que les clivages nationaux, eux-mêmes sont en partie dépassés .
Quelques exemples : l'écologie traverse tous les partis, mais les partis ne sont pas unanimement écolo en leur sein (cf les défenseurs du nucléaire sur tout l'échiquier du PS au PCF )
la réforme des retraites du gouvernement suscite de l'intérêt, voire du soutien dans des fractions de la gauche réformiste et du rejet sur la droite
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede Alambic » Ven 11 Oct 2019 10:38

SALVAT a écrit:Ces "mouvements", par leur multiplication, contribuent à l'affaiblissement général des structures sociales ou partisanes déclarées, dans le cadre de la démocratie républicaine.

C'est un débat intéressant. Je crois que nous avons un point de désaccord ici : on peut reconnaître que les mouvements participent à l'affaiblissement des structures sociales et partisanes mais ça me parait être secondaire par rapport au fait que ces mouvements n'émergent et n'ont du succès que dans la mesure où les structures préexistantes sont déjà faibles. Ces mouvements donnent des coups de boutoir dans des édifices déjà fragilisés.

De manière générale, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un affaiblissement général des organisations qui structuraient la vie sociale et qui dictaient, en large partie, les conceptions idéologiques. C'est vrai de l'Eglise catholique, c'est vrai des structures laïques et rationalistes, c'est vrai des syndicats, c'est vrai des partis à forte assise populaire, etc. C'est un phénomène qui n'est certes pas nouveau, qui est probablement déjà très avancé mais dont nous ne découvrons les répercutions pratiques (sur la vie politique en particulier) que de manière progressive. Je pense qu'on peut disserter longtemps des causes du déclin de ces organisations mais qu'au fond, ça n'a que peu d'intérêt pratique dans la mesure où l'essentiel de ces causes sont probablement irréversibles : il y a certes les erreurs de certaines de ces organisations mais surtout, je crois, les conséquences des changements des modes de vie et le fait que, lorsque la politique est structurée autour de deux camps (dont le cléricalisme est l'un d'entre eux), quand un camp s'affaiblit, l'autre finit lui aussi par s'affaiblir faute d'adversaire puissant et clairement identifié. Quoi qu'il en soit, quand la vie publique cesse d'être structurée de manière bipolaire, les anciennes structures continuent d'exercer une influence mais à coté d'elles apparaissaient des mouvements d'opinion qui comblent les trous et qui ne sont pas en capacité d'instaurer à nouveau une dualité structurante (où ils seraient loin des pôles) de manière durable. Soit ce sont des mouvements charismatiques (et le macronisme en est un) et alors ils peuvent être structurants mais dans la mesure où ils sont liés à la personnalité d'un homme et où les structures qui les soutiennent n'ont pas d'assise durable, ils finissent par dépérir relativement rapidement et disparaître. Soit ce sont des mouvements plus profonds et donc potentiellement plus durables mais qui ne vont trouver un écho que dans une partie assez limitée de la population (je pense notamment à des choses comme les mouvements régionalistes, communautaires ou, d'un certain point de vue, l'écologie politique). Et tout ceci génère dans l'opinion un sentiment à la fois de grande fragilité de la vie publique marquée par des mouvements de balanciers au gré de l'apparition et de la disparition des mouvements charismatiques ainsi que par un sentiment de délitement du commun que l'on pensait acquis. Je crois que c'est là où l'on en est et la question qu'on devrait se poser, c'est justement de savoir s'il est possible de régénérer les anciennes structures (et si oui, comment) ou s'il faut créer autre chose qui puisse structurer à nouveau la vie publique - sachant qu'on ne pourra clairement pas uniquement s'appuyer sur les "anciens ressorts". Je pense que les partis du vieux monde (pour parler comme Macron) n'ont pas assez pris conscience de cela : quand je vois qu'à droite, on se raccroche de plus en plus aux racines chrétiennes de la France et de l'Europe comme si on pensait que ça parlait à suffisamment de monde (ça marche aussi à gauche avec les acquis sociaux ou, dans une certaine conception républicaine, les appels à la laïcité ou à l'école), je trouve ça un peu absurde. Mon sentiment, c'est que, si on regarde un peu historiquement comme ce genre de situations se sont réglées (la sortie de ces phases de dislocation), il faut qu'à un moment émerge un mouvement qui, à la fois, doit avoir une dimension charismatique (car il est nécessairement incarné) mais aussi doit avoir une capacité à mettre en place des organisations structurantes et durables - qui pense donc qu'il a un ressort plus profond que le simple intérêt ou la relation personnelle à l'opinion publique. Sur la base de ce critère, on voit bien que le macronisme n'est pas de cet ordre là (il ne sait même pas quoi faire avec son parti...) En attendant, je pense qu'on va être ballotté entre des mouvements charismatiques qui devront leur succès justement à ce rapport à l'opinion mais clairement pas aux mérites de leurs politiques (autrement dit, ça peut beaucoup secouer et il ne va pas forcément en sortir que choses réjouissantes...).

Sur un autre sujet, je voudrais revenir sur les débats autour du clivage droite-gauche. On prétend dans ce qu'on entend (et en particulier chez En Marche) que ce clivage est mort et enterré, dépassé, périmé, que sais-je encore. Je trouve cela absurde : à mon sens (et en partie en lien avec la déstructuration dont je parlais avant), il n'a pas disparu, il s'est démultiplié, ce qui est très différent (et ça n'est d'ailleurs que, comme cela qu'on puisse expliquer que des gens peuvent se dire "et de droite, et de gauche"). Pour moi, il y a essentiellement trois dimensions à ce clivage : une dimension qui va être relative à l'approbation ou le rejet du libéralisme économique (ouverture des échanges, liberté d'entreprendre, valorisation des transformations de cet ordre), une dimension qui va être relative au rapport à l'autoritarisme ou au pluralisme (qu'on peut rapprocher à certains égards du rapport au libéralisme politique) et une dimension qui va être relative à l'opposition entre traditionalisme et rationalisme (qui est, à mon sens, le clivage droite-gauche originel). Précédemment, on avait tendance à avoir davantage une homogénéité dans le positionnement droite-gauche au niveau individuel et, également, à ce que les positionnements sur certains axes (je pense notamment aux deux premiers) soient plus consensuels. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que beaucoup de gens sont centristes sur le 3ème axe mais beaucoup plus affirmés sur les deux premiers.
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Re: Une étape contre la structuration de la vie politique ?

Messagede lostinthemiddle » Sam 12 Oct 2019 18:06

Alambic a écrit: Sur un autre sujet, je voudrais revenir sur les débats autour du clivage droite-gauche. On prétend dans ce qu'on entend (et en particulier chez En Marche) que ce clivage est mort et enterré, dépassé, périmé, que sais-je encore. Je trouve cela absurde : à mon sens (et en partie en lien avec la déstructuration dont je parlais avant), il n'a pas disparu, il s'est démultiplié, ce qui est très différent (et ça n'est d'ailleurs que, comme cela qu'on puisse expliquer que des gens peuvent se dire "et de droite, et de gauche"). Pour moi, il y a essentiellement trois dimensions à ce clivage : une dimension qui va être relative à l'approbation ou le rejet du libéralisme économique (ouverture des échanges, liberté d'entreprendre, valorisation des transformations de cet ordre), une dimension qui va être relative au rapport à l'autoritarisme ou au pluralisme (qu'on peut rapprocher à certains égards du rapport au libéralisme politique) et une dimension qui va être relative à l'opposition entre traditionalisme et rationalisme (qui est, à mon sens, le clivage droite-gauche originel). Précédemment, on avait tendance à avoir davantage une homogénéité dans le positionnement droite-gauche au niveau individuel et, également, à ce que les positionnements sur certains axes (je pense notamment aux deux premiers) soient plus consensuels. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que beaucoup de gens sont centristes sur le 3ème axe mais beaucoup plus affirmés sur les deux premiers.


On peut même rajouter une quatrième dimension dans le cas de la France, celle qui est relative au soutien au souverainisme ou au fédéralisme européen.
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