Bien, je pense qu’il faut que je réponde aux articles de Zanas et Herimene car j’ai manifestement fait mouche et posé un pavé dans une marre.
Tout d’abord je tiens à dire que je suis d’accord avec Zanas sur la mauvaise foi, en effet les média nationaux s’attellent à noyer le poisson en proposant des analyses qui ne prennent en compte que des aspects politico-politiciens. Mais ça fait « genre », donc ils sont contents.
Alors Herimene vous n’aimez pas les donneurs de leçons sans preuve et bien moi non plus. Et pour vous convaincre que je ne suis pas un « rigolo de la kermesse », je vais donc exposer ci-après l’analyse que j’ai conduite sur le canton N°17 du Haut-Rhin, à savoir le canton de Wittenheim.
1) Contexte :
Alors tout d’abord le contexte historique : ce nouveau canton de Wittenheim est la réincarnation de l’ancien bassin potassique. Il s’agit donc de communes ayant un fort passé industriel et dont l’héritage minier est important. Il se compose des communes de Berrwiller, Bollwiller, Feldkirch, Pulversheim, Ruelisheim, Staffelfelden, Ungersheim, Wittelsheim et Wittenheim. Ce canton regroupe les communes du nord de Mulhouse Alsace Agglomération (M2A)
http://www.heberger-image.fr/images/87951_Canton17_M2A.jpg.html2) Méthode
Pour avoir une idée claire de la répartition des votes dans ce canton il nous faut coupler une analyse démographique et une analyse des élections passées en prenant en compte le contexte actuel de la vie politique nationale, alsacienne et locale et ce pour chaque commune individuellement. Je ne présenterai ici que les résultats globaux car sinon l’article risque d’être très long.
3) Démographie
Alors en premier lieu il s’agit de réaliser une analyse démographique du canton. Le but est d’obtenir une répartition de la population par catégories d’âges et par catégories socioprofessionnelles. Afin d’assurer la cohérence des données, j’ai utilisé les chiffres de 2011 qui sont disponibles sur toutes les communes de ce canton.
http://www.heberger-image.fr/images/48771_Cat_sociopro_canton17_68.jpg.htmlhttp://www.heberger-image.fr/images/37367__ges_canton17_68.jpg.htmlVoici les résultats présentés dans les graphiques ci-dessus. On constate à première vue que ce canton est très vieillissant les retraités représentent la catégorie socioprofessionnelle dominante ce qui est confirmé par les tranches d’âges avec une population de plus de 55 ans évaluée à plus de 30% de la population totale soit plus que la population de jeunes de moins de 19 ans (24,3%). Les actifs sont, eux aussi vieillissants, avec une grosse majorité comprise entre 40 et 55 ans. On remarque que les classes d’âges « étudiantes » ne sont pas nombreuses sur le canton mais qu’une nouvelle génération arrive, les moins de 14 ans étant la 2e classe d’âge la plus importante.
4) Comportements électoraux
Ensuite il s’agit d’analyser le comportement électoral des communes du canton. Pour ce faire, j’ai pris en compte le résultat de toutes les élections sauf celles des élections municipales. J’ai volontairement exclu les municipales à cause de leur caractère local et pas assez politisé sur les petites communes du canton. Ces données ne sont donc pas jugées pertinentes car elles ne rentrent pas forcément dans le cadre d’une analyse des sensibilités. On pourra néanmoins les prendre compte de manière empirique pour les 2 plus grosses communes du canton.
http://www.heberger-image.fr/images/96990_R_partition_des_votes_canton17_68.jpg.htmlLe graphique ci-dessus permet de dégager les tendances politiques de l’histoire récente du canton. On constate que, à la surprise générale, la droite traditionnelle est la première force du canton et ce à cause des communes comme Wittelsheim, Berrwiller ou Pulversheim. Le vote de gauche se cristallise autour de la ville de Wittenheim, bastion d’Antoine Homé, maire de cette commune et figure du parti socialiste au niveau du département et de la région depuis quelques mandats. La tendance d’extrême droite s’exprime par un basculement des voix en provenance de l’extrême gauche autrefois très puissante sur ces communes (syndicalisme minier et très forte implantation communiste durant les années de gloire de la potasse de 1945 à 2000), vers l’extrême droite qui se caractérise plus par un vote de contestation et de protestation qu’un réel un vote d’adhésion aux idées du Front National. En témoigne le fait que, pour les départementales 2015, les candidats Frontistes ne sont pas issus du canton de Wittenheim mais sont des parachutés venant du canton voisin d’Ensisheim.
5) Analyse des binômes candidats
Après cette petite analyse du canton il nous faut absolument évaluer les forces en présence en ce qui concerne les élections départementales. Comme cette élection est encore considérée comme étant une élection locale, il convient de prendre en compte les personnalités des candidats ainsi que leur notoriété.
http://www.heberger-image.fr/images/61183_Candidats_canton17.jpg.htmlHonneur à l’unique sortant du canton M. Pierre VOGT, conseiller général représentant le canton de Cernay depuis 2008, il siège au sein du groupe d’opposition au Conseil Général (Intergroupe Socialiste, Développement durable et Indépendants) et a été maire de Wittelsheim de 1995 à 2001. Il se revendique comme un indépendant sans affiliation, cependant on constatera que, déjà en 2008, l’étiquette Divers gauche lui était attribuée. Il s’est allié avec Mme Marie-France VALLAT qui est première adjointe au maire de Wittenheim et membre du Parti Socialiste. Ils se présentent donc logiquement sous l’étiquette DVG.
Sous l’étiquette Divers droite M. Jean-Luc GINDER et Mme Nathalie PORTMANN représentent la droite et le centre sur le canton selon leur site internet. Jean-Luc GINDER est conseiller d’opposition à la ville de Bollwiller, challenger malheureux aux dernières municipales. Il se revendique de la droite libérale, est membre du Parti Radical et membre de l’UMP, il est élu au comité de circonscription de l’UMP 68. Nathalie PORTMANN est issue semble-t-il de la société civile, elle a participé aux élections municipales de 2014 aux cotés de Jean-Luc GINDER. Il semblerait qu’elle ait été secrétaire départementale de l’ancien MoDem Haut-Rhin et est actuellement vice-présidente du MoDem Alsace. Ce qui justifie la précision sur leur slogan « Droite et Centre ».
Pour le Front National Mme Evelyne FUCHS est conseillère municipale Front National d’Ensisheim, élue en 2014 et siège dans le groupe d’opposition FN. M. Ludwig DELEERSNYDER a été candidat sur Ensisheim aux municipales aux cotés de Mme Evelyne FUCHS et est adhérent FN.
Le Front de Gauche est représenté dans cette partie du Haut-Rhin par Mme Nadia PETER-LANTZ, adhérente au parti communiste depuis longtemps. Elle a une grande expérience électorale, ayant participé aux cantonales de 2011 et aux législatives de 2012 sans succès. Elle est actuellement conseillère municipale de la ville de Pfastatt dans le groupe communiste. M. Christophe POUYSEGUR est un parfait inconnu et semble être issu de la commune de Wittenheim.
Nous avons ensuite le binôme des indépendants soutenus par Europe Ecologie les Verts et le Mouvement Ecologiste Indépendant : Mme Bernadette BRENDER-HERT (élue en 2014, membre du conseil municipal de la communes de Wattwiller) et M. Yan FLORY (originaire de Richwiller et président du collectif associatif Destocamine).
Enfin la grande inconnue politique du scrutin, les candidats Unser Land : Mme Ghislaine ROUGE DIT GAILLARD et M. Dominique WURCH tous deux élus en 2014 conseillers municipaux d’opposition de la ville d’Ungersheim.
6) Mise en forme et interprétation des résultats
Après présentation des challengers on constate que sur 6 binômes seuls 3 sont originaires du canton. Nous pouvons ainsi dresser une estimation des chances des candidats en fonction des expériences passées.
La plus grande incertitude réside dans les scores que vont réaliser les candidats Unser Land. N’ayant pas de référence sur les scores des régionalistes sur le canton on se réfère ainsi aux sondages régionaux : entre 12% et 15% des intentions de vote selon le journal L’Alsace. Au vu de la grande incertitude l’intervalle de confiance est large : entre 9% et 16% pour le binôme ROUGE DIT GAILLARD - WURCH.
Les écologistes font en moyenne aux alentours de 5% sur le canton. A ceci près que Yan FLORY étant président de Déstocamine, un courant de sympathie pourrait éventuellement augmenter les intentions de vote notamment sur Wittelsheim. De même que le maire de la commune d’Ungersheim, ayant des attaches écologistes, verrait d’un mauvais œil ses adversaires du conseil municipal triompher pour le compte d’Unser Land, et pourrai ainsi inciter la population à voter pour le binôme écologiste. L’intervalle de confiance se situe entre 3% et 8% d’intentions de vote pour le binôme BRENDER-HERT - FLORY.
En ce qui concerne les candidats du Front de Gauche même si sur le canton de Wittenheim la moyenne se situe aux alentours de 5%, Nadia PETER-LANTZ à toujours fait au dessus de 6% aux dernières élections. De plus il y a encore aujourd’hui un héritage de la période minière notamment auprès des anciens mineurs (n’oublions pas que le canton recompose un espace dominé historiquement par des forces de gauche communiste). L’intervalle de confiance va donc de 5% à 9% pour le binôme PETER-LANTZ - POUYSEGUR.
Les candidats Front National sont les favoris du premier tour c’est indéniable, avec une base solide de 25% en moyenne avec des pointes à 44% comme à Staffelfelden (à mettre en relation avec la proportion de retraités sur cette commune qui est proche des 40%). Le FN risque de frapper fort dès le premier tour. La presse crédite des intentions de vote entre 30% et 35% dès le premier tour. Je pense qu’au vu de la situation du pays et du dégoût ressenti par la population au regard des politiques nationales mises en œuvre, le vote sanction risque d’être important, d’autant plus que l’électorat du FN est un électorat qui se déplace aux urnes. L’intervalle de confiance se situe donc entre 30% et 40% pour le binôme FUCHS - DELEERSNYDER.
Pour le binôme de droite la tâche n’est pas aisée, malgré un socle historique à 30%. La tendance issue des dernières élections européennes place la droite et le centre entre 20% et 25%. Les candidats ne sont pas très connus sur le canton et partent avec l’incertitude de la nouveauté. Toutefois, ayant pris connaissance de leur « programme », il apparaît réaliste et réalisable, ce qui peut faire la différence. Cependant, l’électorat traditionnel de la droite, n’est, à savoir, pas majoritaire sur ce canton ce qui joue en défaveur du binôme. L’intervalle de confiance concernant le binôme GINDER – PORTMANN est large lui aussi entre 15 et 25%.
Pour finir nous avons le binôme du Sortant qui part avec un gros handicap : le Parti Socialiste qui soutient la campagne. Mais qui possède un avantage de poids : la notoriété. D’être composé d’élus en place depuis longtemps (y compris leurs remplaçants) disposant donc d’une visibilité plus importante vis-à -vis de la population et d’un socle ouvrier important qui, traditionnellement, vote à gauche surtout sur la ville de Wittenheim. L’incertitude est relativement grande concernant ce binôme car on ne sait pas dans quelles proportions il sera impacté par son attachement à la gauche – PS et quel est le niveau de popularité des candidats. Les dernières cantonales de M. VOGT ne sont pas représentatives notamment sur Wittelsheim ou il était confronté à l’UMP Guillaume Germain et le maire sortant DVD Denis Riesemann dans une triangulaire de second tour. Donc l’intervalle de confiance pour le binôme VALLAT – VOGT est de 15% à 26%.
En effectuant une lecture de ces estimations il est bien difficile de dire qui va accompagner le FN au second tour. Plusieurs scénarios se dégagent Droite – FN ; Gauche – FN ou une triangulaire Droite – Gauche – FN dans laquelle le FN en sortirait vainqueur.
Il y a un paramètre important que personne n’as pris au sérieux : l’abstention. L’abstention sera selon toute vraisemblance la véritable force qui gagnera lors de ce premier tour. Je donnerai ici l’intervalle de confiance concernant l’abstention : entre 65% et 80%.
Un autre scénario peut être envisagé dans le cas d’une abstention record, celui où aucun candidat n’arrive à remplir la condition pour figurer au second tour à savoir réaliser un score supérieur ou égal à 12,5% des électeurs inscrits. Il se pourrait même que le binôme FN soit le seul à réaliser cette condition ce qui met un terme au débat avec un FN tout seul au second tour.
7) Critiques
Ces estimations sont basées sur une analyse du contexte particulier qui règne sur le canton de Wittenheim qui, au même titre que le Canton Colmar-1, est le plus disputé du département avec pas moins de 6 binômes déclarés. La dispersion des voix due à cette abondance de candidats conjuguée au fait que ce canton soit totalement neuf, sans l’être vraiment, au vu de son passé, rend toute estimation délicate. La présente analyse pourrait encore être affinée en intégrant mieux l’historique des villages en termes de sensibilités politiques, cela nécessiterai néanmoins un travail de terrain plus approfondi.
Verdict le 22 dans les urnes.