La seule fois depuis 1932 qu'il y a eu des élections de listes au niveau national en Allemagne c'était lors des premières et seules (réunification allemande oblige) en République démocratique allemande au printemps 1990, après la Chute du Mur de Berlin, des élections à la proportionnelle intégrale.
Le 18 mars 1990 avaient lieu les dernières et seules élections libres en République démocratique allemande (il y avait eu des élections régionales libres en 1946 dans la zone d'occupation soviétique). Avant les électeurs ne pouvaient pour l'élection des députés de la Volkskammer (parlement unicaméral depuis 1958, la Länderkammer, la Chambre haute représentant les Länder a été supprimée en 1958, les Länder ayant été supprimés en 1952 au nom du "centralisme démocratique") que voter pour la liste du "Front national de l'Allemagne démocratique" (alliance du parti communiste SED et des "Blockparteien" CDU, LDPD, NDPD et DBD sans pouvoir et les organisations de masses pro-communistes).
Je revient aux élections de 1990, les seules législatives libres en RDA et les dernières avant la réunification de l'Allemagne, car il s'agit d'élections vraiment proportionnelles avec des sièges jusqu'à 0,8% au niveau national. Il y avait des listes à l'échelle nationale de la RDA.
https://de.wikipedia.org/wiki/Volkskammerwahl_1990.
Un bon exemple pour des élections proportionnelles (sièges à la Volkskammer):
- CDU (démocrate-chrétien, ancienne Blockpartei parti allié du SED): 40,8%: 163 sièges[*]
- SPD[*][*] (social-démocrate): 21,9%: 88 sièges
- PDS (néocommuniste, successeur du parti dirigeant SED): 16,4%: 66 sièges
- DSU (droite conservatrice): 6,3%: 25 sièges
- BFD (alliance des libéraux, LDPD, ancienne Blockpartei, FDP, DFP): 5,3%: 21 sièges
Bündnis 90 (opposition démocratique): 2,9%: 12 sièges
- DBD (agrarien, ancienne Blockpartei): 2,2%: 9 sièges
- Grüne (verts)/UFV (féministes): 2,0%: 8 sièges
- DA (droite conservatrice): 0,9% : 4 sièges
- NDPD (nationaux-libéraux, ancienne Blockpartei): 0,4%: 2 sièges[*][*][*]
- DFD (ancienne organisation de masse des femmes, pro-communiste avant 1989): 0,3%: 1 sièges
- AVL (opposition démocratique de gauche): 0,2%: 1 sièges
[*] La CDU, la DSU et le DA sont alliés au sein de la conservatrice "Alliance pour l'Allemagne", qui souhaite une réunification rapide des deux Allemagnes.
[*][*] En 1946, l'administration militaire soviétique en Allemagne avait forcé le KPD communiste et le SPD social-démocrate à fusionner au sein du SED, où les communistes staliniens prirent rapidement le contrôle du parti. Parti dirigeant de la RDA jusqu'à la "Wende" de 89.
[*][*][*] Ancienne Blockpartei, à ne surtout pas confondre avec le NPD néonazi de l'Ouest. Le NDPD était certainement parmis les partis de la "Nationale Front", le plus pro-communiste.
Je donne cet exemple, car il s'agit d'un très bon exemple d'élections vraiment proportionnelles. Dans un tel système, même le NPA ou LO auraient eu au moins un élu à l'Assemblée nationale.
Pour rappel, avant 1990, les élections législatives est-allemandes avait lieu sur une liste unique bloquée, celle de la "Nationale Front" (Front national), comprenant le Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), les "Blockparteien" (partis satellites sans pouvoir) et les organisations de masse pro-communiste (dominées par le SED). La répartition des sièges avait lieu avant l'élection. Ce qui donnait ceci:
Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (SED): 127 sièges
Blockparteien:
Christlich-Demokratische Union Deutschlands (CDU): 52 sièges
Liberal-Demokratische Partei Deutschlands (LDPD): 52 sièges
Demokratische Bauernpartei Deutschlands (DBD): 52 sièges
Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NDPD): 52 sièges
Organisation de masses:
Freier Deutscher Gewerkschaftsbund (FDGB, syndicat unique): 68 sièges
Freie Deutsche Jugend (FDJ, organisation de jeunesse): 40 sièges
Demokratischer Frauenbund Deutschlands (DFD, organisation des femmes): 35 sièges
Kulturbund der DDR (KB, ligue culturelle): 22 sièges
De 1950 à 1963 et de 1986 à 1990, la Vereinigung der gegenseitigen Bauernhilfe (VdgB, organisation d'entraide agricole) fut également représentée à la Volkskammer.
Sur le papier, le SED est minoritaire en nombre de sièges, mais obtient toujours l'appui des organisations de masses qui dépendent de lui. Les partis satellites votent toujours avec le SED. Une seule fois, il y eu de l'opposition. Ce fut en 1972, quand les députés de la CDU s'opposèrent à la légalisation de l'avortement. Sinon, les députés de la Volkskammer votent toujours de manière unanime. Comme dans les autres démocraties populaires, les députés ne font qu'appliquer les décision prit par le Comité central du Parti communiste, ici le SED.
Sur le papier, tout à l'air démocratique (système multipartite), mais en réalité les "Blockparteien" n'ont aucun pouvoir. Elles servent seulement à donner une image démocratique au régime communiste et à intégrer les couches autre que la classe ouvrière (le SED étant le parti de la classe ouvrière) au régime socialiste, la CDU pour les chrétiens, le LDPD pour la classe moyenne et les artisans, le DBD pour les paysans et le NDPD pour les anciens nazis et les anciens soldats de la Wehrmacht, puis plus tard les artisans. Depuis 1952 au plus tards, ses partis ne sont plus que démocrates-chrétiens, libéral, nationaliste et agrariens que de nom, mais en réalité des partis communistes. Le même système existait aussi en Pologne et en Bulgarie. Familièrement en RDA, on les appelaient les "Blockflöten") (les flûtes à bec en allemand, celles qui jouent la musique du SED).