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Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

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Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede lostinthemiddle » Sam 6 Juin 2020 17:27

Petit préalable : Je ne fais qu'exprimer mon opinion. Vous êtes en droit d'en avoir une différente de la mienne, mais je demande à ce que cette dernière soit respectée.Je ne suis ni un militant ni un sympathisant du RN

La question du "front républicain" contre le RN s'est notamment posée lors de ces élections municipales :
- à Perpignan (Pyrénées-Orientales), où les listes en dehors de celle du maire sortant arrivé en deuxième position se sont retirées dans le but de "faire barrage" à la liste de Louis Aliot, qui fut aussi le compagnon de Marine Le Pen. En 2014, un scénario similaire s'était réalisé au détriment de ce dernier. Cependant, cette année, je ne pense pas que ça marchera encore.
- à Mantes-la-Ville (Yvelines), où toutes les listes en dehors de celle de Sami Damergy (candidat soutenu par LREM et le MoDem) se sont retirées dans le but d'empêcher la réélection de Cyril Nauth, maire sortant RN. Contrairement à Perpignan, je prévois la victoire de la liste anti-RN (mais une victoire pas très large).

Quelques-uns d'entre vous n'étaient pas d'accord avec cette idée et l'avaient fait savoir dans les forums concernés.

Comme on risque de se retrouver dans des situations similaires aux prochaines élections (départementales, régionales et pourquoi pas présidentielle), j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant d'en faire un sujet séparé sur le forum de Politiquemania.

Personnellement, je ne crois plus vraiment à la pertinence du "front républicain" contre le RN et voici les raisons :
- le RN n'est plus le parti "F comme fasciste et N comme nazi". Vous êtes en droit de critiquer ses propositions sur l'immigration mais ces dernières se rapprochent maintenant de celles que portaient la droite dite républicaine dans les années 1990 (ou alors le RPR et l'UDF étaient des fascistes/pétainistes/néo-nazis et j'en passe...) et je dis ça alors que je suis un fils de "grands remplaçants" algériens .

- le "front républicain" est ces dernières années quasiment toujours offert par la gauche pour permettre la victoire de la droite. A Perpignan, on voit ainsi que les idées de gauche ne sont plus exprimées depuis 2014 au conseil municipal. Ça ne m'étonne pas que leurs potentiels électeurs ne décident de quitter la ville vu que leurs idées ne sont plus défendues dans le débat politique.
La droite "classique" s'en sert aussi bien cyniquement. Si un deuxième tour l'oppose à la gauche, les électeurs du RN se reporteront souvent sur la droite et si un deuxième tour l'oppose au RN, les électeurs de gauche se reporteront sur la droite également. Le "ni-ni" leur permet de gagner à tous les coups, pourquoi s'en priveraient-ils?

Et vu que la droite se rapproche de ses anciennes positions sur l'immigration notamment, on voit apparaître des gens comme Guillaume Larrivé et Valérie Boyer. Si on me demande de voter pour eux pour "faire barrage", je crois que j'irai plutôt apprendre à pêcher (opinion personnelle encore une fois).

- si le "front républicain" avait pu marcher au début, la stratégie de dédiabolisation du RN fait que maintenant, on ne fait que retarder l' "inévitable" (exemples : Hénin-Beaumont et probablement Perpignan cette année). Si j'étais militant d'un parti de gauche (je ne me sens proche d'aucun parti politique à présent et mes votes étaient PS/EELV/LFI), je me dirais plutôt : "De toute façon, le RN gagnera donc autant exister quand même."
L'un d'entre vous disait qu'à c'est mal vu à gauche de ne pas avoir peur du RN à présent et je pense que cette peur est paralysante au point à ne même plus vouloir l'affronter sur le terrain électoral tout en se la jouant antifasciste pour se donner bonne conscience.

- nous avons vu des cas récents où le maintien d'une liste de gauche alors qu'elle était arrivée derrière le RN et la droite au deuxième tour ne provoquaient pas automatiquement la victoire du RN : je pense aux listes PS aux élections régionales de 2016 dans le Grand-Est et en Bourgogne-Franche-Comté (avec même une victoire à la clé pour cette liste qui n'avait que de faibles réserves de voix).

Et vous qu'en pensez-vous?
Dernière édition par lostinthemiddle le Sam 6 Juin 2020 18:32, édité 3 fois.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Ramdams » Sam 6 Juin 2020 17:45

Tout est déjà dit, je partage votre opinion.

C'est également une catastrophe pour le pluralisme, la démocratie, le respect de l'électeur... Étant électeur des Hauts-de-France, je n'ai toujours pas digéré ce duel qu'on nous a imposé entre la droite de Xavier Bertrand qui m'horripile, et le FN en 2015 et en dépit de mes convictions personnelles, j'ai réfléchi à voter pour le FN pour marquer ma désapprobation de cette pratique du "front". Et je me désole à l'idée de retrouver le même cas de figure en mars.

Pour ce que ça vaut, j'ai fait savoir ma désapprobation à des cadres locaux, qui m'ont ou snobé ou rétorqué qu'il comprenait ma position... "mais que d'autres chances se présenteront". Je ne vois pas bien comment en s'auto-excluant pendant 6 ans et en laissant la liste au pouvoir placer ses pions pour une baronnie durable ! À la manière des maires bâtisseurs.

Nous avons de la chance que le RN a globalement fait de mauvais scores pour ce scrutin, ça laisse aux électeurs un choix dans la plupart des villes.

De manière plus urgente, il faudrait abolir le système à deux tours, pour abolir avec lui cette stratégie de front républicain. Et je suis prêt à m'engager pour le premier candidat qui le propose.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Relique » Sam 6 Juin 2020 18:26

Ramdams a écrit:Tout est déjà dit, je partage votre opinion.

C'est également une catastrophe pour le pluralisme, la démocratie, le respect de l'électeur... Étant électeur des Hauts-de-France, je n'ai toujours pas digéré ce duel qu'on nous a imposé entre la droite de Xavier Bertrand qui m'horripile, et le FN en 2015 et en dépit de mes convictions personnelles, j'ai réfléchi à voter pour le FN pour marquer ma désapprobation de cette pratique du "front". Et je me désole à l'idée de retrouver le même cas de figure en mars.

Pour ce que ça vaut, j'ai fait savoir ma désapprobation à des cadres locaux, qui m'ont ou snobé ou rétorqué qu'il comprenait ma position... "mais que d'autres chances se présenteront". Je ne vois pas bien comment en s'auto-excluant pendant 6 ans et en laissant la liste au pouvoir placer ses pions pour une baronnie durable ! À la manière des maires bâtisseurs.

Nous avons de la chance que le RN a globalement fait de mauvais scores pour ce scrutin, ça laisse aux électeurs un choix dans la plupart des villes.

De manière plus urgente, il faudrait abolir le système à deux tours, pour abolir avec lui cette stratégie de front républicain. Et je suis prêt à m'engager pour le premier candidat qui le propose.


Je me souviens très bien de cette campagne. L'été précédant, mon parti avait entamé des discussions avec le PS et avec le PCF. J'avais alors dit à mes camarades que le candidat du PS ne se maintiendrait jamais au deuxième tour, et que si nous voulions avoir une chance de garder une représentation de gauche au conseil régional, il fallait s'allier avec le PCF et essayer d'obtenir 10% (ce qui s'annonçait très difficile, évidemment, mais après tout un bel et honorable objectif).

On m'avait répondu que nous ferions signer au candidat du PS un accord dans lequel il s'engageait à se maintenir au deuxième tour "quoiqu'il advienne". Pierre de Saintignon l'a signé. Je leur ai dit que le PS n'aurait cure de cette signature, mais j'étais minoritaire. J'ai, à titre personnel, refusé de figurer dans cette liste et ai voté pour la liste PCF. Au soir du premier tour, mes camarades avaient beau crier au siège de campagne que l'accord était "signé", Cambadélis et Aubry avaient décidé contre le maintien, Pierre de Saintignon devait se retirer...

On a publié plusieurs texte à ce moment-là pour le maintien, et nous avons appelé à voter blanc au deuxième tour. Le PCF a réussi à réaliser plus de 5% et à être remboursé de ses frais de campagne. L'aventure solo des Verts avec le PG s'est soldé par un échec cuisant sous les 5%. Une alliance de gauche alternative au PS aurait pu, cette année-là, obtenir plus de 10%, se maintenir et être une opposition de gauche qui aurait pu représenter les intérêts des classes populaires du Nord-Pas de Calais et de la Picardie... Un gachis !

Cela dit, Ramdams, je ne pense vraiment pas que la même erreur sera faite en 2021. Il y a des chances que le tête de liste soit Patrick Kanner, et je ne pense pas que ce sera le genre à se désister. Mais c'est simplement une opinion personnelle.


Edit: je n'ai pas tant donné d'arguments ici. Mais pour moi, le plus efficace est le suivant:
- les électeurs de gauche ou de droite qui ont voté pour une liste au premier tour et souhaitent "faire barrage" au second en votant pour la liste arrivée en tête/deuxième derrière l'extrême droit, ils le peuvent (et ils le font contre l'extrême droite ou contre n'importe quelle liste; souvent, aux municipales, les listes arrivées troisième ou quatrième perdent des voix d'un "vote utile" en faveur des deux listes arrivées en tête) ! En se retirant, on ne "permet" pas aux électeurs par exemple de gauche de se rallier à la droite. Ils sont libres de le faire s'ils le souhaitent. Par contre, on les empêche d'être représentés et de voter pour leurs convictions.

C'est ce qu'il s'est passé dans le Grand-est avec Masseret. Certains de ses électeurs ont préféré voter pour la liste de droite (et lui donner d'ailleurs une avance considérable); ceux qui ne comptaient pas faire barrage ont voté pour Masseret et ont pu être représentés. Le retrait n'est AUCUNEMENT un élément qui va permettre le "barrage". C'est un calcul de communication politique, qui vise à se rendre "plus blanc que blanc"et surtout surtout ne pas apparaître comme "faisant le jeu" du FN (la nouvelle frayeur des élites politiques et médiatiques), ce qui est totalement idiot (ou plutôt, ce qui est prendre les français pour des idiots). Si les français veulent éviter que le FN gagne la région Grand Est, ils avaient très bien compris qu'il valait mieux voter pour la liste de droite (mieux placée) que pour la liste de gauche. Et c'est ce qu'ont fait de nombreux électeurs. Ils n'avaient pas besoin de la condescendance d'un Masseret se retirant pour "faire comprendre" aux électeurs qu'il ne fallait pas voter pour eux.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Ramdams » Sam 6 Juin 2020 18:44

Espérons effectivement que la faute ne soit pas réitérée ! 12 ans de mandat pour un Xavier Bertrand qui a totalement détricoté les mesures de l'ancienne majorité régionale, notamment environnementales (au profit de l'industrie et des chasseurs), c'est cher payé pour éviter d'avoir le RN aux commandes... à tel point que le RN apparaît comme un enfant de chœur à côté de la majorité sortante.

Le contexte a changé : la droite se divise maintenant entre LR et LREM et Bertrand tangue entre les deux sans vouloir le soutien de personne. Mais l'union de la gauche n'est pas là : on peut imaginer que EELV surpassera le PS, et que LFI rechignera à jouer cette union. J'ignorais qu'un accord pour se maintenir coûte que coûte avait été signé en 2015, ça rend la situation encore plus déplorable et malhonnête.

Mais si une liste de gauche arrivait devant Bertrand, ce dernier se retirera-t-il ? J'en doute. Toujours est-il qu'on ne prend même pas la peine de prendre en compte les alliances possibles lors d'un front républicain et le 7e secteur de Marseille est un cas révélateur, avec une liste de droite globalement faible mais qui a le seul privilège d'arriver deuxième, devant une gauche qui si elle était unie la dépasserait largement.
Ce qui rend le "front républicain" encore moins viable.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Relique » Sam 6 Juin 2020 19:04

Ramdams a écrit:Espérons effectivement que la faute ne soit pas réitérée ! 12 ans de mandat pour un Xavier Bertrand qui a totalement détricoté les mesures de l'ancienne majorité régionale, notamment environnementales (au profit de l'industrie et des chasseurs), c'est cher payé pour éviter d'avoir le RN aux commandes... à tel point que le RN apparaît comme un enfant de chœur à côté de la majorité sortante.

Le contexte a changé : la droite se divise maintenant entre LR et LREM et Bertrand tangue entre les deux sans vouloir le soutien de personne. Mais l'union de la gauche n'est pas là : on peut imaginer que EELV surpassera le PS, et que LFI rechignera à jouer cette union. J'ignorais qu'un accord pour se maintenir coûte que coûte avait été signé en 2015, ça rend la situation encore plus déplorable et malhonnête.

Mais si une liste de gauche arrivait devant Bertrand, ce dernier se retirera-t-il ? J'en doute. Toujours est-il qu'on ne prend même pas la peine de prendre en compte les alliances possibles lors d'un front républicain et le 7e secteur de Marseille est un cas révélateur, avec une liste de droite globalement faible mais qui a le seul privilège d'arriver deuxième, devant une gauche qui si elle était unie la dépasserait largement.
Ce qui rend le "front républicain" encore moins viable.


Vous avez l'imagination fertile ;) Dans les "Hauts-de-France" (encore une bêtise de la droite), les écolos ne font pas recette. Hormis le fameux 4 et quelques % en 2014 (très loin derrière un PS moribond), et les européennes 2019 où les écolos ont à peine fait 10% dans un contexte pourtant très très favorable, j'ai vraiment un très grand doute à ce qu'ils dépassent un PS qui, à ces municipales, s'est plutôt "relevé". Pour l'instant, je n'ai vu passer que des résultats nationaux avec les étiquettes politiques. Peut-être Laurent de Boissieu ou un autre contributeur du forum travail à une déclinaison par Régions ?

De plus, Kanner est un vrai homme de 'campagne' (dans le sens campagne électorale !) qui saura mobiliser le terrain. Ce ne sera pas l'aubryisme moribond de 2015 (ou de 2020 à Lille)...
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede ChristianC. » Mar 9 Juin 2020 07:54

Parler d'un "front républicain" à propos des 2d tours de Perpignan et de Mantes (et de maints autres auparavant) relève d'abord d'un abus de langage qui revient à dire que l'on "fait front" lorsque l'on se retire purement et simplement du combat . Un vrai "front républicain" consisterait en la constitution d'une liste commune où tous les partis hostiles au RN seraient représentées proportionnellement à leur résultat du 1er tour et se battraient ensemble pour défendre les valeurs supposées à plus ou moins juste titre menacées par le RN.
Cette tactique du "front républicain" par addition des forces "républicaines" n'est naturellement possible que dans le cadre d'un scrutin de liste où les fusions sont possibles d'un tour sur l'autre. Autrement dit nos municipales sont par excellence les élections où ce vrai "front républicain" serait possible.
Pour les élections uninominales, ou avec des listes bloquées, on ne peut pas parler de "front républicain", mais de "désistement républicain", tactique selon laquelle les diverses forces d'un même camp "républicain", divisées entre plusieurs candidats au 1er tour, se retrouvent toutes au 2d derrière celui arrivé en tête contre celui de l'autre camp, supposé moins ou pas du tout "républicain".
Là encore, cela suppose des valeurs communes "républicaines" supposément menacées et par conséquent la réciprocité systématique de tels désistements, quel que soit le candidat du camp "républicain " arrivé en tête au 1er tour. Plus les circonscriptions où se pratique ce désistement sont nombreuses et les situations variées, plus est assurée empiriquement une forme de proportionnalité entre les diverses forces "républicaines" qui profitent du retrait de leurs concurrentes "républicaines".
Ce qui se pratique aux municipales (depuis les années 1990), et s'est aussi pratiqué aux dernières régionales, n'a rien à voir avec tout cela; il s'agit simplement du renoncement au combat de forces de Gauche, au profit des forces de Droite investies de la représentation de tout le camp "républicain" sans qu'elles aient à faire la moindre place ni aux hommes ni aux idées de la Gauche, et sans à peu près jamais lui rendre la pareille.
On ne peut même pas parler d'un marché de dupe, puisque généralement la Droite ne demande rien, ne promet rien, ne négocie rien: la Gauche se retire toute seule comme une grande, sans même imaginer de demander quelque contrepartie que ce soit.
D'où vient ce tropisme de la gauche à se retirer du champ de bataille en lâchant armes et bagages, tout en parant sa capitulation de draperies "républicaines" ? Il pouvait y avoir de vrais fronts ou désistements "républicains" aux débuts de la IIIème République, lorsque républicains modérés et républicains radicaux se déchiraient au 1er tour mais se retiraient les uns en faveur des autres ou se réunissaient au 2d contre les monarchistes encore électoralement puissants (voir le retournement survenu entre les deux tours lors de élections législatives de 1885). Ce schéma électoral s'est ancré dans les consciences politiques françaises et a structuré pratiques et tactiques durant plus d'un siècle. C'est lui notamment qui a permis l'intégration progressive des partis "ouvriers" au camp "républicain" auquel ils n'appartenaient pas vraiment durant les 30 premières années de la IIIème République (même si déjà aux législatives de 1877 on a vu des survivants de la Commune faire voter pour les républicains de M. Thiers contre les monarchistes) : les socialistes ont commencé à se désister en faveur des républicains "bourgeois" lors de l'Affaire Dreyfus contre les nationalistes; les communistes lors du Front populaire contre les Ligues nationales. Après le 2d Guerre les forces anti-républicaines ayant disparu, le "désistement républicain" s'est maintenu plus ou moins systématiquement entre les seuls partis de Gauche, avant que la montée en puissance du Front national n'entraîne la résurrection plus ou moins surjouée du combat en faveur de la "République" contre ses ennemis supposés.
Pas toujours surjouée. En 2002 après le 21 avril j'ai été très frappé par l'attitude de vieux militants du PCF, qui avaient très sincèrement peur d'une victoire de J.-M. Le Pen et qui se sont tout de suite résolu à voter Chirac, sinon sans état d'âme du moins sans hésiter. Il s'agissait de camarades âgés, qui avait connu la guerre voire la Résistance, et pour qui ce vote Chirac (là sans front ni désistement "républicain", du simple fait de la constitution) prolongeait l'union du combat anti-nazi au côté des gaullistes.
Je ne suis pas sûr du tout que cette génération existe encore, mais je pense que son état d'esprit (encore une fois on ne peut plus sincère) a permis aux tactiques de retrait sous le nom de "front" ou de "désistement" de se mettre en place et de se généraliser. Alors qu'en effet actuellement il s'agit pour une grand part d'une posture morale et d'un renoncement à la politique. Et d'une stratégie essentiellement perdante. Cela a été bien dit plus haut.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede nigdugg » Mar 9 Juin 2020 10:12

Le FN est une machine à avaliser le système actuel.
En jouant le 3ème larron il permet aux partis de maintenir leurs mainmises sur la démocratie française.

On agite l'épouvantail et on conserve les baronnies anciennes. Mais il permet désormais aussi de fausser le deuxième tour de n'importe quelle élection. Ainsi, il suffit d'être deuxième face au FN pour bénéficier de l'aval des autres partis éliminés.

Le Front républicain a t il prouvé son efficacité depuis sa mise en place ?

SI on regarde purement sur une question électorale je dirais oui. Si on regarde sur la durée, le FN dans ces zones s'est renforcé jusqu'au point de faire gagner le FN parfois même au premier tour.

La leçon historique à cela consiste à faire un front quand il est nécessaire. Front populaire ou grand arc progressiste : Quand est ce que c'est le moment ?

Certainement pas les élections présidentielles où la candidate fait 23%. Par quelle magie aurait elle pu faire 50%. On nous vend un modèle de front pour forcer le vote du candidat arrivé face à elle et au final on ne donne plus la force d'un front réellement efficace.

Je m'explique pour qu'une chose soit efficace il faut l'utiliser quand elle est réellement nécessaire et avec parcimonie. Je pense que faire du front républicain une norme électorale provoquera une banalisation de celui-ci et légitimera la victimisation du FN qui dira tous pourri.

Le jour où le front sera nécessaire il n'aura plus aucune valeur puisque plus personne n'y croira car déjà testé et vu ce qui a découlé de celui-ci.

Dernier point un Front doit se faire à condition que le candidat élu ne s'asseoit pas sur les spécificités de son élection et qu'il prenne en compte cela.
Or on a des élus qui humilie une partie de leur électeur en croyant avoir eu un blanc seing sur leur politique.

Au final le FN droit dans ses pantoufles a juste à attendre pour voir sa victoire arrivée.

Il faut actuellement veillé à mener les luttes partout où ils sont et faire en sorte d'être présent au quotidien et l'aspect de l'élu local est nécessaire.

Dans le cadre d'élection locale le front républicain est encore plus une stupidité car elle efface les encrages locaux et ne mène à rien. Un élu local est puissant mais de là à bousculer un ordre national il en faut. Combien d'élus locaux peuvent être sous mandat FN au niveau national. Il ne faut pas non plus dramatiser.
Exemple Perpignan si la ville tombe cela ne va pas non plus bouleverser le paysage national. Une image, un symbole c'est bien mais franchement si les perpignanais veulent le FN, il serait vraiment incongru d'aller à l'encontre de leurs volontés.

Pourtant de part mon passé militant antifasciste il m'est difficile de concevoir cela mais on ne lutte pas contre le FN par les élections. C'est les consciences qui faut gagner.
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Etienne92 » Mar 9 Juin 2020 17:00

Sans avoir d'éléments précis en tête, j'ai un souvenir diffus d'une période* où ce concept était utilisé comme un argument pour faire pression sur la droite, en l'accusant de complicité avec le FN si elle ne retirait pas ses candidats arrivés derrière la gauche en cas de triangulaire (et ce à une époque où le FN était souvent plutôt 3e). Le fait pour la gauche de retirer ses propres candidats arrivés derrière la droite étant alors un moyen d'accentuer cette pression pour les autres cas. Ce discours avait beaucoup d'avantages : si le candidat de droite obtempérait c'était une victoire facile, s'il n'obtempérait pas le discours accusateur était tout prêt, et dans tous les cas cela provoquait des divisions à droite.
Cela fonctionnait bien tant que la gauche était plus souvent en tête que la droite, et que les électeurs de droite privés de candidat risquaient peu de se reporter sur le FN (en tous cas pas assez pour que le FN passe devant).
Aujourd'hui cela a tous les inconvénients que vous avez décrits mais j'ai l'impression qu'une génération du PS n'ose pas sortir de ce schéma pour ne pas désavouer ce qu'ils avaient appliqué précédemment.
(*je situerais cette période dans les années 90 principalement, avec sans doute un point culminant vers 97-98, particulièrement au second tour des cantonales qui ont suivi les fameuses régionales, et encore un peu au début des années 2000, mais 2002 a été le premier coup de semonce contre ce concept)
Est-ce mon imagination qui me joue des tours ou est-ce que d'autres contributeurs partagent cette impression ?
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede Marcy » Jeu 18 Juin 2020 09:32

Si l'on se place sur un plan historique, la politique du front républicain marque aussi la volonté à gauche d'empêcher une "union des droites", qui avait été victorieuse lors de la municipale partielle de Dreux en 1983, réalisée sur le terrain des élections étudiantes avec le GUD en 1984 à Sciences Po, entre autres, (on l'a rappelé à Nathalie Loiseau en 2019) et qui s'était encore pratiquée (mais avec moins de succès) dans des départements du sud-est aux législatives de 1988. Pour la gauche il s'agissait alors de souligner que la participation du PCF à l'union de la gauche n'était pas équivalente à celle du FN à une union des droites.

Le soutien du FN à des candidats de droite (en l'occurrence, UDF) lors de l'élection des présidents de conseil régional en 1998 avait suscité un tollé et entraîné un regain de la gauche au deuxième tour des cantonales de 1998. Si le front républicain a fait disparaître la gauche d'assemblées locales il a bien contribué à détacher l'extrême-droite de la droite dite classique, après les hésitations des années 1980 et 1990. Et de fait, le "ni gauche ni droite" du FN/RN a traduit une acceptation par le FN/RN de cet état de fait, même si le FN/RN ne rechigne pas sur les rares possibilités d'alliances locales qui se concluent toujours, à ma connaissance, avec des candidats qui ne sont pas de gauche (je ne mets pas sur le même plan les appels à voter contre des candidats de droite qui - comme ceux à voter contre des candidats de gauche - ne se traduisent pas par des négociations avec le bénéficiaire de ces appels, ce qui est nécessairement le cas dans le cadre d'une fusion de listes).

Par contre, l'idée de réduire l'influence du FN/RN (et de ses idées) par le jeu de la réduction mécanique du nombre de ses élus via le front républicain - indépendamment de la volonté de ne pas avoir un représentant FN/RN - s'est révélée une stratégie peu payante. La question de "l'immigration" (elle n'est pas neutre dans ses termes mêmes, je préfère pour ma part parler de "droits des étrangers") a pris une place considérable non seulement dans le débat politique, mais aussi dans les politiques menées, de plus en plus restrictives pour les droits des étrangers, nonobstant les changements de majorité. Sans parler de l'entrée et du séjour des étrangers en France, certaines prises de position à droite sur l'aide médicale d'Etat, par exemple, montrent à mon sens une certaine porosité idéologique avec l'extrême-droite.

Dans d'autres pays européens de l'ouest du continent l'extrême-droite (ou la droite nationaliste, évitons la querelle de mots pour s'attacher au fond) a en revanche participé au gouvernement (Danemark, Autriche), voire l'a dirigé (je classe la Ligue du Nord dans la famille nationaliste dite d'extrême-droite). L'élection d'un Jair Bolsonaro au Brésil montre aussi que la ligne de fracture droite / extrême-droite, que suppose le front républicain, n'est pas reproductible ni reproduite à l'étranger. Du reste, la droite nationaliste ne forme pas un bloc homogène ; par exemple, les néo-nazis d'Aube dorée ne sont pas assimilables aux séparatistes flamands.
Ces éléments de politique comparée amènent à poser les questions suivantes :
- est-ce que l'extrême-droite au gouvernement a entraîné une application de son programme plus nette qu'en France sur, par exemple, le droit des étrangers (on pourrait prendre comme références d'autres politiques publiques, mais de l'intégration européenne au protectionnisme économique, l'extrême-droite / droite nationaliste n'en a pas le monopole) ?
- qu'est-ce que l'extrême-droite (ce qui renvoie à la différence entre Jean-Marie et Marine) ? L'invention du terme "populisme" en dit assez long pour reformuler une réalité qui a évolué (et aussi au passage y amalgamer d'autres adversaires politiques)
- quel est le danger réel d'extrême-droite sur les libertés politiques et, plus largement les libertés publiques ? Les cas où sa victoire se traduisait par la fin de la démocratie parlementaire (en 1933 en Allemagne, mais aussi dans l'Espagne de Franco) ne correspond apparemment plus aux schémas contemporains, en tout cas en Europe occidentale (je connais moins bien la Hongrie ou le Brésil). Du reste, le RN met aujourd'hui largement l'accent sur la répression des gilets jaunes (entre autres) pour affirmer que les menaces sur les libertés publiques ne viendraient pas tant de lui que du pouvoir actuel.
- dans quelle mesure le front républicain ne traduit-il pas aussi essentiellement la stratégie politique de mouvements voulant occuper une place centrale sur l'échiquier politique ? C'est aujourd'hui le cas en France avec LREM, mais c'est ancien : le radicalisme - de gauche comme de droite - est particulièrement attaché au front républicain.

Des réponses à ces questions, souvent occultées, sont aussi de nature à nourrir un nécessaire débat sur le front républicain, tant sur sa poursuite que sur l'actualisation d'une position politique ancienne à gauche - je pense notamment à l'idée, évoquée sur ce fil de forum, de donner une représentation politiques aux listes qui aujourd'hui se retirent (par une fusion de listes, dans des conditions à définir).
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Re: Pour ou contre le "front républicain" contre le RN?

Messagede PhB » Ven 19 Juin 2020 13:08

La notion de front républicain, en matière électorale (pas lors de coups d'État par exemple), est aussi très liée au mode de scrutin. Le scrutin français majoritaire (ou à forte prime majoritaire, ce qui en fait de facto un scrutin de type majoritaire) à 2 tours pousse à la constitution de fronts "tout sauf XXX" entre les 2 tours. On le voit actuellement avec les poussées d'urticaire de droite et d'extrême-droite contre les candidats écologistes.

Par ailleurs je ne connais pas d'exemple où la participation de l'extrême-droite au pouvoir ne conduirait pas à des politiques attentatoires aux droits et libertés. Que ce soit aux Philippines, en Israël, en Italie, en Russie (je pense qu'on peut à tout le moins classer Poutine dans la catégorie "droite nationaliste") ou ailleurs, les droits voire même la vie des indésirables (opposants, étrangers, journalistes...) pèsent souvent de peu de poids au regard des objectifs de grandeur de l'État et, accessoirement, de maintien au pouvoir de ses dirigeants.
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