de vudeloin » Sam 26 Nov 2011 01:14
Le débat sur le nucléaire, renouvelé après l'affaire de Fukushima, rebondit aujourd'hui dans le cadre de la campagne électorale, après l'exposé des fines controverses entre le PS et EELV sur le sujet.
A vrai dire, la manière dont la question est aujourd'hui posée, notamment par le mouvement écologiste, me semble éviter que le débat puisse se dérouler dans une certaine sérénité et à partir d'une vision systémique digne de ce nom, d'autant que, de l'autre côté, Sarkozy a beau jeu de se poser en défenseur de la filière, sans autre considération.
Aussi, sans vouloir épuiser le sujet, je vais juste me permettre de fournir quelques indications ou idées sur la question.
De très longue date, la France a décidé de développer une filière nucléaire, qui s'est appuyée, faut il le rappeler, à la fois sur une grande entreprise publique de distribution d'électricité (EDF), mais aussi des entreprises de traitement du combustible (Framatome, Cogema au début), comme de fabrication et d'usinage des turbines et de l'équipement des centrales (Jeumont Schneider ou encore la Compagnie électro mécanique et ses usines du Bourget et de la Courneuve, entre autres).
A noter que les activités d'exploitation, de traitement de l'uranium, comme celle de fabrication des équipements ont été groupées, dans une structure verticale intégrée, dans le groupe Areva.
Le développement du nucléaire s'est concrétisé en France par le développement d'une production d'électricité nationale particulièrement significative, puisque 70 % de la production française sont aujourd'hui assurés par cette voie.
Le problème, c'est que les meilleures choses ont une fin.
D'une part, parce que la production nucléaire est productrice de déchets, déchets dits « spéciaux « dont la gestion est d'ailleurs de la compétence directe de l'Etat depuis la loi Barnier sur la protection de l'environnement.
D'autre part, parce que les capacités de production d'uranium ne sont pas extensibles à l'infini, le combustible concerné ayant la particularité de s' épuiser comme le charbon ou le pétrole.
La production de déchets nucléaires a constitué un problème dès les années 70 et a conduit, entre autres, à la mise en avant de la surrégénération (centrale de Creys Malville), qui fut conçue à l'époque comme une possibilité d'utilisation des déchets en vue d'une production nouvelle d'énergie.
A dire vrai, la fermeture du site de Creys Malville a, entre autres conséquences, emporté la perte des milliards de francs investis dans le procédé, sans qu'il ait été possible d'en mesurer la pertinence.
A noter que le mox, qui est aujourd'hui à la base des transferts entre France et Allemagne, est une forme de déchets transformés assez proche de ce qui fut, un temps, traité à Creys.
Pour autant, la France semble avoir choisi la voie de l'enfouissement, pour le moment, notamment sur le site de Bure, aux confins de la Haute Marne et de la Meuse, à partir de lieux de stockage des déchets en très grande profondeur et dans des sols présentant des caractéristiques géologiques spécifiques.
A noter aussi que l'un des problèmes de la production d'électricité par le nucléaire provient du fait que les centrales ne sont utilisées qu'à cet usage, alors même que la chaleur produite pourrait trouver d'autres utilisations que celle de faire tourner quelques turbines et alternateurs...
Ceci dit, il y a une réalité que notre pays doit clairement affronter : celle de la sortie progressive du nucléaire, qui ne peut se concevoir que sur la durée et en ayant pris soin de nous interroger sur notre modèle de fonctionnement social et de développement économique.
Interrompre brutalement ou très rapidement la production nucléaire risquerait évidemment un report modal sur l'usage des énergies fossiles, qui ne sont pas plus pertinentes et préservatrices de l'environnement.
Mais en user et en abuser est aussi inconcevable et sans doute irresponsable.
Développer des alternatives au nucléaire impose, à mon sens, deux choses : ne pas croire que le recours massif à une autre source d'énergie (l'éolien par exemple) suffise à faire la différence.
Tout se passe un peu comme si l'on passait d'une adoration divine à une autre, c'est à dire par exemple, du roi pétrole, au roi uranium et à la fée électricité, pour finir avec le dieu du Vent, peut être...
La seconde chose, c'est que nous devons nous questionner sur notre mode économique.
C'est à dire qu'il va bien falloir, à un moment donné, que nous concevions notamment des modes de transport qui soient économes en énergie en termes de quantités transportées et que nous nous demandions aussi si les consommations d'électricité (essentiellement portées par les activités tertiaires, puis par les activités industrielles et singulièrement électro intensives, faut il le souligner) ne pourraient être un peu plus raisonnées.
Enfin, nul doute que nous devons poursuivre, en même temps que de prévoir une sortie à terme du nucléaire, avec tout ce que cela implique (notamment pour ce qui concerne le démantèlement des centrales), prolonger encore la recherche autant sur les nouvelles sources énergétiques (ITER) que sur la sécurité et la sûreté nucléaires.