lostinthemiddle a écrit:Bonsoir,
J'ai lu attentivement vos messages concernant les élections de mi-mandat 2022. Je souhaiterais avoir un éclairage sur un point précis : il semble de plus en plus difficile voire quasiment impossible pour un candidat républicain de juste reconnaître que Joe Biden est le président légitime des Etats-Unis. Est-ce vraiment le cas ou est-ce juste une caricature?
Je vous remercie d'avance pour vos réponses.
Je dirais que globalement, ce n'est pas une caricature, c'est plutôt vrai, avec de très notables exceptions.
Je dirais que la majorité des républicains qui se présentent à un mandat électif quelconque pour les élections de novembre, défendent en effet la légende selon laquelle Trump aurait gagné l'élection de 2020, et que seules des fraudes massives et généralisées de la part des démocrates ont conduit Biden à être élu.
Mais il y a différents niveaux de "soutiens" à cette théorie du complot (pour laquelle il a été établie sans l'ombre d'un doute qu'elle était fausse : plus d'une soixantaine de jugements juridiques vont dans ce sens, ainsi que des dizaines d'audits et d'enquêtes menées par les parlements locaux, y compris quand les juges et les majorités étaient républicains, la campagne Trump étant incapable de produire le moindre commencement d'un début de preuves). Plus l'état d'élection est rouge, plus l'élu républicain (ou l'aspirant élu) aura tendance à mettre en avant cette thématique pour se faire (ré)élire. Dans les états plus disputés, beaucoup des élus républicains auront plutôt tendance à éluder, histoire de ne pas se mettre à dos la base (afin de ne pas perdre la nomination), tout en ménageant la chèvre et le chou pour la générale. Les RINO du nord-est reconnaissant eux sans problème que Biden a légitimement gagné la présidentielle (eux ne sont pas fous, si ils veulent être réélus il faut qu'ils gardent les faveurs des indépendants et des démocrates centristes).
L'autre haut lieu républicain qui défend nettement moins le mythe de l'élection volée, c'est le groupe républicain au Sénat. Si là aussi vous trouverez quelques trumpistes zélés pour enseigner la bonne parole (Cruz, Hawley...), la majeure partie du caucus républicain du Sénat a eu une passe d'armes assez musclée avec l'ancien président il y a peu concernant l'élection de 2020 et sa validité.
Tout a commencé il y a 2 semaines avec une interview de Mike Rounds, sénateur du Dakota du Sud (un républicain 100% à droite), dans laquelle le sénateur déclarait "l'élection de 2020 était tout à fait régulière, aussi régulière qu'elle pouvait l'être." En plus de cette remarque de bon sens (qui ne fait que suivre la réalité juridique des dossiers en tout cas), Mike Rounds a fait remarquer que Trump était un justiciable comme les autres (correct encore), et que si ce dernier avait commis un crime quelconque, alors la justice pouvait le poursuivre dans le respect de ses droits juridiques et constitutionnels (toujours correct). Et Rounds de conclure qu'il espérait qu'en 2024, le GOP se choisirait pour la présidentielle un autre candidat que Trump.
https://www.politico.com/news/2022/01/0 ... ans-526806Fort logiquement, Trump a réagi publiquement, indiquant qu'il ne "soutiendrait plus jamais cet abruti". Ce à quoi Rounds a répliqué qu'il maintenait ses propos.
https://twitter.com/Phil_Mattingly/stat ... 4688165889Là où le développement était nettement moins attendu, c'est qu'un très grand nombre de collègues sénateurs républicains de Rounds ont pris publiquement la parole pour le soutenir, et déclarer que oui, l'élection de 2020 était légitime dans son résultat.
https://edition.cnn.com/2022/01/11/poli ... index.htmlEt dans le lot, en plus des RINO ou des centristes (Collins, Murkowski...), on trouve McConnell, Cramer, Thune, Capito... Même Johnson, sénateur ultra trumpiste du Wisconsin a déjà publiquement reconnu que l'élection présidentielle avait été tout à fait légitime et régulière dans son état, et que ce dernier avait bien choisi de voter pour Biden à la présidentielle.
https://www.wpr.org/it-was-not-rigged-r ... aud-claimsD'ailleurs là aussi on a de notables exceptions : les élus républicains dans les états disputés de 2020 ayant voté pour Biden et étant en charge des dépouillements dans ces états (Arizona et Géorgie principalement) sont eux aussi vent debout pour dénoncer les accusations de Trump.
Pour résumer, je dirais qu'une majorité d'élus républicains se sentent obligés de soutenir le mensonge de Trump concernant les fraudes électorales de peur de se mettre à dos la base, qui dans sa majorité continue à défendre le discours de Trump. Mais on sent tout de même que plus le temps passe, plus certains s'affranchissent de l'allégeance envers l'ancien président, et certains n'hésitent plus à carrément le défier, c'est notamment le cas de DeSantis, le gouverneur républicain de Floride, qui depuis quelques semaines livre des passes d'armes par médias interposés avec Trump.
https://www.nytimes.com/2022/01/16/us/p ... antis.htmlEt on retrouve aussi parfois ces tensions au niveau des partis républicains locaux, c'est par exemple très saillant actuellement en Idaho.
https://www.politico.com/news/magazine/ ... aho-527190On sent que certains au sein du GOP veulent faire du trumpisme, mais sans Trump. Mais même ceux là ont bien compris qu'il était trop tôt pour frontalement s'opposer à l'ancien président. Beaucoup espèrent qu'il ne voudra pas ou ne pourra pas (il est de plus en plus probable que Trump soit l'objet de poursuites judiciaires, soit à New-York, soit en Géorgie soit au niveau fédéral, voire dans les 3, pour des chefs d'accusation différents dans les 3 dossiers...) se représenter en 2024. Mais là on sort du cadre des midterms je pense.
Pour ces dernières, le GOP préférerait que le sujet central (voire unique) de ces élections soit l'inflation. La carte des "fraudes" électorales n'est peut-être pas la plus porteuse (en tout cas, sur les
run-offs en Géorgie de janvier 2021, ça n'avait pas aidé). Pour rester sur les
midterms, si en novembre Biden est toujours majoritairement impopulaire et que l'inflation est bien le sujet central de ces élections, alors je vois mal comment les démocrates pourraient éviter un vote sanction.
Si l'élection tourne autour des "fraudes" (côté républicain) et de la défense de la démocratie (côté démocrates), cela pourrait être un peu moins compliqué pour les démocrates (si l'inflation pouvait ralentir et Biden retrouver des couleurs ce serait mieux pour eux aussi :) ).
A l'heure actuelle je pense que les républicains sont assurés de récupérer la Chambre, reste à savoir avec quelle marge ? Pour l'heure c'est difficile de se prononcer tant qu'on n'a pas toutes les nouvelles cartes électorales des états pour les districts (certaines ont déjà été retoquées par la justice, c'est le cas en Ohio). Mais il semble qu'on s'achemine tout de même plutôt vers un scénario où il ne restera tout au plus qu'entre 30 et 40 districts réellement disputés (les 400 autres ou presque étant assurés pour un des deux partis).
Pour le Sénat, tant que les primaires ne sont pas passées, c'est là aussi difficile de se prononcer (les chances démocrates y sont moins mauvaises que pour la Chambre, mais c'est loin d'être facile pour autant).
L'autre élément à surveiller sera le thème de l'avortement : si comme c'est plus que probable la SCOTUS remet en cause (tout ou partie) le droit à l'avortement, cela pourrait avoir des conséquences directes et innombrables sur les élections de novembre. Et cela viendrait compliqué grandement l'art déjà subtil des pronostics :).