jean24 a écrit:Bref, comme je l'avais dit, cette élection en Géorgie d'Ossoff est la meilleure nouvelle des démocrates au sénat en 2020, c'est la seule vraie victoire durable qu'ils obtiennent : le Colorado la bascule était presque assurée, ils ont perdu dans des Etats comme la Caroline du Nord ou le Maine et les sièges gagnés en Arizona et en Géorgie sont à remettre en jeu dans deux ans.
Les
Je ne suis pas certain que prendre comme prisme d'analyse des résultats de la séquence électorale les élections futures de 2022 soit la démarche d'analyse la plus éclairante sur ces résultats ?
Certes, Warnock (et Kelly en Arizona) sont élus pour des mandats de "seulement" 2 ans, mais j'ai du mal à dire que voir la Géorgie et l'Arizona envoyer 4 sénateurs démocrates au Congrès ne serait pas une victoire "durable" pour les démocrates.
L'Arizona n'a pas élu 2 sénateurs démocrates depuis les années 1960, la Géorgie n'a pas élu 2 sénateurs démocrates depuis la présidence Truman.
Avant de me projeter sur 2022, j'en suis encore à analyser les résultats de 2020-2021, et, aussi bien en Arizona qu'en Géorgie, c'est franchement inquiétant pour les républicains. Ces 2 états sont désormais très pourpres, et, étant donné leur composition sociologique et leurs évolutions démographiques, je crains que dans la décennie à venir ils ne ressemblent plus à la Virginie et au Colorado (là aussi, voir que le Colorado, la Virginie et le Nevada ont désormais 6 sénateurs démocrates pour les représenter consacre des évolutions préoccupantes dans ces 3 états pour les républicains sur la dernière décennie).
Le fait est là : les démocrates enregistrent un gain net de 3 sièges au Sénat, et basculent le Sénat. Certes, ils auront des majorités courtes dans les 2 assemblées, mais des majorités tout de même. Un trifecta au niveau fédéral, c'est mieux que pas de trifecta.
Pour en revenir aux résultats de la nuit, il y a des résultats réellement terrifiants pour les républicains. On parle beaucoup de DeKalb et Fulton, qui sont des comtés très urbains et très afro-américains (et très libéraux), mais ce ne sont pas ces comtés là qui font le plus mal aux républicains. Le drame pour les républicains se joue dans les comtés de Cobb et Gwinnett, 2 comtés de banlieues nettement plus blancs et moins libéraux, enfin, en théorie. En 2012, Romney avait 12 points d'avance sur Obama à Cobb, et 9 points d'avance à Gwinnett. 8 ans plus tard, les candidats démocrates sont à +12 ou 13 à Cobb et à +20 à Gwinnett (des swings respectifs à D+20 et D+30, en 8 ans, si ça ça ne ressemble pas déjà à une victoire "durable" pour les démocrates, je ne sais pas ce que c'est...). Et on peut faire le même genre de constats sur l'Arizona.
Bien sur que les démocrates peuvent perdre le Sénat en 2022, mais ils peuvent aussi le conserver (déjà parce qu'ils auront sur cette série là peu de sièges en danger, et que les républicains auront eux beaucoup de sièges ouverts dans des états tangents). Mais je pense qu'il est un peu tôt pour de la politique fiction, je vais continuer à parler de 2020-2021 personnellement.
Déjà, quelques constats historiques :
1) c'est la première fois que la Géorgie élit un sénateur noir et un sénateur juif.
2) c'est la première fois depuis 1994 qu'un état voit ses 2 sièges sénatoriaux changer de parti simultanément (à l'époque le Tennessee était passé de 2 sénateurs démocrates à 2 sénateurs républicains le même jour)
3) Ossoff est le plus jeune sénateur élu depuis...Joe Biden en 1973 (si Ossoff suit la trajectoire de Biden, il peut espérer devenir Président des USA dans la décennie 2060 :) )
4) les 2 nouveaux sénateurs élus gagnent là leur premier mandat électif (dans le cas de Warnock, c'est même la première élection à laquelle il participait, Ossoff en est à sa deuxième, après une courte défaite sur un run-off pour un district de la Chambre en 2017)*
5) c'est la première fois que les démocrates font élire un sénateur noir dans le Sud (les républicains l'avaient déjà fait)
Et petite analyse politique :
1) les résultats ne sont pas encore définitifs, mais il fait peu de doute que l'avance des démocrates sera supérieure à l'écart nécessaire pour que les républicains puissent demander un recompte (il faut que l'écart entre les candidats soit inférieur à 0.5 points, ce ne sera le cas dans aucune des 2 élections à priori)
2) les démocrates améliorent les écarts par rapport à Biden dans quasiment tous les comtés de Géorgie, aussi bien les bleus que les rouges
3) rappelons qu'après les résultats du 03 novembre, les candidats républicains faisaient office de favoris pour empocher les 2 sièges (le total des voix républicaines était supérieur aux voix démocrates, et le principe d'un run-off avec une participation inférieure avantage presque toujours les républicains)
A mon sens, 2 personnes sont grandement responsables de ce résultat : Donald Trump (qui depuis le 03 novembre a méthodiquement fait n'importe quoi et savonné la planche des candidats républicains) et Stacy Abrams (qui désormais marche sur l'eau au sein du parti démocrate :) ).
D'ailleurs, là aussi, sur le long terme, une remarque : traditionnellement, depuis une trentaine d'années les démocrates avaient établi comme postulat que seuls des candidats blancs modérés et relativement âgés avaient une chance de l'emporter dans des états du Sud. Si cet adage est loin d'être totalement périmé (il suffit d'aller voir le profil des gouverneurs démocrates en Louisiane et au Kentucky et du sénateur démocrate de Virginie Occidentale), la Géorgie a prouvé au cours des 2 dernières années (j'inclus la courte défaite de Abrams pour le poste de gouverneur en 2018 dans la série) que ce postulat était peut-être un peu passé d'âge ? En tout cas, cela ouvre de nouvelles perspectives de prospection électorale pour les démocrates dans ces états là.
Je me permets aussi une remarque sur une conséquence de ces résultats dont on a peu parlé (et qui aurait plus sa place dans le topic sur la politique américaine au sens large), mais il est désormais acquis que Stephen Breyer, juge libéral à la Cour Suprême va donner dans les mois à venir sa démission. Agé de 82 ans (il fut nommé en 1994 par Clinton), il ne faisait pas mystère de son intention de quitter son siège si les démocrates remportaient la Maison-Blanche et le Sénat, afin d"éviter un scénario à la RBG dans le futur.