Fabien a écrit:Ce que vous évoquez là ne serait pas une "négociation"... mais une capitulation sans condition de la Russie, hautement improbable pour le moment et à horizon prévisible... Une négociation suppose des concessions des deux parties!
Du reste, la seule chose que les deux belligérants ont en commun (avec un anti-communisme plus ou moins virulent, et des tendances autoritaires, évidentes côté russe, mieux dissimulées mais bien réelles côté ukrainien)... c'est qu'ils refusent de fait de négocier. D'un côté comme de l'autre, les préalables posés sont tellement irréalistes qu'ils reviennent clairement à cela. Poutine n'a besoin de personne pour être intransigeant... Zelensky y est franchement poussé par les occidentaux qui l'entretiennent dans la dangereuse illusion d'une victoire totale qui le dispenserait de toute concession, et lui permettrait même de reprendre la Crimée (aux fous!). L'hybris du président ukrainien est désormais telle qu'il se paie le luxe de balayer d'un revers de la main méprisant les plans de paix de pays non-impliqués dans le conflit et pour certains assez influents... Tout cela aboutira vraisemblablement, après épuisement des deux belligérants à un conflit "gelé", après de nombreux morts et destructions inutiles.
En tout cas, je me réjouis pour nos voisins allemands que le débat y soit possible. Chez nous, il existe des dogmes sacrés: Zelensky le "héros", soutien inconditionnel à l'Ukraine dont la victoire totale serait le seul horizon admissible, refus d'envisager des négociations sérieuses avec ce qu'elles supposent de concessions réciproques, escalade assumée du conflit avec la livraison toujours plus massive d'armes toujours plus puissante dont la pertinence est assénée comme une évidence absolue, risque de franchir la frontière mal délimitée de la cobelligérance ignorés ou niés, causes du conflit limitées à la seule volonté impérialiste russe à l'exclusion de toute autre, occultation du double langage du camp OTANien et de son passif des guerres du Kosovo, d'Irak et de Libye, etc. Il n'est autorisé de faire le constat gênant de l'absence d'implication réelle (pas de sanction) ou de la neutralité de la plupart des pays à travers la planète, et non des moindres (Chine, Brésil, Inde, Afrique-du-Sud, etc.) que pour le minimiser et s'en étonner naïvement...
Même des personnalités comme Mélenchon, de tradition "Otanosceptique" et peu réputées pour leur capacité à courber l'échine, osent à peine égratigner ces dogmes du bout des lèvres. Et ceux qui, comme votre serviteur dans le commun des mortels osent ne pas les partager se font un peu l'effet d'être des hérétiques promis à plus ou moins brève échéance au bûcher.
Je ne suis pas forcément ravi de la qualité du débat en France sur les questions de politique intérieure, mais en comparaison de ce sujet, le tableau serait presque idyllique.
J'ai importé cet échange depuis le topic sur la vie politique allemande pour ne pas polluer ce sujet avec des échanges hors sujets.
Je rebondis sur cette éventualité de négociations entre Zelensky et Poutine : du côté de Zelensky j'évaluerais la possibilité de le voir consentir à la chose à moins de 1%, du côté de Poutine j'évaluerais cette possibilité à 0.0000000% ?
Pour que Zelensky accepte l'idée même de négociations (à priori sans aucun préalable de départ ?) avec Poutine à l'heure actuelle, il faudrait que Zelensky soit un de ces hommes d'état ayant une hauteur de vue comme on en voit à peine un par génération ? Il faudrait qu'il y ait en lui du Mandela, du Yitzhak Rabin ou du Gandhi (on notera que le destin de ces hommes là est assez souvent de se faire assassiner ?). Il est le chef d'un état agressé par une puissance étrangère sur son sol depuis plus d'un an, avec de lourdes pertes humaines, un territoire déchiré, des populations déplacées, et des accusations de crimes de guerre contre la puissance attaquante. Comme souvent dans ce genre de cas, le chef de l'état en question a bénéficié d'un mouvement de ralliement autour du drapeau (parce que Zelensky a su incarner l'élan de résistance de son peuple, en ne fuyant pas face à l'avancée russe initiale, il faut au moins lui reconnaitre ça), et, sans prétendre être un grand spécialiste de l'opinion ukrainienne, j'ai tout de même plus le sentiment que les Ukrainiens rêvent à l'heure actuelle plus de résistance et de bouter l'envahisseur russe hors de leurs frontière que d'hypothétiques négociations pouvant éventuellement peut-être déboucher sur un accord de paix aux concessions indéfinies ? Dans ce contexte, j'ai du mal en effet à imaginer que Zelensky puisse être un initiateur de telles négociations où il devrait affronter sans doute le courroux de son peuple et le risque d'être perçu comme un traître ? Le tout à moins d'un an des prochaines élections présidentielles (où mon petit doigt me dit que la situation actuelle garantit sans doute à Zelensky une réélection large ?), et surtout alors que l'armée ukrainienne a pour le moins déjoué la plupart des pronostiques militaires qui, pour beaucoup, ne voyaient pas lors du déclenchement du conflit l'armée russe galérer autant en Ukraine ?
Quant à Poutine, je n'ai là absolument aucun doute que pour lui, l'idée même d'une négociation quelconque est une impossibilité absolue. On est face à un autocrate qui s'est enfermé tout seul dans la situation classique de ce schéma : il s'est lancé dans une guerre extérieure avec un objectif claire (renverser le pouvoir à Kiev, démembrer le pays et installer un régime fantoche pour ce qu'il voudra bien leur laisser). Pour ce genre de personnage dont le pouvoir repose avant tout sur la peur et la crainte, il n'y a guère d'alternative dans ce genre de situation : vaincre ou périr. Et ce n'est ni la tentative (avortée semble t il) de putsch de Prigojine et de ses commandos Wagner ni les difficultés de l'armée russe en Ukraine qui vont aider Poutine à changer d'avis là dessus, bien au contraire, la situation actuelle le met encore plus dans la peau de la bête aculée. Et généralement, dans ce genre de situation, les bêtes aculées négocient encore moins, elles se battent encore plus férocement.
Bref, imaginer qu'il y aurait un espace quelconque pour des négociations à l'heure actuelle entre le pouvoir à Moscou et celui à Kiev relève à mon avis de l'optimisme.
Tant que la situation est celle là au niveau du conflit ukrainien, il ne peut y avoir de changement qu'à 2 conditions : la défaite sans ambiguïté de l'une des deux armées, soit un changement au sein de l'exécutif d'un des 2 belligérants (et, à l'heure actuelle, ma foi, l'assise du maître du Kremlin me parait un poil moins solide que celle du président à Kiev ?).
En tout cas, après plus d'un an de conflit, je donne sans hésiter une très mauvaise évaluation à Poutine quant à la situation : il a réanimé l'OTAN comme jamais (pousser la Finlande et la Suède à rejoindre l'OTAN, il fallait le faire quand même...), ravivé le sentiment anti russe en Europe de l'Est comme jamais, il a prouvé aux yeux du monde que son armée était un tigre de papier (et que sa propagande quant à la renaissance de l'armée russe sous son égide était sans doute un peu exagérée ?), et il vient de nous rappeler à tous que même au sein de ses troupes il y avait de l'espace pour des tendances putschistes.
Et je dois avouer que je ne sais pas ce qui me terrifierait le plus : un Poutine victorieux, ou un Poutine acculé dans ses retranchements ? Sans doute la dernière option, mais comme il s'est acculé tout seul comme un grand...