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La vie politique au Groenland

MessagePosté: Ven 19 Fév 2021 09:48
de Marcy
J'ouvre ce sujet sur la vie politique au Groenland - que j'ai placé dans la catégorie "vie politique en Europe", en raison principalement des liens avec le Danemark de ce territoire bénéficiant d'une autonomie depuis 1979 (élargie depuis 2009), car au plan géographique le Groenland, territoire de plus de 2 millions de kilomètres carré (soit près de quatre fois la superficie de la France) mais peuplé de seulement 56 000 habitants, appartient à la plaque nord-américaine.

Des élections législatives anticipées auront lieu le 6 avril 2021.

Lors du précédent scrutin de 2018, le parti Siumut (indépendantiste, social-démocrate et membre de l'Internationale socialiste) était arrivé en tête avec 27,44 %, obtenant 9 sièges sur les 31 du Parlement monocaméral. Au pouvoir depuis 2013, Siumut avait devancé ses concurrents indépendantistes Inuit Ataqatigiit (indépendantiste, socialiste, membre de l'Alliance de la Gauche verte nordique, au pouvoir de 2009 à 2013), qui avait recueilli 25,78 % des voix et 8 sièges, et Partii Naleraq (indépendantiste, classé comme populiste, favorable à l'indépendance dès 2021), qui avait obtenu 13,55% et 4 sièges. Etaient également représentés au Parlement les Démocrates (unionistes - c'est-à-dire favorable à l'union avec le Danemark, social-libéral : 19,69%, 6 sièges), Atassut (unioniste, libéral-conservateur : 5,96% et 2 sièges), le Parti de la Coopération (en danois : Samarbejdspartiet ; unioniste, social-libéral : 4,11% et 1 siège) et Nunatta Qitornai (indépendantiste, issu de Siumut : 3,45 % et 1 siège).

Une coalition majoritaire (16 sièges sur 31) avait été formée par Siumut (9 sièges), Partii Naleraq (4 sièges), Atassut (2 sièges) et Nunatta Qitornai (1 siège).

Les élections anticipées font suite à la décision controversée d'autoriser la prospection - avant une éventuelle exploitation - de l'uranium à Kuannersuit, dans le sud de l'île : le Premier ministre sortant Kim Kielsen avait donné son aval à ce projet, l'exploitation des importantes ressources minérales du Groenland (uranium, mais aussi terres rares et hydrocarbures) devant lui permettre d'obtenir son autonomie budgétaire vis-à-vis du Danemark, qui est la condition de l'indépendance (Copenhague n'entendant pas maintenir sa subvention budgétaire en cas d'indépendance) ; les opposants regroupent notamment les écologistes et les riverains, dénonçant l'effet d'une exploitation des minerais sur un écosystème fragile. Le projet comporte la construction d'une centrale de cogénération qui entraînerait une hausse des émissions de CO2 du Groenland de 45%. Par ailleurs, la possibilité d'investissements chinois dans le secteur minier est vue avec défiance par une partie de la population - mais aussi par les Etats-Unis, qui disposent de l'importante base militaire de Thulé dans le nord-est du Groenland depuis 1951 (on se souvient que Donald Trump avait proposé l'achat du Groenland en 2019).

L'autorisation de prospection a entraîné le départ de la coalition gouvernementale de Partii Naleraq et le vote par le Parlement d'une motion de défiance le 16 février, la coalition du Premier ministre ne comptant plus que 12 sièges sur 31 au Parlement. Mais Kim Kielsen était également sur la sellette depuis qu'il avait perdu la présidence de son parti en novembre 2020, renforçant les critiques contre sa gestion du pouvoir jugée trop autoritaire.

Les sondages indiquent une percée d'Inuit Ataqatigiit qui, en cas de victoire, devrait abandonner le projet d'exploration de l'uranium.

Mise à jour le 18 mars 2021 : correction d'une erreur sur le nombre de sièges au Parlement, et surtout les partis membres de la majorité parlementaire avant la crise politique de février.

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Jeu 25 Fév 2021 14:45
de VincentLP92
Marcy a écrit:(...) obtenant 9 sièges sur les 11 du Parlement monocaméral.


Merci de cette analyse. Je me permet juste de corriger une faute de frappe : il y a 31 sièges au total au parlement du Groenland.
Et juste pour donner un ordre de grandeur, il y a à peine plus de 40.000 inscrits. Normal que la vie politique de ce territoire autonome ressemble à celle d'une petite COM française.

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Dim 28 Fév 2021 08:44
de Marcy
VincentLP92 a écrit:
Marcy a écrit:(...) obtenant 9 sièges sur les 11 du Parlement monocaméral.


Merci de cette analyse. Je me permet juste de corriger une faute de frappe : il y a 31 sièges au total au parlement du Groenland.
Et juste pour donner un ordre de grandeur, il y a à peine plus de 40.000 inscrits. Normal que la vie politique de ce territoire autonome ressemble à celle d'une petite COM française.


Merci pour la correction de cette coquille : avec 11 sièges (et non 31) le Parlement du Groenland serait sinon un des plus petits du monde (sujet traité par ailleurs sur ce forum).
La comparaison avec les collectivités d'outre-mer françaises est pertinente, ces collectivités étant en principe des territoires d'outre mer de l'Union européenne. A cet égard, le Groenland a pour sa part quitté la CEE (4 décennies avant le Brexit...), suite à un désaccord concernant la pêche, qui reste à ce jour le principal produit d'exportation du pays, en l'absence d'exploitation à ce jour ces mines (à l'exploitation notable des diamants, mais en petites quantités).

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Dim 28 Fév 2021 16:11
de Corondar
Marcy a écrit:Par ailleurs, la possibilité d'investissements chinois dans le secteur minier est vue avec défiance par une partie de la population - mais aussi par les Etats-Unis, qui disposent de l'importante base militaire de Thulé dans le nord-est du Groenland depuis 1951 (on se souvient que Donald Trump avait proposé l'achat du Groenland en 2019).


La "proposition" d'achat du Groenland par les USA à l'initiative de Trump n'a en réalité jamais atteint le statut de proposition réelle. Il a lancé l'idée en l'air ici ou là en 2018-2019 (principalement dans des tweets), initiant un échange public acrimonieux par média interposé entre lui et le gouvernement danois (qui se déclara absolument pas intéressé par la vente du territoire). A l'époque son administration et le porte-parolat de la Maison Blanche avaient semblé surpris et désarçonnés par cette idée, qui ne déboucha donc jamais sur une véritable proposition.
https://theconversation.com/how-donald- ... ark-122160
La tempête dans un verre d'eau déboucha tout de même sur l'annulation d'une visite officielle de Trump prévue au Danemark.
L'administration Truman fit elle réellement une offre officielle, initiant des pourparlers avec le Danemark, qui débouchèrent non pas sur l'acquisition du territoire par les USA mais, en effet, par l'installation de la base militaire de Thulé (dans un contexte de guerre froide contre l'URSS, les USA voulaient à tout prix avoir une base arctique aussi proche des côtes nord de la Russie...).
Du côté américain du dossier, je pense qu'il n'y aurait aucun appétit réel pour une telle acquisition, ni dans l'opinion publique ni au Congrès. Et j'ai pas l'impression que côté danois ou groenlandais on soit plus emballés ?

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Jeu 18 Mar 2021 10:15
de Marcy
Corondar a écrit:
Marcy a écrit:Par ailleurs, la possibilité d'investissements chinois dans le secteur minier est vue avec défiance par une partie de la population - mais aussi par les Etats-Unis, qui disposent de l'importante base militaire de Thulé dans le nord-est du Groenland depuis 1951 (on se souvient que Donald Trump avait proposé l'achat du Groenland en 2019).


La "proposition" d'achat du Groenland par les USA à l'initiative de Trump n'a en réalité jamais atteint le statut de proposition réelle. Il a lancé l'idée en l'air ici ou là en 2018-2019 (principalement dans des tweets), initiant un échange public acrimonieux par média interposé entre lui et le gouvernement danois (qui se déclara absolument pas intéressé par la vente du territoire). A l'époque son administration et le porte-parolat de la Maison Blanche avaient semblé surpris et désarçonnés par cette idée, qui ne déboucha donc jamais sur une véritable proposition.
https://theconversation.com/how-donald- ... ark-122160
La tempête dans un verre d'eau déboucha tout de même sur l'annulation d'une visite officielle de Trump prévue au Danemark.
L'administration Truman fit elle réellement une offre officielle, initiant des pourparlers avec le Danemark, qui débouchèrent non pas sur l'acquisition du territoire par les USA mais, en effet, par l'installation de la base militaire de Thulé (dans un contexte de guerre froide contre l'URSS, les USA voulaient à tout prix avoir une base arctique aussi proche des côtes nord de la Russie...).
Du côté américain du dossier, je pense qu'il n'y aurait aucun appétit réel pour une telle acquisition, ni dans l'opinion publique ni au Congrès. Et j'ai pas l'impression que côté danois ou groenlandais on soit plus emballés ?


Merci pour ces précisions.
Côté danois et groenlandais, les réactions officielles à l'idée lancée par Donald Trump avaient été très négatives. Les Danois considèrent très majoritairement qu'ils doivent amener le Groenland à l'indépendance, et les Groenlandais sont divisés entre maintien de l'union avec le Danemark (position minoritaire) et accession à l'indépendance (majoritaires). Il n'y a pas de réel mouvement d'opinion pour intégrer les Etats-Unis. La proposition de Donald Trump avait toutefois montré que, au regard du ressentiment à l'égard du Danemark dans une partie de la population, un rapprochement privilégié avec les Etats-Unis n'était pas exclu par certain.

MessagePosté: Mer 7 Avr 2021 09:40
de Marcy
Inuit Ataqatigiit (IA, gauche rouge-verte indépendantiste), qui était dans l'opposition, a remporté les élections générales anticipées du 6 avril, mais aura besoin de partenaires pour atteindre la majorité des sièges (16 sièges sur 31). Le dirigeant de IA, Mute Egede, âgé de 34 ans, ancien ministre (matériaux de construction et travail, entre 2016 et 2018), est pressenti pour former le prochain gouvernement ; il s'est engagé à signer l'accord de Paris sur le climat issu de la COP 21. Les unionistes, favorables au maintien du Groenland dans le Danemark, ont fortement reculé, dans un scrutin marqué par une bipolarisation entre les deux principales forces politiques, IA et Siumut .

Inscrits : 41 126
Votants : 27 079 (65,84 %, en baisse de 6 % par rapport à 2018)
Suffrages exprimés : 26 486 (97,81 %)

Inuit Ataqatigiit (indépendantiste, socialiste, membre de l'Alliance de la Gauche verte nordique) :
9 912 voix (37,42 %, + 11,64 %). 12 sièges (+ 4)
Siumut (indépendantiste, social-démocrate, membre de l'Internationale socialiste) :
7 971 voix (30,10 %, + 2,66 %). 10 sièges (+ 1)
Partii Naleraq (indépendantiste, centriste) :
3 249 voix (12,27 %, - 1,28 %). 4 sièges (sans changement)
Démocrates (unionistes, social-libéral) :
2 452 voix (9,26 %, - 10,43 %). 3 sièges (- 3)
Atassut (unioniste, libéral-conservateur) :
1 879 voix (7,09 %, + 1,13 %). 2 sièges (sans changement)
Nunatta Qitornai (indépendantiste, social-démocrate) :
639 voix (2,41 %, - 1,04 %). 0 siège (- 1)
Parti de la Coopération (unioniste, social-libéral) :
375 voix (1,42 %, - 2,69 %). 0 siège (- 1)
Indépendants :
9 voix (0,03 %, + 0,03 %). 0 siège.

Ce scrutin anticipé avait été provoqué par le départ de la coalition gouvernementale autour de Siumut de Partii Naleraq, opposé (de même que IA) à l'exploitation du gisement de Kuannersuit. A Narsaq, près duquel se trouve la mine, IA a obtenu 67,7 % des voix.

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Jeu 15 Avr 2021 20:26
de Marcy
Mute Egede (IA) a commencé les négociations pour former une coalition. Il manque 4 sièges à IA (qui dispose de 12 sièges) pour former une majorité parlementaire.

Les démocrates (3 sièges) ont d'emblée exclu de participer au gouvernement, ce qui est assez compréhensible car je ne vois de point d'accord entre eux et IA sur rien (positionnement politique et vis-à-vis du Danemark, exploitation minière...).

Le 13 avril, Mute Egede a annoncé l'échec des discussions avec Siumut (10 sièges), toujours très divisé entre le chef du parti Erik Jensen et le Premier ministre sortant Kim Kielsen (qui avait été remplacé par Erik Jensen à la tête de Siumut). Mute Egede a imputé l'échec des discussions à ces dissensions internes à Siumut.

Il reste Naleraq (4 sièges) et Atassut (2 sièges). Le premier, indépendantiste, est plus susceptible à mon sens de former une coalition avec IA - d'autant que le renfort d'Atassut seul ne suffirait pas pour atteindre une majorité de 16 sièges. Après la fin des discussions avec Siumut, Naleraq est en position de force pour négocier.

Re: La vie politique au Groenland

MessagePosté: Dim 18 Avr 2021 19:18
de Marcy
Marcy a écrit:Mute Egede (IA) a commencé les négociations pour former une coalition. Il manque 4 sièges à IA (qui dispose de 12 sièges) pour former une majorité parlementaire.

Les démocrates (3 sièges) ont d'emblée exclu de participer au gouvernement, ce qui est assez compréhensible car je ne vois de point d'accord entre eux et IA sur rien (positionnement politique et vis-à-vis du Danemark, exploitation minière...).

Le 13 avril, Mute Egede a annoncé l'échec des discussions avec Siumut (10 sièges), toujours très divisé entre le chef du parti Erik Jensen et le Premier ministre sortant Kim Kielsen (qui avait été remplacé par Erik Jensen à la tête de Siumut). Mute Egede a imputé l'échec des discussions à ces dissensions internes à Siumut.

Il reste Naleraq (4 sièges) et Atassut (2 sièges). Le premier, indépendantiste, est plus susceptible à mon sens de former une coalition avec IA - d'autant que le renfort d'Atassut seul ne suffirait pas pour atteindre une majorité de 16 sièges. Après la fin des discussions avec Siumut, Naleraq est en position de force pour négocier.


IA a formé une coalition gouvernementale avec Naleraq. Atassut apporte un soutien sans participation.
Source : https://www.cbc.ca/news/canada/north/gr ... -1.5991601