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Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Ven 28 Avr 2017 10:30
de Ramdams
Bonjour,

Je me permets d'ouvrir ce sujet pour demander quelques éclaircissements quant à une éventuelle situation où le Président ou la Présidente élu(e) n'obtiendrai pas la majorité à l'Assemblée. Hypothèse probable compte tenu du duel inédit auquel nous serons confrontés dimanche prochain.

On sait qu'en cas de cohabitation, le Président a des pouvoirs très réduits et qu'il a peu de marges de manœuvre pour infléchir sur la politique gouvernementale. Sa seule arme reste la dissolution de l'Assemblée une fois par an. Maintenant, je me faisais les interrogations suivantes :
- Le Président peut-il en pratique soumettre à référendum un projet de loi malgré une majorité parlementaire hostile ? A priori, l'article 11 de la Constitution dispose que le Président peut soumettre un texte à référendum, seulement sur proposition du gouvernement, ce qui serait impossible en cas de cohabitation.

- Le Président peut dissoudre l'Assemblée après avoir consulté les deux chambres qui ne peuvent émettre qu'un pouvoir consultatif dans ce cas. L'article 12 dispose "qu'il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections". Les élections non-anticipées sont-elles exclues de cet alinéa ? Autrement dit, si les élections législatives de juin prochain donnent une majorité hostile au Président, ce dernier peut-il dissoudre l'Assemblée avant le terme des 12 mois ?

- Le Président signe les ordonnances et décrets adoptés en Conseil des ministres. Autrement dit, le Président peut-il bloquer toute ordonnance et tout décret d'application ? Et ainsi, en théorie, condamner le gouvernement à l'immobilisme ?

- Le gouvernement et le Parlement réuni en Congrès peuvent-ils modifier la Constitution sans l'aval du Président de la République ?

Mes questions peuvent paraître un peu naïves mais j'ai des connaissances limitées en droit constitutionnel.

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Ven 28 Avr 2017 14:53
de ploumploum
La Constitution : la lettre et l'Esprit...

Sur le 2ème point (la dissolution), on a eu une discussion il y a quelques temps (je ne sais plus où) où il était indiqué qu'une dissolution était possible au bout de quelques mois (dissoudre après un renouvellement normal rentre dans le cadre de l'article 12)

Sur le 3ème point (ordonnances), il peut les bloquer. Mitterrand avait fait de même en 1986 et Chirac, respectueux de l'interprétation gaulliste du pouvoir présidentiel, avait été contraint de passer par la voie normale (loi devant l'AN)

Reste la question du blocage total via un refus de signatures. Certes, l'article 5 :
« Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État.

Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. »


fait du Président le co-gardien du respect de la Constitution mais un refus total peut-il être un motif suffisant pour lancer la procédure de destitution ?

Sur le 4ème point (révision constitutionnelle) :
théoriquement, le Parlement partage l'initiative de la révision avec le Président. Problème : même si le projet est adopté en termes identiques par les deux Chambres et qu'il peut donc être soumis au référendum (critère obligatoire de validation pour une initiative parlementaire), le Président peut y mettre son veto en refusant de signer le décret de convocation des électeurs.


P-S : sur le site de l'AN, il existe une fiche de synthèse sur le Président de la République. C'est assez détaillé. (voir le II/ les pouvoirs)
http://www2.assemblee-nationale.fr/deco ... republique
http://www2.assemblee-nationale.fr/deco ... republique

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Ven 28 Avr 2017 18:04
de Ramdams
Merci pour votre réponse à mes questions. Le Président aurait donc plus qu'un rôle cérémoniel en cas de nouvelle cohabitation, il dispose d'un certain droit de veto qui en tait le nom.

Vous n'êtes pas revenu sur ma première question, ce qui suppose donc que le président ne peut organiser de référendum à sa seule initiative. Je trouve ça d'ailleurs un peu curieux puisque cela sous-entend que les seuls référendums qui peuvent être soumis au peuple sont ceux pour lesquels le Parlement (et donc le gouvernement auquel il a accordé sa confiance ou tout du monde contre lequel il n'a pas manifesté sa volonté de le censurer) a déjà donné son accord implicite. C'est encore plus vrai pour les référendums organisés en vertu de l'article 89.

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Ven 28 Avr 2017 20:01
de ploumploum
Ramdams a écrit:Merci pour votre réponse à mes questions. Le Président aurait donc plus qu'un rôle cérémoniel en cas de nouvelle cohabitation, il dispose d'un certain droit de veto qui en tait le nom.

Vous n'êtes pas revenu sur ma première question, ce qui suppose donc que le président ne peut organiser de référendum à sa seule initiative. Je trouve ça d'ailleurs un peu curieux puisque cela sous-entend que les seuls référendums qui peuvent être soumis au peuple sont ceux pour lesquels le Parlement (et donc le gouvernement auquel il a accordé sa confiance ou tout du monde contre lequel il n'a pas manifesté sa volonté de le censurer) a déjà donné son accord implicite. C'est encore plus vrai pour les référendums organisés en vertu de l'article 89.


Globalement, le scénario que vous décrivez ici ou dans votre message précédent, nous fait entrer dans des domaines du droit constitutionnel peu visités jusqu'à présent.

J'ai toujours un doute sur l'usage de l'article 11 à cause de "sur proposition du Gouvernement" mais j'aurais tendance à penser comme vous, à savoir qu'en cas de cohabitation stricte, il serait impossible pour le Président d'utiliser le référendum sans l'avis favorable du Gvt.
Bon après, le refus de la part d'un Gvt serait assez compliqué à justifier politiquement. (Même chose dans le sens inverse à savoir quand le Président refuserait de convoquer les électeurs)

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Jeu 4 Mai 2017 23:14
de Corondar
Notons que si jamais on avait un Macron élu en mai et une assemblée opposée (de droite plutôt...) en juin, on serait dans une cohabitation aux enjeux et interprétations radicalement différentes des précédentes. Ici on aurait bien 2 pouvoirs distincts et légitimés de manière quasi identique et simultanée à exercer leur mandat. Les précédentes cohabitations étaient moins conflictuelles et plus faciles à lire en terme de légitimité (puisque le président et l'assemblée étaient élus à des moments différents, avec des enjeux différents).
Pour que ça fonctionne ici il faudrait certainement que le président élu et le premier ministre soient extrêmement souples et conciliants. On serait sur une cohabitation très différente des précédentes.
Mais tout cela est une vue de l'esprit et dépendrait grandement du visage de l'assemblée élue en juin.
Concernant l"initiative référendaire, comme le rappelle Ploumploum, on est là sur des éléments peu décortiqués jusqu'à présent par les constitutionnalistes. Une lecture permettant un referendum d'origine plus présidentielle ne serait peut-être pas totalement impossible ? En tout cas, dans une configuration de ce genre, le CC aurait certainement du pain sur la planche :).

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Mer 17 Mai 2017 14:50
de cevenol30
Pour la dissolution, on l'avait vu, rien n'interdit au Président de dissoudre immédiatement l'Assemblée si elle ne convient pas. L'article dit simplement qu'il faut au moins un an entre deux dissolutions. Par contre, l'Assemblée élue après dissolution l'est normalement pour un mandat de 5 ans (ex. 1962-67 et 1997-2002).

Cette dissolution immédiate ne serait d'ailleurs en pratique pas tant dans le cas d'une cohabitation claire (refaire des élections qu'on vient de perdre est rarement une bonne idée, sauf si le résultat est une surprise peut-être, sinon il a vocation à être répété) que dans celui d'une majorité introuvable d'emblée.

Le référendum "article 11" a besoin de l'appui du gouvernement mais pas du Parlement. C'est ainsi (il me semble) que de Gaulle a pu faire poser la question de l'élection au suffrage direct. Le Parlement, enjambé, avait d'ailleurs réagi en censurant le gouvernement. Et le Président avait dissout l'Assemblée et re-nommé le même Premier Ministre...

Re: Une nouvelle cohabitation ?

MessagePosté: Jeu 18 Mai 2017 14:03
de ploumploum
cevenol30 a écrit:Le référendum "article 11" a besoin de l'appui du gouvernement mais pas du Parlement. C'est ainsi (il me semble) que de Gaulle a pu faire poser la question de l'élection au suffrage direct. Le Parlement, enjambé, avait d'ailleurs réagi en censurant le gouvernement. Et le Président avait dissout l'Assemblée et re-nommé le même Premier Ministre...


En cohabitation pure et comme je l'ai dit un peu plus haut, l'usage de l'article 11 doit se faire en accord avec le Gvt et donc implicitement avec la majorité qui le soutient à l'AN.

ET effectivement l'exemple de 62 montre que même en cas de "majorité présidentielle", le risque zéro (du conflit des pouvoirs) n'existe pas : le Parlement peut "voter" sur l'usage du référendum.