de Chaban » Dim 7 Mar 2021 13:22
La question principale à poser est celle de savoir si ces régionales auront plutôt les caractéristiques d’un scrutin local ou plutôt celles d’un scrutin national. Je ne suis pas certain qu’à ce stade de la pré-campagne nous puissions y répondre avec certitude.
Le pari du RN et de LREM consiste à mener une campagne nationale en s’appuyant sur le scrutin proportionnel. Comme pour les européennes de 2019 où le Président Macron était intervenu très tardivement pour donner un coup de pouce très efficace à la liste de la majorité présidentielle. Le casting même de leurs candidats têtes-de-listes le démontre, certains des RN étant des « nomades politiques » sans implantation locale claire, tandis que des marcheurs se présentent sans aucune notoriété (ni nationale ni locale) même lorsqu’ils sont secrétaires d’Etat. Ils feront exclusivement campagne sous les bannières de Macron et Le Pen. D’ailleurs, le RN est opposé à l’existence même des régions (le parti se revendique départementaliste) tandis que LREM, même avec une culture girondine à sa naissance, apparait de plus en plus comme un mouvement coupé des territoires et devenu franchement hostile à la décentralisation, à la différence de son allié Modem.
Mais cette stratégie nationale est en réalité fragile et incertaine. Elle explique largement les sondages régionaux auxquels certains dans le forum ne croient pas et auxquels personnellement je prête de la crédibilité car ils prolongent une dynamique constatée aux municipales de 2020. Il y aura forcément une dimension locale dans ce scrutin, sauf à imaginer un événement national considérable qui influencerait les électeurs dans la dernière ligne droite et sur un enjeu quasi exclusivement national. Une crise sécuritaire par exemple.
A ce stade, la dimension locale prend le dessus, aidée en cela par la perspective d’un taux d’abstention élevé, qui est d’ailleurs la seconde énigme de cette pré-campagne et il ne faut pas exclure que nous soyons in fine surpris par un taux de participation plus élevé qu’annoncé.
Je pense que les Présidents sortants dont désormais bien identifiés et peuvent se prévaloir de bilans depuis 5 ans et d’une forte présente médiatique sur le front de la crise sanitaire et économiques, quoi que l’on pense des réponses apportées par eux. Ils peuvent également s’appuyant sur un large tissus d’élus locaux qui se sont tous renforcés aux municipales et qui seront massivement présents sur leurs listes, les quelques conquêtes municipales d'EELV ayant été spectaculaires prises individuellement mais sont fondamentalement non représentatives sur la globalité de l’électorat des grandes régions. Et surtout – 2 éléments clefs - il y aura certes un scrutin proportionnel pour les régionales mais il y aura deux tours et un scrutin majoritaire parallèle avec les départementales qui elles favoriseront de façon considérables la droite classique et le PS, avec une influence très probable sur le scrutin régional organisé le même jour.
C’est ce qui me fait personnellement pencher pour l’option 2 et le pronostic d’une très grande stabilité des majorités régionales en juin, ce que traduisent les enquêtes d’opinion. Cela ne signifie pas que nous aurons un scrutin sans enjeux et sans rebondissements. Il y a des facteurs d’incertitudes dans presque toutes les régions, même si elles ne sont pas toutes de nature à provoquer un chamboulement. Sur l’Union de la gauche en Hauts-de-France et Sud-PACA, sur la capacité de Ménard à doubler le RN et écarter la droite en Occitanie, sur la perte du Centre Val de Loire et de la BFC où je crois la gauche classique plus fragile que les enquêtes d’opinion ne le disent, enfin dans l’affrontement entre PS et macronistes en Bretagne. Il y aura également des enjeux très forts en Corse et à la Réunion. Enfin, il y a un enjeu propre à la droite dans les résultats de Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez pour les raisons que nous connaissons tous, même si d'autres "barons" jouent aussi une influence nationale potentielle sur le futur scrutin, pour les sortants PS d'un parti national fragile et qui est peut-être encore "à prendre", et même pour des élus comme Renaud Muselier et Hervé Morin pour la recomposition politique.