stephed a écrit:De sergent Beauchat, 8 heures 50:
"Robert de Caumont est décédé récemment.
Enarque (promotion Afrique 1957, il avait commencé sa carrière politique dans le Calvados. Candidat aux municipales de 1960 à Caen sur la liste du député gaulliste Henri Buot, il n'avait pas été élu (Caen avait à l'époque une municipalité "modérée".
Chargé des affaires économiques à la préfecture du Calvados, il décide de s'investir à Hérouville, dans la banlieue de Caen.
Il se rapproche du PSU, parti qui à l'époque, rassemble des déçus de la SFIO (PS d'avant 1971).
En 1967, il est élu conseiller général du canton de Caen-Nord, sous une étiquette "divers gauche".
Il se rapproche alors d'Hubert Dubedout, maire de Grenoble, animateurs des "groupes d'action municipale" (GAM), et qui rejoindra plus tard le PS.
Candidat à la mairie d'Hérouville en 1971, sa liste est élue, mais pas lui... (à cette époque, les électeurs pouvaient rayer des noms).
Il décide alors de changer de région. Il est parachuté en 1981 à Briançon.
Au PS, c'est un proche de Michel Rocard.
Elu député des Hautes-Alpes, il siègera à l'Assemblée Nationale de 1981 à 1986.
Il a été maire de la ville de Briançon de 1983 à 1991"
En tant qu'ancien Hérouvillais, j'ai eu des témoignages directs de l'élection municipale de 1971 (j'étais alors trop jeune pour y participer) que je vous retranscris ici tels qu'on me les a donnés car l'histoire est savoureuse :
Comme indiqué par notre ami PMF ci-dessus, Hérouville-Saint-Clair était une ville nouvelle, au même titre que ses consoeurs franciliennes plus connues, mais à l'échelle plus modeste de l'agglomération caennaise : l'implantation des nouveaux quartiers était planifiée sur une seule commune, qui est ainsi passée de 1784 habitants en 1962 à 9041 en 1968 puis 23712 habitants en 1975.
Lors des élections municipales de 1965, l'équipe sortante du village avait été réélue, sous la houlette d'André Vermeulen, et elle a mené les premiers développements de la ville nouvelle.
En 1971, la gauche avait l'ambition légitime de conquérir Hérouville-Saint-Clair.
L'époque n'était pas aux listes d'union, aussi deux listes - respectivement PS et PC - se sont affrontées au premier tour dans l'espoir de prendre le leadership à gauche.
Le mode de scrutin attribuait alors l'ensemble des sièges à la liste gagnante, hormis la possibilité de panachage qui était encore ouverte sur Hérouville-Saint-Clair en 1971 (semble-t-il du fait que le dernier recensement en date n'avait pas passé le seuil de population au-delà duquel le panachage n'était plus autorisé).
La liste PS était menée par le jeune et ambitieux militant PS Robert de Caumont, brillant énarque, sous-Préfet, très dynamique et charismatique - au point d'être parfois un peu envahissant. Les militants PS de la ville s'étaient rassemblés derrière cette tête de liste, comptant sur les compétences et l'énergie de Robert de Caumont pour les guider dans leurs premiers pas de gestion de la ville si d'aventure leur liste gagnait.
Au soir du premier tour, il est apparu que cette liste devançait celle du PC. Le PC a alors pratiqué le "désistement républicain" en s'effaçant au profit de la liste PS.
Cependant Robert de Caumont, qui s'était auparavant présenté à Caen au côté d'un gaulliste, n'était pas en odeur de sainteté (si je puis employer cette expression) parmi les responsables PC de la ville. Aussi ont-ils fait passer une consigne auprès de leurs militants pour... barrer le nom de la tête de liste Robert de Caumont, tout en votant PS.
Au soir du second tour la liste PS est arrivée en tête... sauf Robert de Caumont qui avait obtenu sur son nom moins de suffrages qu'un candidat de la liste de droite (un médecin, mais je ne connais pas son nom).
Les soutiens de l'ancien maire étaient consternés : leur ville venait de basculer à gauche et ils se doutaient que le retour de balancier risquait de se faire attendre...
Les militants PC jubilaient de la réussite de leur stratégie.
Et les militants PS étaient catastrophés : comment gérer une ville de 20000 habitants quand le seul élément compétent de l'équipe - ou du moins celui sur lequel tous les autres comptaient s'appuyer - n'avait pas été élu ? Et qui choisir comme maire ?
C'est alors qu'un jeune avocat, François Geindre, s'est proposé. François Geindre est resté maire jusqu'en 2001 (date à laquelle il ne s'est pas représenté) et a, je crois, plutôt bien géré ma ville natale et accompagné son développement et son arrivée à maturité. Par ailleurs il a
beaucoup oeuvré pour la politique de la ville.
Cette histoire a également été évoquée par
Ouest France.
Mais alors, qu'est devenu Robert de Caumont ?
Il s'est soudain découvert la nécessité d'aller soigner ses poumons fragiles à l'air pur de Briançon (*). Il s'est fait élire député en 1981 (en tant que député il a porté la loi "Montagne" votée à l'unanimité en 1985) puis maire de cette ville en 1983.
Il a alors lancé son projet "Prorel" de téléphérique reliant la ville à la station de Serre-Chevalier, malgré les réticences de Briançonnais qui craignaient le manque de neige au débouché du téléphérique. Lors de la mise en service du Prorel, la neige n'était effectivement pas au rendez-vous et le succès escompté par le maire s'est vite transformé en
gouffre financier qui a ruiné la ville.
D'où sa défaite lors de la municipale partielle du 6 décembre 1991.
Mais j'ai rencontré des Hauts-Alpins qui m'ont narré comment, dans les années 2000, Robert de Caumont continuait à embobiner ses interlocuteurs dans les réunions auxquelles il participait au titre de ses mandats de conseiller communautaire du Briançonnais et administrateur du Conseil de Développement...
(*) Selon la légende, Briançon, ville la plus haute d'Europe, serait également la ville de l'inventeur de la cédille, un certain M. Leçon :-)
Plus sérieusement, c'est une ville magnifique qui vaut le détour, en hiver comme en été.