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Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 24 Déc 2009 18:59
de Artisan-Politologue
Bonjour à tous

Je reprend ici une partie de réponse un peu hors-sujet apportée dans un autre forum,

Le mode de scrutin est un passionnant débat.
J'aurais tendance à renvoyer dos-à-dos le mode actuel, qui permet certes de dégager des majorités (mais pas systématiquement, CF les élections de 1988) mais provoque un effet-loupe injuste (80 % des sièges RPR-UDF en 1993 avec 44 % des voix, 15 sièges pour un PCF à 3 % en 2007) et lamine les partis autres que l'UMP et le PS qui représentent pourtant... 50 % des électeurs, et la proportionnelle intégrale qui ouvre la voie à l'ingouvernabilité, même avec un seuil à 5 %.
Je ne suis pas non plus partisan d'un scrutin mixte qui créerait une Assemblée à deux vitesses.
Alors que faire? Si on veut être plus juste, il faut compliquer la donne. Inventer de nouveaux modes, comme la qualification obligatoire au second tour, et sans seuil de participation, des quatre candidats arrivés en tête. Ou une proportionnelle donnant à la liste arrivée en tête 40 % de voix en plus, et 25 % à la seconde, les autres se partageant le reste. Ou bien une proportionnelle intégrale avec possibilité de panachage. Dernière piste possible: jouer sur les deux chambres. Garder le mode actuel pour l'Assemblée et élire le Sénat à la proportionnelle intégrale. En plus de mettre fin au système des grands électeurs, cette solution aurait l'avantage de combiner les deux modes.
D'autres solutions existent certainement. A vos claviers!

Manu

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 1 Avr 2010 18:14
de Jean-Philippe
Lu dans le Figaro : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/ ... laires.php

Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, se déclare favorable, "à titre personnel", au scrutin majoritaire à deux tours "sec", c'est-à-dire sans triangulaire, dans une interview au Figaro Magazine. "A titre personnel, je suis favorable au scrutin majoritaire à deux tours secs, avec deux candidats seulement au second tour, pour les élections législatives", a affimé le ministre.

"Je le suis également pour les futurs conseillers territoriaux, dès lors qu'ils seraient élus au scrutin majoritaire à deux tours", a ajouté M. Marleix. Actuellement, le gouvernement prévoit que ces conseillers, qui siègeront à la fois au département et à la région, soient élus au scrutin majoritaire à un tour avec une dose de proportionnelle. Mais ce projet, très controversé, doit encore être examiné par le Parlement.

Selon M. Marleix, aux élections régionales de 2004, "il y a eu 17 triangulaires en métropole et la gauche avait emporté 9 régions en étant minoritaire en voix". Cette année, a-t-il poursuivi, "12 triangulaires ont eu lieu au second tour, la gauche a conservé quatre régions sans y obtenir la majorité absolue: Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Picardie et Provence-Alpes-Côte d'Azur".


Marleix est donc favorable à l'extention du mode de scrutin utilisé pour la présidentielle, avec les potentiels effets pervers qu'il induit (2002 : la gauche à plus de 30% éliminée par le FN en dessous de 20%). En faisant cela, il favorise encore davantage la bipolarisation, mais davantage au profit de la droite que de la gauche car le FN serait éliminé partout sauf dans ses fiefs où il arrive 1e ou 2e. Or, on l'a vu aux régionales comme à tous les scrutins, les reports de voix du FN profitent essentiellement à la droite. Cela aurait aussi pour conséquence de limiter les surprises où des élus gagnent exclusivement par division du camp opposé.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 8 Avr 2010 19:07
de Jean-Philippe
Plus de 200 députés de droite ont déjà signé une proposition de loi prévoyant le maintien des deux seuls candidats en tête, afin de mettre fin aux triangulaires.
Cependant, Jean-Claude Gaudin ne souhaite pas que l'on touche au mode de scrutin pour 2012, préférant tester cette modification pour les territoriales de 2014. «Casser un thermomètre pour ne plus sentir la température est une mauvaise idée, explique pour sa part le président du Nouveau Centre, Hervé Morin. On ne lutte pas contre un mouvement en empêchant les triangulaires.»

Cet empressement à légiférer traduit la crainte de nombreux élus de voir se reproduire le scénario de 1997 : 79 triangulaires dont 75 avec le FN, avec un département phare, l'Oise, où il y a eu 7 triangulaires sur 7, dont 5 remportées par la gauche.
À l'UMP, certains estiment qu'un quart des 317 députés du parti présidentiel sont aujourd'hui menacés. Un calcul qui se rapproche de celui de l'Observatoire de la vie politique, qui évalue qu'environ 80 sièges basculeraient à gauche.

Cependant, le nombre de triangulaires est décroissant depuis 1997, à cause du déclin du FN et de la hausse de l'abstention. En effet, d'après les chiffres des dernières régionales, aucun candidat arrivé troisième n'aurait pu se qualifier au second faute de réunir les 12,5% des inscrits nécessaires. Or il est probable qu'aux législatives de 2012, le FN soit au mieux au même niveau qu'en 2007 en terme de suffrages. Par contre, il risque d'être davantage présent aux cantonales 2011, car le seuil n'est pas aussi haut.
Conclusion : les députés brassent encore du vent en pensant d'abord à leur réélection.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 29 Avr 2010 15:35
de Jean-Philippe
Pour rebondir sur ce sujet, un article du Figaro qui mentionne les hésitations de Fillon sur la suppression des triangulaires aux élections territoriales et législatives, voulue notamment par Copé et Bertrand et qui évoque aussi la dernière idée de Marleix : un seuil de 15% des inscrits aux législatives à la place de 12,5%, à partir duquel les candidats peuvent se maintenir au second tour.

http://www.lefigaro.fr/politique/2010/0 ... rutin-.php

Encore une réforme qui apparaît hors sujet dans le contexte actuel de crise économique et sociale.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Mar 4 Mai 2010 18:04
de Jean-Philippe
Fillon a mis en garde mardi les députés UMP sur les dangers d'une suppression des triangulaires aux élections législatives, réclamée par une partie d'entre eux, en leur lançant: "les élections, ça ne se gagne pas avec des modes de scrutin".

Lors de la réunion hebdomadaire, à huis clos, du groupe UMP à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré qu'il ne "fallait pas mélanger les législatives et le mode de scrutin du conseiller territorial", qui sera en débat dans les prochaines semaines au Parlement.

"Cela risque de créer une tension. L'opinion risque de comprendre que nous cherchons à nous protéger des résultats des régionales. Attention au retour de flamme sur les modes de scrutin"

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/ ... eputes.php

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 13 Mai 2010 10:16
de Zimmer
Artisan-Politologue a écrit:D'autres solutions existent certainement. A vos claviers!

Manu


Le mode de scrutin le moins anti-démocratique, selon moi, serait, de manière générale, un mode de scrutin à dominante proportionnelle avec un vote préférentiel.

Concrètement, on vote pour une liste et sur cette liste, on choisit de voter pour les candidats qui y figurent dans l'ordre où ils sont présentés ou bien on leur donne un ordre de préférence, en les numérotant. En fonction du nombre de voix qu'elles ont obtenues, les listes en présence se voient attribuer un certain nombre de sièges et sont élus, sur chacune des listes, les candidats qui ont été préférés par leurs électeurs. Imaginons ainsi qu'il y ait 10 sièges à pourvoir avec 10 candidats sur chacune des listes en présence lors d'un scrutin donné : les électeurs voteraient pour la liste telle quelle ou numéroteraient chacun des candidats de la liste de leur choix, de 1 à 10 (tout bulletin mal numéroté serait déclaré nul ou alors pris en compte avec l'ordre initial de ses candidats), un nombre de points serait ensuite accordé à chaque candidat de chaque liste (un point à chaque fois qu'il est choisi en premier, deux points à chaque fois qu'il est choisi en deuxième, etc...) et, en fonction du nombre de sièges attribué à chaque liste, seraient élus, par ordre croissant, les candidats ayant obtenu le plus petit nombre de points. Le classement se ferait sur toute la liste, pour déterminer également l'ordre des suivants de liste appelés à remplacer éventuellement les élus en cours de mandat (en cas de décès, démission, etc...).

Pour les scrutins à deux tours et en cas de fusion de listes du premier au second tour, le vote préférentiel du premier tour serait pris en compte pour la désignation des candidats sur la liste du second tour. Si trois listes A, B et C, du premier tour fusionnent pour le second tour, en décidant, toujours pour 10 sièges à pourvoir, de réserver, sur cette liste, 5 places à la liste A, 3 places à la liste B et 2 places à la liste C, ne pourraient être désignés sur celle-ci et dans l’ordre que les 5 candidats de la liste A, les 3 candidats de la liste B et les 2 candidats de la liste C ayant obtenu le moins de points. L’ordre des places sur la liste issue de la fusion serait en revanche décidé par les listes qui auraient décidé de fusionner.

Un mode de scrutin à dominante proportionnelle avec un vote préférentiel a le double avantage d’assurer une représentation juste des listes en présence, en fonction du nombre de suffrages obtenus, et de permettre aux électeurs de choisir leurs candidats au sein des listes pour lesquelles ils votent.

Dominante proportionnelle car il s’agit ensuite de pouvoir assurer une certaine stabilité au sein des exécutifs et aussi de maintenir un lien entre des élus et un territoire…

En ce qui concerne les élections municipales, le mode de répartition des sièges, dans le cadre d’un scrutin pouvant comprendre deux tours, tel qu’il existe depuis 1983 me paraît bon. Pour les élections cantonales, régionales, législatives, sénatoriales et européennes, on pourrait imaginer un scrutin à un seul tour avec une proportionnelle à la plus forte moyenne, dans le cadre de circonscriptions qui seraient : les arrondissements pour les élections cantonales, les départements pour les élections régionales, législatives et sénatoriales (comme de 1986 à 1998 pour les élections régionales, comme en 1986 pour les élections législatives et comme pour les départements élisant au moins 4 sénateurs pour les élections sénatoriales) et le territorial national pour les élections européennes (comme c’était le cas de 1979 à 1999).

Il conviendrait enfin, je pense, de prendre en compte les votes blancs ou nuls, en rendant, en contrepartie, le vote obligatoire. On pourrait imaginer, pour chaque type de scrutin, de comptabiliser les votes blancs ou nuls dans la répartition des sièges et de ne pas pourvoir ceux correspondant aux votes blancs ou nuls, ou alors, pourquoi pas, de les pourvoir par des électeurs tirés au sort.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 13 Mai 2010 12:50
de Jean-Philippe
Le vote préférentiel est en vigueur en Belgique, au moins pour les municipales. Pour le dépouillement, ça serait donc beaucoup plus long, mais c'est un détail.
Pour les municipales, je suis d'accord pour dire que le système actuel est satisfaisant. Je serais partisan de regrouper davantage de communes dans le cadre des communes associées (représentées en tant que tel au conseil municipal du regroupement (cf Isigny-le-Buat dans la Manche).
Pour les intercommunalités, les oppositions devraient être systématiquement présentes, avec le nombre d'élus qui serait déterminé par le score de l'élection. Les élus communautaires seraient les premiers de la liste.

Pour les autres élections, si le conseiller territorial voit le jour, je suis pour un scrutin à l'allemande : un vote par circonscription (un élu pour 2 cantons actuels environ) et un vote par liste, avec 50% des sièges pour chacun des deux modes de scrutins. Un suppléant de l'autre sexe serait obligatoire dans le 1er cas, de même qu'une alternance homme-femme dans la liste.

Pour les législatives, le système actuel permet une majorité claire. Mais le fait que les Verts aient besoin d'un accord avec le PS montre bien qu'il est perfectible. Un scrutin mixte à l'allemande serait donc envisageable.
Pour les sénateurs, la part des élus municipaux devrait être ramenée à 50% dans le collège des grands électeurs (contre 95% aujourd'hui), les 50% restants allant aux conseillers territoriaux. En tout cas, la surreprésentation des camapgnes devrait être largement ammoindrie.

Enfin, je ne serais pas contre le fait de jumeler scrutin présidentiel et législatif.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 13 Mai 2010 14:23
de Zimmer
Jean-Philippe a écrit: Je serais partisan de regrouper davantage de communes dans le cadre des communes associées (représentées en tant que tel au conseil municipal du regroupement (cf Isigny-le-Buat dans la Manche).


Même si les compétences ne sont pas forcément les mêmes, c’est un peu une forme d’intercommunalité, non ?

Jean-Philippe a écrit: Pour les intercommunalités, les oppositions devraient être systématiquement présentes, avec le nombre d'élus qui serait déterminé par le score de l'élection. Les élus communautaires seraient les premiers de la liste.


Il s’agirait du même système que pour l’élection des conseillers de Paris, Marseille et Lyon. Je serais plutôt pour, également.

Jean-Philippe a écrit: Pour les législatives, le système actuel permet une majorité claire.


Non. En tout cas, pas davantage qu’avec un mode de scrutin à la proportionnelle. En théorie, il est tout-à-fait possible qu’il n’y ait pas de majorité « claire » avec un système majoritaire. On l’a encore vu au Royaume-Uni (même s’il s’agit d’un scrutin à un tour) il y a quelques jours. En France, le cas s’est notamment produit lors des élections législatives de 1988 où la majorité présidentielle de l’époque (alors composée par le PS et ses partis « satellites ») ne détenait pas la majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale qui venait d’être élue. Pour l’anecdote, une motion de censure avait failli être votée (à quelques voix près) lors du vote sur l’instauration de la CSG, ce qui ne s’était/s’est plus produit depuis 1962.

Jean-Philippe a écrit: Pour les sénateurs, la part des élus municipaux devrait être ramenée à 50% dans le collège des grands électeurs (contre 95% aujourd'hui), les 50% restants allant aux conseillers territoriaux. En tout cas, la surreprésentation des camapgnes devrait être largement ammoindrie.


Ca, c’est un grand débat. Je n’ai pas d’opinion tranchée sur ce point. Dans l’esprit des institutions, le Sénat est également considéré comme étant la « chambre des collectivités locales ». A partir du moment où les communes représentent la très grande majorité d’entre elles, il n’est pas non plus illogique que la part des élus municipaux représente une telle proportion du corps électoral devant élire les sénateurs.

Jean-Philippe a écrit: Enfin, je ne serais pas contre le fait de jumeler scrutin présidentiel et législatif.


Avec l’instauration du quinquennat et la quasi concomitance des élections présidentielle et législatives depuis 2002, le jumelage que tu prônes existe déjà ou presque, de fait. Je pense au contraire que ce système, qui aboutit à une accentuation du caractère présidentiel de la Vème République, n’est pas bon. Pour éviter cette dérive et le fait que ces deux scrutins aient lieu désormais systématiquement en même temps (d’autant plus qu’après l’épisode de 1997, je pense qu’il n’y aura plus de dissolution de l’Assemblée nationale avant très longtemps), il aurait fallu accompagner l’instauration du quinquennat par une réduction du mandat des députés à quatre ans, comme c’était déjà le cas sous la IIIème République, ou alors ramener la durée du mandat du président de la République à six ans au lieu de cinq.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 13 Mai 2010 14:36
de Jean-Philippe
Quel que soit l'échelon envisagé, je suis contre la proportionnelle intégrale. Le mode de scrutin actuel pour les législatives n'empêche en effet pas totalement l'absence de majorité absolue, mais il accentue les tendances issues des urnes, ce que le scrutin britannique fait avec davantage d'ampleur encore, sauf là pourrait-on dire.
En 2005, l'Allemagne, avec un mode de scrutin mixte, n'a pas pu éviter une grande coalition (qui ne s'est pas si mal passée d'ailleurs). Plus que le mode de scrutin, c'est la culture du compromis et de la négociation qui manque en France et le mode de scrutin ne fait rien pour arranger cela.

Re: Débattons sur le mode de scrutin

MessagePosté: Jeu 27 Mai 2010 11:00
de Jean-Philippe
Le gouvernement a tranché en faveur d'un quasi statu quo pour le mode de scrutin. Pour les élections territoriales comme pour les législatives, il n'a pas suivi une partie des élus UMP qui réclamaient la fin des triangulaires (refusée aussi par les centristes).

En revanche, le relèvement de 10% à 12,5% des inscrits du seuil à partir duquel un candidat peut se maintenir au second tour, comme aux législatives, serait acquis. Or, dans des élections où l'abstention est de plus en plus forte (les cantonales de 2011 risquent d'atteindre un sommet en étant isolées), cela risque de réduire fortement le nombre de triangulaires.

http://www.lefigaro.fr/politique/2010/0 ... laires.php