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Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

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Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

Messagede orional » Sam 7 Mai 2011 12:36

Bonjour à tous,

J'ai retrouvé dans mes archives ces trois cartes qui viennent relativiser une idée suivant laquelle l'analyse géographique des résultats de candidats ou listes qualifiés de "marginaux" ne représenterait que peu d'intérêt.



1- Le candidat Emile Muller à la présidentielle de 1974.

D'aspect sympathique et jovial, le visage poupin et l'accent alsacien chantant, le député-maire de Mulhouse veut représenter un courant centriste réformateur indépendant dans la campagne. Son discours reprend les ambitions traditionnelles des sociaux-démocrates européens tels que l'approfondissement de la construction européenne vers un fédéralisme poussé, la poursuite de la déconcentration et l'institution d'assemblées locales disposant de compétences propres. Il vise deux électorats pourtant bien distincts mais aux préoccupations parfois communes : l'électorat centriste, celui du Centre démocrate et du Parti radical, ainsi qu'un électorat socialiste peu enclin à soutenir le candidat d'Union de la gauche, prisonnier, selon Muller, de l'alliance avec les communistes. Or, ce dernier se heurte à deux obstacles de taille à savoir le ralliement des principales composantes du centre aux trois principaux candidats (Centre démocrate et les radicaux valoisiens tardivement vers Giscard, le C.D.P. duhamélien vers Chaban et le M.R.G. vers Mitterrand) et la "gauchisation" du P.S. depuis 1971 qui n'a pas véritablement déstabilisé la tendance centriste encore traumatisée par l'échec retentissant de la candidature Defferre en 1969. Emile Muller ne peut compter que sur le soutien de quelques fédérations du Mouvement réformateur et surtout sur le M.S.D.F. assis sur un mince réseau d'élus locaux autour de l'Alsace (Mulhouse bien sûr) et de la Picardie (Abbeville avec Max Lejeune).

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By sguillerez at 2011-05-07

Son résultat, un minuscule 0,69%, est prévisible. Il symbolise la mort du Mouvement réformateur et l'échec d'un centrisme indépendant dans un cadre politique à la bipolarité marquée. La carte révèle que les zones de moindre faiblesse sont essentiellement concentrées dans le quart Nord-Est de la France, hormis le cas des Pyrénées-Orientales où Muller a ranimé les quelques restes d'un électorat socialiste indépendant jadis fidèle à Arthur Conte ou au député-maire de Perpignan Paul Alduy (ce dernier se ralliera à la candidature de François Mitterrand dont il sera le responsable du comité local de soutien ). Ses meilleurs résultats se situent naturellement en Alsace avec 6,9% dans le Haut-Rhin et 11,76% dans sa ville de Mulhouse où visiblement il mobilise imparfaitement une clientèle électorale consolidée depuis une quinzaine d'années (à la différence du candidat Royer à Tours). Les résultats en Picardie prouvent que l'influence de Max Lejeune a peu porté en dehors du Ponthieu (6,4% à Abbeville). Ailleurs, c'est le vide. Les bastions radicaux et socialistes du Sud-Ouest se sont écartés massivement de la candidature Muller préférant Mitterrand ou Chaban.



2- La liste E.E.E.

Cette initiative est née dans la douleur, partie du sentiment de dépit d'un J.J.S.S., président du Parti radical valoisien, embarrassant et encombrant, qui a perdu le panache des années 1969-1970. Son idée d'un radicalisme rénové porteur d'un discours ambitieux s'est évanouie dans les nécessités de la vie politique française, étouffée par une bipolarisation outrancière qui condamne à l'échec l'absence de ralliement aux blocs préétablis. Largement battu aux législatives partielles de Nancy-Nord à l'automne 1978 par un socialiste, malmené dans son propre parti, J.J.S.S. n'est en 1979 qu'une personnalité de second rang. Or, il considère l'échéance européenne fondamentale, déterminante en ce qui concerne l'avenir de la France et entend participer de tout son poids à la campagne. Ecarté de la liste "Union pour la France en Europe" conduite par Simone Veil et mis en minorité au Parti Radical, il constituera sa propre liste d'extrême justesse à trois semaines du scrutin. Se battant pour une Europe plénière et déclarant la guerre au chômage, cette liste "Emploi-Egalité-Europe" tente de rassembler les radicaux de tous les bords comme la journaliste Françoise Giroud, démissionnaire de la vice-présidence de l'U.D.F., le M.R.G. dissident Guy Gennesseaux ou le maire de Rambouillet et vice-président du Mouvement européen Jacqueline Thome-Patenôtre.

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By sguillerez at 2011-05-07

Ses résultats seront décevants. Il mord marginalement sur la liste U.D.F. dans les bastions conservateurs. La liste E.E.E. dépasse les 2% en Rhône-Alpes et dans un arc de cercle allant des Pays-de-la-Loire à l'Alsace passant par une Lorraine qui a tourné définitivement la page du radicalisme schreibérien (4,4% en Meurthe-et-Moselle avec des pointes à 6-7% dans l'ancienne circonscription de J.J.S.S.). Inutile de s'attarder sur le sort de celui qu'on appelait le "prince de Lorraine". Il est vrai, comme le disait Françoise Giroud à propos de Chaban en 1974, qu'on ne tire pas sur une ambulance ...


3- La liste "Union de défense interprofessionnelle pour une France indépendante dans une Europe solidaire".

C'est la concrétisation d'une alliance purement électorale entre une fraction d'un vieux C.N.I.P. . à bout de souffle et désorienté et les lambeaux du poujadisme dont le leader, dénonçant encore et toujours les magouilles politiques et l'ostracisme des moyens d'information, a perdu la verve d'autrefois. Organisée autour d'associations de rapatriés ou de défense d'intérêts socio-professionnels, elle a comme tête de proue, outre un Pierre Poujade décrépit qui n'amuse plus personne, quelques élus locaux de poids, anciens ministres en marge de la majorité présidentielle comme Philippe Malaud, député de Saône-et-Loire, ou Jacques Médecin, député-maire de Nice, qui poursuit son virage vers la droite de la droite.

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By sguillerez at 2011-05-07

La carte des résultats du 10 juin peine à ressusciter les citadelles poussiéreuses du C.N.I.P., l'Aveyron de Boscary-Monsservin ou la Côte d'Or du chanoine Kir où la barre des 2% est franchie. L'influence personnelle de Malaud et de Médecin dans leurs départements personnels ont variablement joué. La liste frôle les 5% dans le département du premier et atteint même 51% à Dompierre-les-Ormes, village du Macônnais dont il est maire. En revanche, elle peine à dépasser 3,2% dans les Alpes-Maritimes avec un très décevant 5,81% à Nice, ville pourtant tenue de manière quasi-continue par la dynastie Médecin depuis les années 20.


J'attends avec impatience commentaires et observations de votre part.



Bien à vous.
Dernière édition par orional le Sam 7 Mai 2011 20:55, édité 1 fois.
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Re: Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

Messagede vudeloin » Sam 7 Mai 2011 12:51

Quasi continue tu veux dire orional pour les Médecin à Nice, à l'exception notable de la Libération où Jacques Cotta, le père de la journaliste politique Michèle Cotta, fut élu maire SFIO, pour éviter aussi que la ville n'ait un maire communiste en la personne du populaire Virgile Barel.
Ce qui serait pas mal, si tu peux le faire ( je peux aussi t'envoyer un fichier au besoin ) ce serait de faire la carte du vote Tixier Vignancour et/ou celle du vote Lecanuet en 1965, en mettant en regard pour le second le vote MRP et centre républicain réuni des législatives de 1962 ( plus peut être un bout du CNIP, s'il y a distinction entre RI et CNI )...
En tout cas, tu as aussi le cas du père Royer qui, si je ne me trompe, est sans doute celui de ces candidats disons ' marginaux " qui a obtenu les pourcentages les plus élevés lors de la présidentielle dans son territoire d'élection.
Loin par exemple des 4,34 % de Debré en 1981 en Indre et Loire....

PS au fait, pour 1958, Mitterrand était UDSR et pas du tout UGS ou UFD ;)
Ah oui, autre chose, les socialistes indépendants devenus MDSF puis PSD et je ne sais trop quoi ensuite ne peuvent pas être assimilés tout à fait aux centristes, vu que le centrisme en France est fort lié à l'Eglise catholique au départ...
Et ce n'était pas le cas des socialistes SFIO opposés au programme commun de la gauche.
En plus, tu as des aspects historiques anciens ( Mulhouse est portée à gauche de longue date parce qu'il s'agit d'une ville qui, dans l'hIstoire, a été une république relativement indépendante...)
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Re: Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

Messagede orional » Sam 7 Mai 2011 18:12

Vudeloin,

Classer la candidature Muller de 1974 au centre de l'échiquier politique me paraît conforme à la ligne tenue par le député-maire de Mulhouse durant sa campagne. Dès l'annonce de sa candidature, le 11 avril 1974, il se présente comme "candidat de tous les Français qui n'acceptent pas la bipolarisation de la vie politique" et se désistera finalement pour VGE au second tour. Cependant, il ne faut pas oublier que le M.D.S.F. dont il est l'un des responsables a pris le relais en 1973 du Parti de la Démocratie socialiste fondée en 1970 par des socialistes minoritaires hostiles au glissement à gauche du P.S. et au rapprochement avec les communistes. Le M.D.S.F. deviendra le Mouvement démocrate socialiste, puis le Parti social démocrate en 1982 alors que le rapprochement vers l' U.D.F. est pleinement consommé. Il ne faut pas confondre ce P.S.D. avec le Parti socialiste démocrate fondé en 1975 par Eric Hintermann, ancien secrétaire du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, exclu du P.S. par refus de l'alliance à gauche avec les communistes. Son émanation locale, la Fédération des socialistes démocrates sera à l'origine d'une scission du P.S. à Nantes, quant à l'attitude à tenir vis-à-vis de la politique du maire, entre les socialistes anti-Morice et les pro-Morice derrière le député Chauvel.

Certes, le centre en France dans ses racines et sa tradition historiques et idéologiques est puissamment lié à l'Eglise catholique et fut longtemps incarné par le Sillon de Sangnier, le P.D.P. d'avant-guerre et le M.R.P.. Toutefois, son assimilation à la démocratie chrétienne ne doit pas aboutir à une confusion écartant d'emblée de la catégorie "centriste" certaines candidatures ou tendances. Ainsi, certains politologues n'hésitent pas - à tort ou à raison - à y classer le Parti radical au temps du R.G.R. ou certains socialistes indépendants. Pour ma part, dans les cartes des législatives françaises, j'ai pris soin de classer les radicaux socialistes et les socialistes indépendants à gauche, laissant au centre certains radicaux dits modérés ou personnalités radicalisantes issus du Centre républicain de Morice ou de l' U.D.S.R. (Pleven).

L'étiquette du candidat Mitterrand aux législatives de 1958 reste difficile à déterminer. Certes, il conservera jusqu'en 1964 le titre de président de l' U.D.S.R.. Mais, en novembre 1958, la propagande électorale que j'ai pu consulter ce jour à la BNF tend à prouver qu'il a reçu le double soutien de l' U.D.S.R. et de l' U.F.D. dont il est, comme Mendès-France, l'un des animateurs au rang national.
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Re: Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

Messagede vudeloin » Sam 7 Mai 2011 21:32

Le soutien de l'UFD est une chose, mais l'appartenance à l'UDSR qui était d'ailleurs un conglomérat assez particulier ( effectivement on y avait Mitterrand et Pleven ! ) me semble établie comme élément clé...
Et la place de Tonton François au 'Sénat n'était pas entre le groupe socialiste et le groupe communiste, comme l'UFD ou l'UGS auraient pu le justifier...
Pour tout dire, aujourd'hui, son voisin serait Jean Arthuis !
Un dangereux socialiste révolutionnaire, comme chacun sait ;)
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Re: Candidats "marginaux" et "fantaisistes"

Messagede vudeloin » Sam 21 Mai 2011 18:40

Parmi les candidats marginaux d'élections antérieures, figurent sans doute des personnalités comme Louis Ducatel, candidat en 1969 ou Marcel Barbu, qui fut candidat en 1965, tout comme Pierre Marcilhacy ou quelques uns des candidats de 74 qui ont réalisé un nombre de voix assez réduit ( les deux fédéralistes, Bertrand Renouvin le royaliste socialisant ou encore Le Pen et ses sept dixièmes de point...).
Je pense ceci dit qu'une étude intéressante porterait sur l'élection du printemps 69 où Gaston Defferre, par la grâce des services de Raymond Marcellin, a dépassé de peu les 5 % permettant à la SFIO d'éviter de boire le bouillon financier d'une campagne plutôt ratée...
Une petite recherche devrait m'amener à vous proposer prochainement les comparaisons utiles entre les scores Defferre et Poher de 1969 au regard de ceux de Mitterrand en 1965.
A moins qu'on ne s'interroge sur Defferre + Poher + Duclos + Rocard face à Mitterrand + Lecanuet...
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