Aménagement du Territoire national

[Relique]

Pour faire suite à la discussion engagée dans "Réduction du nombre de parlementaires", je cite le message de pmf qui introduit le sujet et ajoute ma propre réponse:

Vous parlez d'échec de la politique d'aménagement du territoire alors que je considère qu'il n'y a plus de politique d'aménagement du territoire depuis plusieurs décennies avec une réduction des moyens de la DATAR puis son remplacement par un Commisariat Général des Territoires dont les réalisations, depuis son institution en 2014, m'ont totalement échappé.

Le pouvoir gaulliste des années 1960 avait engagé une véritable politique de revitalisation de la Province en encourageant avec des dispositions financières et fiscales des transferts d'activités industrielles implantées en région parisienne vers la Province.
Je citerai comme exemples, l'implantation de Citroën à Rennes, de la filière des télécommunications à Lannion et à Rennes, de Alcatel dans les Pays de la Loire, de Airbus a Toulouse, à Nantes et à Saint-Nazaire, de Arianespace à Vernon (Eure), de Thomson en Seine-Maritime, du service de conservation des titres du Crédit Lyonnais dans le Calvados, de plusieurs services de la Caisse des Dépôts à Bordeaux et à Angers, du services des étrangers du Ministère des Affaires Étrangères à Nantes comme le service des Pensions du Ministère des Finances et la liste est très loin d'être exhaustive.
Une politique d'implantation en Province d'Écoles d'application de la Fonction Publique avait aussi été decidée avec l'implantation à Clermont Ferrand de l'Ecole Nationale des Impots, à Rennes de l'Ecole Nationale de la Santé Publique, à Saint Étienne de l'Ecole Supérieure des Agents de Direction de la Sécurité Sociale, à Rouen de l'Ecole des Douanes, etc.

Or, les projets de délocalisation en Province de services centraux de l'Etat et d'établissements Publics Nationaux se sont heurtés depuis les années 1990 à de vives oppositions, notamment de personnels voulant pour des raisons familiales demeurer en région parisienne et une délocalisation emblématique, celle de l'Ecole Nationale d'Administration à Strasbourg, a rencontré de vives oppositions des Maîtres de Conférences et également des Élèves et un partage entre Paris et Stranbourg a prévalu.

La France est un Pays Jacobin au plan institutionnel ce que je soutiens vivement mais un esprit très parisien est apparu sous la V ème Republique et cet esprit a fini par entraver les délocalisations en Province et le déeloppement de la Province.

Comment mettre fin à ces blocages ?
La politique de Métropolisation engagée depuis le début du siècle en cours devrait permettre des délocalisations en Province et le processus a commencé en direction de Lille Europe, de Bordeaux Atlantique et d'autres Métropoles mais quid des villes moyennes des Auxerre, des Alencon, des Vannes, des Blois, des Troyes, des Amiens, des Arras, des Reims, etc.

En conclusion, je souhaiterais qu'une rubrique Aménagement du Territoire soit créée sur le forum car cette question le mérite bien.

Vous avez des propos très intéressants. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je m'amuse souvent à dire qu'une des meilleures mesure d'aménagament du territoire qu'on pourrait prendre serait de déménager Bercy à Maubeuge, afin que soit les hauts-fonctionnaires des finances soient confrontés à la réalité économique et sociale française, soit que, désespérés d'atterrir ici, ils s'en aillent et laissent la place à des fonctionnaires qui ne mépriseront pas à ce point la France périphérique.

A titre personnel, je suis en désaccord avec vous sur un point: la politique de métropolisation. Justement, pour moi, elle vient contrecarrer le développement de la Province en faisant, avec les métropoles, ce qu'on a fait à l'échelle nationale avec Paris. Il y a clairement une volonté de rendre exsangue toute la périphérie, sous le principe qu'il faudrait bénéficier des "gains de réseaux" et de "concentration" des activités. Au temps du numérique, de l'immédiateté de l'internet et des télécommunications les plus performantes possibles et imaginables, cela ne veut plus rien dire.

Un exemple: Paris Saclay. On pense qu'en concentrant des chercheurs au même endroit, on va créer un lieu d' "excellence" de recherche. Si dans certaines sciences, il est en effet nécessaire qu'il y ait des "équipes" localisées au même endroit, la plupart des autres scientifiques travaillent la plupart du temps avec des collègues dans le monde entier ! A part dans l'observation en laboratoire (comme en médecine par exemple) les équipes de chercheurs sont de plus en plus internationales et localisées à des points totalement différents du globe.

Les choses sont assez similaires avec la programmation informatique. Pour certains, cela va plus vite de dialoguer via internet qu'en marchant trois pas pour aller dans le bureau d'à côté ;) !

[pmf]

Je m'explique en reponse a votre propos sur la Metropolisation.
J'ai indiqué dans mon propos que les villes moyennes ne seraient pas les bénéficiaires des delocalisations de la Metropolisation et j'ai cite en exemples des villes comme Vannes, Troyes, Reims, Alencon, Blois, Auxerre, etc.
La Metropolisation en cours attirera des délocalisations de la région parisienne et le phénomène est engagé à Bordeaux et à Lille que vous connaissez bien avec des implantations à Eura Santé avec autour des start up d'innovation qui se greffent.
En revanche, peu de délocalisation s'effectuent en direction des villes moyennes lesquelles voient parfois fermer des antennes universitaires ou des sections universitaires comme les deux premières années de Droit à Evreux.
Ce qu'il faudrait, ce serait de s'engager dans une politique de promotion de villes moyennes sur le modèle des villes nouvelles mais pour les villes moyennes de Province et non celles de région parisienne comme certaines idées le laissent entendre en lien avec le Grand Paris Express.

[alamo]

Vous n'êtes pas réellement en désaccord en fait.
La politique de métropolisation actuelle a en effet tendance, certes, à décentraliser certaines activités de Paris vers quelques grandes villes qui ont eu les moyens de leurs ambitions, Lyon, Bordeaux ou Nantes ont connu une transformation impressionnante, mais aussi à affaiblir non seulement des "petites" villes comme celles citées par pmf mais aussi les "métropoles de second rang".
C'est assez frappant dans le domaine universitaire, où l'on voit des villes universitaires un temps florissantes décliner aujourd'hui avec une baisse sensible du nombre d'étudiants. Cas de Poitiers par exemple, fortement concurrencée par Bordeaux, Nantes et même Tours (ceci étant la part d'étudiants dans la population à Poitiers était une des premières de France). Mais aujourd'hui même Grenoble commence à être phagocytée par Lyon (il est vrai que question qualité de vie et vie culturelle, il n'y a pas photo...)

Concernant le Plateau de Saclay, effectivement Relique a raison. Alors que les coopérations entre universités, grandes écoles et centre de recherche peuvent très bien s'établir sans forcément partager la même cantine (voir Paris Sciences et Lettres avec l'ENS, les Mines, l'UMPC, etc) tout en multipliant les échanges avec leurs homologues des quatre coins de la planète, vouloir à tout prix regrouper sur un site tous ces établissement au nom d'une chimérique "Silicon Valley" française est anachronique.
Outre que ceux qui ont pondu la comparaison n'ont pas du aller voir la vraie, ni voir le panneau du lieu-dit "la Petite Sibérie" sur le Plateau (c'est l'endroit le plus froid de Région Parisienne; pas très californien ...), on est revenu à une opération d'aménagement des années 60, un Melun Sénart des écoles, qui rétablit la séparation des fonctions contre quoi on se bat depuis des décennies. Aorès le ghetto de pauvres à Clichy-sous-Bois, le ghetto de riches à Neuilly, le ghetto de bureaux à la Défense et le ghetto de commerces à Vélizy 2, bienvenue dans le ghetto des écoles.

Délocalisations forcées de Paris, Châtenay ou Cachan vers un plateau isolé battu par les vents, construction à marche forcée avant d'avoir une visibilité sur la desserte transports en commun (j'avais parié que la ligne 18 serait reportée à la Saint-Glinglin, j'avais raison; ceci étant on a vu récemment que quand il neige, l'endroit est aussi inaccessible en voiture), précipitation pour couler du béton avant de savoir s'il y aurait les occupants...
Au final, plusieurs écoles qui se sont d'ores et déjà retirées du projet, un bilan financier dans le rouge, un rapport de la Cour des Comptes alarmiste, des prévisions de construction délirantes en matières de logements pour étudiants (8.000, alors qu'il y a pléthore d'offre mieux située juste autour, à Massy, Bures ou Palaiseau en pleine ville, dans la ZAC de Massy autour de la gare RER/TGV, etc).
Le risque est fort de voir une déperdition d'élèves comme de profs (Centrale Lyon dépassera probablement Centrale Paris en attractivité).
Si les élites universitaires d'Europe, d'Asie ou d'Amérique latine ont le choix, à Bac +7, entre Paris et Londres, elles iront à Paris. Si elles ont le choix entre Saclay et Londres, elles iront à Londres... m'a dit un jour l'ancienne Directrice Génarale du BRACE (Bureau de Recherche et d'Accueil des Chercheurs Etrangers)...

Vouloir être gros juste pour dire qu'on est gros, est-ce bien raisonnable ?

[Relique]

Je ne pense pas avoir, en effet, beaucoup de désaccord avec l'ami pmf !

Pour alimenter la réflexion et le débat, un article de la gazette des communes revient sur un débat sur le sujet il y a peu à la Fondation Res Publica, présidée par JP Chevènement. Y participait Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires (à titre personnel, je préfère dire "du territoire national", car enfin, c'est tout le territoire qu'il faut aménager)

http://www.lagazettedescommunes.com/551 ... rritoires/

Il fait notamment mention de quelques propositions pour le quinquennat, et fustige encore la fusion des régions (Mézard, en cela, ne change pas de ligne depuis son arrivée en Macronie, mais est-ce le cas du président de la république ?).

[pmf]

Je récuse aussi le qualificatif " des territoires " car il n'y a qu'un Territoire, le territoire national.

Je partage beaucoup des positions du Président Jacques Mézard et suis très dubitatif sur les fusions de régions à l'exception de celle des Basse et Haute-Normandie car la création au début des années 1960 de deux régions de programme n'avait d'origine qu'une question politique pour éviter une querelle de barons intervenant des deux côtés de la Risle.
La fusion des deux Normandies est une bonne mesure et aura permis la constitution de la Communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville qui est à cheval sur les Départements du Calvados et de l'Eure et la constitution du Pôle Métropolitain de l'Estuaire qui fédère des Communautés d'Agglomération de Seine-Maritime et du Calvados et des Communautés de communes de Seine-Maritime, du Calvados et de l'Eure avec pour cette dernière mention une singularité puisque les communes de l'ex communauté de communes du canton de Beuzeville participent au Pôle Métropolitain alors que celles de l'ex communauté de communes du Pays honfleurais n'y adhérent pas pour cause de craintes de l'ogre havrais et de ses bottes de sept philippes et d'inimitiés avec le Premier Vice-Président du Pôle par ailleurs Maire de Deauville et Président de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie qu'a rejoint la commune de Saint Gastien des Bois après son départ de la Communauté du Pays de Honfleur-Beuzeville.

Outre ces réflexions concernant la Normandie, je m'interroge sur la viabilité à long terme de la région Grand Est et j'aimerais en savoir plus sur le devenir de Bourgogne-Franche Comté, de Nouvelle Aquitaine et de Auvergne-Rhônes-Alpes.
Je n'évoquerai pas les Hauts et Bas de France car il existe des complémentarités et des liens entre Lille et Amiens comme entre Toulouse et Montpellier pour l'Occitanie mais on pourrait me dire qu'il existe aussi des liens et des complémentarités entre Rennes, Nantes, Angers, Tours et Niort.