L’ascension de Mohammed ben Salmane n’aurait pas été aussi complète si elle ne s’était pas appuyée sur deux autres piliers. Alors que le jeune prince s’était montré particulièrement virulent à l’égard de Barack Obama et de sa politique de rapprochement avec l’Iran, il a été adoubé en un clin d’oeil par son successeur Donald Trump. Avec l’aide décisive d’un autre prince du Golfe – l’Emirati d’Abou Dhabi Mohammed ben Zayed Al Nahyane – Ben Salmane s’est imposé comme l’interlocuteur privilégié du nouveau chef de la Maison-Blanche, qui en est venu à épouser sans sourciller les thèses des deux héritiers à propos de l’Iran et du Qatar. L’aval américain obtenu, les jeux étaient faits en faveur de ce prince qui ne parle pourtant pas l’anglais et a fait toutes ses études à l’intérieur du royaume.
1. Le Qatar doit réduire ses relations diplomatiques avec l’Iran et fermer les missions diplomatiques iraniennes sur son territoire. Le commerce et les échanges avec l’Iran doivent respecter les sanctions américaines et internationales, de manière à ne pas menacer la sécurité du Conseil de coopération du Golfe.
2. Le Qatar doit immédiatement fermer la base que la Turquie est en train de construire sur son territoire et mettre un terme à toute coopération militaire avec la Turquie à l’intérieur de l’émirat.
3. Le Qatar doit couper les liens avec toutes les organisations terroristes, sectaires et idéologiques, en particulier avec les Frères musulmans, l’État islamique, Al-Qaïda, Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra), les Chebabs somaliens, AQMI et le Hezbollah libanais. Il doit formellement déclarer que ces entités sont des groupes terroristes, conformément à la liste rendue publique par l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l’Égypte, et accepter toutes les futures mises à jour de cette liste.
4. Le Qatar doit couper tous les moyens de financement destinés à des individus, groupes et organisations qui ont été considérés comme terroristes par l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l’Égypte, les États-Unis et d’autres pays.
5. La Qatar doit remettre les figures du terrorisme, les fugitifs et individus recherchés, ressortissants de l’Arabie saoudite, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et de l’Égypte à leur pays d’origine. Il doit aussi geler leurs biens et fournir toutes les informations requises sur leurs domiciles, mouvements et moyens financiers.
6. Le Qatar doit fermer Al Jazeera et ses stations affiliées.
7. Le Qatar doit cesser toute ingérence dans les affaires intérieures des États souverains, cesser d’offrir sa nationalité à des individus recherchés de nationalité saoudienne, émiratie, bahreinie ou égyptienne. Il doit retirer la citoyenneté qatarie aux personnes dont la naturalisation viole les lois de ces pays.
8. Le Qatar doit verser des réparations financières à ses voisins pour les pertes en vies humaines et les pertes financières provoquées par sa politique ces dernières années. Le montant de ces indemnités sera déterminé en coordination avec le Qatar.
9. Le Qatar doit aligner sa politique sur celle des autres pays arabes du Golfe, tout comme il doit le faire en matière économique, conformément à l’accord conclu en 2014 avec l’Arabie saoudite.
10. Le Qatar doit cesser tout contact avec l’opposition en Arabie saoudite, au royaume de Bahreïn, aux Émirats arabes unis et en Égypte. Il doit communiquer des rapports détaillant les contacts qu’il a déjà entretenus avec des groupes d’opposition dans ces pays et les soutiens qu’il leur a apportés.
11. Le Qatar doit fermer tous les organes d’information qu’il finance directement ou indirectement, y compris Arabi21, Al Araby, Al Jadeed, Mekameleen, Middle east eye, etc.
12. Le Qatar doit communiquer son accord avec ces demandes dans les 10 jours suivant la communication de cette liste.
13. Le Qatar doit accepter un audit mensuel du respect de ces obligations pendant la première année suivant son acceptation, puis un audit trimestriel la deuxième année et des audits annuels les années suivantes.
Le fait que le général Sissi insiste pour donner deux propriétés de premiers choix, peut-être celles dont la valeur géopolitique est la plus stratégique, à un pays avec lequel il était en désaccord il y a quelques mois à peine et qui avait coupé ses approvisionnements en pétrole pourrait sembler incompréhensible à première vue. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?
Le prix pourrait, bien sûr, être du « riz », pas basmati mais saoudien. Beaucoup de riz. Des sommes conséquentes sont en effet nécessaires pour satisfaire l’alliance des élites militaro-économiques de Sissi et pour qu’il en reste un peu pour atteindre les masses d’Égyptiens sinistrés, leur injectant une dose supplémentaire en vue d’éviter, ou du moins retarder, une explosion imminente.
Un autre avantage pour Sissi serait la fermeture de la chaîne qatarie Al Jazeera, objet de toute sa haine, un plus grand isolement et une plus intense persécution de ses ennemis jurés, les Frères musulmans, et la soumission du Qatar, le dérangeant voisin qui soutient les aspirations démocratiques du Printemps arabe.
[..]
Qu’est-ce que l’Arabie saoudite pourrait gagner de Tiran et Sanafir ? Pas grand-chose à première vue. Aucune valeur ajoutée géopolitique ou économique. Le véritable bénéficiaire saoudien est Mohammed ben Salmane, le souverain de facto du royaume saoudien. Ben Salmane bénéficierait ainsi de l’aide d’Israël pour obtenir la bénédiction indispensable de Donald Trump et des institutions américaines pour son projet visant à remplacer son cousin et vétéran de la guerre contre le terrorisme en tant que futur roi d’Arabie saoudite.
Toutefois, le véritable bénéficiaire direct de l’accord de cession de Tiran et Sanafir est Israël. L’accord ouvre en effet le détroit à la libre navigation des navires militaires et commerciaux israéliens, une condition préalable majeure au plan visant à créer un canal du golfe d’Aqaba à la Méditerranée pour faire concurrence au canal de Suez, tel que promis par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
En retour, Israël mobiliserait son influence extraordinaire sur le corps politique américain pour obtenir la bénédiction nécessaire au projet visant à faire de Mohammed ben Salmane le futur roi d’Arabie saoudite. Fait intéressant, l’ambassadeur émirati aux États-Unis a rencontré des représentants d’un groupe de réflexion pro-israélien proche de Netanyahou pour discuter du Qatar et d’Al Jazeera juste avant l’annonce du siège.
En outre, Israël obtiendrait la normalisation de ses liens avec le camp Sissi et les États du Golfe, qui s’allieraient à lui contre ses ennemis déclarés, le mouvement palestinien Hamas, les Frères musulmans, l’Iran et son intermédiaire libanais le Hezbollah.
Et qu’est-ce que le Donald obtiendrait ? Plusieurs milliards de dollars injectés dans l’économie de son pays, donnant lieu à encore plus de « jobs, jobs, jobs ! », indispensables pour renforcer sa base et aider à réduire la pression des investigations en cours sur l’ingérence russe dans les élections américaines et les conflits d’intérêts relatifs à ses transactions commerciales et celles de ses enfants.
Il obtiendrait également un « accord de paix » fondé sur la vision israélienne : normalisation des relations avec les États arabes en premier lieu, puis imposition des diktats israéliens sans aucune résistance des Palestiniens, dépourvus de soutien ou d’éléments de force et contraints d’accepter ce qu’Israël leur laissera après avoir saisi autant de terre que possible et construit autant de colonies qu’il le souhaite en Cisjordanie.
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