Ses défis sont immenses, mais « Michel Temer a un atout. Il bénéficie d’un “vote de confiance’’ de la part des marchés financiers », observe André Nassif, professeur d’économie à l’université fédérale Fluminense. En témoignent l’envolée de la Bourse et de la monnaie à l’approche de l’impeachment et leur plongeon quand cette perspective s’éloignait.
Virage libéral et sacrifices annoncés
Celui qui fut deux fois coéquipier de la candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche) entend opérer un virage libéral pour faire du Brésil, réputé pour son protectionnisme et sa bureaucratie, un territoire business friendly bienveillant avec les entrepreneurs et les investisseurs. Pour renflouer les caisses de l’Etat, il est question de privatisations et de concessions, d’une réforme des retraites, d’une simplification du système fiscal et d’une réduction drastique d’une mesure sociale emblématique du PT, la Bolsa Familia (« bourse famille ») versée aux plus miséreux.
Le reste sera plus délicat. M. Temer est tenu de distribuer des ministères à ceux qui ont contribué à son ascension, parfois au mépris de leurs compétences. Il affronte aussi les premières résistances sur la baisse du nombre de ministères et a pris envers le patronat de Sao Paulo l’engagement de ne pas augmenter les impôts, une promesse qui semble difficilement tenable. « A court terme, Michel Temer peut s’en sortir. Il peut stabiliser les choses. Mais, à long terme, il n’a pas de projet. Pas de plan pour réindustrialiser le Brésil et le défaire de sa dépendance aux matières premières », commente M. Nassif.
ploumploum a écrit:A défaut de pouvoir gagner le pouvoir par les urnes (4 défaites d'affilée), la droite le prend par une voie annexe mais néanmoins constitutionnelle.
Certains ministres semblent même avoir été choisis pour insister sur le virage conservateur : c'est le cas de celui de l'Agriculture, Blairo Maggi, surnommé "le roi du soja" et critiqué par Greenpeace comme l'un des plus grands responsables de la déforestation en Amazonie.
Le titulaire de l'Industrie, Marcos Pereira, est un pasteur évangélique qui avait même été envisagé pour les Sciences, une perspective qui avait suscité les protestations de la communauté scientifique.
Que dire, enfin, du ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, jusqu'à présent chef de la sécurité à Sao Paulo. Sous ses ordres, la police est accusée de fréquentes violations de droits de l'homme, dont l'usage d'"escadrons de la mort" pour affronter les gangs
Cet avenir angoisse. Michel Temer, pur produit de la politique, inconnu de la plupart, ne suscite guère l’enthousiasme. L’homme, trois fois président de la Chambre des députés, défendant un programme conservateur et faisant de la devise du drapeau brésilien empruntée à Auguste Comte (« ordre et progrès ») son slogan, replonge dans le passé. Son équipe est composée de dirigeants politiques respectés, mais souvent usés.
Sept ministres impliqués dans des affaires judiciaires
L’homme, resté dans l’ombre de Mme Rousseff pendant plus d’un mandat, multiplie les faux pas. Se sachant dans le viseur des marchés financiers, M. Temer a réduit drastiquement le nombre de ministères (23, contre 30 sous le second mandat de Mme Rousseff). Mais l’initiative, d’abord saluée, essuie les sarcasmes. « Isso é para o Ingles ver », « une simple apparence », a commenté l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2003, PSDB) remarquant que la réduction des ministères est en réalité le fruit d’un simple changement de statut.
Plus préoccupant, la présence au sein du nouveau gouvernement de sept ministres cités ou faisant l’objet d’une investigation judiciaire. Un choix qui laisse perplexe : l’opération « Lava Jato », qui a mis au jour le scandale de corruption lié au groupe pétrolier Petrobras, a provoqué la colère de la rue, jetant le discrédit sur l’ensemble de la classe politique. Au-delà de la question éthique, « Temer invite la crise politique en nommant des personnes citées dans “Lava Jato”. Un facteur susceptible de provoquer une grande instabilité dans son gouvernement »,
Dans cette conversation datant du mois de mars, M. Juca suggère la nécessité d'un pacte pour écarter Dilma Rousseff du pouvoir et par la même occasion mettre fin à l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras dans lequel il est lui-même visé.
"L'impeachment est nécessaire. Il n'y a pas d'autre issue. Il faut résoudre toute cette merde. Il faut changer le gouvernement pour arrêter l'hémorragie", y déclare M. Juca à l'ancien sénateur Sergio Machado, ex-président de la compagnie pétrolière Transpetro, lui-même soupçonné de corruption dans le dossier Petrobras.
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