Corondar a écrit:Cela faisait un moment que j'étais pas venu sur ce fil de discussion. Et ben, ça swingue !
Je ne sais pas qui manipule qui, qui fait de la propagande sur qui, ce qui est certain c'est que les Ukrainiens de l'Est et ceux de l'Ouest ne regardent pas (ou plus, mais l'ont ils jamais vraiment fait ?) du même côté. Les premiers en appellent à Moscou, les seconds à l’Occident/l'Europe/l'OTAN/l'Amérique (rayez les mentions inutiles). On est face à un pays jeune, aux frontières récentes, qui fut balloté au grès des âges sous la coupe de différentes puissances étrangères. Il serait étonnant que l'ensemble de ses habitants partagent une totale convergence de vue sur la politique étrangère de leur pays (puisque, quelque soient les opinions de chacun, c'est bien cela qui a mis le feu aux poudres : les Ukrainiens n'étaient pas d'accord entre eux quant à la politique étrangère du président Ianoukovytch, tout comme avant lui ils n'étaient pas semble-t-il tous en harmonie avec celle de Iouchtchenko).
Il me parait évident, face à cette situation difficilement contestable, que les Occidentaux et les Russes soutiennent chacun leurs brebis respectives, et, par là , tentent de déstabiliser le camp adverse (oui, l'Ukraine est devenue par la force des choses un champ de bataille entre l'Est et l'Ouest, résurgence un peu surannée, mais hélas cruellement meurtrière, de la Guerre Froide).
De là découlent de multiples amalgames : les leaders politiques de l'ouest de l'Ukraine ne sont pas tous d'immondes néonazis téléguidés par le grand satan américain, les milices de l'est ne sont pas toutes des paravents de l'armée russe (mais ces caricatures sont là aussi entretenues par une histoire ukrainienne très complexe durant la seconde guerre mondiale). Mais oui, chaque camp tente bien de défendre son poulain.
Je ne dirais pas pour autant match nul, balle au centre. A l'heure actuelle, le gouvernement de Kiev me parait camper un peu trop fermement sur une ligne militaire, et affiche ouvertement l'idée selon laquelle le conflit ne sera réglé que par les armes. Et l'Occident ne fait que très mollement semblant d'en appeler à un règlement diplomatique du conflit. Peut-être que les derniers revers militaires à l'est changeront cela. Mais Poutine aussi joue un jeu dangereux : il entretient le mythe de son impérialisme, réactive clairement chez tous les peuples de l'ancienne URSS la peur de l'Ours russe (peur bien réelle et ancestrale, que l'on retrouve aussi bien chez les Baltes, les Polonais qu'en Asie Centrale et dans le Caucase), et ne se rend pas compte que l'arme du referendum qu'il a utilisée en Crimée pourrait lui coûter cher sur des dossiers comme la Tchétchénie.
Enfin, deux points généraux mis en valeur par le dossier spécifique à l'Ukraine :
1) l'intangibilité des frontières me parait un élément anachronique. On parle d'un pays neuf, aux frontières récentes, découpées selon des considérations bien arbitraires. Et quand bien même le pays serait ancestral dans sa forme, un peuple et les entités qui le composent ont le droit de changer d'avis : si le Donbass ou la Crimée veulent quitter l'Ukraine, ils en ont le droit. Mais il est préférable que ces entités puissent se prononcer sans qu'une armée étrangère ne se balade sur la zone, ou tout le moins en affichant une présence frontalière potentiellement envahissante. Ce constat là devrait s'appliquer partout dans le monde, pas qu'en Ukraine.
2) peut-il devenir légitime de renverser un gouvernement démocratiquement élu ? Si oui, sur quoi se base-t-on pour décréter ce gouvernement comme destituable ? Questions fascinantes et philosophiques que voilà . Je ne prétends pas avoir la réponse, je n'affirme pas forcément que c'était le cas du gouvernement Ianoukovytch. Mais c'est là un élément horriblement complexe qui taraude tous les historiens, constitutionnalistes, citoyens du monde depuis un très long moment. Si je réponds bien volontiers oui à la première question, je reconnais humblement mon incapacité à formuler un point de vue claire et définitif quant à la deuxième question...
Voila enfin un discours raisonnable !
D’autant plus raisonnable que sur le fond, il reprend, dans une terminologie plus soft (mais Corondar n’a pas été agressé, lui…) ce que je dis depuis le début (prétentieux, hein, comme phrase, mais c'est de l'humour), à savoir :
- Les dirigeants ukrainiens actuels sont arrivés au pouvoir par la force, en renversant un gouvernement démocratiquement élu grâce à l’intervention de milices paramilitaires.
Peu importe qu’il se soit ensuite cherché une légitimité de façade en organisant une élection présidentielle dans un pays ravagé par une guerre civile, sous la menace des milices, en empêchant de fait les opposants de s’exprimer et avec un taux de participation ridicule.
- Un certain nombre (personne n’a dit tous) de membres du gouvernement sont des activistes ou ex activistes d’extrême droite, il est totalement stupide de le nier. Quatre ministres sont par ailleurs de nationalité étrangère, dont, symbole sans doute d’indépendance du pays, une Américaine aux Finances
- Après tout coup d’état brutal, des mouvements de résistance apparaissent : l’histoire de l’Amérique latine, de l’Afrique, de l’Asie regorge d’exemples. Il n’est pas surprenant que nombre de citoyens refusent de reconnaitre un régime putschiste, qui a balayé les Elus qu’ils avaient choisis, et cherche même à leur interdire de parler leur langue maternelle
- Pour nombre d’habitants du Donbass (et hier en Crimée), l’armée d’occupation étrangère, c’est l’armée ukrainienne
- Les frontières dessinées selon leur bon vouloir, il y a quelques décennies, par Staline ou Khrouchtchev, n‘ont pas plus de caractère sacré ou intangible que celles tracées au double décimètre en Afrique par les puissances coloniales. Et ce ne sont surtout pas ceux qui ont démantelé des pays entiers sur des bases ethniques ou religieuses, en Yougoslavie ou ailleurs, qui ont une quelconque légitimité à évoquer « l’intangibilité des frontières » ou « l’intégrité territoriale » quand ça les arrange
- Prime, avant tout, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en Crimée ou dans le Donbass comme en Ecosse, en Catalogne, au Kurdistan ou au Sud-Soudan. C’est ça qui devrait être considéré comme intangible
Ce n’est pas en traitant d’ »ultra pro russes » ou de suppôts de Poutine ceux qui se bornent à rappeler ces quelques vérités que cela changera la réalité.
Juste pour répondre à Gérard24 :
Sans l'armement et la présence de troupes russes, les "insurgés" ne seraient pas en train de faire reculer une armée régulière (même si celle-ci est loin d'être la première du monde).Et les Libyens qui ont viré le colonisateur italien, les Algériens qui l’ont emporté contre l’armée française, les Vietnamiens qui ont renvoyé chez lui l’agresseur américain, etc, etc… tous des Russes déguisés ?
Le fait que tu mettes des guillemets à gouvernement ukrainien montre que tu ne le considère pas comme légitime et que tu n'accorde aucune valeur à l'élection qui a eu lieu.Je confirme, j’ai expliqué plus haut pourquoi
Novorossia est l'union des 2 "républiques" de Donetsk et Lougansk auxquelles doivent être adjointes le Sud-Est de l'Ukraine.Je sais ce que veut dire Novorossia, mais si je dis que je pourrais même l’écrire en cyrillique, je vais me faire traiter d’agent du KGB, pardon, du FSB
Bon là , OK je retire le tous qui m'a échappé (mais je pense que j'exagère moins que toi lorsque tu considères tous les politiciens de l'Ouest comme des nazis).J’aurais donc écrit que, par exemple, Moscovici, Merkel, Cameron ou Juppé, ou n’importe quel ministre suisse ou député suédois, seraient tous des nazis ?
Soit je fais du somnambulisme scribouillard, soit c’est toi qui as la berlue (sconi, ah, ah, ah…)
Igor Strelkov : ex-Ministre de la défense qui se vantait d'avoir descendu un Antonov Ukrainien juste après le crash du col MH17 et membre du GRU (encore une erreur de ma part en écrivant GPU)Ben oui, j’avais bien vu que tu avais confondu GRU et GPU, ce n’est d’ailleurs pas grave, on avait compris, mais la perche tendue était trop belle, je n’ai pas pu résister…
Pour le reste, attention à la propagande et à Wikipedia (j’ai déjà eu l’occasion ici d’y pointer plusieurs conneries).
On doit écrire « Strelkov , accusé d’être un agent du GRU par le pouvoir de Kiev, sans être capable d’en apporter la moindre preuve ». Ca c’est la différence entre une information et de la propagande.
D’après les sources les plus fiables (puisque lui-même le reconnait), Strelkov a travaillé jusqu’en mars 2013 pour le FSB.
On sait aussi qu’il se prétend colonel et que Strelkov n’est pas son vrai nom (le Colonel Fabien et le Colonel Rémy non plus…)
Et on sait qu’il aime faire le guignol en uniforme de l’armée tsariste dans des reconstitutions historiques (c'est ringard mais bon...)
Maintenant j’avoue que ces discussions stériles me fatiguent quelque peu, donc on va arrêter là (sauf cas de légitime défense évidemment…)