comtedeparis a écrit:Alors, juste une brève analyse des résultats des régionalistes/autonomistes Alsaciens d'Unser Land, qui ont tout de même fait des scores importants, cela d'autant plus que la plupart de leurs candidats étaient novices en politique, et donc sans grande implantation territoriale. On peut donc parler de vote éminemment politique, de protestation contre l'ALCA. De plus, il convient de relativiser les analyses faites par les journaux régionaux parlant d’un pourcentage de 8% pour les candidats proches d’UL. En effet, ceux-ci n’étant présents que dans la moitité des cantons, ces chiffres ne sont pas pertinents. En moyenne, là où des candidats UL étaient présents, leur score était de 14-15%, ce qui est considérable, et en fait réellement la troisième force politique d’Alsace, après la droite et le FN. Il me semble, mais cela reste à confirmer et les classifications stupides du ministère de l’intérieur n’aideront pas, que cela fait d’UL le premier parti régionaliste/autonomiste de France pour ces élections d’ailleurs.
Comme nous l'avions pensé, les scores d'Unser Land ont été meilleurs dans le Haut-Rhin que dans le Bas-Rhin : la plupart des candidats UL y ont dépassé les 15% (c'est le cas à Masevaux, Guebwiller, Wintzenheim, Colmar 1, Altkirch et, bien sur, le meilleur score régional à Saint Louis : 24%), ou s'en sont approchés (Wittenheim, dépassant même les candidats de droite). Leur plus mauvais score est de 10,6% à Kingersheim, mais cela reste tout de même très élevé. Il faut d’ailleurs noter que la répartition des votes UL est assez homogène dans ce département : le fort vote UL touche aussi bien le Sundgau, traditionnellement régionaliste et de droite, que les régions des mines de potasses, comme Guebwiller ou Wittenheim, où le vote de gauche est normalement plus important et le FN fort. En clair, la contestation régionaliste a clairement transcendé les clivages droite/gauche et territoriaux, et il me semble très difficile de dire d’où viennent ses électeurs, même s’il me semble plus largement venir de la droite que de la gauche. Enfin, il convient de rappeler que les candidats UL ont systématiquement dépassé les candidats de gauche là où ils étaient présents, à deux exceptions près : Wittenheim (mais le profil de Pierre Vogt ratissait nettement plus large que la gauche) et Kingersheim.
Pour ce qui est du Bas-Rhin, les résultats sont légèrement moins élevés, mais il faut rappeler qu’UL a sans doute été affaibli par le nombre important de « primaires » entre candidats de droite dans la campagne du département. L’effet de vote notabiliaire a pu jouer et desservir leurs candidats. Cependant, il convient de noter que les candidats régionalistes ont systématiquement dépassé 10% dans l’ensemble des cantons hors Strasbourg, y compris dans la proche banlieue : 10,6% à Illkirch et 10% à Schilick (relative contre-performance d’Andrée Munchenbach cependant). Son meilleur score s’établit à Wissembourg, avec 20% des voix. Plus généralement, il se situe entre 10 et 15% dans les autres cantons du Bas-Rhin rural, avec une pointe dans le vignoble (18,7% à Obernai). Ici, comme dans le Haut-Rhin, il convient de rappeler qu’UL dépasse systématiquement les candidats de gauche hors CUS, et même dans certaines communes de celle-ci d’ailleurs. L’effondrement de la gauche, qui n’était pas bien haute dans les campagnes Alsaciennes, la rend quasi inexistante dans la plupart des cantons non-strasbourgeois (ne dépassant pas 10% dans la plupart des cantons, et je parle du total PS/EELV). Comme attendu, les plus mauvais scores régionalistes sont donc localisés à Strasbourg. Ils sont d’ailleurs très stables : 5% à Cronenbourg/Hautepierre ; 5% à Koenigshoffen/Gare…Alsace d’abord a réalisé 5,5% au Neuhof/Meinau, mais il est vrai que ce parti est bien plus orienté sur les questions identitaires et anti-Islam que régionalistes, donc son électorat n’est peut être pas tout à fait le même. Cela étant, et comme l’ont noté les observateurs locaux, le fait qu’un parti autonomiste puisse réaliser 5% dans les quartiers périphériques est une performance, car ils sont bien moins sensibles à la thématique anti-fusion que ne le sont les campagnes. On ne peut donc pas parler de scores négligeables, et il montre la persistance d’un réel attachement à la région Alsace, y compris jusqu’au sein des quartiers de Strasbourg, ce qui n’était pas vraiment attendu. On note d’ailleurs, si l’on étudie le vote UL par bureaux de vote à Strasbourg, qu’il fait des pointes dans les quartiers populaires de Koenigshoffen/Montagne Verte/Cronenbourg, étant plus faible à la Gare (mais cette partie de Strasbourg est très orientée à gauche) et à Hautepierre.
En bref, le vote UL a réussi une percée réelle et importante, il est vrai servi par un contexte extrêmement favorable. Tout dépendra donc de la suite donnée à ce mouvement. Réussiront-ils à fédérer l’ensemble des opposants à l’ALCA aux régionales, en présentant une liste, dont on voit qu’elle pourrait sévèrement affaiblir l’UMP en Alsace en décembre (d’autant que la popularité de Philippe Richert est nettement moins élevée que celle des conseillers généraux sortants qui se présentaient aux départementales)? Transformeront ils l’essai ? Les échéances futures ne leur sont pas favorables, mais il convient de noter que le courant régionaliste a toujours été présent en Alsace, et pourrait connaitre une nouvelle vigueur. On note d’ailleurs une certaine fébrilité des autorités publiques, suite à ce vote. Il n’est pas anodin que le préfet de région ait ainsi déclaré publiquement, que la pétition actuellement lancée par les régionalistes pour l’organisation d’un référendum en Alsace pour ou contre la fusion ALCA, était « illégale »… Et cela, alors qu’il n’a aucune compétence pour juger de la légalité d’une pétition, cette compétence revenant au seul juge administratif. Cela ressemble à une certaine forme d’intimidation, qui montre bien que l’on semble prendre au sérieux la percée d’UL.
Les résultats d'Unser Land sur Strasbourg confirme la situation linguistique de la ville. Les quartiers populaires de l'ouest (hormis Hautepierre), où l'alsacien reste assez présent votent d'avantage UL que des là où la présence de dialectophones est faible, comme à la Gare. En effet, bien qu'UL n'ai pas présenté de candidats dans les six cantons de la ville, le dialecte alsacien est bien plus répandu en milieu urbain, dans les zones populaires. Des trois plus grandes villes d'Alsace, Strasbourg, Mulhouse et Colmar, Mulhouse est à la fois la plus populaire et la plus dialectophone. A Strasbourg, l'alsacien est bien plus implanté dans les quartiers périphériques qu'au centre ville (Koenigshoffen, Cronenbourg, Meinau...), et dans ses quartiers populaires de l'ouest et du sud que dans les quartiers plus bourgeois et bobos du centre ville et du Centre-Est. Le faubourg de la Robertsau forme une exception. Les revenus y sont certes plus élevés que la moyenne srasbourgeoise, mais la pratique du dialecte y reste assez répandue.