de vudeloin » Ven 30 Déc 2011 04:04
Les élections législatives de 2012 à la Réunion appellent un certain nombre d'observations, ne serait ce que pour compléter ce qui a déjà été dit sur cet intéressant département d'Outre Mer, qui présente un certain nombre de spécificités politiques.
La première, c'est que la Région Réunion, du fait de la division de la gauche locale entre PCR – Alliance et PS, a été la seule région à passer de gauche à droite lors des régionales de 2010, même si la gauche était globalement majoritaire.
D'ailleurs, lors de ce scrutin, la liste UMP de Didier Robert, le maire du Tampon, n'avait été majoritaire que dans les communes de Bras Panon, Cilaos, l'Etang Salé, La Plaine des Palmistes, Le Tampon (quand même), Saint Pierre et Sainte Marie.
Une situation qui ne place pas forcément la droite dans la meilleure configuration pour ces législatives.
Aux élections municipales de 2008, moment clé de la législature écoulée, la gauche réunionnaise s'est renforcée.
Le PCR l'avait emporté à La Possession (plus de 52 % au premier tour, malgré une dissidence à gauche), au Port (plus de 69 % au premier tour), à Saint André (avec plus de 58 % pour la liste d'Eric Fruteau face à l'ancien sénateur Jean Paul Virapoullé), Saint Louis (avec 50,7 % pour la liste de Claude Hoarau, qui avait battu le sortant Cyrille Hamilcaro), Saint Paul (avec la victoire d'Huguette Bello face au sortant Alain Bénard, avec 50,15 %, élection confirmée après annulation avec plus d'éclat encore), Sainte Suzanne (plus de 63 % avec la liste de Maurice Gironcel), soit 6 villes.
Le PS l'avait emporté à Plaine des Palmistes (environ 52,7 %), Petite Ile (avec un peu plus de 54 % au second tour pour Guito Ramoune, allié pour la circonstance avec … l'UMP !), Saint Benoît (près de 58 % au premier tour), Saint Denis (près de 54 % au second tour et quatre mille voix d'avance sur l'UMP pour la liste de Gilbert Annette), Saint Joseph (plus de 75 % pour la liste de Philippe Lebreton, le député PS de cette partie de la Réunion), soit 5 communes.
Le Modem avait gagné aux Avirons (plus de 60 %) avec Michel Dennemont, membre de l'Alliance, à Saint Leu (plus de 58 % au second tour pour la liste de Thierry Robert, soutenu par le PCR et participant à la majorité départementale ), soit 2 villes.
La droite avait gagné à Bras Panon (un peu plus de 59 % des voix), Cilaos (un peu moins de 59 % contre une liste du PCR avec la même influence), l'Etang Salé (plus de 56 %), au Tampon (plus de 61 % au premier tour), à Saint Philippe (avec un peu plus de 42 % dans une triangulaire privant le PS de la mairie), Saint Pierre (avec 53,5 % pour la liste de Michel Fontaine, devant le candidat du PCR Elie Hoarau, avec un peu plus de 43 %), Sainte Marie (près de 61 % pour la liste de Jean Louis Lagourgue, fils de son père), Salazie (plus de 63 % pour la liste de Stéphane Fouassin), soit 8 villes.
Les divers droite avaient gagné à Entre Deux (près de 69 % pour la liste de Bachil Moussa Valy qui a ensuite rejoint l'Alliance autour de Paul Vergès), aux Trois Bassins (plus de 55 % pour la liste de Roland Ramakistin, également associé à la gestion du département dans le cadre de l'Alliance), à Sainte Rose (51 % pour la liste de Bruno Mamindy Pajany face à la liste du sénateur PS Michel Vergoz, le maire élu ayant rejoint la majorité départementale), soit 3 villes.
Passons maintenant en revue les sept sièges.
Première circonscription : ne comportant que 7 des 9 cantons de Saint Denis, elle semble effectivement promise au PS local.
Les sept cantons sont ainsi répartis : 3 PS et 4 élus de droite, à la nuance près qu'il s'agit notamment des sièges de Nassimah Dindar et d'Ibrahim Dindar, associés à la gauche dans la gestion du département, comme de celui de Gino Ponin Ballom, élu de Saint Denis 3.
En fait, toute la question est celle de la configuration de l'élection, sachant que si les Modérés soutiennent Pierre Vergès, fils de Paul, candidat du PCR, il peut avoir quelques chances.
Pour les amateurs de micro géographie dionysienne, le canton 1 correspond (si j'ai bien tout suivi) aux quartiers du Centre Ville, le canton II aux quartiers Sainte Clotilde et Butor, le canton III au quartier Montagne 15e, le canton IV la Montagne 8e et le quartier du Brûlé, le canton V les quartiers Providence, Camélias et Vauban, le canton VI les quartiers Bellepierre et la Source, le canton VIII les quartiers Montgaillard et Saint François.
Deuxième circonscription : les cantons du Port (ville d'élection de Paul Vergès il fut un temps ), de la Possession et de Saint Paul I et III sont au PCR, Saint Paul II au Modem, il ne devrait pas y avoir de difficultés pour le PCR et notamment pour la réélection d'Huguette Bello, même si celle ci ne fait pas l'unanimité.
A noter que le canton II compte environ 20 000 habitants, contre plus de 25 000 pour le canton III, plus de 38 000 habitants pour les deux cantons du Port, plus de 30 000 pour celui de La Possession.
Troisième circonscription : la situation est un peu plus favorable à l'UMP qui dirige tout de même la mairie du Tampon (plus de 72 000 habitants aujourd'hui), bien au delà des populations de la station thermale de Cilaos et son magnifique cirque (environ 6 000 habitants) qui constitue en fait le canton de Saint Louis III, d'Entre Deux (un peu plus de 6 000 habitants également) et le canton de Saint Louis II (environ 25 000 habitants).
Problème pour Didier Robert, président du conseil régional : le canton d'Entre Deux, comme la mairie, est aux mains de Bachil Moussa Valy, élu de droite qui s'est rapproché de la gauche et deux des quatre cantons du Tampon, le II (14 000 habitants, tenu par André Thien Ah Koon), et le IV (21 000 habitants, tenu par Jean Jacques Vlody, le candidat PS de 2008) échappent à l'UMP.
Quatrième circonscription : les cantons de Saint Joseph (près de 36 000 habitants) et de Petite Ile (11 500 habitants) sont au PS, tandis que les quatre cantons de Saint Pierre sont tous à droite.
La « capitale du Sud » compte désormais plus de 77 000 habitants.
Le match entre Michel Fontaine, maire de Saint Pierre, pour l'UMP et Philippe Lebreton, député maire PS de Saint Joseph vaudra le détour.
Aux municipales 2008, Michel Fontaine avait nettement battu Elie Hoarau avec 3 543 voix d'avance, mais à Saint Joseph, Philippe Lebreton avait gagné avec 11 521 voix d'avance (!) sur l'UMP...
A noter aussi qu'il ne faut pas exclure d'office le PCR du jeu, puisque les régionales avaient donné les rapports de forces suivants sur le siège : UMP 23 930 voix au second tour, PCR – Alliance 15 588 voix et PS 14 239 voix.
Cinquième circonscription : le PS tient les deux cantons et la mairie de Saint Benoît (près de 35 000 habitants), le PCR la mairie de Saint André et notamment les cantons II et III (18 500 et un peu plus de 15 000 habitants), un élu Modérés tient donc la mairie et le siège de conseiller général de Sainte Rose (6 800 habitants).
La droite tient les cantons et communes de Saint Philippe (5 100 habitants) et de Salazie (environ 7 500 habitants) comme de Bras Panon (un peu moins de 12 000 habitants).
Saint Philippe fut longtemps la commune d'élection du député PS des années 80 Wilfrid Bertile, et vote tantôt à gauche, tantôt à droite.
Ainsi, si la mairie fut perdue par la gauche en 2008, une partielle avait rendu le siège de conseiller général au socialiste Didier Dalleau, avant que le candidat de l'UMP ne l'emporte en 2011.
Salazie est connue pour son fameux cirque (l'un des trois grands cirques volcaniques de l'île avec Cilaos et Mafate) et s'est durablement positionnée à droite de l'échiquier.
Enfin, la commune de La Plaine des Palmistes (un peu plus de 5 000 habitants) est gérée par une équipe de gauche avec un conseiller général, Patrick Erudel, membre du groupe des Modérés.
De fait, je pense que le siège peut s'ancrer à gauche, compte tenu de l'ensemble des paramètres ici rappelés.
Si l'on prend les résultats des élections régionales, l'UMP arrive en tête sur le siège avec 18 614 voix (dont il faut défalquer autour de 3 000 suffrages estimés, correspondant aux voix obtenues sur le canton de Saint André I), devant le PCR – Alliance avec 13 693 voix (dont, pour les mêmes raisons, j'aurais tendance à retirer autour de 2 400 voix) et le PS, avec 12 170 suffrages (déduction faite d'un nombre estimé à 1 000 voix sur Saint André I).
On doit donc avoir une gauche majoritaire en voix, et un PCR de peu devant le PS.
En tout cas, un siège intéressant à suivre...
Sixième circonscription : Saint André I et Sainte Suzanne sont aujourd'hui des cantons PCR, même si dans le second cas, on se retrouve avec un élu en rupture de ban avec le Parti puisque celui ci soutient Maurice Gironcel dans le cadre de la municipale partielle du 29 janvier.
De même, l'intéressé est aujourd'hui investi comme candidat du PCR sur la circonscription.
Les deux cantons de Saint Denis, 7 et 9, ont un conseiller général PS et seule, Sainte Marie reste fidèle à la droite.
Les deux cantons dionysiens recoupent des quartiers très populaires de Saint Denis, à savoir le Chaudron, Primat, Moufia, Domenjod, la Bretagne ou Bois de Nèfles.
Rapports des forces ?
Canton de Saint André I : environ 19 000 habitants.
Canton de Sainte Suzanne : 22 500 habitants.
Cantons de Saint Denis 7 et 9 : 14 000 et 15 000 habitants.
Canton de Sainte Marie : un peu plus de 30 000 habitants.
Aux régionales, outre le fait que Saint André I a du voter plutôt pour le PCR – Alliance à gauche, la situation est la suivante.
Sur Sainte Suzanne et Sainte Marie, l'UMP était en tête avec 9 805 voix, devant la liste du PCR – Alliance 8 101 voix et la liste PS 3 217 voix.
On peut donc estimer, avec Saint André, que la liste du PCR était, en gros, plus de 6 000 voix au dessus de la liste du PS, et 2 000 à 2 500 voix derrière celle de l'UMP.
Les deux cantons de Saint Denis, votant plutôt à gauche de toute manière, ne font que renforcer la probabilité d'une victoire de la gauche sur le siège, et un rapport de forces interne plutôt favorable au PCR.
Septième circonscription : le PCR ne dispose là que du siège de Saint Paul V (plus de 27 000 habitants, le plus peuplé de la ville), tandis que les divers droite ont gardé Saint Paul IV avec Joseph Sinimalé, ancien maire de la ville (le canton compte un peu plus de 18 000 habitants).
Ce qui est intéressant est que le canton PCR recoupe en fait le secteur de Saint Gilles les Bains et que le canton IV recoupe plutôt le secteur de la Saline les Hauts, là où vivent notamment une partie de ceux que l'on appelle les « Petits Blancs des Hauts ».
Pour les amateurs de géographie saint pauloise (il s'agit tout de même de la seconde ville de l'ïle et de l'une des communes les plus étendues de France avec plus de 220 kilomètres carrés de l'Océan Indien au piton de Maido et au cirque de Mafate), le canton I correspond au secteur dit de Cambaie, le canton II couvre plutôt les quartiers du Bois de Nèfles, le canton III s'appuie sur le secteur dit du Guillaume et monte progressivement vers le secteur classé Parc Naturel du cirque de Mafate, et nous avons ce qu'il en était pour les cantons IV et V.
La droite officielle, si l'on peut dire, tient le canton de l'Etang Salé (13 500 habitants environ) et celui de Saint Louis I (26 500 habitants), mais dans une ville dont nous avons vu qu'elle est repassée à gauche en 2008.
La victoire du candidat de droite Cyrille Hamilcaro, face au maire PCR de la ville, Claude Hoarau, fut assez nette (environ 1 200 voix d'avance) mais dut beaucoup à la médiocre qualité du report des suffrages à gauche.
Pour bien corser l'affaire, la ville de Saint Louis, dans son ensemble, a voté à près de 52 % pour la liste de l'Alliance en 2011 (en même temps que la cantonale, donc) n'accordant que 41,7 % à la liste UMP, et un retard de plus de 2 400 voix sur la ville.
Pour compliquer la tambouille politique locale, Saint Leu, Les Avirons et Trois Bassins ont des élus issus du centre et de la droite qui font partie des Modérés au conseil général et ont fait liste commune avec le PCR lors des sénatoriales.
Si l'on s'arrête sur le résultat des élections régionales, on constate que sur Saint Leu, Les Avirons, Trois Bassins et l'Etang Salé, les rapports de forces étaient les suivants :
La liste de l'UMP était en tête avec 11 531 suffrages, devant la liste du PCR – Alliance avec 11 519 voix (soit un écart de 12 voix...), la liste PS, dans son secteur le plus faible du département, fermant la marche avec 3 609 voix.
Comme les candidats du PCR ont devancé les candidats PS dans les deux cantons de Saint Paul comme dans celui de Saint Louis, il semble évident que c'est plutôt le PCR (ou l'un de ses alliés type « Modem pays » ) qui est le plus à même de porter les couleurs de la gauche.
Et avec une certaine chance de victoire, tout de même, si l'on en croit les chiffres, malgré le net succès de Joseph Sinimalé à la Saline (près de 2 500 voix d'avance), celui de Cyrille Hamilcaro (1 200 votes), deux succès non compensés par la victoire de l'adjoint de Huguette Bello Jean Claude Melin sur Saint Gilles les Bains (un peu moins de 800 voix).
Saint Paul a clairement placé la liste du PCR – Alliance en tête de la gauche (9 000 voix de plus que le PS, malgré environ 2 800 voix de retard sur l'UMP) et Saint Louis, comme nous l'avons vu, n'a pas voté de la même manière aux deux scrutins.
L'identité des candidats importera évidemment beaucoup, à la fin des fins, sur le résultat et les tendances de l'élection.
Mais une situation conduisant la droite à ne plus avoir qu'un seul élu n'est pas tout à fait à exclure, avec un à trois députés PS, et trois à cinq élus pour le PCR et ses alliés.
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