de vudeloin » Lun 26 Sep 2011 15:25
A la vérité, la situation de l’Essonne est quelque peu atypique dans le cadre de ce renouvellement 2011.
Le sénateur communiste Bernard Véra peut avoir l’impression d’avoir servi de « chèvre « dans ce qui n’était qu’une vaste manœuvre du Parti socialiste local, dont le secrétaire fédéral, Carlos Da Silva, est très proche de Manuel Valls, dont on connaît la grande estime qu’il porte aux communistes en général, et qui consistait, en « organisant « la désaffection à l’encontre de la tête de liste ( Jean Vincent Placé, placé là pour la circonstance ), à permettre l’élection de trois sénateurs socialistes ( une en numéro 2 sur la liste Placé et deux avec Berson ).
Le coup a raté, figurez vous, puisque la division de la gauche ( toute division est rédhibitoire dans un département à cinq élus ) ne lui a permis d’obtenir que trois élus, alors que le quatrième siège était possible.
Parce que voilà , les choses ont un peu changé depuis 2004, année où la droite essonnienne s’était éclatée entre listes Dassault, Béteille, Schoettl, Pelletant, Delahaye et Dugoin, plus un bout parti avec Loridant.
Et où la gauche avait obtenu 3 élus sur 5.
Rappel des votes 2004
Liste Mélenchon ( Union de la gauche ) 796
Liste Loridant ( MRC + droite ) 183
Liste Verts 83
Liste PRG 15
Total « gauche « élargie 1 077
Liste Schoettl 88
Liste Pelletant 111
Liste Delahaye 221
Liste Dugoin 156
Liste Dassault 359
Liste Béteille 263
Total droite et centre 1 298
Extrême droite 16
Nous avions donc une droite assez nettement majoritaire.
Depuis de l’eau a coulé sous les ponts de la Seine, de l’Orge et de l’Yvette, et la gauche s’est globalement mieux sortie de certaines opérations électorales que la droite, notamment en 2008, malgré la perte inopinée de villes comme Saint Michel sur Orge ou Dourdan, dans des configurations assez particulières.
Evidemment, Manuel Valls et Carlos Da Silva avaient jugé utile de faire démissionner les élus socialistes de Fleury Mérogis pour, au travers d’une élection municipale partielle marquée par la négligence de la droite, reprendre au PCF une mairie réélue brillamment en 2008.
Evidemment, la longue affaire de Corbeil Essonnes et de ses municipales à répétition s’était achevée avec un échec des listes de gauche menées par les communistes, comme pour mieux prouver qu’ils n’avaient pas vocation à exercer cette fonction, mais la campagne électorale s’annonçait intéressante dans un contexte où la droite paraissait décidée à s’entretuer un peu plus.
Le succès de Corbeil avait, faut il le dire, ouvert la possibilité pour Serge Dassault ( dont on ne dira jamais assez que sa présence au Sénat pose un problème quand le Parlement vote les crédits d’armement ) de se représenter au Sénat.
Et sa « force de frappe «, notamment financière, suffisamment importante pour que l’Elysée, dont le locataire s’évertue d’ailleurs à faire « VRP du Rafale « depuis 2007, lui accorde l’onction suprême et fasse du vieil avionneur le chef de file de la liste « officielle « de l’UMP, soutenue directement, au regard de la composition de la liste en question, par Nathalie Kosciusko Morizet et Georges Tron, toute honte bue…
Le PS avait créé la situation idéale pour encourager l’émergence de la dissidence.
En vertu d’un accord national imposé aux socialistes essonniens, on avait placé un candidat Vert ( et pas n’importe lequel ) en chef de file de la liste de gauche, allant un temps jusqu’à proposer au PCF d’occuper la seconde place sur le ticket.
Là , vous pouvez être sûrs qu’une telle configuration aurait généré une liste dissidente dès l’annonce.
Sur le papier ( et sur le fichier des électeurs de l’Essonne, que j’ai eu le loisir de consulter ), les Verts apportaient 60 à 65 voix, le PCF et le PG environ 220, le PS 600 et l’on estimait qu’il y avait aussi autour de 250 DVG ou élus de droite et du centre susceptibles de voter à gauche au Sénat.
C'est-à -dire que la force politique dont l’apport électoral était le moindre était celle qui bénéficiait de la situation la plus enviable.
Ceci dit, un tel choix était évidemment une forme de déclaration de guerre pour tous ceux qui, au PS essonnien, pensaient que leur tour était venu, à commencer par un Michel Berson, député maire de Crosne rapatrié à Evry pour les besoins temporaires d’une Présidence de conseil général qui lui aurait échappé sans ce petit déplacement géographique.
( Evry, la ville de Manuel Valls, ne l’oublions pas ).
Bien entendu, aux sénatoriales, la grande affaire, c’est de produire une dichotomie entre ce que l’on fait et dit au plan local et ce qui peut se produire au plan national.
Parce que, mine de rien, entre les affaires de courants du Parti Socialiste (qui peuvent expliquer certains positionnements sénatoriaux ) et les ambitions personnelles des uns et des autres, il y avait matière à s’insurger contre le fait que Jean Vincent Placé, élu aux Ulis sur la liste de Paul Loridant ( il fut, de fait, élu conseiller d’opposition de Maud Olivier, qui figurait en quatrième position sur la liste d’Union de la gauche aux sénatoriales ! ) soit certain d’arriver gagnant dans le tiercé sénatorial…
Et donc générer la liste dissidente dont Michel Berson allait devenir le leader.
L’objectif a d’ailleurs été clairement évoqué pas plus tard qu’hier par l’intéressé sur Public Sénat.
Il s’agissait de faire en sorte que la liste Berson obtienne deux élus et que la liste de la gauche en obtienne également deux, ce qui aurait donné trois élus au groupe socialiste, en éliminant du décor la sénatrice PG Marie Agnès Labarre ( au demeurant non représentée ) et le sénateur PCF Bernard Vera.
Ou quand l’Union de la Gauche est conçue à sens unique pour assurer à une seule formation les honneurs et les titres…
Sauf que, dans ce petit calcul, on avait juste oublié que, nonobstant ses divisions, la droite essonnienne allait malgré obtenir suffisamment de voix pour participer au partage des sièges.
Rappel des résultats 2011.
Inscrits 2 410
Votants 2 378
Exprimés 2 349
Liste Placé 733 ( - 63 sur 2004 ! )
Liste Berson 460
TOTAL GAUCHE 1 193 ( + 116 sur 2004, sous les mêmes réserves qu’en 2004 quant au transfert de certaines voix de droite )
Liste Delahaye 352 ( + 131 sur 2004 )
Liste Dassault 294 ( - 65 sur 2004 )
Liste Béteille 285 ( + 22 sur 2004 )
Liste Dugoin 199 ( + 43 sur 2004 )
TOTAL DROITE 1 130 ( - 168 voix sur 2004 )
Trois listes d’extrême droite 26 ( + 10 sur 2004 ).
C'est-à -dire que, pour la première fois depuis 1977, probablement, la gauche est arrivée en tête des voix dans l’Essonne et a même obtenu la majorité absolue.
Un cas de figure, soit dit en passant, que nous avions envisagé, notamment en fonction du « contexte « propre aux sénatoriales 2011.
Si on postule que la liste Berson a raflé la totalité des voix en plus de la gauche, on doit donc estimer qu’elle a bénéficié de l’apport de 179 électeurs en surnuméraire ( le gain de la gauche et la perte de la liste d’Union réunis ).
On observera aussi que la disparition des listes Schoettl et Pelletant a bénéficié à toutes les listes de droite sauf la liste officielle de l’UMP dont le résultat est pitoyable ( moins de 300 voix à comparer aux 100 maires invités à déjeuner dimanche 25 par Serge Dassault ) et l’élection due à l’opération, infructueuse, menée par le PS.
Parce que voilà , les situations locales, c’est bien mais dites moi, au fait, 1193/4 cela fait environ 298, c'est-à -dire un peu plus que la liste Dassault.
L’avionneur peut remercier désormais Manuel Valls et Michel Berson de lui avoir permis d’être élu.
Morale de l’histoire : c’est un siège de gauche qui a été perdu dans cette affaire, une sorte de « tâche noire « sur l’Union de la gauche au Sénat et son efficacité pourtant avérée dans bien des cas, selon la formule d’un connaisseur avisé de la chose sénatoriale.
Vous imaginez si nous avions été à 174 élus de gauche au soir de ce renouvellement ?